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Ces réflexions étoient le motif qui déterminoit Plutarque à s'occuper du soin d'écrire les vies des grands hommes; et elles ont leur application à tout ouvrage historique où l'on s'attachera à faire connoître les caractères et les mœurs de ceux qui paroissent sur la scène.

Je sens l'objection que l'on peut me faire ici au sujet de la nature des faits qui semblent dominer dans l'histoire que j'entreprends d'écrire. On dira que je consacre ma plume à dépeindre, non la vertu, mais le vice, et le vice porté à son comble par les Tibère, les Caligula, les Néron.

Il m'est aisé de répondre d'abord que le vice même, peint avec les couleurs odieuses qui lui appartiennent, devient une leçon de vertu ; et je pourrai étendre ailleurs cette réflexion. Mais, de plus, il n'est pas vrai que le vice domine dans toute l'étendue de l'ouvrage que j'entame aujourd'hui. Auguste, Vespasien, Tite, sont des modèles à présenter aux princes les plus vertueux. Le second siècle de l'empire de Rome, à le prendre depuis Nerva jusqu'à MarcAurèle, offre une suite de bons princes, telle qu'il est difficile d'en trouver une pareille dans quelque histoire que ce soit. Enfin, sous les plus mauvais, l'on a toujours vu des hommes dont la vertu brilloit d'un éclat encore plus vif par le contraste : sous Tibère, un Germanicus, sous Néron, un Thraséa, sous Domitien, un Agricola. J'ajoute que le christianisme, qui naît sous Auguste et se fortifie sous ses successeurs, jusqu'à ce qu'il monte sur le trône avec Constantin, se mêlant par bien des endroits dans les affaires de l'empire, nous donne lieu de sanctifier,

au moins de temps en temps, cet ouvrage par des vertus d'un ordre supérieur, et capables, non-seulement de lever le scandale du vice, mais de faire honte à tout ce qui n'est que vertu purement humaine.

C'est suivant ce plan et dans ces vues que je me propose d'écrire l'histoire des empereurs romains, depuis Auguste jusqu'à Constantin. Cette carrière est telle, que je puis, avec quelque vraisemblance, espérer de la fournir. Une plus longue et plus vaste m'effraieroit, et je reconnois de bonne foi que jusqu'ici mes études ne se sont guère portées vers tout ce qui appartient au Bas-Empire a. Je me renfermerai donc dans cet espace, que je traiterai avec tout le soin et toute l'application dont je suis capable; et je supplie le lecteur de me pardonner les fautes qui m'échapperont sans doute, en faveur de la bonne intention et du zèle que j'ai de le servir.

a Nous nous proposons de faire suivre cet ouvrage de l'Histoire du

Bas-Empire, en 13 ou 14 vol. in-8". (Note des éditeurs.)

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Octavien se propose de légitimer sa puissance. Dans cette vue il veut feindre d'abdiquer. Il prend l'avis d'Agrippa et de Mécène sur son abdication. Agrippa la lui conseille. Mécène l'en dissuade. Octavien se déclare pour l'avis de Mécène. Il est peu probable que Virgile ait été consulté sur cette matière. Octavien travaille à se concilier les esprits. Il fait la revue du sénat, et le purge d'un grand nombre de sujets indignes. Il prend le titre de prince du sénat. Quelques autres arrangemens particuliers. Attention d'Octavien à garder les formes republicaines. Il élève beaucoup Agrippa. Clôture du lustre après 41 ans d'interruption. Octavien aide de ses libéralités plusieurs sénateurs. Il donne à d'anciens préteurs l'administration du trésor public. Edifices publics bátis à neuf ou reconstruits. Il casse tous les actes du triumvirat. Il déclare au sénat qu'il abdique la souveraine puissance. Variété de sentimens parmi les sénateurs. Tous se réunissent à s'opposer à son abdication. Il se rend. Il partage les provinces avec le sénat. Il ne se charge du gouvernement que pour dix ans mais, au moyen de continuations toujours répétées, il le garda toute sa vie. Il reçoit le nom d'Auguste. C'est du septième

HIST. DES EMP, TOM, I.

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consulat d'Auguste qu'il faut dater le changement du gouvernement romain. Auguste réunit en sa personne tous les titres de puissance: celui d'imperator ou empereur; la puissance proconsulaire, et tous les droits du consulat; la puissance tribunitienne; la puissance de la censure; le grand pontificat. Il se fait dispenser de l'observation des lois. Titre de père de la patrie affecté aux empereurs. Auguste et ses successeurs n'ont eu que l'exercice de la souveraineté, qui résidoit toujours radicalement dans le sénat et dans le peuple. La forme extérieure du gouvernement fut conservée en bien des choses. Mêmes magistratures. Nouveaux offices institués pour faire entrer un plus grand nombre de personnes en quelque part de la puissance publique. Préfet de Rome. Anciens droits conservés au sénat. Conseil privé. Tous les gouverneurs de provinces tirés du corps du sénat. Les provinces du peuple gouvernées par des proconsuls. Ils étoient simples magistrats civils. Lieutenans de l'empereur envoyés dans les provinces de son ressort avec la puissance militaire. Intendans pour la levée et l'emploi des deniers appartenans à l'empereur. Le gouvernement des empereurs fut monarchique dans le militaire, mixte dans le civil. Trésor public. Fisc de l'empereur. Le peuple conserve sous Auguste la nomination aux charges. Tibère transfère les élections au sénat, qui se trouve ainsi représenter seul l'ancienne république. La nation romaine dédommagée de la perte de sa liberté par le bonheur dont Auguste la fait jouir. Les provinces plus heureuses sous le nouveau gouvernement. Mot d'Auguste sur Alexandre. L'histoire devenue plus stérile. Nouveaux honneurs et privileges décernés par le sénat à Auguste.

C. JULIUS CÆSAR OCTAVIANUS. V.

SEX. APULEÏUS.

César Octavien, par une suite d'injustices, de vio

lences, de cruautés et d'entreprises tyranniques, étoit enfin parvenu à se voir le maître de tout l'empire romain. Il avoit commencé par abattre les défenseurs de la liberté républicaine : la maison ennemie de la sienne, les rivaux et les concurrens qu'il avoit eus dans son propre parti, tout étoit détruit. Il ne restoit plus d'autre puissance que celle dont il jouissoit, d'autres armes que celles qui reconnoissoient ses ordres.

Ce haut degré de grandeur lui avoit trop coûté à acquérir pour qu'il ne fût pas bien résolu de le conserver. Mais il n'y avoit d'autre droit que la force et il sentoit parfaitement combien un titre si odieux étoit insuffisant en lui-même, et dangereux pour les conséquences. Les preuves mêmes de douceur, de sagesse, de modération, qu'il avoit eu soin de donner depuis que la cruauté avoit cessé de lui paroître nécessaire, pouvoient bien lui concilier l'affection d'un grand nombre de citoyens, mais ne corrigeoient pas le vice de son usurpation. Quelque aimable qu'il eût rendu son gouvernement, c'étoit toujours une injuste tyrannie, qui l'exposoit aux soulèvemens, aux conspirations de la part de tous ceux qui conservoient encore quelque reste des anciens sentimens romains. On eût été persuadé que lui arracher le commandement et la vie, c'étoit faire une action louable, et bien mériter de la république. Plein de ces réflexions, Octavien entreprit de légitimer par le consentement de la nation une puissance inique dans l'origine; et il procéda à l'exécution de ce dessein avec une prudence exquise, et qui ne peut être trop soigneusement remarquée.

Avant tout, il crut devoir feindre d'abdiquer l'autorité du gouvernement. Il ne pouvoit s'en dispenser sans se faire accuser de mauvaise foi. Le prétexte de sa prise d'armes avoit été la vengeance de la mort de son oncle et père adoptif: cette vengeance étoit pleinement accomplie. La rivalité avec Antoine lui avoit servi de motif

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