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Quand on observe les hommes dans la société, on les y trouve distribués en divers groupes, distingués les uns des autres par la naissance, par la profession, ou par la propriété : d'où sont nées les classifications sociales d'après lesquelles on a réglé l'exercice des droits politiques, et qui ont été établies, tantôt sur la naissance, tantôt sur la profession, et tantôt sur la propriété.

S'il existait sur la terre une race d'hommes supérieure aux autres hommes par la force du corps, ou par l'étendue de l'intelligence, telle qu'on nous peint celle des demi-dieux ou des héros, certes, il faudrait leur déférer le pouvoir souverain à l'exclusion des autres hommes, parce qu'ils sauraient mieux l'exercer; mais, puisque tous les hommes naissent avec les mêmes organes et les mêmes facultés, la classification établie sur la naissance n'a aucun fondement réel dans la nature, et elle a cet inconvénient dans la société, qu'en élevant une classe d'hommes elle dégrade toutes les autres.

La classification établie sur la profession a précédé partout la classification établie sur la propriété, parce que, partout où il n'y a point encore de propriété acquise, la profession est le seul moyen d'en acquérir une.

Envisagés sous le rapport de la profession, les hommes peuvent être distribués en deux grandes

classes qui comprennent toutes les autres : l'une, de ceux qui cultivent les arts libéraux; et l'autre, de ceux qui cultivent les arts mécaniques. La première est composée des savants de toute espèce, des médecins, des interprètes de la religion et des lois, des historiens, des poètes, de tous les littérateurs enfin. L'autre est composée des ouvriers proprement dits, depuis le premier des artistes jusqu'au dernier des manouvriers, et se divise en agriculteurs, qui créent, en quelque sorte, les produits de la terre; en manufacturiers, qui les façonnent; et en marchands, qui les font circuler, pour les transmettre de la main du producteur dans celle du consommateur. Mais chacune des professions mécaniques, que l'on nomme proprement métiers, pour les distinguer des professions libérales, se subdivise en deux autres, dont l'une dirige le travail, tandis que l'autre ne fait que l'exécuter: la première comprend les entrepreneurs proprement dits; et l'autre, les simples ouvriers.

Lorsqu'on veut classer les hommes sur l'échelle sociale, d'après leur utilité, on est d'abord porté à placer les ouvriers avant les savants, parce que, si ceux-ci embellissent la société, ce sont les autres qui la maintiennent; mais, lorsqu'on réfléchit que les uns et les autres concourent également à la production, puisqu'il n'est aucun des

arts mécaniques qui ne doive aux arts libéraux son existence ou ses progrès, on sent alors qu'il faut placer, avant tous les autres, les arts libéraux, qui, en concourant, avec les arts mécaniques, à conserver aux hommes la vie physique, leur dispensent en outre tous les bienfaits de la vie morale, et les conduisent au bonheur par la vertu. Ce sont en effet les savants qui instruisent les autres hommes de leurs devoirs, qui défendent leurs droits, qui les soulagent dans leurs infirmités, qui les consolent dans leurs malheurs, qui charment leurs ennuis, ou qui embellissent leurs loisirs. Il faut donc placer sur l'échelle sociale, les arts libéraux aux premiers rangs, et les arts mécaniqnes aux derniers.

Mais, dans ces derniers rangs de la société, il est une classe d'hommes qui, par la douceur de ses habitudes et la bonté de ses mœurs, mérite d'être distinguée de toutes les autres; c'est la classe des agriculteurs.

Cette classe, qui vit dispersée dans les champs, ou réunie en groupes dans les villages, est peutêtre la meilleure de toutes, parce qu'elle est la plus occupée, et que ses occupations variées la préservent également du vice et de l'ennui. L'agriculteur n'est presque jamais oisif. Ses travaux l'occupent sans cesse, aux champs comme à la maison, l'hiver comme l'été, dans les longs jours

comme dans les longues nuits. Absorbé tout entier par la multiplicité et la variété de ses soins, il s'aperçoit à peine des agitations de la vie, et voit tous ses jours s'écouler paisiblement. Il a les passions moins vives que les autres hommes, l'esprit moins inquiet, le cœur plus pur.

Les hommes, au contraire, qui exercent des métiers proprement dits, et qui les exercent en divers lieux, tels que les ouvriers ambulants, les marchands forains et les matelots, forment presque partout la classe la moins bonne de la société, parce que ces hommes contractent dans leurs métiers des habitudes qui les portent plus ordinairement au vice qu'à la vertu. Tous ces coureurs d'ateliers, de halles et de mers, habitués à braver l'opinion publique et les dangers, à vivre dans le tumulte et la corruption des villes, s'organisent aisément en bandes et en factions, au lieu que les agriculteurs, dispersés dans les champs, ne se réunissent en troupes que pour faire des offrandes à Dieu. Il faut donc distinguer les ouvriers des champs de ceux des villes, les ouvriers à demeure fixe des ouvriers vagabonds, et ne pas accorder à ceux-ci les mêmes droits politiques qu'aux premiers.

Il y a des métiers qui déforment le corps, en obligeant de travailler à l'ombre ou près du feu; mais il y en a d'autres qui le fortifient par des

CHAPITRE IX.

Des classifications fondées sur la propriété, ou du cens politique.

TELLE est la meilleure manière de classer les hommes dans la société, quand on veut les y classer d'après leur profession; mais cette manière, qui peut convenir dans les sociétés naissantes, où les arts sont les seuls moyens d'acquérir la propriété, ne convient plus dans les sociétés perfectionnées, où la propriété acquise peut seule donner l'indépendance nécessaire pour exercer les droits politiques; et c'est ce qui a fait substituer, dans ces sociétés, à la classification établie sur la profession, la classification établie sur la propriété.

Envisagés sous le rapport de la propriété, les hommes peuvent être divisés en trois grandes classes, en riches, en aisés, et en pauvres. Les riches ont le superflu; les aisés, le nécessaire; et les moins le nécessaire. Les pauvres pauvres, que sont donc obligés de chercher dans leur travail ce qui leur manque, et ils dépendent plus ou moins de ceux qui les font travailler. Mais les

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