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naturel de penser que c'était parmi les premiers chrétiens que je trouverais les meilleurs protestants; en conséquence, j'ai, comme on l'a vu, dirigé mon attention vers l'ère apostolique de l'Eglise, et continué mes recherches successivement dans les quatre premiers siècles qui, comme les degrés de l'échelle de Jacob les plus rapprochés du ciel, devaient avoir été plus directement et plus vivement éclairés des rayons de la lumière divine. Eh bien quels ont été en définitive les résultats de cette étude si active et si consciencieuse? Où ai-je, je le demande, trouvé un seul protestant dans toute cette période si pure? Y ai-je même découvert le moindre germe d'une doctrine anticatholique? Serait-ce dans les bonnes œuvres et dans le jeûne hebdomadaire de saint Barnabé et d'Hermas, ou dans la présence réelle et le changement des éléments. soutenus par saint Ignace et saint Justin? Serait-ce dans le respect que professe le premier pour les traditions orales de l'Eglise, ou dans la vénération dont ses cendres et celles de saint Polycarpe ont été l'objet de la part des chrétiens de l'époque qui les suivit immédiatement? Saint Irénée parlait-il dans le sens du protestantisme lorsqu'il revendiquait pour le siége de Rome la primauté et la supériorité sur toutes les autres Eglises, ou quand il déclarait positivement que l'oblation du corps et du sang sur l'autel est le sacrifice de la loi nouvelle ? Mais il est inutile de parcourir de nouveau, même rapidement, les divers degrés qui nous ont conduits à celle conclusion pleine d'évidence et qui doit convaincre, à mon avis, les lecteurs même les moins sincères qu'il n'y a pas une seule des doctrines ou des pratiques rejetées maintenant par les protestants comme papistes, qui n'ait été professée et observée sur la double autorité des Ecritures et de la tradition, par toute l'Eglise de Jésus-Christ, dans les quatre premiers siècles.

Tandis que je trouvais ainsi le catholicisme, ou, si vous le voulez, le papisme, parmi les orthodoxes de ces temps-là, quel est celui chez lequel seul j'ai découvert les doctrines du protestantisme ? Que l'ombre de Simon le Magicien, ce véritable père du calvinisme, apparaisse et réponde; interrogez les capharnaïtes, et écoutez le langage présomptueux qu'ils tinrent en se demandant les uns aux autres comment Notre-Seigneur pouvait-il nous donner sa chair à manger; que les guostiques, qui croyaient au mariage et à la progéniture du Saint-Esprit, produisent leurs doctrines de l'élection, de la persévérance, des décrets immuables, etc., etc., que les manichéens viennent et proclament l'entière corruption de la nature humaine et la perte totale du libre arbitre; dites aux docètes et aux marcionites de produire ici leur eucharistie sans corps et sans sang; appelez Novatien, Aérius, Vigilance et consorts pour protester contre la tradition, les prières pour les morts, l'invocation des saints, et la vénération rendue aux reliques; en un mot que toute la multitude d'hérétiques et de schismatiques qui, pendant tout ce temps, se sont

successivement élevés et rangés comme en ligne de bataille contre l'Eglise, se réunissent et apportent ici chacun son contingent d'erreur dans cette guerre incessante, et je puis vous répondre qu'on en pourra composer un corps de doctrine protestante si complet, qu'il aurait pu épargner aux réformateurs de Wittemberg et de Genève toutes les peines et les difficultés de leur mission.

Telle étant donc l'opinion que je m'étais formée sur cette matière si importante, et que je n'avais définitivement adoptée qu'après beaucoup de réflexion et une sérieuse résistance, il est tout naturel d'en conclure que, quelque impérieux que fussent les motifs qui me poussaient à me faire protestant, j'avais enfin abjuré toute pensée de me soumettre à une métamorphose aussi rétrograde, Quelque surprenant que cela puisse paraître, il n'en était pourtant pas ainsi; au contraire, je me sentais toujours entraîné comme par la main du destin, et saisi d'une sorte de vertige semblable à ce qu'éprouvent les personnes qui se trouvent sur le bord d'un précipice; j'avais si longtemps plongé mes regards dans le gouffre ténébreux du protestantisme, qu'il me paraissait bien difficile de me garantir d'y tomber.

Ce que je viens de dire me conduit enfin à m'expliquer, comme je l'ai promis depuis si longtemps à mes lecteurs, sur les motifs qui, indépendamment de ceux dont j'ai parlé au commencement de cet ouvrage, me poussaient à étouffer, autant qu'il était en mon pouvoir, tous les scrupules religieux, et à ine résoudre à embrasser le protestantisme dans les ténèbres, dans le cas où ses traits re me paraîtraient pas en état de supporter la lumière du jour. Quoique je prévisse bien que mon changement de foi dût me mettre dans un état infiniment pire, sous le rapport spirituel, je n'en cherchais pas moins à me persuader qu'il était bien juste, en définitive, qu'après avoir tant souffert au service d'une bonne religion, j'essayasse de me dédommager en participant un peu à la prospérité que je voyais attachée à la profession d'une mauvaise. En un mot, le but de mon voyage, comme de celui de Jason, était une toison d'or, et je ne manquais pas, comme on le verra par ce que je vais dire, d'une belle Médée pour m'aider dans cette entreprise et la conduire à bonne fin.

La maison qu'habitait mon père, dans sa petite propriété, dans le comté de ***, était située dans le voisinage d'une partie des domaines de lord ***, un de nos plus considérables absents, dont l'homme d'affaires, sorte d'autre lui-même, restait là pour administrer tout ce qui composait ces immenses possessions, comme si elles cussent été les siennes propres. La résidence de cet homme d'af-faires était à deux milles environ de la maison que nous occupons, et il existait depuis longtemps une étroite intimité entre les deux familles. Celle de l'homme d'affaires ne se composait que de lui-même et de sa sœur, demoiselle déjà un peu âgée, dont le sort était, ainsi qu'on le verra, d'exercer une

grande influence sur mes destinées tant spirituelles que temporelles. Cette dame et son frère étaient protestants, cela va sans dire, le noble propriétaire de ces domaines étant de cette classe de personnes orthodoxes qui pensent qu'il ne serait pas sûr de mettre en contact avec leur or et leur argent une autre religion que le protestantisme.

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Miss se vantait souvent que, depuis le temps de la réforme, sa famille avait toujours professé la foi dominante, bien que quelques uns des voisins les plus âgés donnassent à entendre que son protestantisme, s'il était héréditaire, était demeuré, à leur connaissance, pendant plusieurs générations, tout au plus dans un état latent; mais tout le monde convenait cependant qu'il avait reparu dans miss sous la forme la plus tranchée, puisqu'elle faisait profession d'appartenir à la secte qu'on appelle évangélique ou vitale.

Cette demoiselle avait, dès le principe, manifesté un vif intérêt pour mon salut; et, possédée, comme toutes les personnes de son école, d'un zèle ardent pour le prosélytisme, elle m'avait souvent proposé une promenade le long des bords de la rivière, dans le but charitable de s'entretenir avec moi sur des sujets religieux, et de m'apprendre, suivant ses propres expressions, à connaître le Seigneur aussi intimement qu'elle le connaissait elle-même. Cette manière de s'exprimer et l'orgueil excessif avec lequel elle parlait toujours du noble patron de son frère, faisaient que le mot de seigneur, qui, sous une forme ou sous une autre, sortait à chaque instant de sa bouche, produisait par fois des équivoques assurément très-amusantes entre le spirituel et le temporel, qu'on ne pourrait, sans manquer d'égards, rapporter ici. Cette demoiselle, en faisant ainsi tant d'efforts pour me convertir, avait-elle dans le principe d'autres vues ultérieures que de satisfaire cet amour de protection qui est si actif dans les saints, c'est ce que je ne prétends pas décider; mais je ne tardai pas à m'apercevoir que des sentiments d'un autre genre se mêlaient pour beaucoup à sa sollicitude pour mon bien spirituel ; et je ne pouvais ne pas observer qu'à proportion que j'approchais davantage de l'âge nubile, et qu'elle au contraire s'en éloignait de plus en plus, un certain air d'intérêt plus tendre se répandait dans toutes ses manières; elle nous ménageait des promenades plus fréquentes et plus longues, et même ses discours religieux devinrent tellement parfumés de sentiment, que jamais auparavant'il n'avait été aussi difficile de distinguer Cupidon et Calvin l'un de l'autre.

Quoiqu'il fût impossible, ainsi que je l'ai déjà dit, de ne pas deviner ce que signifiait tout cela, il y avait, indépendamment de l'avantage que cette demoiselle avait sur moi par rapport au nombre des années, d'autres circonstances qui m'empêchaient de croire qu'elle songeât le moins du monde à une union matrimoniale entre elle et moi. Je lui avais souvent entendu, déclarer que devenir

la femme d'un papiste serait de sa part se dégrader d'une manière si infâme et si révoltante, que c'était capable de réveiller ses ancêtres protestants dans leurs tombeaux et de les en faire sortir avec indignation; à quoi il faut ajouter que n'ayant, comme on le croyait généralement, d'autre fortune que ce qu'elle pouvait attendre de la bonté de son frère, il paraissait bien improbable qu'elle voulût s'exposer au danger d'encourir sa disgrâce en formant une alliance, si peu judicieuse sous d'autres rapports, avec un homme aussi peu favorisé que moi des biens de ce monde.

CHAPITRE XXXI.

Recteur de Ballymudragget.-Nouvelle forme de chapeau.- Scène tendre dans le bosquet. Moment d'embarras. - Arrivée du Bill d'émancipation pour les catholiques.-Correspondance avec miss ***.

Telles étaient mes idées sur ce sujet, lorsque, pendant une visite de quelques jours à ma famille, il arriva un événement qui dissipa tous mes doutes par rapport à l'objet qu'avait en vue notre belle voisine; et, entr'ouvrant l'avenir à mes yeux, m'y fit apercevoir des espérances qui, en même temps. m'éblouirent et m'embarrassèrent. J'ai déjà fait connaître précédemment à mes lecteurs un autre des voisins de mon père, le riche recteur de Ballymudragget. La figure de ce majestueux personnage était, depuis ma plus tendre enfance, si intimement liée à toutes mes idées en fait de religion, que, quand même je viendrais maintenant à être favorisé de visions aussi béatifiques que celles de sainte Thérèse, l'ombre corpulente de ce recteur ne manquerait pas de venir obscurcir la lumière de mes rêves.

Sa grande importance dans notre voisinage, ses éternelles dîmes, que je ne considérais, dans mon enfance, que comme une espèce particulière de friandise dont vivaient les recteurs; son vénérable chapeau, qu'on était habitué à voir le long de nos routes se mouvoir comme un météore, effrayant les pauvres et exigeant les hommages des riches; le petit nombre choisi d'auditeurs auxquels il débitait, comme en forme de soliloque, ses discours, chaque dimanche ; en un mot, tout ce qui se rattachait à sa personne contribuait à me donner une idée étrange et confuse de la religion dont il était le ministre, et me le faisait considérer comme une sorte de grand lama, enchâssé à Ballymudragget, et, en avançant en âge, je commençai, comme cela devait être, à connaître plus clairement ce qui en était, et je sus que, sous le titre ironique de ministre de l'Evangile, le vieux recteur n'était rien moins que le riche possesseur d'une bonne sinécure de deux mille livres sterling (cinquante mille francs) par an, qui lui avait été conférée par le père du lord actuel, il y avait à peu près vingt ans. A l'époque de ma visite, dont je viens de parler, le révérend gentleman se trouvait assez dangereusement malade, et tout l'inté

rêt qu'excitait cette maladie dans le voisinage, se réduisait à peu près à fournir an commérage un sujet de conversation. Un changement de chapeau, voilà en vérité tout ce que la plupart des gens pouvaient attendre de sa mort, et il était généralement reconnu que, comme variété, une nouvelle forme de coiffure serait bien accueillie. Cependant, s'il fallait s'en rapporter au bruit public, notre heureux voisin, l'homme d'affaires, avait un intérêt beaucoup plus substantiel à la mort de son recteur, le lord actuel ayant fait la promesse, en succédant à son père, que la première présentation au bénéfice serait à la disposition de son intendant.

Jusqu'à quel point ce bruit était-il fondé, c'est ce dont je ne me suis jamais donné la peine de m'assurer; mais un matin, à jamais mémorable, le bruit s'étant répandu, à ce qu'il paraît, que le vieux recteur était telleinent mal que les médecins en désespéraient, miss me proposa une promenade au presbytère pour en avoir des nouvelles certaines. A notre arrivée à la porte, nous fûmes introduits, et, tandis que le domestique allait porter notre message, ma compagne et moi nous nous promenâmes dans le berceau en treillis qui conduisait du cabinet d'étude bien meublé du recteur aux prairies et aux bosquets dont sa maison était environnée. Comme je n'avais jamais vu ces lieux pendant le jour, il m'arriva, pendant que nous nous promenions, de m'écrier tout haut: « Quel luxe! quelles délices ! » et alors ma belle compagne, comme ne pouvant contenir plus longtemps ses sentiments, jeta sur moi un regard de la plus languissante tendresse, et, plaçant doucement sa main sur mon bras, elle me dit : « Aimeriez-vous bien « à être le maître d'une pareille résidence? »

Il était impossible de s'y méprendre; le regard, le ton de la voix, la question ellemême disaient des volumes. Je vis dans ses yeux que la présentation était en son pouvoir; je sentis dans sa main une douce invitation, et déjà, dans les rêves prophétiques de mon imagination, j'étais son mari et recteur ! L'abîme que, quelques secondes encore auparavant, je croyais voir ouvert entre le papisme et les trente-neuf articles, se trouva tout à coup franchi sans difficulté par un élan subtil de mon imagination; et si un incident providentiel ne fût pas venu interrompre notre conversation, j'étais prêt, je le crains bien, à contracter un engagement dont j'aurais eu plus tard à me repentir comme homme et comme chrétien.

Ce n'est pas en me contentant de répéter simplement le peu de mots qu'ell, laissa échapper dans ce court intervalle que je pourrais en faire sentir le sens et toute la portée. Dans leur excessive brièveté, ces phrases me donnaient à entendre d'une manière vague et générale que son frère, chose vraiment importante à savoir, à la recommandation duquel le nouveau recteur devait être nommé, avait mis à sa libre et catière disposition le bénéfice en question

comme une dot à offrir à celui qu'elle tronverait disposé à la partager avec elle, et qu'elle en jugerait digne; que ma malheureuse religion était le seul et unique obstacle qui pût l'empêcher de jeter les yeux sur moi pour me rendre l'heureux possesseur de cette double fortune, et qu'il ne dépendait que de moi, si demain il arrivait mal au recteur, de m'unir tout à la fois au protestantisme, à elle et à Ballymudragget. Quoique ébloui d'abord par cette brillante perspective, je n'eus besoin, je dois le dire, que d'un moment de réflexion pour rétablir mon esprit dans la même indifférence où il était habituellement en fait d'avantages temporels à perdre ou à gagner.

Indépendamment du côté religieux de la question, je vis sur-le-champ même quelle tache déshonorante s'attacherait pour toujours à mon nom, si, dans un moment où les espérances des catholiques paraissaien! entièrement perdues, je désertais la foi opprimée de mes pères pour une si brillante récompense.

Le prompt rétablissement du vieux recteur vint m'épargner la peine d'entrer dans toutes ces explications avec cette demoiselle; mais la malheureuse scène qui venait de se passer dans le bosquet du presbytère avait donné à nos rapports un caractère tout nouveau. Elle interprétait dans le sens le plus favorable à ses désirs l'embarras où elle s'était aperçue que m'avaient jeté les paroles si expressives qu'elle m'avait adressées. Sans revenir positivement au sujet en question, toujours, depuis ce moment, il y eut de sa part, dans tous nos rapports, une impression de tendresse qui marquait que nous nous étions entendus; et, soit par un effet de la disposition habituelle où j'étais de ne vouloir causer de peine à personne, soit peut-être par un peu de vanité d'avoir fait cette première conquête, je ne fis aucun effort pour détruire cette impression.

Environ deux ou trois mois après cette aventure, arriva le bill d'émancipation, et le lecteur connaît déjà quelques-uns des effets que produisit sur moi ce grand événement. Pendant le temps que j'employai à poursuivre le cours de mes études sacrées, je me vis dans l'impossibilité de trouver l'occasion d'aller visiter ma famille; ce qui fit que mes rapports avec ma belle conquête durent, malheureusement pour moi, se borner à des lettres. Je dis malheureusement pour moi, en parlant de ce mode de communication, parce que l'objet auquel je m'adressais étant éloigné et caché à mes regards, mon imagination avait toute la liberté de le revêtir de toutes sortes de qualités agréables, sans avoir à craindre que les peintures fussent confrontées avec l'original, ou que le charme dont elle le revêtait fût diminué, peut-être même effacé, par la voix et la présence de l'idole. Il résulta de là que ma belle correspondante brilla de plus en plus à mon imagination, à proportion que se prolongeait le temps où elle était soustraite à mes regards; et, à mesure que j'oubliais ce qu'elle était en

réalité, je ne faisais que m'en attacher plus fortement au portrait imaginaire que je m'en étais formé. Je laisse à d'autres à apprécier jusqu'à quel point la perspective d'un riche rectorat, avec ses dimes, grandes et petites, avait pu contribuer à faire naître et à entretenir ce rêve de sentiment. Je ne saurais nier entièrement que la réalité d'un pareil rectorat n'ait aidé à donner de la consistance à ces visions; mais dans mon imagination, le résultat n'en était ni moins tendre ni moins sentimental; et, si j'avais pu acquérir une pleine certitude de ne plus voir jamais la demoiselle qui possédait ainsi mes affections, et de ne plus lui parler jamais, je ne saurais dire la durée extraordinaire et l'ardeur incroyable que ma passion aurait pu atteindre.

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palement pour objet des ouvrages aussi propres à répandre dans les esprits de ceux qui les lisent d'éclatantes lumières, que le sont l'Evangelical Magazine et le Morning Watch où des autorités comme celles du révérend E. Irving, et le nouvel Elie, M. Louis Way (3), ne pouvaient manquer de marcher d'un pas triomphal avant tous les saint Justin et tous les saint Ambroise de l'antiquité. Elle avait cependant assez de courtoisie pour convenir avec moi que j'avais adopté le moyen le plus efficace de me protestantiser, et elle se contentait de me dire de temps en temps qu'elle pensait que je mettais bien du temps à le faire,

Afin de l'entretenir en belle humeur avec les Pères et avec moi, je lui traduisais quelquefois en vers quelques-uns des passages les plus fleuris qu'on rencontre dans ces écrivains sacrés, que je déposais à ses pieds comme un double hommage de poésie et de piété. Ces vers, mi-tendres, mi-religieux, causaient à cette demoiselle, on n'en saurait douter, un plaisir inexprimable. Elle employait pour les copier ses plumes les plus délicates, et, je ne craindrais pas de le jurer, c'était pour la première fois, dans les annales de la galanterie, que les noms de saint Basile, de saint Grégoire et de saint Jérôme, se trouvaient inscrits sur les pages d'un album couvert en maroquin.

La remontrance si pathétique adressée par saint Basile à une vierge qui avait eu le malheur de succomber, et dont Fénelon dit que « on ne peut rien voir de plus éloquent,>»> est pleinde passages qui, quoique en prose, ne sont que faiblement reproduits par les vers que voici :

SAINT BASILE A UNE VIERGE SEDUITE.

Remember now that virgin choir (1)

Who loved thee, lost one, as thou art, Before the world's profane desire

Had warm'd thine eye and chill'd thy heart.

Recal their looks so brightly calm,

Around the lighted shrine at even (2), When, mingling in the vesper psalm,

Thy spirit seem'd sigh for heaven.

(1) Dans une note sur ces mots ad Christi contendit altaria, › dans le traité de Mysteriis de saint Ambroise, on trouve une description faite par l'éditeur hénédictin de quelques-unes des formes usitées, à l'époque de ce Père, dans l'admission des jeunes néophytes dans le sanctuaire pour y recevoir le sacrement. En décrivant leur marche processionnelle du baptistère à l'autel, portant chacun à la main un cierge allumé, comme l'usage s'en est conservé dans l'Eglise catholique jusqu'à ce jour; il parle aussi des jeunes personnes qui venaient de faire profession, et qui faisaient aussi partie de cette troupe innocente:

Si quæ puellæ virginitatem in paschali festo essent professæ, ipsæ etiam inter hos innocentes greges deducebantur.

Cenx qui ont appris à ne voir dans les religieuses qu'une création du papisme moderne, verront par là que cette sorte de consécration de jeunes vierges à Dieu était en usage dès les premiers siècles de l'Eglise chrétienne. Et même la religieuse échappée de son cloltre qu'épousa Luther, aurait pu trouver un pareil exemple d'escapade dans ces bons vieux temps;

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car il est parlé dans les lettres de saint Jérôme (Lett. 92) de tentatives faites pour arracher une religieuse de son couvent.

(2) Saint Basile représente les vierges sacrées dansant autour de l'autel. «Μνησθήτι ταύτων καὶ ἀγγελικῆς περὶ τὸν Θεὸν μετ' ἐκείνων χορείας. » Ces danses sacrées, à l'imitation de celles des Hébreux, étaient permises dans les grandes solennités, chez les premiers chrétiens; et les évêques avec les dignitaires du clergé (comme nous l'apprend Scaliger), avaient coutume d'y prendre part:

(3) L'honneur dont ce pieux personnage jouit, depuis quelque temps, de n'ètre regardé comme rien moins qu'Elie inconnu, fut aussi déféré, à ce que je vois, par quelques sectaires du dernier siècle, à un pieux capitaine de dragons qu'ils avaient, je ne sais pourquoi, favorisé de cette même distinction mystėrieuse. C'est ainsi pareillement que les chercheurs qui attendent le retour de l'apôtre saint Jean sur la terre, publièrent, il y a quelque temps, qu'il est artuellement arrivé et vit retiré dans le comté de Suffolk (Voyez Honori Reggi, de Statu kcclesiæ Britanniæ.

Remember, too, the tranquil sleep

That, o'er thy lonely pillow stole, While thou hast pray'd that God would keep From every harm thy virgin soul. Where is it now - - that innocent

And happy time, where is it gone? Those ligth repast, where young content And temperance stood smiling on; The maiden step, the seemly dress,

In which thou wenl'st along, so meek;
The blush that, at a look, or less,

Came o'er the paleness of thy cheek;
Alas! Alas! that paleness too (1),
That bloodless purity of brow,
More touching that the rosicst hue

-

On beauty's cheek where is it now (2)? Une des homélies de saint Chrysostome, qui, comme on le sait, s'est particulièrement distingué par la sévérité avec laquelle il s'est élevé contre le luxe licencieux des da

Why come ye to the place of prayer,
With jewels in your braided bair?
And wherefore is the house of God
By glittering feet profanely trod,
As if, vain things! ye came to keep
Same festival, and not to weep.
Oh! prostrate weep before that lord

Of earth and heaven, of life and death,
Who blights the fairest with a word,

And blatts the mightiest with a breath

'Go-'tis not thus in proud array
Such sinful souls should dare to pray (3),
Vainly to anger'd heaven ye raise
Luxurious hands where diamonds blaze;
And she, who comes in broider'd veil
To weep her frailty, still is frail (4).

Voici, dans la même homélie, un autre passage fort curieux qui montre combien étaient justes les idées qu'avait ce Père sur

Behold, thou say'est, my gown is plain,
My sandals are of texture rude:

Is this like one whose heart is vain?

Like one who dresses to be woo'd?
Deceive not thus, young maid, thy heart (5);

For far more of in simple gown

Doth beauty play the temper's part,
Than in brocades of rich renown;

And homeliest garb hath oft been found,

When typed and moulded to the shape (6),
To deal such shafts of mischief round

As wisert men can scarce escape (7).

(1) La traduction de mon jeune ami reste, il faut Je dire, bien au-dessous de la beauté de l'original: • Ωχρότης καὶ πάσης εὐχροίας χαριέστερον ἐπιλάμπουσα. Ο (2) Voici en latin le passage de saint Basile que notre poëte a imité: Revoca libt in memoriam societalem venerandam et sacrum virginum chorum, ac cœtum Domini, et Ecclesiam sanctorum....... Hɔrum recordure et angelicæ una cum eis circa Deum choreæ... Recordare dierum tranquillorum, et noctium illuminatarum, et cantilenarum spiritualium, el psalmodig sonora, precum sanctarum, thori casti atque intaminati, virginei progressus, mensæ sobriæ, et præclare precantis ut incorrupta tibi virginitas servaretur. Ubi tua illa gra· vis species et honesti mores, vestis vilis virginum decens, pulcher ex pudore rubor, et decorus ex abstinentia ac vigiliis efflorescens pallor, atque omni pulchro colore decentius elucescens (tom. Ill, epist. 46, Edit. bened., M.).›

(5) Τί κοσμεῖς σαυτὸν; οὐκ ἔστιν ταῦτα ἱκετευούσης τὰ σχήματα... οὐ γὰρ χρυσοφορεῖν τὴν δακρύουσαν δεῖ (flomil. 8, in 1 Epist. ad Tim.).

(4) Voici en latin le passage de saint Chrysostome imité par le poëte: Quid dicis? Deum precatura accedis, et ornamenta aurea circumfers? Num ad choTeas ajendas venisti? Num ad nuptias celebrandas,

Rappelle-toi aussi le sommeil paisible qui se glissait sut ton chevet solitaire, après que tu avais prié Dieu de préserver de tout mal ton cœur virginal.

Où est maintenant ce temps d'innocence et de bonheur, où s'est-il enfui? Ces légers repas où le contentement ct la tempérance l'accompagnaient de leur doux sourire;

Cette démarche modeste, cette décence des habits qui se faisait remarquer en toi partout où tu dirigeais les pas; cet air si humble, cette pudique rougeur qu'un regard, ou moins encore, faisait naître sur les joues pâles et timides;

Hélas! hélas! cette pâleur virginale aussi, cette pureté sans tache de ton front, plus touchante que le plus beau teint de rose sur les joues d'une beauté, où sont-ils maintenant?

mes de Constantinople dans leur manière de se vêtir (8), nous fournira le morceau suivant comme un modèle du style par lui enployé dans ces sortes de circonstances.

Pourquoi venez-vous au lieu de la prière les cheveux tressés et ornés de riches pierreries? Pourquoi foulezvous ainsi d'un pied rofane et avec un luxe tout mondain le pavé de la maison de Dieu? Comme si, ôrodige de vanité, vous y veniez pour vous y livrer au plaisir et non pour pleurer! Ah! ré andez des pleurs en la présence du Maitre de la terre et des cieux, de la vie et de la mort, qui d'un mot ternit les plus éclatantes beautés, et d'un Souffle renverse la plus redoutable puissance.

Quoi!..... se peut-il que dans cet orgueilleux appareil ces âmes coupables osent adresser à Dieu leurs prières ? En vain levez-vous vers le ciel irrité des mains où le luxe étale toutes ses vanités et où brille l'éclat des diamants! Et celle qui vient avec un voile enrichi de superbes broderies pleurer sa fragilité, est encore fragile.

la beauté des femmes, et combien était grand à ses yeux son empire naturel, sans l'aide que les ornements peuvent lui fournir.

Voyez, dites-vous, ma robe est toute simple, ma chaussure est des plus communes; est-ce ainsi que se conduit une personne dont le cœur est vain, une personne qui se pare dans le but de se gagner des cours! Ne t'abuse pas ainsi, jeune fille.

Car c'est beaucoup plus souvent dans une robe simple que la beauté étalé ses charmes séducteurs que dans les brocarts d'une riche valeur;

Et souvent on a vu le vêtement le plus commun, lorsqu'il dessine et prend si bien les formes du corps, lancer de tous côtés des traits meurtriers, dont les hommes même les plus sages avaient peine à se garantir.

num ad pompam? Illic aurea, illic torti crines, illic magnifica vestimenta adhiberi solent. Nunc autem iis nihil opus est. Venisti ad orandum et precandum, supplicatura pro peccatis et pro offensis tuis, rogatura Dominum ut propitium illum tibi reddas: cur teipsam ornas? Non sunt hæ vestes supplicantis. Quomodo potes ingemis cere? Quomodo lacrymari? Quomodo intente orar tali ornata vestimento? Si lacrymaris, risu dignæ vide buntur lacrymæ: non enim aurum gestare oportet lacrymantem: illud quippe ad scenam et histrionicam pertinet (Hom. 7, in 1 Ep. ad Tim., M.). ›

(5) Μέ άπατα σαυτὴν ἐνίστιν, ὑπὲρ ἐμὴν, διὰ τούτων μειζόνως καλλωπίζεσθαι.

(6) Προσπλασμένων τῷ σώματι καὶ ἐκτετυπωμένων. Il n'y a point de termes qui puissent exprimer d'une ma nière plus habile les qualités d'une robe bien faite.

(7) Voici en latin le passage imité: Ne dixeris: Væ mihi, detritam vestem fero, viles calceos, velamen nul – lius pretii: qualis hic ornatus est? Ne te ipsam despicius. Licet, ut dixi, per hæc melius ornari quam per illa; magis per detritas vestes, quam per illas accurate concinnatas et ad corpus ornandum paratas, impudentiam præ se ferentes et splendidas (Hom. 8, in l'Ep. ad Tim, M.).

(8) Une des persécutions qui s'élevèrent contre

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