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137. Que toute âme, dit saint Paul, soit soumise aux puissances supérieures; car toute puissance vient de Dieu; c'est lui qui a établi celles qui existent. Ainsi celui qui leur résiste, résiste à l'ordre de Dieu, et s'attire la damnation. Soyez donc soumis, non-seulement par la crainte du châtiment, mais encore par motif de conscience; rendez à chacun ce qui lui est dû; le tribut, l'impôt, le respect, l'honneur, à qui ils appartiennent : « Omnis anima potestatibus su«<blimioribus subdita sit; non est enim potestas nisi a Deo; quæ << autem sunt a Deo ordinatæ sunt. Itaque qui resistit potestati, Dei « ordinationi resistit. Qui autem resistunt, ipsi sibi damnationem acquirunt... Ideo necessitate subditi estote, non solum propter « iram, sed etiam propter conscientiam... Reddite ergo omnibus « debita, cui tributum, tributum; cui vectigal, vectigal; cui timo« rem, timorem ; cui honorem, honorem (1). » L'Apôtre, comme on le voit, n'exclut aucune des lois civiles; et il parle expressément de la loi des impôts.

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138. C'est sur ce fondement que les Pères et les pasteurs de l'Église ont constamment porté les fidèles à payer les impôts, en leur enseignant que l'on ne doit jamais désobéir aux lois de l'État, à moins qu'elles n'exigent des choses contraires à la morale ou à la religion, ou qu'elles ne soient manifestement injustes. Dans le doute, on doit présumer en faveur du législateur, et se déclarer pour la loi.

139. Quels que soient les principes du législateur en matière de religion, la loi, quand elle est juste dans son objet, oblige les sujets. Ce ne sont point les hommes qui lient les consciences, c'est Dieu lui-même, de qui vient toute puissance; c'est lui qui nous ordonne d'être soumis aux lois : « Leges humanæ, dit saint Thomas (2), si « justæ sint, habent vim obligandi, in foro conscientiæ, a lege « æterna a qua derivantur, secundum istud: Per me reges regnant, « et legum conditores justa decernunt (3).

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140. Aussi, quelle que soit la forme du gouvernement, les lois portées et publiées conformément aux constitutions de l'État, si d'ailleurs elles ne sont point contraires à la justice ou à la religion, obligent, indépendamment de leur acceptation de la part des sujets. Que deviendrait la société, si les citoyens pouvaient, par le refus de leur adhésion, suspendre l'exécution des lois?

(1) Rom. c. 13. — (2) Sum. part. 1. 2. quæst. 96. art. 4. ▼ 15.

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CHAPITRE V.

Des Lois introduites par la coutume.

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141. Une coutume peut certainement acquérir force de loi Mos populi Dei et instituta majorum, dit saint Augustin, pro lege « sunt tenenda, et sicut prævaricatores legum divinarum, ita contemptores consuetudinum ecclesiasticarum coercendi sunt (1). » Aussi, on définit la coutume un certain droit établi par l'usage, lequel, à défaut d'une loi écrite, est reçu comme loi : « Consuetudo est jus quoddam moribus institutum, quod pro lege suscipitur, ubi deficit lex (2).

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142. Mais un usage n'a la vertu d'introduire une loi qu'autant qu'il réunit certaines conditions, sans le concours desquelles il demeure impuissant. Premièrement, l'usage doit être, dans son objet, juste, et d'une utilité publique. Ce qui est contraire à la loi de Dieu, à la décence, au bon ordre, ne peut évidemment ètre l'objet d'une loi.

143. Secondement, l'usage doit être général, c'est-à-dire qu'il doit être adopté par la plus grande partie de la communauté ou du corps qu'il concerne. L'usage qui n'est suivi que par quelques particuliers, quelque utile qu'il soit, n'a pas force de lui.

Troisièmement, il est nécessaire qu'il soit public; car il ne peut être obligatoire qu'autant qu'il est connu. D'ailleurs, il est nécessaire que les actes puissent parvenir à la connaissance du législateur, puisque le consentement au moins tacite de celui qui gouverne doit intervenir pour sanctionner l'usage et lui donner force de loi.

144. Quatrièmement, un usage ne peut se convertir en loi que par des actes libres de la part des sujets qui l'introduisent. Les actes qui se font par suite de la violence, par erreur ou par ignorance, ne peuvent concourir à établir un usage obligatoire. Quelque ancien que soit cet usage, s'il ne s'est établi que par la fausse supposition d'une loi qui n'existe pas, ou par une interprétation forcée qui donne à une loi plus d'étendue qu'elle n'en a, il ne peut avoir par lui-même le caractère sacré de la loi : « Ad consuetudinem re

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« quiritur, dit saint Alphonse de Liguori, ut actus sint liberi, non « autem per vim, aut metum, aut ignorantiam positi, puta, si po« pulus censeat existere legem, quæ revera non est (1). »

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145. D'après ce principe, qui n'est point contesté, nous ne regardons point comme un empêchement dirimant du contrat de mariage, la séduction, que les théologiens français confondent avec le rapt; car l'usage général sur lequel ils s'appuient pour faire un empêchement de la séduction, ne s'est établi en France que par une fausse interprétation du concile de Trente.

Cinquièmement, il est nécessaire que l'usage ait été constamment observé pendant un certain temps. La coutume étant un droit fondé sur l'usage, cet usage doit étre constaté par la répétition des mêmes actes durant plus ou moins de temps, afin que le législateur puisse juger s'il est dans l'intérêt général des sujets.

146. Mais quel temps faut-il pour cela? Les auteurs ne s'accordent pas. Les uns demandent le même temps que pour la prescription. Les autres pensent que les lois sur la prescription ne sont point applicables à la question dont il s'agit; que l'on ne peut déterminer, d'une manière précise, le temps nécessaire pour qu'une coutume oblige; qu'il faut plus ou moins de temps, suivant qu'on a plus ou moins de raisons de présumer que le législateur approuve l'usage et le ratifie. En effet, plus un usage est public, plus il est général et fréquent; plus il est important dans son objet, moins il faut de temps pour le convertir en loi. D'après ce sentiment, que nous adoptons, nous avons une règle sûre pour discerner parmi les différentes pratiques de l'Église, dont quelques-unes sont de temps immémorial, quelles sont celles qu'on doit regarder comme étant de précepte ou de simple dévotion. Nous en jugerons par les instructions ou les décisions des premiers pasteurs, dont l'autorité est nécessaire pour rendre une pratique obligatoire.

147. Enfin, il faut que l'usage soit sanctionné par le législateur. C'est au Pape et aux évêques, en matière ecclésiastique, de juger s'il est plus expédient de convertir une pratique en loi, que de l'abandonner à la piété des fidèles, sans leur en faire une obligation. Aussi, que d'usages dans l'Église, usages anciens et pieux, qui n'obligent point les fidèles! Tel est, par exemple, l'usage de recevoir les cendres le premier jour du carême, de prendre de l'eau bénite en entrant dans l'église, de réciter l'Angelus au son de la

(1) De Legibus, no 107. Voyez les Théologies de Poitiers, de Toulouse, de Legibus; Collet, de Legibus, cap. vn; les Conférences d'Angers, sur les Lois, conf. xi. quest. 1. etc., etc.

Voyez le t. n. n° 797, etc.

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cloche trois fois le jour, de faire une prière immédiatement avant et après le repas.

148. Dire que si ces pratiques de dévotion et autres du même genre n'obligent pas, c'est que les fidèles qui les observent n'ont pas l'intention de s'obliger, ce serait, ce nous semble, assigner aux lois ecclésiastiques une tout autre origine que celle qu'elles doivent avoir, d'après l'ordre établi par Jésus-Christ. Il n'appartient qu'au Souverain Pontife et aux évêques d'obliger les fidèles par une loi.

Ici nous ne parlons que de la coutume qui introduit une loi, coutume que nous appelons ultra legem. Nous examinerons, plus bas, ce qui a rapport à la coutume qui explique, ou modifie, ou abroge une loi.

CHAPITRE VI.

De l'Obligation qui résulte des Lois.

149. Les lois ecclésiastiques ou civiles, écrites ou non écrites, obligent en conscience, sous peine de péché mortel ou véniel. Une loi qui ne lie pas la conscience n'est point une loi proprement dite. Mais il ne peut y avoir de péché mortel que lorsqu'on transgresse une loi en matière grave; et toutes les fois qu'il y a matière grave, la transgression, si elle est d'ailleurs suffisamment libre, est mortelle; à moins que le législateur n'ait déclaré ne vouloir obliger, même en matière grave, que sous peine de péché véniel (1); ce qui arrive rarement. C'est une règle générale, que l'étendue d'une obligation se mesure sur la nature des choses qui en sont l'objet.

150. On reconnait qu'une loi oblige sous peine de péché mortel, 1o lorsque la matière est grave en elle-même; 2o lorsque la matière, sans être grave en elle-même, est regardée comme telle par ceux qui sont capables d'en juger, soit à raison du caractère des personnes que la loi concerne, soit à raison de la fin que se propose le législateur. Ce qui est peu important à l'égard des simples fidèles, peut être matière suffisante pour un péché mortel à l'égard des clercs et des personnes consacrées à Dieu. 3o Quand le législateur commande, en vertu de la sainte obéissance, sous peine de la ma

(1) 8. Liguori, de Legibus, no 113.

lédiction de Dieu, sous peine de péché mortel. 4o Quand une chose est défendue sous peine d'une excommunication majeure, d'une suspense, d'un interdit à encourir par le fait, ipso facto. Des peines aussi graves ne s'infligent que pour une faute mortelle. Si ces peines ne sont que comminatoires, il n'est pas certain que la loi oblige sous peine de péché mortel, à moins que la censure ne doive s'encourir sans une monition particulière, ou qu'il ne soit constant d'ailleurs qu'il y a matière grave: « Nisi dicatur quod ⚫ censura incurratur sine alia monitione; vel nisi de se materia sit a gravis (1), 5° Lorsque, d'après l'usage, les docteurs s'accordent généralement à reconnaître une faute mortelle dans la transgression d'une loi. Dans le doute si une loi oblige sous peine de péché mortel ou de péché véniel seulement, elle n'est pas censée obliger sub gravi (2).

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151. Il y a péché mortel toutes les fois que la transgression d'une loi, même en matière légère, est accompagnée du mépris formel ou pour la loi, ou pour le législateur considéré comme tel :

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<< In quacumque materia contemptus formalis legis aut legislatoris, « quod est contemnere legem seu superiorem qua superior est, « semper est peccatum mortale (3). »

Toutefois, il peut y avoir péché grave, sans qu'il y ait mépris formel ni pour le législateur ni pour la loi; le mépris implicite, qui est inséparable de toute transgression volontaire, suffit en matière grave pour le péché mortel. Il est même assez rare que le péché devienne mortel à raison du mépris; car il ne faut pas confondre le mépris formel du législateur, considéré comme tel, avec le mépris qu'on a de lui, soit à cause de son inhabileté, soit à cause de ses défauts personnels.

152. Les lois qui sont tout à la fois préceptives et pénales obligent en conscience, et ne peuvent être violées sans péché; une loi ne perd pas son caractère, elle ne cesse point d'être morale, parce qu'en commandant ou en défendant quelque chose, elle prononce des peines contre les infracteurs. Elles obligent même avant la sentence du juge, quand les peines qu'elles infligent sont purement spirituelles. Ainsi, les excommunications, les suspenses qui ne sont point comminatoires, s'encourent par le seul fait, ipso facto. I en est de même des irrégularités. Si la loi est privative d'un droit (1) S. Liguori, de Legibus, nos 140, 144, 146. (2) Le même docteur, Instruct. pratiq. pour les Confesseurs, des Lois, no 27. (3) Le même, de Legibus, no 142. Voyez aussi Collet, Bailly, les Conférences d'Angers, sur les Lois, etc.

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