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CHEZ DALIBON, LIBRAIRE
DE S. A. S. MONSEIGNEUR LE DUC DE NEMOURS,

PALAIS-ROYAL, GALERIE DE NEMOURS.

M. DCCC. XXIV.

UNIVERSITY OF

09. TI NV!

HERTZBERG BINDERY

AVANT-PROPOS.

Cinq hommes célébres ont formé, et en partie effectué, le projet hardi de se peindre eux-mêmes, et se montrer tels qu'ils étoient: saint Augustin, Montaigne, le cardinal de Retz, Cardan, Jean-Jacques Rousseau. Mais le sacrifice complet de l'amour-propre, si difficile à consommer, n'a pu l'être que par les deux derniers, Cardan et Jean-Jacques. Saint Augustin, en dégradant l'homme de la nature pour le montrer agrandi par le christianisme, trouvoit dans les dispositions de ses lecteurs le remède aux blessures que son amourpropre s'étoit faites à lui-même, et peut-être ces blessures étoient une jouissance de son amour-propre. Montaigne, restant toujours aimable au milieu des vices et des défauts qu'il reconnoît en lui, laisse voir trop de vanité dans ses aveux, pour qu'on ne croie pas qu'il s'est permis des réticences; et Jean-Jacques l'accuse nettement de la caresser plus qu'il ne l'égratigne. Le cardinal de Retz, au commencement du dix-huitième siècle, étonna ses lecteurs par sa franchise; un prêtre, un archevêque, se déclarant factieux, conspirateur, libertin, scandalisa la France: c'est une confession de ses crimes, de ses péchés; mais cette confession étoit faite par l'orgueil, et par plus d'une espèce d'orgueil, celui de la naissance, celui du génie, etc. Restent Cardan et Rousseau: dans ceux-ci le sacrifice paroît complet, en ce qu'ils avouent des fautes avilissantes, et des actions qui semblent dégrader entièrement le caractère,

CONFESSIONS. T. I.

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APR 8'47 Erasmo

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sans laisser à l'amour-propre le plus petit dédommagement. A cet égard ils peuvent passer pour des phénoménes; Cardan sur-tout qui va même plus loin que Rousseau, et qui se montre abject comme pour le plaisir de l'être. Son livre excita la plus grande surprise dans l'Europe; mais tout se passoit entre des savants et des littérateurs : cette bizarrerie fut bientôt oubliée. Il n'en sera point ainsi de Jean-Jacques Rousseau; son génie, ses succès, son nom, le nom de ceux dont il fait la confession en même temps que la sienne, le rapport de cet écrit à ses ouvrages les plus célébres, l'influence des événements de sa vie sur son caractère, de son caractère sur son talent, les résultats de morale et d'instruction que présentent ces rapprochements, toutes ces causes assurent aux Confessions de Jean-Jacques, sinon le même degré d'estime, au moins la même durée qu'à ses meilleurs écrits. C'est le sentiment confus de cette vérité qui sembla redoubler, après sa mort, la haine de ses ennemis, lorsqu'ils apprirent que JeanJacques avoit en effet composé les mémoires de sa vie. La mort prématurée des dépositaires successifs de son manuscrit le rendit public avant l'époque désignée par Rousseau, et ses ennemis subirent de leur vivant la punition qu'il ne réservoit qu'à leur mémoire. Mais il faut avouer que celle de Rousseau en parut avilie. L'aveu d'une bizarre disposition au larcin, de l'abandon d'un ami délaissé au coin d'une rue, d'une calomnie qui entraîna le déshonneur d'une pauvre domestique innocente, la révélation de toutes les fautes d'une jeunesse aventurière exposée à tous les hasards qui poursuivent l'indigence; enfin, le coupable et systématique égarement d'un père qui envoie ses cinq enfants à l'hô

pital des enfants trouvés : voilà ce qu'apprit avec surprise une génération nouvelle, remplie d'admiration pour Rousseau, nourrie de ses ouvrages, non moins éprise de ses vertus que de ses talents, qui, dans l'enthousiasme de la jeunesse, avoit marqué les hommages qu'elle lui rendoit de tous les caractères d'un sentiment religieux. C'est de cette hauteur que Jean-Jacques Rousseau descendit volontairement.

Nous ajoutons ce dernier mot, parcequ'en effet plusieurs de ces fautes étoient ignorées, et pouvoient rester ensevelies dans l'obscurité de sa malheureuse jeunesse, parcequ'il pouvoit se permettre une demiconfession, rédigée avec cette apparente franchise qui en impose beaucoup mieux qu'une dissimulation entière, et que la postérité, prenant désormais pour régle ce qu'il auroit avoué dans ses mémoires, eût mis le reste sur le compte de la calomnie.

Il y a deux époques très distinctes dans la vie de Jean-Jacques, dont la seconde est celle qu'il appelle lui-même l'époque de sa grande réforme; et c'est celle qui est la plus intéressante, par l'essor de ses talents et le développement de son génie. Les torts qu'on reproche à Rousseau sont liés à l'histoire littéraire de cette époque, encore présente au souvenir de quelques contemporains. Qu'on se représente d'une part le tort de sa société, les opinions établies dans le temps où Rousseau a vécu dans le monde, c'est-à-dire à l'époque de ses succès; qu'on se figure, de l'autre, Jean-Jacques au milieu de ces conventions absurdes, dont la plupart sont si bien jugées maintenant; qu'on se rappelle ses goûts, ses habitudes, son attachement aux convenances naturelles et premières, et qu'on juge de quel œil il

a.

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