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Agréable Indiscret, qui , conduit par le chant ,

,
Passe de bouche en bouche & s'acroît en marcharia
La liberté Françoise en ses Vers se déploye.
Cet enfant de plaisir veut maître dans la joye.
Toutefois n'allez pas goguenard dangereux,
Faire Dieu le sujet d'un badinage affreux,
A la fin tous ces jeux, que l'Athéisme élève,
Conduisent cristement Plaisant à la Grève.
Il faut , même en chansons, du bon sens & de l'art.
Mais

pourtant on a vû le vin & le hazard
Inspirer quelquefois une Muse grossière,
Et fournir , sans génie , un couplet à Linière.
Mais

pour un vain bonheur qui vous a fair rimer
Gardez qu'un for orgueil ne vous vierine enfumer.
Souvent l'Auteur alcier de quelque chansonnette ,
Au même instant prend droit de se croire Poëte.
Il ne dormira plus qu'il n'ait fait un Sonnet.
Il met tous les matins six Impromptus au nec.
Encore est ce un miracle , en ses vagues furies ,
Si bien-tôt imprimant ses so tres rêveries .
Il ne se fait graver au-devant du Recueil ,
Couronné de lauriers par la main de Nanteuil. *

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* Fa

meux Graveur

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CHANT III.

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Il n'est point de Serpent, ni de Monstre odieux,

Qui par l'Art imité ne puisse plaire aux yeux , D'un pinceau délicat , l'artifice agréable , Du plus affreux objer fait un objet aimable. Ainsi, pour nous charmer , la Tragédie en pleurs, D'Oedipe tout sanglant fit parler les douleurs; D'Oreste parricide exprima les allarmes ; Et pour nous divertir, nous arracha des larmes. Vous donc , qui d'un beau feu pour le Théâtre éprie Venez en Vers pompeux y disputer le prix , Voulez-vous sur la Scène écaler des Ouvrages Où tout Paris en foule aporte ses suffrages, Et qui toujours plus beaux, plus ils font regardés : Soient au bout de vingt ans encor redemandés ? Que dans tous vos discours la Passion émuë , Aille chercher le cæur , l'échauffe , & le remuë. Si d'un beau mouvement l'agréable fureur , Souvent ne nous remplit d'une douce Terreur ; Ou n’excite en notre ame une Pitié charmante, En vain vous'étalez une Scene sçavante. Vos froids raisonnemens ne feront qu'attiédir Un Spectateur, toujours paresseux d'aplaudir, Et qui des vains efforts de votre Rhétorique Justement fatigué, s'endort , ou vous critique. Le secret est d'abord de plaire & de toucher. Inventez des ressores qui puissent m'attacher.

Que dès les premiers Vers l'Action préparée,

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Sans peine, du Sujet applanisse l'entrée.
Je me ris d'un Acteur , qui lent à s'exprimer,
De ce qu'il veut, d'abord ne sçait pas m'informer;
Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue,
D'un divercissement me fait une fatigue.
J'aimerois mieux encor qu'il déclinât son nom,
Et dît , je suis Orefte , ou bien Agamemnon:
Que d'aller , par un tas de confuses merveilles ,
Sans rien dire à l'esprit , écourdir les oreilles.
Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué.
Que le Lieu de la scène y soit fixe & marqué.
Un Rimeur sans péril , delà les Pyrenées,
Sur la scème en un jour renferme des années,
Là souvent le Héros d'un spectacle grossier ,
Enfant au premier acte , eft Barbon au dernier.
Mais nous, que la Raison à ses règles engage,
Nous voulons qu'avec art l'action se ménage :
Qu'en un Lieu , qu'en un jour, un seul Fait ac-

compli
Tienne jusqu'à la fin le Théâtre rempli.

Jamais au Spectateur n'offrez rien d'incroyable.
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi fans apas.
L'esprit n'est point émû de ce qu'il ne croit pas.
Ce qu'on ne doit point voir,qu'un recit nous l'expose,
Les

yeux en le voyant faisiroient mieux la chose :
Mais il est des objets, que l'Art judicieux
Doit offrir à l'oreille , & reculer des yeux.
Que le trouble toujours croissant de scène en scène,
A fon comble arrivé, se débrouille sans peine.
L'esprit ne fe fent point plus vivement frapé ,
Que lorsqu'en un sujet d'intrigues envelope,
D'un secret touc-à-coup la vérité connue,

Change

1

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Change tout, donne à tout une face imprèvûe.

(1) La Tragédie, informe & grossière en naissant N'écoit qu'un simple Chæur , où chacun en dansant, Er du Dieu des raisins entonnant les louanges, S'efforçoit d'attirer de fertiles vendanges. Là le vin & la joye éveillans les esprits , Du plus habile Chantre un bouc étoit le prix. Thespis fut le premier , qui barbouillé de lie, Promena par les Bourgs cette heureuse folie ; Er d'Acteurs mal ornés chargeant un tombereau , Amusa les Passans d'un spectacle nouveau. Eschyle dans le coeur jetta les personnages; D'un masque plus honnête habilla les visages; Sur les ais d'un théâtre en public exhauffé, Fit paroître l'Acteur d'un brodequin chaussé. Sophocle enfin donnant l'effort à fon génie, Accrut encor la pompe , augmenta l'harmonie , Intéressa le Chæur dans toute l'Action, Des Vers trop raboteux polit l'expression: Lui donna chez les Grecs cette hauteur divine, Où jamais n'atteignit la foiblesse Lacine.

Chez nos dévots Ayeux le Théâtre abhorré
Fuc long-tems dans la France un plaisir ignoré,
De Pélerins , dit-on, une Troupe grossière

(1) Horace , Art Poétique , vs. 275.
Ignotum Tragicæ genus invenisse Camænæ
Dicitur , & plauftris vexisse poëmata Thefpis:
Quæ canerent, agerexque peruncti fæcibus ora.

Ibid. vs. 220.
Carmine qui Tragico vilem certavic ob hircum.

vers 278.
Poft hunc perfonæ pallæque repertor honestae
Æschylus', & modicis inftravit pulpita tignis ,
Et docuit magnumque loqui , nitique cothurno.

K

و

En public à Paris y monta la première ;
Et forcement zélée en sa simplicité,
Joüa les Saints , la Vierge , & Dieu par piété.
Le Sçavoir , à la fin dissipant l'Ignorance ,
Fit voir de ce projet la dévote imprudence.
On chassa ces Docteurs prêchans sans mission.
On vit renaître Hector , Andromaque , Ilion.
Seulement les Acteurs laissant le Masque antique,
Le Violon tint lieu de Chaur & de Musique.

Bien-tôt l'Amour , fertile en tendres sentimens ,
S'empara du Théâtre, ainsi que des Romans.
De cette Passion la sensible peinture
Elt pour aller au cœur la route la plus sûre.
Peignez donc , j'y consens , les Héros amoureux:
Mais ne m'en formez pas des Bergers doucereux.
Qu'Achille aime autrement que Thyrsis & Philène
N'allez

pas d'un Cyrus nous faire un Arcamene: Ec que l'Amour , souvent de remords combattu, Paroisse une foiblefle & non une vertu.

Des Héros de Roman fuyez les petitesses : Toutefois aux grands cours donnez quelques foiblesses.

[prompt, (2) Achille déplairoit moins boüillant & moins J'aime a lui voir verser des pleurs pour un affront, A ces petits défauts marqués dans la peinture, L'esprit avec plaisir reconnoît la Nature, Qu'il soit sur ce modéle en vos Ecrics tracé. Qu’Agamemnon foit fier , superbe , intéressé. .

(2) Horace, Art Poétique, uf. 119.
Aut famam fequere, aut fibi convenientia finge
Scriptor , honoratum fi fortè reponis Achillem,
Impiger, iracundus , inexorabilis, acer;
Jura neget sibi nara , &c.

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