Obrázky na stránke
PDF
ePub

faire leur part à trois lois. Dans cet ordre d'idées, la pratique fournit des espèces plus compliquées que celles que peut imaginer un jurisconsulte.

Les questions nées ainsi de la divergence des législations civiles ont été en augmentant incessamment de nombre et d'importance, comme le prouvent les recueils de jurisprudence, surtout le précieux Journal du droit international privé et de la jurisprudence comparée, fondé par M. Clunet en 1874.

Cette matière du Conflit des lois ou du droit international privé, pour lui donner les dénominations usuelles, a toujours passé pour difficile. Elle avait une très grande importance dans l'intérieur de notre ancienne France, à raison de la diversité des coutumes, et elle avait donné lieu à des travaux considérables. Le judicieux président Bouhier, au début du xxn chapitre de ses Observations sur la coutume du duché de Bourgogne, consacré à l'étude de ces conflits, disait : « De toutes les difficultés que la diversité des statuts a introduites dans la jurisprudence, il n'y en a aucunes qui soient plus intriguées et plus épineuses que celles dont je vais parler. Si donc, comme le dit un jurisconsulte contemporain (1), le droit international a la réputation de science à broussailles, les jurisconsultes de nos jours qui se sont occupés de ces matières n'en sont pas entièrement responsables, comme vou draient le faire croire quelques-uns, et, si on était équitable, on devrait reconnaître, au contraire, qu'ils ont fait une besogne utile en commençant à défricher la brousse. L'oeuvre est d'autant plus méritoire qu'elle est plus malaisée et, en définitive, il n'y a pas si longtemps qu'on s'en occupe sérieusement sous son aspect nouveau de règlement des rapports internationaux au lieu du règlement des rapports entre les provinces d'un même Etat. Sans doute, il y a en cette matière

(1) Thaller, Des faillites en droit comparé, II, no 234 (ouvrage couronné par l'Académie).

des théories très divergentes et on ne doit pas s'en étonner, puisque le problème est délicat en lui-même et que le législateur français s'est presque entièremenl effacé. La disposition principale de notre Code civil dans cet ordre d'idées, l'article 3 marque, comme on l'a très bien dit, plutôt la place d'une législation absente qu'elle ne constitue une législation sur le conflit des lois (1). Nous y trouvons seulement deux règles sur certaines lois françaises qui s'appliquent aux étrangers en France, une règle sur les lois françaises qui s'appliquent aux Français en pays étranger; il n'y a rien sur l'observation en France des lois étrangères et de brèves allusions sont faites dans le reste du Code aux lois étrangères à prendre en considération pour des actes intervenus en pays étranger (art. 47, 170, 999). Cette insuffisance du Code civil s'explique, si on se reporte à sa date et à l'état des relations internationales d'alors. On n'était plus sous l'empire des idées généreuses et un peu naïves, peut-être, qui avaient signalé le début de la Révolution et amené de profondes réformes dans la condition des étrangers. On avait été en guerre avec presque toute l'Europe et si, dans une accalmie, Portalis, présentant le titre préliminaire du Code civil, déclarait que « les différents peuples, depuis les progrès du commerce et de la civilisation, ont plus de rapports entre eux qu'ils n'en avaient autrefois, les dispositions adoptées ne témoignaient ni d'une grande sympathie pour les étrangers ni d'une grande confiance dans leurs institutions judiciaires.

Nos magistrats, nos jurisconsultes n'ont donc eu à leur disposition que des textes bien insuffisants pour résoudre les innombrables questions soulevées par la pratique des affaires et il ne faut pas trop s'étonner des incertitudes, de la divergence et même de la contradiction des décisions et des opinions.

Les Codes postérieurs au nôtre ont pu naturellement être plus explicites. Il faut citer tout d'abord le Code civil ita

(1) Lainé, Etude sur le projet de revision du Code civil belge, p. 5.

lien de 1865 qui, dans ses Dispositions préliminaires, contient sur le conflit des lois quelques règles vraiment libérales, en ce qu'elles déterminent la loi rationnellement applicable sans donner en principe la prépondérance à la loi italienne ; le Code espagnol de 1889 inspiré en partie par le Code italien. Les lois les plus récentes sont le Décret congolais sur le conflit des lois du 20 février 1891 (vraiment remarquable), la loi japonaise du 15 juin 1898 et la loi d'introduction au Code civil allemand en vigueur depuis le 1er janvier 1900. On pourrait croire que cette loi venant la dernière, résultant d'une lente élaboration par des jurisconsultes de premier ordre, nous a donné le travail législatif le plus achevé en cette matière. Il n'en est rien des jurisconsultes allemands trouvent eux-mêmes que l'oeuvre est imparfaite et incomplète, ne répondant pas à des vues scientifiques et se préoccupant trop d'assurer, même sans raisons décisives, la prépondérance à la loi allemande. Les Japonais n'en ont pas moins cru que cette loi allemande devait exprimer le dernier mot de la science européenne et s'en sont trop largement inspirés pour leur propre loi.

Jusqu'à présent, ce qu'il y a certainement de mieux au point de vue législatif, c'est le projet du titre préliminaire du Code civil belge (1), malheureusement laissé sans suite, la machine législative ne fonctionnant pas plus aisément en Belgique que dans d'autres pays à régime parlementaire.

Il n'est pas sans intérêt de signaler aussi la loi fédérale suisse du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour (2). Sous ce titre un peu singulier pour nous, cette loi s'occupe à la fois des conflits entre les lois des divers cantons suisses et des conflits entre les lois suisses (cantonales ou fédérales) et les lois étrangères, c'est

(1) V. la remarquable étude de M. Lainé publiée en 1890 (Pichon, éditeur).

(2) V. l'étude de M. Lainé, Paris, 1894.

à-dire du droit intercantonal et du droit international, le premier étant beaucoup plus développé que le second. Il est à remarquer que, dans un pays comme la Suisse, le législateur fédéral obéit à une double tendance: il cherche à unifier le droit (loi du 24 décembre 1874 concernant l'état civil, la tenue des registres qui s'y rapportent, le mariage) ou, tout au moins, à régler les conflits entre les lois diverses maintenues en vigueur. Dans les rapports internationaux, le second point de vue est évidemment le seul à envisager.

Ce qu'il est essentiel de relever, et j'entre ainsi dans le vif de mon sujet, c'est que la législation la plus complète et la mieux ordonnée n'aura jamais en cette matière qu'un effet limité. Si, par exemple, en France, au lieu de textes tout à fait insuffisants, nous avions un ensemble de règles précises et judicieuses sur les conflits de lois, il y aurait cet avantage incontestable que les tribunaux seraient mieux qu'aujourd'hui guidés dans l'accomplissement de leur tâche, qu'il serait possible à un jurisconsulte d'indiquer avec certitude les conditions auxquelles un mariage célébré entre étrangers en France ou entre Français à l'étranger serait tenu pour valable en France. Ce serait quelque chose sans doute, mais il n'y a là qu'un côté du problème. Des contestations relatives à ce mariage peuvent s'élever ailleurs qu'en France, dans le pays d'origine des parties ou de l'une d'elles, dans le pays où le mariage a été célébré. Pour le jugement de ces contestations, le Tribunal saisi s'inspirera-t-il des règles suivies en France?

Ce n'est pas sûr, et il pourra se faire que le mariage tenu pour valable en France soit considéré ailleurs comme nul ou réciproquement; il n'y a pas besoin d'insister pour faire ressortir ce qu'a de fâcheux une pareille situation dont souffriront souvent d'innocentes victimes comme les enfants. Sans doute, on est toujours exposé à ce que plusieurs Tribunaux saisis d'une même affaire l'apprécient différemment, surtout quand ces Tribunaux n'appartiennent pas au même pays, mais le risque de sentences contradictoires est singulièrement ag

gravé si ces Tribunaux n'ont pas pour leurs décisions les mêmes règles directrices, si, par exemple, pour déterminer la capacité d'une personne, un Tribunal s'attache à la loi du pays dont cette personne est originaire et un autre à la loi du pays où, en fait, elle est domiciliée. On ne peut remédier à ce grave danger qui compromet d'importants intérêts matériels et moraux qu'en édictant une règle qui s'impose aux tribu. naux des divers pays dans lesquels des contestations pourront s'élever pour un même acte juridique. C'est donc par des Conventions internationales que les conflits de lois peuvent être réglés d'une manière vraiment pratique (1).

Chose curieuse, c'est peut-être un jurisconsulte hollandais, le célèbre Jean Voet, qui, après avoir énergiquement affirmé la souveraineté des Etats et leur droit absolu d'écarter les lois étrangères, a le premier conseillé de recourir aux Conventions internationales pour que l'exagération de cette indépendance mutuelle n'entraînât pas de fâcheuses conséquences.

De nos jours, sauf de très rares exceptions, les jurisconsultes qui se sont occupés de ces matières appellent de leurs vœux la conclusion de pareilles Conventions, tout en ne se dissimulant pas les obstacles à surmonter. Le célèbre homme d'État et jurisconsulte italien, Mancini, s'est particulièrement signalé par ses efforts pour y arriver. En 1867, le gouvernement italien lui donnait une mission à l'effet d'ouvrir des négociations officieuses en ce sens en France, en Allemagne, en Belgique. La guerre franco-allemande survint avant qu'elles eussent produit un résultat appréciable. En 1874, Mancini, président de l'Institut de droit international réuni à

(1) Voir à ce sujet Ch. Soldan, De l'utilité des conventions internationales en matière de droit international privé, Paris, 1881.

L'auteur dit dans l'état actuel des choses, la conclusion de traités internationaux réglant les questions de droit international privé nous paraît tellement désirable que nous applaudirions une entente qui ferait cesser l'incertitude actuelle, même si les principes adoptés nous paraissaient contraires à la véritable théorie.

« PredošláPokračovať »