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Mais pour que ce mode soit encore plus tempéré, il faut dans les jugements civils laisser aux parties intéressées le droit de choisir les jurés, et dans les jugements criminels, celui de récuser les jurés qui leur déplaisent, ou dont elles suspectent l'impartialité.

Dans les jugements civils, les jurés doivent juger à la pluralité des voix, parce qu'il est nécessaire qu'ils prononcent pour l'une ou l'autre partie; et, quand il y a partage, le juge doit décider. Mais, dans les jugements criminels, les jurés doivent juger à l'unanimité, ou du moins à la pluralité des trois quarts de voix, parce que cette pluralité seule peut donner une garantie à l'innocence; et, quand ils jugent à la pluralité des trois quarts de voix, le juge doit avoir la faculté de renvoyer le jugement à d'autres jurés.

L'unanimité est le seul mode de juger qui ne laisse aucun doute; et, dans tous les jugements où ce mode est employé, la minorité finit toujours par se ranger à l'avis de la majorité, à moins qu'elle n'ait pour elle l'évidence, ou qu'il n'y ait parmi les jurés quelque homme corrompu. Or, dans ces deux cas, le juge doit décider, ou du moins avoir la faculté de faire reviser le jugement.

On a perfectionné le jury au criminel en le divisant en deux degrés, en jury d'accusation et

en jury de jugement. Le premier juge l'accusation; et l'autre, le fait imputé au prévenu en sorte que, lorsque le prévenu a contre lui deux jugements, il ne peut plus y avoir de présomption en sa faveur.

La question proposée au jury de jugement doit être simple, et se borner uniquement à lui demander si l'accusé est coupable du fait qu'on lui impute, parce que cette question embrasse tout à la fois le fait, l'intention et la culpabilité.

Le juge peut circuiter d'une commune dans une autre, et aller tenir le tribunal dans celle où s'est commis le délit, quand il y a moins d'inconvénients à déplacer les jurés que les té

moins.

On peut même le faire circuiter d'une province dans une autre, pour assurer plus d'impartialité aux jugements, parce que les jugements sont ordinairement dirigés avec plus d'impartialité par un juge étranger que par un juge domicilié, qui peut être influencé par des passions locales ou par ses liaisons particulières.

L'administration de la justice est la plus difficile à bien régler, parce qu'il y a toujours dans cette administration quelque chose d'arbitraire. Les lois ne peuvent pas tout prévoir, et il faut que les hommes décident tout ce qu'elles n'ont pas prévu. Il faut donc faire intervenir dans cette

administration des juges différents, afin que le jugement des uns rectifie celui des autres.

Le pouvoir judiciaire, placé dans les mains d'un être faible comme l'homme et sujet à tant d'erreurs, est un pouvoir redoutable, qu'on n'envisage qu'en tremblant; mais, quand il est placé dans les mains de jurés ou juges temporaires, plutôt que dans celles de juges permanents, on peut dire en quelque sorte qu'il n'est dans les mains de personne, parce qu'on ne peut montrer aucun homme qui en soit proprement investi, et qui ait réellement le droit de disposer de la vie des autres hommes. Ce pouvoir existe donc alors dans la société, et il n'existe nulle part. Si l'on pouvait oublier un moment les bienfaits de cette institution, on devrait au moins en admirer l'invention. On a cru qu'elle était l'ouvrage de la féodalité; mais elle nous vient, comme tant d'autres institutions, des Grecs et des Romains.

Voulez-vous donc organiser convenablement le pouvoir judiciaire de la province? Établissez un juge du droit et des juges du fait. Que le premier soit permanent, pour qu'il soit plus indépendant. Que les autres soient temporaires, pour qu'ils soient plus impartiaux. Laissez à l'accusé le droit de récuser une partie des jurés, afin qu'il soit assuré de n'avoir pas un ennemi pour juge, et

donnez-lui un conseil qui l'aide à se défendre, quand il ne peut pas se défendre lui-même.

Le pouvoir militaire de la province est plus facile à organiser. Ce pouvoir doit être composé de la force publique de toutes les communes de la province; et la force publique de toutes les communes de la province doit être commandée par un officier-général, qui soit lui-même subordonné à l'administration provinciale, afin que le pouvoir militaire ne puisse jamais agir sans l'intervention du pouvoir civil.

Le gouvernement de la province doit être subordonné au gouvernement de l'état en tout ce qui lui est commun avec l'état.

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CHAPITRE V.

De la distribution des pouvoirs dans l'état, ou du
gouvernement général.

Le gouvernement de l'état doit être composé d'un conseil législatif, d'une administration suprême, et d'un conseil exécutif, divisé en conseil administratif, en conseil judiciaire, et en conseil militaire.

Le conseil législatif, qui est le conseil-général

de l'état, doit faire les lois; l'administration suprême, les faire exécuter; le conseil administratif, diriger l'administration suprême; le conseil judiciaire, l'administration judiciaire; et le conseil militaire, l'administration militaire.

Le conseil législatif doit être divisé en deux sections au moins, en un conseil représentatif, et en un sénat, afin que le pouvoir de l'un modère celui de l'autre.

Le conseil particulier de la commune et celui de la province peuvent n'être pas divisés, parce qu'ils sont subordonnés l'un à l'autre, et tous deux au conseil-général de l'état; mais le conseilgénéral de l'état, qui n'est limité par rien, doit se limiter lui-même, en se divisant au moins en deux sections, en un conseil représentatif, et en un proconseil ou sénat.

Le conseil représentatif doit être composé de conseillers temporaires ou représentants, élus dans chaque province, afin que chaque province ait, dans ce conseil, au moins un défenseur de ses intérêts; et le sénat doit être composé de conseillers permanents, élus parmi les anciens magistrats, parce que d'anciens magistrats doivent mieux connaître que de simples citoyens les intérêts généraux de l'état.

L'administration suprême doit être composée d'administrateurs délibérants et d'administrateurs

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