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lambeaux sans ménagement, ne fasse voir à l'oeil surpris de l'adolescent des tableaux qui, tout en révoltant le coeur, ne laissent pas de chatouiller les sens: cela pourrait arriver si, comme l'ont fait tous les traducteurs de Juvénal avant Dussault, on se contentait de prendre les tableaux pour en faire une copie à la française, c'est-à-dire d'après l'école suivie dans les premières années du règne de Louis XV. Mais à qui la faute alors? Ne faudraitil pas l'attribuer cette faute à ces bizarres copistes qui prendraient le pinceau de Calot pour nous retracer les chefs-d'oeuvre de Raphaël ou de MichelAnge. Mais si vous les présentez ces tableaux avec l'énergie et la véhémence d'un Thomas, avec les sombres, les austères, les majestueuses couleurs d'un Chénier, vous n'avez rien à craindre. Les passages qui semblent le plus blesser la pudeur, traduits par ces deux littérateurs, détruisent, anéantissent et renversent de fond en comble toutes ces observations pusillanimes et, seulement en apparence, si judicieuses d'un écrivain qui ne portait guère ses regards au-delà du cercle assez étroit dans lequel, par modestie, il s'était circonscrit. M'objectera-t-on que les poëtes n'ont point employé ces expressions techniques et licencieuses que l'on trouve dans l'original? Mais, demanderai-je

à celui qui me ferait une pareille objection, connaissez-vous bien le génie des deux langues? D'ailleurs l'opinion de Boileau et l'autorité de Cicéron suffisent pour en démontrer toute la futilité.

La réputation bien méritée dont jouit Rollin, m'a mis dans la dure nécessité de réduire toutes ses pensées à leur dernière expression; j'en ai fait des propositions séparées d'après les règles usitées en grammaire générale, et le résultat de cet examen approfondi, d'après toutes les lois de la dialectique, montrera sans doute à tous les hommes qui n'aiment pas les lieux communs à la place des preuves, que l'opinion de ce rhéteur ne repose sur aucune base solide, qu'il n'a répété que ce que l'on disait alors. Cependant s'il eût lu Cesaroti son contemporain, je crois qu'il eût été moins tranchant, et qu'il nous eût épargné la peine de démontrer toute l'incohérence d'un jugement prononcé du haut d'un tribunal devant lequel n'avaient pas été appelées les parties qu'intéressait vivement la cause. Ainsi, comme l'on voit, la sentence n'a pas eu et ne doit pas avoir toute la force d'une cause jugée.

LEBATTEUX.

« Perse a peut-être plus de vigueur qu'Horace; << mais en comparaison de Juvénal il est presque «< froid; celui-ci est brûlant; l'hyperbole est sa

figure favorite; il avait une force de génie extra<<< ordinaire et une bile qui presque seule aurait suffi << pour le rendre poëte.» Ensuite Le Batteux prend dans la vie apocryphe de Juvénal quelques détails insignifians. Ce rhéteur ne désapprouve point l'opinion de Scaliger, il la cite même sans se permettre la moindre observation. Ses vers, ajoutet-il, valent mieux que les vers d'Horace; apparemment parce qu'ils sont plus forts, ardet, instat jugulat.

L'hyperbole est sa figure: semper jurare in verba magistri; quelle pusillanimité! Mon maître peut bien m'éclairer, me guider dans la carrière; mais quand je vois qu'il s'égare, le suivrai-je aveuglément? Rendons cependant justice à Le Batteux, il n'assure point que Juvénal ait poussé jusqu'à l'excès cette hardie et trop hardie figure. Cependant il paraît insinuer qu'il partage l'opinion de Boileau; nous nous garderons bien ici,

pour combattre un athlète si pusillanime, de présenter une seconde fois cette série de preuves disséminées dans le corps de l'ouvrage ou rassemblées en faisceau dans un de nos précédens articles. Nous nous permettrons seulement de demander à cet exact disciple, à cet élève si soumis, si respectueux, si docile aux ordres émanés de la bouche du directeur général du génie poétique français, d'où provenait cette bile qui seule aurait suffi pour rendre Juvénal poëte? Ne prenait-elle pas sa source dans ce vif intérêt que le poëte latin montra toujours pour la prospérité, la paix et le salut de l'espèce humaine? Cette pauvre espèce humaine qui de son temps se divisait simplement en deux parties, celle des bourreaux, celle des victimes. Mais est-ce la bile seule qui l'a rendu poëte? Est-ce la vengeance qui mit dans ses mains ces armes terribles dont il sut faire un si noble usage? Est-ce le dépit qui plaça dans ses doigts ce sombre pinceau dont les traits devaient épouvanter quiconque oserait méditer les sinistres forfaits dont il fut le témoin? Non, Juvénal avait l'âme romaine. Mais que dis-je? parler d'ame romaine aux rhéteurs du siècle dernier, c'est vouloir prêcher le christianisme dans la mosquée de Sainte-Sophie en présence des Ulémas. Ce n'était

donc point une morosité atrabilaire qui inspirait à Juvénal ces vers foudroyans capables de porter le désespoir dans l'âme de l'homme le plus inique et le plus effrontément immoral? Non, mais c'était l'expansion de cette âme toute romaine qui, pleine de souvenirs que réveillaient à tout moment les débris épars de l'édifice le plus majestueux qu'ait pu construire la main des hommes, aurait désiré franchir l'espace des siècles qui le séparait des temps héroïques de Rome. Cette sublime pensée se manifeste à tout instant dans les ouvrages de Juvénal. Avec quel plaisir il présente à ses contemporains ces vertueux Romains, ces grands capitaines, ces sénateurs inébranlables au milieu des plus grands dangers; ces vertueuses compagnes des plus intrépides mortels, fières d'élever des enfans pour servir la République, et qui, dans la seconde punique, loin de songer à de frivoles amusemens portèrent au trésor public le peu d'or qu'elles possédaient; ces triomphateurs descendant du Capitole et déposant dans le temple de Jupiter la tunique dorée pour aller reprendre dans le petit champ qu'ils cultivaient ces instrumens aratoires, cette charrue qui nourrissait leur nombreuse famille. Placé à cette immense élévation, le poëte portait-il ses regards sur tout

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