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Chapitre IV

RÉGLES DU SENS LITTÉRAL (1).

L'obscurité de l'Ecriture est un fait certain. C'est l'impression qu'éprouve tout lecteur qui l'aborde sans préparation. Les Pères sont unanimes à en convenir. Les Protestants, qui en théorie ne veulent pas l'accorder, sont contraints en fait de l'admettre: pourquoi, en effet, écriventils tant et de si volumineux commentaires, s'il n'y a pas des questions difficiles à examiner. Mais plusieurs d'entre eux, Luther en particulier (2).

en sont convenus.

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Il ne faut donc pas, à l'improviste et sans préparation, chercher à interpréter et à trouver le sens de l'Ecriture. Cela produirait de réels inconvénients, indiqués par S. Augustin. Quisquis vero, dit ce Père, talem inde sententiam duxerit ut huic ædficandæ charitati sit utilis, nec tamen hoc dixerit quod ille quem legit, eo loco sensisse probabitur, non perniciose fallitur, nec omnino mentitur... Corrigendus est tamen, et, quam sit utilius viam non deserere, demonstrandum est, ne consuetudine deviandi etiam in transversum aut perversum ire cogatur. Asserendo enim temere, quod ille non sensit, quem legit, plerumque incurrit in alia, quæ illi sententiæ contexere nequeat. Quæ si vera et certa esse consentit, illud non possit verum esse, quod senserat; fitque in eo, nescio quomodo, ut amando sententiam suam Scripturæ incipiat offensior esse quam sibi... Titubabit autem fides, si divinarum Scripturarum vacillat auctoritas » (3). La nécessité de règles d'interprétation est évidente.

Ces règles peuvent se diviser en deux classes: les règles éloignées et les règles prochaines.

I. RÈGLES ÉLOIGNÉES.

Règle première. — Disposition et préparation de l'esprit.

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Avant tout, l'intégrité des mœurs et la pratique de la vie chrétienne sont indispensables. Sans elles, on encourt d'avance le jugement porté par l'Esprit Saint: In malevolam animam non introibit sapientia, nec habitabit in corpore subdito peccatis (4). Des penchants vicieux et l'amour de la divine sagesse ne peuvent cohabiter. C'est ce que S. Jérôme enseignait à

(1) Cfr, Vigouroux, Manuel biblique, t. I, pp. 209 et suiv.; Ubaldi, Introductio, t. III, pp. 131 et suiv.; Cornely, Introductio, pp. 550 et suiv.

(2) Préf. in Psalm., dans ses Œuvres, Iéna, 1557, t. II, etc.

(3) Doctrin. Christ. lib. I, c. 36, 37.

(4) Sag. I, 4.

Rustique: Ama scientiam Scripturarum et carnis vitia non amabis » (1). C'est ce qu'il répétait à Vigilantius: Non est ejusdem hominis aureos nummos et Scripturas probare, et degustare vina et prophetas vel apostolos intelligere » (2). S. Augustin écrit aussi : « Quisquis igitur Scripturas divinas vel quamlibet earum partem intellexisse sibi videtur, ita ut eo intellectu non ædificet istam geminam charitatem Dei et proximi, nondum intellexit » (3).

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Non-seulement il est nécessaire de renoncer aux vices, mais il faut s'appliquer à la pratique de toutes les vertus. C'est ainsi que l'on peut arriver seulement à acquérir la sagesse dont nous parlons. « Cum quisque, dit S.. Augustin, cognoverit finem præcepti esse charitatem, de corde puro et conscientia bona, et fide non ficta, omnem intellectum divinarum Scripturarum ad ista tria relaturus, ad tractationem illorum librorum securus accedat» (4). C'est ce qui, d'après le témoignage de S. Jérôme, arriva à sainte Marcelle, laquelle, postquam mandata complesset, tunc se sciret mereri intelligentiam Scripturarum » (5).

L'Ecriture nous apprenant que, là où se trouve l'humilité, se trouve aussi la sagesse (6); il ne faut donc pas espérer de pénétrer les oracles divins sans la pratique sérieuse de cette vertu.

Un sentiment de respect et de vénération pour les saints livres n'est pas moins nécessaire.

Enfin, il faut demander à Dieu son secours par une prière fervente. «Non solum admonendi sunt studiosi venerabilium literarum, ut in Scripturis sanctis genera locutionum sciant, et, quomodo apud eas aliquid dici soleat, vigilanter advertant, memoriterque retineant, verum etiam, quod est præcipuum et maxime necessarium, orent ut intelligant» (7). Ainsi faisaient S. Augustin (8), S. Jérôme (9), S. Thomas d'Aquin (10).

Règle deuxième. Connaissance des causes d'obscurité de l'Ecriture.

Les obscurités de l'Ecriture proviennent ou des sujets mêmes qui y sont traités, ou des mots et des locutions.

L'obscurité des choses provient du récit lui-même, dont bien des particularités nous restent incompréhensibles par suite du défaut de renseignements provenant d'autres sources qui pourraient nous apporter de la lumière. Elle a aussi pour cause sa transcendance qui parfois dépasse notre entendement ainsi les mystères et les enseignements dogmatiques.

L'obscurité des mots et des locutions est causée par l'ignorance où nous pouvons être de leur sens réel, par les doutes que leur ambiguité peut présenter, par les différences de ponctuation. Prenons quelques exemples dans la Vulgate :

(1) Ep. CXXV, 11.

(2) Ep. LXI, 3.

(3) Doctr. christ., lib. I, c. 36.

(4) Ibid., lib. I, c. 40,

(5) Ep. CXXVII, ad Principiam, 4.

(6) Prov. XI, 2; cfr. Ecclis. XV, 7.

(7) S. Augustin, Doctrina christ. 1. III, c. 37.

(8) Confess., XII, passim.

(9) Préfaces des livres du Commentaire d'Isaïe. (10) Breviarium romanum, 7 mars, leçons.

Mots dont on ne connaît pas bien le sens : Ariel (1), raca (2), Maran atha (3), cornu (4), principium doloris mei (5), filii Dei (6), vitulamina (7), olla spei (8), fera arundinis (9), sabbatum secundo-primum (10).

Mots ambigus: Spiritus (11), benedico (12), christus (13), patria (14), prædico (15), concido (16), os (17), plaga (18).

Locutions obscures par ignorance de la langue: Suscitare nomen fratris (19), facere ou ædificare alicui domum (20), dare ou extinguere lucernam alicui (21).

Locutions obscures par ignorance du sujet : Ubicumque fuerit corpus, illuc congregabuntur et aquila (22); Occidi virum in vulnus meum, et adolescentulum in livorem meum (23), etc.

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< Cum verba propria faciunt ambiguam Scripturam..., consulat (interpres) regulam fidei, quam de Scripturarum planioribus locis et ecclesiæ auctoritate percepit (24) ». Ces paroles de S. Augustin sont importantes et doivent être attentivement méditées. Les lieux théologiques nous apprennent où il faut chercher la règle de foi; la théologie morale nous donne les règles de la décence et de l'honnêteté. A ce point de vue. pour connaître le sens, il faut suivre la règle donnée par S. Augustin: Quidquid in sermone divino neque ad morum honestatem, neque ad fidei veritatem proprie referri potest, figuratum esse cognoscas (25). ► C'est ainsi qu'il faut interpréter des passages tels que : « Dedit Dominus Spiritum mendacii in ore omnium prophetarum (26), » qui, au sens propre serait injurieux pour Dieu, et: Statue cultrum in gutture tuo (27), qui semble conseiller un acte coupable (28). Les charbons de

(1) I Paral. XI, 22.
(2) Matt. V, 22.
(3) I Cor. XVI, 22.
(4) Ps. CXXXI, 17.
(5) Gen. XLIX, 3.
(6) Ibid. VI, 2.
(7) Sag. IV, 3.

(8) Ps. LIX, 10.

(9) Ibid. LXVII, 31.

(10) Luc, VI, 1.

(11) Jean, III, 8.

(12) Job, I, 5.

(13) Ps. XIX, 7.

(14) Ibid. XCV, 7.

(15) Jér. XXXIV, 17; Gal. V, 21.

(16) Jér. XLVII, 5; Ezéch. XXIII, 25.

(17) Job, V, 16; Ps. CXXXVIII, 15.

(18) Ezéch, VII, 2; Apoc. XVI, 9.

(19) Deut. XXV, 7.

(20) Exod. I, 21; II Rois, VII, 11.

(21) III Rois, XV, 4; Job, XXI, 17; Ps. CXXI, 17.

(22) Luc, VII, 37.

(23) Gen. IV, 23.

(24) Doctr. christ. 1. III, c. 2.

(25) Ibid., c. 10.

(26) III Rois, XXII, 23.

(27) Prov. XXIII, 2.

(28) Cfr. aussi Matt. V, 29, 30, XIX, 12.

feu (1) que nous devons amasser sur la tête de l'ennemi, ne sont pas la confusion et la rougeur que l'on pourrait par la vengeance amener sur ses traits, mais plutôt les moyens par lesquels nous pouvons fléchir sa haine et sa colère.

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La règle principale de l'interprétation de la Bible est l'autorité de l'Eglise. Le Concile de Trente (2) dit en effet Ad coercenda petulantia ingenia (synodus) decernit, ut nemo suæ prudentiæ innixus in rebus fidei et morum ad ædificationem doctrinæ christianæ pertinentium, sacram Scripturam ad suos sensus contorquens, contra eum sensum, quem tenuit, et tenet sancta mater Ecclesia, cujus est judicare de vero sensu et interpretatione Scripturarum sanctarum..... ipsam Scripturam sacram interpretari audeat, etiamsi hujusmodi interpretationes nullo unquam tempore in lucem edendæ forent ».

Comment doit s'appliquer cette règle?

Il faut d'abord faire attention aux sujets traités dans les textes bibliques qu'on doit interpréter. Si un texte traite de rebus fidei et morum ad ædificationem doctrinæ christianæ pertinentium, mais que leur sens n'ait pas été défini par l'autorité de l'Eglise, il faut appliquer la règle troisième. Si le Souverain Pontife ou un Concile général ont interprété le texte, c'est leur interprétation qu'on doit suivre, qu'elle soit directe ou indirecte. Ils nous donnent en effet le véritable sens de ce passage, et en les contredisant, on irait contra eum sensum quem tenuit et tenet Sancta mater Ecclesia», on violerait donc la règle du Concile de Trente. Toutes les fois en effet que ces autorités suprêmes définissent un dogme, loin de présenter aux fidèles une nouveauté, elles tirent la vérité définie soit de l'Ecriture, soit de l'enseignement traditionnel. Dans le premier cas, dont nous nous occupons ici, elles donnent d'une manière évidente le véritable sens des textes qu'elles invoquent.

Exemples. Les paroles du Sauveur: Accipite Spiritum Sanctum. Quorum remiseritis peccata remittuntur eis. et quorum retinueritis retenta sunt (3), doivent s'entendre du pouvoir de remettre et de retenir les péchés dans le sacrement de pénitence, et non du pouvoir de prêcher l'Evan gile, puisque le premier sens a été défini par le Concile de Trente (4). Le texte de l'épitre de S. Jacques, sur l'onction des infirmes (5) doit s'entendre du sacrement de l'Extrême-Onction (6). Les paroles de S. Paul: Per unum hominem peccatum in hunc mundum intravit, et per peccatum mors, et ita in omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt» (7), s'appliquent au péché originel (8).

Si le Souverain Pontife ou le Concile ont admis pour un texte un certain sens, sans cependant le définir, il ne s'agit pas alors du sens quem

(1) Prov. XXV, 21; Rom. XII, 20.

(2) Sess. IV. · Cfr. Pallavicini, Storia del Concilio di Trento, 1. VI, c. 18.

(3) Jean, XX, 22, 23.

(4) Sess. XIV, De Sacr. pænit., can. 3.

(5) Jac. V, 14, 15.

(6) Conc. de Trente, Sess. XIV, De Sacram. Extrem. unct, can. 1, 3, 4.

(7) Rom. V, 12.

(8) Conc. de Trente, sess. V, De pecc. origin. decret. 2, 4.

tenuit et tenet sancta mater Ecclesia, et la règle qui précède n'a pas ici d'application. Il en est ainsi du passage: qui manducat hune panem vivet in æternum (1). Le Concile de Trente déclare et enseigne en effet : « nullo divino præcepto laicos et clericos non conficientes obligari ad eucharistiæ sacramentum sub utraque specie sumendum (2). Le Concile ne donne pas ici de définition, et se contente de réfuter la doctrine des protestants sur l'usage obligatoire du calice.

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Pour éviter toute erreur, il faut examiner soigneusement les termes employés par les Papes et les Conciles, lorsqu'ils citent des témoignages de l'Ecriture. Tel est par exemple le cas, lorsque le Concile de Trente, quand il définit le pouvoir de l'Eglise touchant la dispensation du sacrement de l'Eucharistie (3), emploie un texte de S. Paul (4).

Si les Souverains Pontifes n'interprètent point officiellement un texte scripturaire, mais se contentent de le citer en passant. quoiqu'il s'agisse de choses de foi et de mœurs ayant rapport à l'édification de la doctrine chrétienne, il ne faut pas chercher dans ces interprétations une autorité plus grande que celle qui appartient aux interprétations des Pères ou des théologiens. La loi du Concile de Trente n'oblige pas en effet à considérer comme eum sensum quem tenuit et tenet sancta mater Ecclesia, les interprétations que nous trouvons dans les œuvres de S. Léon ou de S. Grégoire, quand bien même les vénérables auteurs auraient cru qu'il s'agit dans ces endroits de choses touchant la foi et les mœurs et ayant rapport à l'édification de l'Eglise. Il faut toutefois prendre garde à la témérité en se refusant à admettre un sens généralement accepté par l'Eglise.

Si les textes à interpréter ont rapport à l'histoire, à la géographie, à l'archéologie, à la chronologie, la loi du Concile de Trente ne leur est pas applicable. L'autorité de l'Eglise n'est point non plus à invoquer dans ces cas. L'Eglise en effet n'a pas l'habitude de définir le sens de ces textes, sinon quand ils touchent à la foi et aux mœurs.

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L'autorité des Pères est considérable au point de vue de l'interprétation de l'Ecriture. S. Jérôme dit que dans ses commentaires il suit en tout l'opinion des anciens (5). Il écrit à Eustochium: Compulit me (Paula), ut vetus et novum instrumentum cum filia me disserente perlegeret... Præstiti, ut docerem, quod didiceram, non a me ipso, id est a præsump tione pessimo præceptore, sed ab illustribus ecclesiæ viris (6). On pourrait multiplier sur ce point les citations (7).

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Ou les Pères s'accordent dans l'explication d'un passage scripturaire, ou ils sont d'avis différent. Dans ce second cas, on peut choisir l'opinion qui semble la plus plausible, pourvu qu'elle ne contredise ni la doctrine catholique ni la vérité.

(1) Jean, VI, 59.

(2) Conc. de Trente, sess. XXV, c. 1.

(3) Ibid. sess. XXI, c. 2.

(4) I Cor. IV, 1.

(5) Majorum in omnibus secutum esse sententiam...» Ep. XLVIII ad Pammach. 15. (6) Epist. CXVIII, 26.

(7) Cfr. R. Simon, Réponse aux sentiments de quelques théologiens de Hollande, Rotterdam, 1686, in-4°, pp. 32 et suiv.

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