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HUITIÈME PARTIE.

Du huitième précepte du Décalogue.

1043. Le huitième précepte est ainsi conçu : Vous ne porterez point de faux témoignage contre votre prochain; «Non loqueris « contra proximum tuum falsum testimonium (1). » Par ce commandement, Dieu nous défend non-seulement le faux témoignage, mais encore le mensonge, la détraction, et toute parole ou action qui peut blesser l'honneur ou la réputation du prochain.

CHAPITRE PREMIER.

Du Mensonge.

1044. Mentir, c'est parler contre sa pensée avec l'intention de tromper; c'est affirmer comme vrai ce que l'on croit faux, ou comme faux ce qu'on croit vrai, dans le dessein d'induire en erreur : « Nemo dubitat, dit saint Augustin, mentiri eum qui volens « falsum enuntiat causa fallendi (2). » On ment par parole, par écrit, par geste ou par action; mais, pour qu'il y ait mensonge, il faut que celui qui exprime une fausseté ait l'intention de tromper. Il est des circonstances qui indiquent assez que celui qui ne parle pas suivant sa pensée, n'a point cette intention; alors il n'y a plus de mensonge, bien qu'on ne dise pas des choses vraies (3). Ce n'est point non plus un mensonge de dire ou de raconter une chose de la manière qu'elle nous est connue, quoiqu'elle ne soit pas véritablement telle que nous la présentons : « Quisque hoc enuntiat quod « vel creditum animo vel opinatum tenet, etiamsi falsum sit,

(1) Exod. c. 20. v. 16. — (2) De Mendacio, c. 4. — (3) S. Augustin, ibid. c. 2.

« non mentitur (1). » On distingue le mensonge joyeux, le mensonge officieux et le mensonge pernicieux. Le mensonge joyeux est celui qui se dit par manière de jeu, par divertissement, par récréation. Le mensonge officieux est celui qui tend à être utile au prochain, soit en lui procurant quelque avantage, soit en empêchant qu'il ne lui arrive du mal. Enfin, le mensonge est pernicieux, lorsqu'on ment pour nuire à quelqu'un. Tout mensonge étant opposé à la vérité, est mauvais de sa nature, il n'est jamais permis. Aussi l'Écriture sainte condamne absolument toute espèce de mensonge : « Noli velle mentiri omne mendacium (2). Non mentiemini, • nec decipiet unusquisque proximum suum (3). » De là nous concluons, d'après saint Augustin et saint Thomas, que l'on ne doit jamais mentir, ni dans l'intérêt de la religion, dont la première base est la vérité; ni sous prétexte de procurer la gloire de Dieu, qui ne peut être glorifié que par le triomphe de la vérité; ni pour détourner le pécheur du crime; ni pour sauver la vie à un innocent, ou procurer le salut à une âme qui est en danger << Non est licitum « mendacium dicere ad hoc quod aliquis alium a quocumque peri« culo liberet (4).

1045. Mais tous les mensonges n'ont pas le même degré de malice : le mensonge joyeux et le mensonge officieux ne sont que véniels de leur nature; cependant ils peuvent devenir mortels à raison des circonstances ou du scandale qu'ils occasionnent, eu égard au caractère des personnes qui se permettent de mentir, surtout si elles le font habituellement : « Mendacium officiosum vel jocosum, ⚫ dit saint Thomas, non est peccatum mortale (nec etiam) in viris perfectis, nisi forte per accidens ratione scandali (5). » Quant au mensonge pernicieux, il est véniel en matière légère, et mortel en matière grave. Dans le premier cas, on est obligé sub levi, dans le second, sub gravi, de réparer le tort qu'on a fait au prochain, soit dans sa réputation, soit dans ses biens.

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1046. Il n'est pas permis d'user d'une dissimulation proprement dite, qui, par elle-même, tend directement à tromper; c'est un mensonge en action qui n'est pas moins condamnable que le mensonge en parole: « Simulatio proprie, dit saint Thomas, est men* dacium quoddam in exterioribus signis factorum consistens : non « refert autem utrum aliquis mentiatur verbo vel quocumque alio « facto (6). » Mais autre chose est de chercher à induire en erreur,

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(1) S. Aug. de Mendacio. c 3.—(2) Eccli. c. 8. v. 14. — (3) Levit. c. 19. v. 11. −(4) S. Thomas, Sum. part. 2. 2. quæst. 110. —(5) Ibid. quæst. 110. art. 4. — (6) Ibid. quæst. 111. art. 1.

M. I.

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autre chose de taire ce qu'on sait, quand on n'est point d'ailleurs obligé de le faire connaitre : « Sicut aliquis verbo mentitur, quando « significat quod non est, non autem quando tacet quod est ; quod aliquando licet: ita etiam simulatio est, quando aliquis per exte<riora signa factorum vel rerum significat aliquid quod non est; non • autem si aliquis prætermittat significare quod est; unde aliquis « potest peccatum suum occultare absque simulatione (1). »

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1047. Il en est des restrictions mentales comme de la dissimulation proprement dite; on ne peut se les permettre sans se rendre coupable de mensonge. La restriction mentale est une parole fausse qui ne peut devenir vraie que par l'addition d'un mot caché, qu'on retient intérieurement, et qui ne peut, par aucune circonstance extérieure, être compris par ceux à qui l'on parle. Exemple : On vous demande si vous avez mangé de la viande un vendredi ; vous répondez que non, voulant dire seulement que vous n'avez pas mangé de viande crue : c'est évidemment un mensonge. On demande à quelqu'un s'il a diné ; il répond que oui, quoiqu'il n'ait pas diné ce jour-là, entendant en soi-même qu'il l'a fait la veille : c'est encore un mensonge. Que deviendrait la société, s'il était permis d'abuser ainsi de la parole? Aussi le pape Innocent XI a-t-il condamné les trois propositions suivantes : « Si quis, vel solus, vel co« ram aliis, sive interrogatus, sive proprio sponte, sive recreationis « causa, sive quocumque alio fine juret se non fecisse aliquid quod re« vera fecit, intelligendo intra se aliquid aliud quod non fecit vel aliam « viam ab ea in qua fecit, vel quodvis aliud additum verum, revera « non mentitur, nec est perjurus. — Causa justa utendi his amphibologiis est, quoties id necessarium aut utile est ad salutem corporis, honorem, res familiares tuendas, vel ad quemlibet alium « virtutis actum, ita ut veritatis occultatio censeatur tunc expe« diens et studiosa. — Qui, mediante commendatione vel munere, « ad magistratum vel officium publicum promotus est, poterit cum restrictione mentali præstare juramentum, quod de mandato re gis a similibus solet exigi, non habito respectu ad intentionem exigentis, quia non tenetur fateri crimen occultum (2). » Voilà pour les restrictions mentales.

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1048. Il ne faut pas confondre les restrictions que rien ne peut justifier, avec certaines manières de parler reçues dans la société, certaines expressions qui, sans être littéralement vraies, ne sont point des mensonges; parce que le sens de ces expressions peut être

(1) S. Thomas, Sum. part. 2. 2. quæst. 111. art. 1 (2) Décret de l'an 1679.

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compris assez facilement, eu égard soit à l'usage du pays, soit aux circonstances du temps, du lieu, de la personne qui interroge ou de celle qui répond. Ainsi, par exemple, un pauvre vous demande l'aumône, vous lui dites que vous n'avez pas de monnaie, quoique vous en ayez réellement; vous ne mentez point; le pauvre comprend lui-même, par la circonstance, que vous n'avez pas de monnaie que vous puissiez lui donner. On demande à un domestique si son maître est chez lui ; il répond qu'il n'y est pas. Cette réponse, d'après l'usage, ne signifie pas toujours que le maître est sorti de sa maison, mais qu'il ne reçoit pas en ce moment, qu'il n'est pas visible; on n'y est trompé que lorsqu'on ignore les usages du monde. Vous avez à dîner un étranger; vous lui demandez s'il trouve bonne la nourriture que vous lui servez; il vous répond hardiment qu'il la trouve très-bonne, délicieuse, quoique cependant elle ne soit pas de son goût. Est-ce un mensonge de sa part? Non, évidemment : car vous comprenez que, dans cette circonstance, on ne répond pas autrement. On a la témérité d'interroger un prêtre sur une chose qu'il ne sait que par la voie de la confession: mentira-t-il en répondant qu'il ne sait rien? Non; car on doit savoir qu'il est obligé, par toutes les lois, de répondre comme s'il ne savait absolument rien. Nous ajouterons que celui qui sait une chose sous le sceau du secret, peut dire qu'il l'ignore; comme Jésus-Christ dit, au sujet du jugement dernier : Personne n'en connaît le jour ni l'heure, pas même le Fils de l'homme; « De die autem illo et hora nemo scit, neque << angeli in cœlo, neque Filius, nisi Pater (1). » Par ces paroles, dit Bergier, le Sauveur voulait réprimer la curiosité indiscrète de ses disciples, en leur faisant entendre qu'il n'était pas à propos qu'il leur révélat ce secret. Sa réponse a le même sens que celle d'un père qui dit à un enfant trop curieux : Je n'en sais rien (2). Il est encore d'autres manières de répondre plus ou moins équivoques, dont le sens peut se déterminer facilement avec un peu d'attention : il est permis d'en user, pourvu qu'on n'ait pas l'intention de tromper, mais seulement de tenir secrètes certaines choses qu'on ne peut faire connaitre sans compromettre les intérêts d'une famille, ou d'un tiers, ou ses propres intérêts. Si la personne qui interroge se trompe en donnant à la réponse plus de portée qu'elle n'en a, elle doit l'attribuer à son inadvertance, ou à son ignorance, ou à son défaut d'usage, ou à l'indiscrétion qu'elle a commise en cherchant à extorquer un secret.

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(1) Marc. c. 13. v. 32.-- (2) Dict. de Théologie, au mot Agnoëles. Voyez aussi S. Alphonse de Liguori, lib. m. no 152 et 970.

CHAPITRE II.

Du faux Témoignage.

1049. On distingue le faux témoignage public et le faux témoignage particulier : le premier est la déposition qu'on fait en justice contre la vérité, après avoir prêté le serment qu'on a coutume d'exiger des témoins; le second se confond avec le mensonge, dont nous venons de parler, ou avec la calomnie, dont nous parlerons plus bas. Il s'agit ici du faux témoignage public. Or, ce faux témoignage est un péché mortel, dont l'absolution est réservée à l'évêque dans plusieurs diocèses; il renferme le parjure, qui n'admet pas de légèreté de matière. Quiconque s'est rendu coupable de faux témoignage est tenu, par justice, de réparer le dommage qu'il a causé, soit dans la réputation, soit dans les biens de la personne contre laquelle il a déposé. Il est même obligé de se rétracter le plus tôt possible, à ses risques et périls, s'il ne peut autrement réparer le tort qu'il a fait, lorsqu'il a d'ailleurs lieu d'espérer de délivrer l'accusé par sa rétractation; car, toutes choses égales, la condition de l'innocent doit être préférée à celle du coupable : « In pari causa me«lior est conditio innocentis. » Celui qui, par sa faute, a exposé son prochain au danger de périr, est tenu de pourvoir à la sûreté de celui qu'il a compromis, plutôt qu'à la sienne propre; et celui qui a fait injustement un acte qui tend à porter un dommage à quelqu'un, doit lui-même supporter ce dommage pour en délivrer l'autre. Ce que nous disons du faux témoin s'applique à ceux qui ont coopéré efficacement au dommage, en engageant quelqu'un à porter un faux témoignage.

1050. Mais si le faux témoignage avait été porté de bonne foi, par suite d'une erreur nullement criminelle, le dommage qui en résulterait ne serait point imputable à celui qui aurait rendu ce faux témoignage. Cependant si, étant mieux informé, il pouvait, sans grave inconvénient, prévenir le dommage en se rétractant, il serait obligé de le faire, par charité de l'aveu de tous; et même par justice, suivant le sentiment le plus probable (1).

(1) Voyez le n° 954.

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