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les droits de tous, et les autres fondés seulement sur les droits de quelques-uns : ceux-là l'ouvrage de la raison, ceux-ci le fruit de l'injustice. Mais chacune de ces deux espèces renfermait trois autres formes: la première, la république, l'aristocratie et la royauté : la seconde, la démocratie, l'oligarchie et la monarchie. La république chez eux était le gouvernement du grand nombre, l'aristocratie celui du petit nombre, et la royauté le gouvernement d'un seul, tous les trois ayant également pour objet l'utilité de tous; tandis que la démocratie, l'oligarchie et la monarchie n'avaient pour objet que l'utilité de quelques-uns, la démocratie étant la suprématie de la multitude qui rapportait tout à elle, l'oligarchie la suprématie des riches qui rapportaient tout à eux, et la monarchie la suprématie du monarque qui rapportait tout à lui. Il y avait république pour eux, là où la multitude n'abusait pas de sa force pour opprimer les riches et pour gouverner dans le seul intérêt des pauvres aristocratie, là où la minorité distinguée par ses richesses et par ses vertus, gouvernait dans l'intérêt des pauvres comme dans celui des riches; et royauté, là où le monarque, élevé sur le trône par son mérite, gouvernait pour l'avantage commun de tous, sans acception de personne. Mais il y avait démocratie, là où la multitude, fière de son nombre, voulait

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gouverner par le droit seul de la force oligarchie, là où la minorité, fière de ses richesses, voulait gouverner par le droit seul de la propriété enfin tyrannie, là où le monarque, fier d'une vertu qui lui était étrangère, celle de ses ancêtres, et se croyant issu du sang des dieux, parce qu'il était né d'un mortel fortuné, voulait régner par le droit seul de la naissance, en dédaignant celui qu'il tenait des lois et qui pouvait lui être ôté par elles. Tous les écrivains anciens sont d'accord à cet égard; et si l'on trouve quelquefois de l'obscurité dans leurs écrits, c'est qu'ils ont quelquefois confondu l'abus avec la chose, la démocratie avec la république, l'oligarchie avec l'aristocratie et la monarchie avec la royauté. Au surplus ces méprises, rares d'ailleurs, sont plus souvent celles de leurs traducteurs, que les leurs propres.

Aristote est celui des anciens qui a le mieux décrit les caractères des divers gouvernements, et Polybe celui qui a le mieux exposé leur formation successive ou, pour mieux dire, leur filiation.

Il paraît que la monarchie fut le gouvernement qui s'établit le premier chez la plupart des peuples, parce que le premier homme qui donna des lois à un peuple naissant, fut de droit son monarque. Ce monarque n'abusa pas lui-même du pouvoir, puisqu'il le régla; mais ses successeurs,

qui le reçurent par le droit de l'élection ou par celui de la naissance, en abusèrent après lui, et les riches le leur ôtèrent. Ainsi l'oligarchie remplaça la monarchie. Les riches n'abusèrent pas d'abord du pouvoir, dans la crainte de le perdre; mais ce furent les enfants des riches, nés dans la richesse et corrompus par l'orgueil, qui en abusèrent. Alors le peuple, dégoûté et des riches et des rois, se gouverna lui-même, et au gouvernement oligarchique succéda le gouvernement démocratique mais ce gouvernement dégénéra bientôt en anarchie, parce que le peuple abusant de sa force voulut opprimer les riches; et ce fut pour échapper à l'anarchie, que les riches et les pauvres eurent recours aux gouvernements mixtes qui, en garantissant les droits des uns et des autres, rétablirent la paix entre tous.

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D'abord on mêla tout à la fois la monarchie, l'oligarchie et la démocratie, et l'on forma ces royautés guerrières qui jetèrent tant d'éclat dans les temps héroïques de la Grèce; puis on ne mela plus que l'oligarchie et la démocratie, et l'on forma, tour à tour ces aristocraties orgueilleuses et ces républiques turbulentes, qui se disputèrent avec tant d'acharnement l'empire de la Grèce, et qui finirent toutes par aller s'engloutir dans l'empire romain.

CHAPITRE IV.

De la bonté relative des différentes formes de gouvernement.

TELLES furent les différentes formes de gouvernement qui parurent successivement sur la terre, et qui, ayant toutes commencé par la monarchie, finirent toutes par aller se perdre dans la monarchie.

Mais quelle est la meilleure de ces formes? Cette question, qui paraît d'abord très-simple, est cependant très-compliquée, parce qu'aucune forme n'a une bonté absolue, et qu'elles ont toutes une bonté relative à l'état de la société à laquelle elles sont données. Il faut donc bien connaître l'état de cette société, pour juger de leur bonté relative.

Les différentes formes de gouvernement n'ont été instituées que pour garantir aux hommes leurs droits. La meilleure est donc celle qui les leur garantit le mieux. Mais la forme qui est propre à garantir aux hommes leurs droits dans une société déterminée, n'est pas également propre à les leur garantir dans une autre, parce que chaque société est composée d'éléments divers et

que la forme du gouvernement doit être relative à la nature de ces éléments.

Dans les sociétés où la propriété est également répartie, il est facile de concilier les droits des riches et ceux des pauvres, en les faisant arbitrer par les gens aisés, qui y sont ordinairement les plus nombreux. Il faut donc dans ces sociétés établir la république.

Mais dans les sociétés où la propriété est inégalement répartie, on ne peut faire arbitrer les droits des riches et ceux des pauvres par les gens aisés, parce que les gens aisés y sont ordinairement moins nombreux que les pauvres. Il faut donc dans ces sociétés donner aux riches le poùvoir, afin que le pouvoir qui n'est pas garanti par la force, soit garanti par le droit. Il faut donc y établir l'aristocratie.

Dans les sociétés agricoles, les pauvres, dispersés dans les campagnes et occupés de travaux champêtres, sont en général paisibles; mais dans les sociétés manufacturières et commerçantes, les pauvres, agglomérés dans les villes et inquiets sur leur subsistance, sont ordínairement turbulents. Il faut donc, pour maintenir la paix dans ces sociétés, y renforcer l'aristocratie; et, pour renforcer l'aristocratie, y établir la royauté. La république convient donc mieux aux états purement agricoles, parce que dans ces états la

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