Obrázky na stránke
PDF
ePub
[ocr errors]

<«<les lettres, pour le loisir, pour l'indépendance << l'auraient écarté des emplois publics. Mais rien « ne nous prouve que, dans le cas où il en eût « été chargé, il s'en fût mal acquitté. >>

Ce qui précède détruit l'assertion de La Harpe: il faut du courage, il en fallait surtout à Rome, soit pour commander les armées, soit pour monter à la tribune, enfin pour s'asseoir sur la chaise curule. La lâcheté chez les anciens Romains ne conduisait qu'à l'ignominie. Et quelle idée peut-on avoir d'un homme qui se vante de sa lâcheté, pour s'en faire un mérite auprès de son protecteur? Après avoir pris tous ces raisonnemens dans Velleius Paterculus, et la source en est pure, comme l'on peut s'en convaincre en lisant ce panégyriste de Tibère et de Séjan, M. de La Harpe, passant légèrement sur cette phrase: sans égard aux malheurs qui menaçaient la postérité, assure, comme son digne guide, qu'il était impossible à la république de se soutenir. Cicéron pensait le contraire. Quel était le meilleur juge de Velleïus Paterculus ou de Cicéron? Et qu'importent les guerres civiles de Marius et de Sylla! la république reparut après ses convulsions; et qu'importent les dissensions entre César et Pompée! après la mort violente de ces deux ambitieux la république commençait à

respirer. Les Philippiques de Cicéron nous le prouvent, et sans l'astucieux, sans le perfide Octave Rome était sauvée; car, malgré ses talens militaires, Antoine n'était pas à craindre; il eût préféré sans doute la couronne d'Alexandrie, et tout le monde connait l'impéritie de Lépide. Presque tous les amis de la liberté avaient péri, mais l'amour de la liberté n'était pas éteint; Sénèque nous l'assure en parlant de la conjuration de Cinna, après laquelle Auguste résolut d'opérer une révolution dans les goûts, les moeurs et les habitudes des Romains, comme il en avait opéré une dans le gouvernement; et c'est cette révolution que blâme M. Dussault. Quoi qu'en dise M. de La Harpe, les hommes d'État quand ils donnent des institutions à un peuple, ne doivent point penser seulement aux générations présentes. De quel oil regarderions-nous aujourd'hui des législateurs qui ne porteraient point leurs regards sur la postérité? Le pouvoir absolu ne calcule pas ainsi, dit M. de La Harpe; donc M. Dussault a raison de maudire ce pouvoir et de déclarer la guerre à tous ceux qui se sont prosternés devant lui. Auguste fut-il regretté du peuple romain? Est-ce Tite-Live qui l'assure? Il ne parle d'Auguste qu'en deux endroits seulement, et il en parle avec

I

une retenue, une sobriété de louanges qui fait honte à ces écrivains flatteurs et intéressés qui prodiguent sans discernement et sans mesure aux places et aux dignités un encens qui n'est dû qu'au mérite et à la vertu tel est le langage de Rollin. (Des historiens latins, art. 11 du second chapitre, page 255, 12o. vol., éd. de 1789.) Est-ce Tacite? Non. Suétone? Quel tableau présente-t-il? Florus ne dit pas un mot de ces regrets. Reste donc Velleïus Paterculus; et je défie M. de La Harpe de me citer un autre historien qui nous parle des regrets du peuple romain à la mort d'Auguste. Aurait-il puisé quelques renseignemens dans l'histoire de Dion Cassius, cet infàme détracteur de Cicéron, de Brutus, de Cassius et de Sénèque? Voilà les appuis de M. de La Harpe dans sa dissertation; pourquoi ne les cite-t-il pas? Il a craint que l'on ne lui reprochât sa partialité. Nous présenterait-il les témoignages d'O– vide, de Virgile et d'Horace, parties intéressées et poëtes? Belles autorités! Comme tout cet échafaudage, élevé par M. de La Harpe, s'écroule et disparaît! Un seul historien fait l'éloge d'Auguste, et cet historien est Velleïus Paterculus! Il est jugé non par les philosophes, mais par les amis même de M. de La Harpe. Mais si tous ceux qui

sont parvenus jusqu'à nous se taisent, que devaient dire ces historiens condamnés sous Tibère pour avoir fait l'éloge des Brutus et des Cassius? Avec quel empressement on ferma la bouche à ces écrivains véridiques qui déroulaient sans doute aux yeux de la postérité toutes les turpitudes du règne précédent! Il est donc évident qu'Auguste ne fut point regretté; et si on lui dressa des temples pendant sa vie et après sa mort, comme le dit Florus, c'est que Livie, soupçonnée de l'avoir étouffé, vivait encore; c'est que l'on connaissait l'esprit, le caractère, la dissimulation de son successeur. On peut opposer à des preuves matérielles quelques phrases élégantes, un style fleuri, des périodes bien nombreuses, des oppositions, des contrastes qui charment l'esprit; mais la raison qui ne se paye point de tous ces ornemens frivoles, les arrache, les déchire, les met en pièces, et quand elle trouve un squelette sous ses spécieuses apparences, elle s'empresse de le présenter au public afin de prévenir une seconde fois contre toutes ces tentatives de déception faites par la mauvaise foi.

M. de La Harpe se révolte quand il entend dire à M. Dussault que toute la morale d'Horace n'était qu'un calcul de volupté, et ses écrits un

traité sur l'art de jouir. « Il était épicurien, mais << dans le vrai sens du mot. » Mais pourquoi se révolte-t-il, puisqu'il avoue lui-même qu'Horace était épicurien? habemus confitentem reum. Nous savons, et M. Dussault le savait aussi bien que son antagoniste, que le véritable épicurien ne se livre point à la débauche la plus grossière; qu'on ne le voit point au milieu des orgies célébrer, le thyrse à la main, les fêtes de Bacchus, suivi de Ménades échevelées; les folles profusions, les plaisirs bruyans, les scènes scandaleuses, n'entrent pour rien dans les calculs de la volupté. Mais comment ignorer que l'épicurien ne voit que lui, ne pense qu'à lui, rapporte tout à lui; que c'est du sein de cette fatale doctrine qu'est né le froid égoïsme. Il ne restait plus à M. de La Harpe que de faire l'éloge de ce monstre; il aurait aussi pu nous le présenter sous les couleurs les plus riantes; mais aurait-il su le faire aimer de ses concitoyens? Que ne faisait-il cette tentative? les matériaux ne lui manquaient pas, il les avait tous sous la main.

Ici finit l'éloge d'Horace, et cette fin ne mérite pas une réfutation; quand on connaît Auguste, quand on connait Mécène, que pourraiton ajouter? Cependant M. de La Harpe ne peut

« PredošláPokračovať »