Obrázky na stránke
PDF
ePub

étant, autant que possible, integros accedere fontes, de remonter aux sources pures, je voyais que plus baut je ferais remonter mes recherches, en me rapprochant autant que possible de la source même, mieux ce serait; c'est pourquoi je commençai mon travail par consulter les écrits des cinq saints docteurs qui ont été honorés du titre de Pères apostoliques, comme ayant tous les cinq conversé avec les apòtres ou leurs disciples.

Grande fut alors ma surprise, et il s'y mêla, je l'avoue, un léger sentiment de remords, Torsque, dans la personne d'un de ces écrivains apostoliques, si remarquables par leur simplicité, je vis que j'étais tombé sur un pape, un vrai pape, le troisième évêque après saint Pierre, de celte Eglise même de Rome que j'étais présentement sur le point de déserter pour sa moderne rivale. Cet évêque des temps primitifs, qui occupait ainsi le siége de Rome, était saint Clément, un de ces compagnons des travaux de saint Paul, dont les noms sont écrits dans le livre de vie; et c'est par saint Pierre lui-même, si nous en croyons Tertullien, qu'il avait été désigné pour être son successeur. Cette preuve de l'antiquité et de l'origine apostolique de l'autorité papale, ne fit pas peu d'impression sur moi. « Un papel et c'est par saint Pierre lui-même « qu'il est désigné, » m'écriai-je en commençant à lire le volume: « Oui, par l'Eglise de a saint Pierre et par saint Pierre aussi, cela « m'étonne singulièrement. » Il restait encore cependant assez dans mon cœur de cette vénération que j'avais eue autrefois pour le papisme, pour me faire parcourir avec un respect tout particulier les écrits du pape saint Clément; et je ne pus m'empêcher de voir que, même dans ces temps de simplicité étrangers à la polémique, où il était si rarement besoin d'en exercer l'autorité, la juridiction du siége de Pierre était pleinement

reconnue.

Un schisme, ou plutôt comme l'appelle saint Clément lui-même, une sédition folle et impie (1), s'étant élevé dans l'Eglise de Corinthe, on en appela à l'Eglise de Rome pour réclamer son intervention et ses conseils en celte circonstance; et la lettre que ce saint pontife adressa en réponse aux Corinthiens, est incontestablement un des monuments les plus intéressants qui nous soient parvenus de la littérature ecclésiastique.

Celui de ces premiers disciples des apôtres dont les écrits attirèrent ensuite mon attention, fut saint Ignace, le successeur immédiat de l'apôtre saint Pierre sur le siége d'Antioche. Če saint homme fut appelé par ses contemporains Théophore, ou porté par Dieu, d'après une idée généralement répandue qu'il était cet enfant dont parlent saint Matthieu et saint Marc, que Notre-Seigneur prit dans ses bras et plaça au milieu de sés disciples. Aussi fut-ce avec un sentiment de respectueuse curiosité que je m'approchai du volume qui contient ses écrits; et si, dans mon ignorance, j'avais été étonné de trou

ver un pape ou un évêque de Rome présidant aux destinées de tout le monde chrétien à cette époque primitive, je fus infiniment plus surpris et stupéf.it de ce qui s'offrit à mes regards dans les pages écrites par saint Ignace, cet écrivain nourri, pour ainsi dire dans le berceau de notre toi, et qui étant un des premiers qui avaient suivi les pas du divin guide, était de ceux dont j'avais moins le droit d'attendre une doctrine si essentiellement papiste, que j'avais toujours élé porté à regarder comme une invention des ages de ténébres, et qui ne s'était maintenue qu'en faisant insulte à la raison et aux sens: je veux dire la doctriné de la présence réelle dans l'eucharistie (1)!

En parlant des docètes ou fantastiques, secte d'hérétiques qui prétendaient que le Christ n'avait été homme qu'en apparence. qu'un pur fantôme et qu'une ombre d'humanité, saint Ignace s'exprime ainsi : Is s'éloignent de l'eucharistie et de la prière, parce qu'ils ne veulent pas reconnaitre que l'Eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, cette chair qui a souffert pour nos péchés. Or, quand on considère que le point capital de la doctrine des decètes était que le corps dont s'est revêtu JésusChrist n'était qu'apparent, on ne saurait douter que la croyance particulière des orthodoxes, auxquels ils étaient opposés, n'était autre chose que la persuasion où ils étaient que la présence du corps de JésusChrist dans l'eucharistie était réelle. Il est évident qu'une présence figurative ou nonsubstantielle, comme le prétendent les protestants, n'aurait en aucune manière offensé leurs idées anticorporelles, mais elle se serait au contraire parfaitement conciliée avec celte vue entièrement spirituelle de la nature du Christ, qui avait conduit ces hérétiques à nier la possibilité de son incarnation.

Cette preuve gênante et irrésistible qui s'offrait à moi, dès le début même de mes recherches de l'existence d'une semblable croyance parmi les orthodoxes du premier siècle, me jeta, je l'avoue, dans un état d'étonnement impossible à décrire. Je voulus relire la phrase, je me frottai les yeux, et consultai de nouveau mon dictionnaire, mais je ne m'étais point trompé, c'était sans contredit du papisme le mieux caractérisé. J'avais déjà trouvé un langage semblable par rapport à l'eucharistie, dans d'autres passages du même Père, dans sa lettre aux Philadelphiens et dans celle aux Romains; mais s'il n'y avait eu que ces passages, son opinion précise sur cette matière cût pu rester douleuse; et, comme dans une foule d'autres cas où il est arrivé aux Pères de s'exprimer d'une manière allégorique ou obscure, elle serait encore sujette à discussion. Mais ce passage pris, ainsi que je l'ai déjà dit, dans un sens relatif aux docètes, comme l'expression de la croyance de ces hérétiques par rapport à l'eucharistie, et (1) La lettre de saint Ignace, qui a été écrite dans le premier siècle, est adressée à l'Eglise qui préside, pixabitat, dans le pays des Romains.

[ocr errors]

ne pouvant nullement se concilier avec la croyance des orthodoxes (1), ce passage, dis-je, de la lettre aux fidèles de Smyrne, ne peut admettre que cette seule interprétation, et on n'en peut tirer que cette seule conclusion, savoir, que les chrétiens orthodoxes de cette époque ne voyaient pas nniquement dans le pain et le vin consacrés un simple mémorial, une simple représentation, un type ou un emblême, ou toute autre présence figurative du corps de NotreSeigneur, mais sa propre et réelle substance, corporellement présente, et mangée par la bouche.

Me retrouver ainsi de nouveau plongé dans le sein du papisme, après m'être flatté d'en être délivré pour jamais, ce n'était pas, il faut en convenir, une petite épreuve pour le zèle d'un néophyte. Ce n'est pas tout: Je n'éLais pas encore bien remis de la surprise et de l'embarras où m'avait jeté cet exemple de doctrine papiste, lorsque, passant au récit du martyre de ce même Père, je tombai sur un autre spécimen non moins frappant des pratiques papistes. Saint Ignace, comme le savent tous ceux qui lisent le martyrologe, fut condamné à être dévoré par des lions dans l'amphithéâtre de Rome. Après que la victime eut été déchirée en pièces, les diacres fidèles qui l'avaient accompagnée dans son voyage, recueillirent, est-il dit, le peu d'ossements échappés à la dent des bêtes féroces, et, les ayant apportés à Antioche, ils les déposèrent religieusement dans une châsse autour de laquelle, chaque année, le jour de son martyre, les fidèles s'assemblaient et veillaient auprès de ses reliques, en mémoire du sacrifice qu'il avait fait de lui-même au Seigneur.

J'aurais dû mentionner aussi, pour enchérir encore sur ce que j'ai déjà dit, que, dans sa route au travers de l'Asie pour se rendre sur le théâtre de ses souffrances, cet illustre Père, en exhortant les Eglises à se tenir sur leurs gardes contre l'hérésie, leur recommandait avec une insistance toute particulière, de s'attacher fortement aux traditions des apôtres, sanctionnant el confirmant par là cette double règle de foi, la parole non écrite aussi bien que la parole écrite, règle de foi que tous les bons protestants rejettent comme une

(1) Il parait très-probable qu'au temps de saint Ignace, ceux qui communiaient étaient obligés de reconnaître expressément que l'eucharistie était le corps et le sang de Jésus-Christ, tant en répondant amen, au moment où on leur présentait les espèces sacramentelles, qu'en s'unissant à la prière par laquelle on demandait à Dieu de changer ainsi au corps el au sang de J.-C. la matière du sacrifice; et c'est parce qu'ils ne pouvaient pas se conformer à cet usage, que les docètes s'absentaient des assemblées des chrétiens (Johnson). ›

Que les communiants fussent obligés à reconnaî tre ainsi expressément la présence réelle, dans les premiers siècles de l'Eglise, c'est ce qu'attestent toutes les anciennes liturgies; et nous avons l'autorité de saint Augustin pour garant que tel était le sens attaché, de son temps, à ce mot amen: Habet magnam vocem Christi sanguis in terra, cum, eo accepto, ab omnibus gentibus respondetur amen (Contra Faust.), ›

[blocks in formation]

Après avoir parcouru les deux lettres qui nous restent de saint Barnabé et de saint Polycarpe, et qui ne m'ont fourni l'une et l'autre que peu de lumières par rapport à ce qui fait l'objet de mes recherches, c'est avec une sorte de plaisir que j'ai ouvert les pages dictées par la pieuse imagination d'Hermas, et que je me suis oublié pour quelques heures au milieu de ses visions qui respirent toute la simplicité des temps apostoliques, comme on s'oublie en lisant une histoire de roman. Ce qu'il raconte d'un amour qu'il avait eu dans sa jeunesse ; qu'il avait vu les cieux ouverts, un jour qu'il priait à genoux dans une prairie, et avait aperçu la jeune personne qu'il avait aimée, abaissant sur lui ses regards du sein des nues, et le saluant en ces termes: «Bonjour, Hermas »; ce qu'il dit des différentes visions dans lesquelles l'Eglise de Dieu lui était apparue, tantôt sous les traits d'une femme âgée, occupés à lire, et tantôt sous la figure d'une jeune fille vêtue de blanc, portant une mitre sur sa tête, sur laquelle on voyait flotter une longue et brillante chevelure: c'étaient-là autant d'imaginations innocentes el (comme. on le pensait à cette époque) inspirées (1), au milieu desquelles je m'égarais avec le bon Père, dans une sorte de rêverie léthargique, comme si ces visions eussent été mes propres songes.

Ce ne fut que quand j'arrivai, dans le cours de ma lecture, à cette partie de ses écrits qui a pour titre Préceptes et similitu des, et qui lui a été révélée, dit-il, par son ange gardien, sous la figure d'un berger,

(1) Origène cite le Pasteur comme un livre divine ment inspiré, et Ruffin l'appelle, en termes exprès, un livre du Nouveau Testament (Expos. in symb. apost.). Whiston aussi, d'après sa disposition habituelle à admettre tout d'abord tout ce qui va à son but, regarde le Pasteur comme un livre spécial et inspiré, qui vient directement de notre Sauveur, comme l'Apocalypse même. Saint Irénée, en citant le Pasteur, l'appelle Ecriture; d'où quelques-uns ont conclu qu'il le regardait réellement comme canonique: Illud etiam non omittendum quod Herme Pastorem velut canonicam scripturam laudet Irenæus (Massuet., Dissert. præv. in Iren.). › Cependant Lardner a prouvé que saint Irénée emploie ici le mot écriture dans le sens seulement d'écrit ou livre.

Saint Clément d'Alexandrie, non moins qu'Origène, semble avoir regardé le Pasteur comme un livre divinement inspire : ι Θείως τοίνυν ἡ δυναμι; ἡ τῳ Ερμά κατὰ Αποκάλυψιν λαλοῦσα (Strom. lib. 1).

que je me réveillai et me rappelai l'objet immédiat de mes recherches; mais je ne me réveillai, hélas! que pour me retrouver encore en compagnie d'un papiste. Ce Père, qu'on s'en souvienne bien, était un de ces chrétiens distingués auxquels saint Paul envoie des salutations dans son Epître aux Romains. Or, parmi les préceptes moraux qu'il expose dans cet écrit comme lui ayant été communiqués par son ange gardien, on lit le suivant: La première chose que nous ayons à faire est d'observer les commandements de Dieu. Si ensuite quelqu'un désire y ajouter quelque bonne œuvre, telle que le jeune, il recevra une plus grande récompense.

C'était-là encore du papisme tout pur tant dans la doctrine que dans la pratique: satisfaction à Dieu par les bonnes œuvres, et une des ces bonnes œuvres est le jeûne!

J'avais entretenu depuis ma plus tendre enfance une aversion toute particulière pour cette dernière observance; aussi fut-ce avec peine non moins qu'avec surprise que je reconnus que les premiers chrétiens, en fait de jeûnes rigoureux, allaient bien au delà de nos Romains même les plus austères. Le jeûne qui servait de préparation à la fête de Pâques, et qui consistait dans une abstinence totale, était continué par quelques pieuses personnes pendant le cours non interrompu de quarante heures successives. Ceux donc qui se moquent aujourd'hui des papistes, parce qu'ils font abstinence deux fois la semaine, auraient les mêmes motifs de se moquer aussi des chrétiens des premiers siècles auxquels les canons apostoliques imposaient la même obligation; la seule différence qu'on y remarque, c'est que les jours fixés pour pratiquer l'abstinence étaient alors le mercredi et le vendredi, au lieu que c'est maintenant le vendredi et le samedi (1). On sait que les deux derniers jours de la scmaine qui précédait la fête de Pâques étaient des jours où l'on observait un jeûne rigoureux, par la raison que c'est en ces jours que l'époux a été enlevé (2). Et voilà le siècle qu'on m'a envoyé consulter pour m'affranchir du papisme!

(1) Le savant évêque Beveridge, qui prétend que ces canons furent rédigés par les disciples des apôres vers la fin du second siècle, regarde les jeûnes qui y sont prescrits comme d'institution apostolique Codex can ecci., etc.). Mosheim aussi avoue que

ceux qui soutiennent qu'au temps des apôtres, ou peu après, on pratiquait le jeûne le quatrième et le sixième jour de la semaine, ne sont pas, il faut le reconnaître, dénués d'arguments spécieux en faveur de leur opinion. ›

(2) Mais le temps viendra où l'époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront (Matth., IX, 15). › Saint Jérôme, qui dit que le carême est d'institution apostolique, attribue la même origine au jeûne du samedi. Saint Ambroise était un jeûneur si austère, qu'on dit qu'il ne dînait jamais que les samedis, les dimanches et les jours des fêtes des martyrs. Il est apporté que sainte Monique, mère de saint Augustin, fut grandement scandalisée, en arrivant à Milan, de trouver saint Ambroise dinant un samedi ; ayant observé qu'à Rome et en plusieurs autres endroits, ce jour-là était un jour de jeune solennel, elle s'étonmait que ce fût un jour de fête à Milan.

Ces anciens chrétiens s'efforçaient aussi de faire servir la bonne œuvre du jeûne à une autre pratique également réputée au nombre des bonnes œuvres, je veux dire l'aumône. Les mêmes canons apostoliques nous apprennent en effet que toutes les épargnes faites par l'abstinence et le jeûne étaient employées à subvenir aux nécessités des pauvres (1).

Assis alors, le coude appuyé sur les pages du Pasteur, avec quelle vivacité je me rappelais les sentiments qui plus d'une fois s'étaient élevés au dedans de moi-même, à la pauvre table de mon père, lorsqu'il arrivait que notre riche voisin, le recteur de Ballymudragget s'invitait de lui-même à dîner avec nous un vendredi ou un autre jour d'abstinence: car, tandis que sa Révérence se régalait avec les viandes et les volailles qu'on avait eu soin de préparer pour le fêter, je me voyais forcé de me contenter de ce triste repas qui dansait et criait dans le ventre du pauvre Tom (2), deux harengs blancs; ct ce qu'il y avait de plus mortifiant encore, c'était d'avoir à supporter le sourire de pitié avec lequel le recteur regardait, en conséquence, ses superstitieux convives, bénissant, sans doute, son étoile de ce que la glorieuse réforme avait mis toutes ces choses sur un pied plus civilisé et plus digne d'un galant homme.

Je ne savais point alors, pour ma consolation, qu'en me faisant ainsi mourir de faim je ne faisais que me conformer aux canons apostoliques; faut-il donc s'étonner qu'en réfléchissant sur toutes ces choses et comparant mon ami le recteur, plein d'embonpoint, avec le simple Hermas, il se soit élevé dans mon esprit quelque doute, si, au moins pour ce qui regarde le monde à venir, il ne serait pas plus sûr de jeûner avec l'ami de saint Paul que de faire bonne chère avec le recteur de Ballymudragget?

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Jusque-là mes progrès dans le protestantisme n'avaient pas été rapides; j'étais cependant bien déterminé à ne pas abandonner légèrement mon entreprise. Ainsi, prenant congé des simples écrivains de l'ère apostolique, je me lançai hardiment dans la littérature sacrée du second siècle, espérant trouver sur ma route un peu plus de monuments en faveur des XXXIX ARTICLES, et un peu moins en faveur du papisme. Je n'avais encore fait que quelques pas en descendant le courant, lorsque je vis mes voiles s'abattre devant le passage suivant de saint Justin, martyr, ce personnage qu'un ancien évêque a dit être aussi voisin des apôtres par sa vertu que par le temps où il a vécu « Nous ne « recevons pas, dit-il, ces dons (l'eucha

(Apud Const., lib. V).

(2) Shaksvear's Lear

ristie) comme si ce n'était qu'un pain ordi« naire et un breuvage commun; mais de « même que Jésus-Christ, notre Sauveur, fait homme par le Verbe de Dieu, s'est re« vêtu de chair et de sang pour opérer notre « salut, de même on nous a enseigné pareil«lement que l'aliment qui a été consacré par « la prière du Verbe divin, et qui nourrit « notre chair et notre sang, par le change«ment qu'il reçoit en notre corps, est la << chair et le sang de ce même Jésus incarné. »

Le témoignage formel rendu à la présence réelle, par saint Ignace, m'avait déjà singulièrement étonné; mais ici il y a quelque chose de plus fort encore: on y voit la croyance au changement des éléments, à la transsubstantiation, clairement exprimée, et cela de la part d'un saint aussi illustre que saint Justin! En vérité, ceux qui envoient un jeune chrétien apprendre la doctrine protestante à l'école de pareils maîtres, ne peuvent échapper au reproche de vouloir grossièrement le tromper, ou d'être eux-mêmes dans une profonde ignorance.

Nous avons déjà vu, par rapport à la suprématie du siége de Rome, qu'elle fut reconnue au premier siècle de l'Eglise dans la scule et unique occasion qui se présenta d'y recourir; eh bien! je trouvais au second siècle ce même droit pratiqué et universellement reconnu, tant dans les actes de l'Eglise, que dans les écrits de ces premiers pasteurs. Combien je devais peu m'attendre à une pareille découverte! La grande prostituée, la mère des fornications et des abominations de la terre (expressions dont j'avais si souvent entendu le prédicateur de notre collége se servir, pour désigner la papauté), tient déjà, dès le premier âge du christianisme, le rang suprême, sans rival pour le lui disputer!

Accoutumé, il est vrai, comme je l'étais depuis longtemps, à regarder la juridiction papale comme une usurpation des âges de ténèbres, les preuves claires et manifestes que j'avais alors sous les yeux de la chaîne de succession par laquelle elle est perpétuée et immua blement fixée à ce roc, sur lequel l'Eglise ellemême est bâtie, me convainquaient et me confondaient; et moi, qui n'étais que comme un embryon non encore parvenu à terme de protestantisme, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver une vive sympathie pour tout ce que doit éprouver un dévoué zélateur de la foi catholique, en lisant le témoignage si formel rendu à la suprématie du pape par saint Irénée, cet écrivain si voisin, comme on doit se le rappeler, des temps apostoliques, qui avait eu pour l'instruire du christianisme, un disciple de saint Jean l'évangéliste. Voici ce passage :

« Nous pouvons compter les évêques qui ont été élevés à cette haute dignité par les apôtres et par leurs successeurs jusqu'au temps où nous vivons; aucun d'eux n'a enseigné ni même connu les étranges opinions de ces hérétiques.... Cependant comme il scrait ennuyeux de donner la liste de tous ceux qui se sont ainsi succédé sur les divers siéges épiscopaux, je me bornerai au siége

de Rome, la plus grande, la plus ancienne et la plus illustre de toutes les Eglises, fondée par les glorieux apôtres Pierre et Paul, ayant reçu d'eux sa doctrine, qui est annoncée à tous les hommes, et qui, par la succession de ses évêques, est parvenue jusqu'à nous. C'est ainsi que nous confondons tous ceux qui, par de malicieux desseins, par vaine gloire ou par perversité, enseignent ce qu'ils ne devraient pas enseigner; car c'est à cette Eglise à cause de son autorité supérieure, que loutes les autres Eglises, c'est-à-dire, les fidèles de tous les pays du monde, doivent avoir recours; et c'est en cette Eglise que s'est conservée la doctrine enseignée par les apôtres.» (Adv. hæres. lib. III.)

Il faut avouer vraiment que saint Irénée, malgré son éducation si éminemment apostolique, et quoiqu'il ait été décoré du titre de divin Irénée(1) par Photius,ne se serait pas montré très-disposé à souscrire aux XXXIX ARTICLES. Ecoutez seulement comment ce saint pontife parle du sacrifice de la messe (2), cette fable blasphématoire, comme l'appelle le trente et unième de ces articles : « Il a déclaré de même que la coupe était son sang et il a enseigné la nouvelle oblation du Nouveau Testament, oblation que l'Eglise a reçue des apôtres et qu'elle offre à Dieu sur toute la terre..>> Et ailleurs: C'est pourquoi l'offrande de l'Eglise que le Seigneur a ordonné de faire par tout le monde, est regardée comme un sacrifice pur devant Dieu et agréable à ses yeux (3).

[ocr errors]

Conséquemment à sa foi au sacrifice de l'eucharistic, ce Père enseignait encore, avec saint Justin et saint Ignace, la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans ce sacrement (4), déclarant que c'est un miraclo dont on ne peut supposer l'existence sans

(1) Τοῦ θεσπεσίου Ειρηναίου.

Les

(2) Anciennement appé le sacrifice du NouveauTestament, ou sacrifice catholique, Ovala xaboìixǹ (Chrys. sermo de cruce et latrone). Le mot messe ne fut introduit que vers le temps de saint Ambroise. (3) Voyez aussi Justin., Dial. cum Fryph. centuriateurs de Magdebourg qui, comme on le sait, ont déployé tant de zèle et d'habileté dans la défense de la cause des protestants, ont été contraints d'avouer, malgré eux, que l'existence du sacrifice de la loi nouvelle est constatée dans les premiers monuments du christianisme; et par rapport au témoignage de saint Irénée que nous venons de citer, ils expriment leur aveu dans des termes remplis d'indignation.» (Combes, Essence de la controverse religieuse.)

(4) Il n'est pas nécessaire de dire que toutes les fois que, dans cet écrit, j'emploie les termes présence réelle, j'entends y comprendre aussi la transsubstantiation, qui est la conséquence nécessaire de ce miracle. Une fois la présence réelle admise, le changement de substance des éléments sacramentels en découle nécessairement. Eh bien! cependant la tactique suivie par les protestants a toujours été, et cela pour des raisons qui sautent aux yeux de tout le monde, de diriger uniquement leurs attaques vers ce qu'l leur plaît d'appeler le dogme absurde de la transsubstantiation. C'est là une manière de raisonner aussi futile et aussi illégitime qu'il le serait de combattre le dogme de la Trinité, en ne s'appuyant que sur la seule difficulté numérique qu'il entraîne avec lui. Dans

admettre la divinité de celui qui en est l'auteur. « Comment, dit-il, ces hérétiques » ceux qui nient que Jésus-Christ fut le Fils de Dieu peuvent-ils prouver que le pain sur lequel les paroles eucharistiques ont été prononcées est le corps de leur Seigneur et la coupe son sang, puis qu'ils n'admettent pas qu'il soit le Fils, c'est-à-dire le Verbe du Créateur de l'univers ? »

Pour combattre ces mêmes hérétiques, qui, par suite de leurs idées sur la corruption de la matière, ne pouvaient se résoudre à admettre la doctrine de la résurrection des corps, il fait usage d'un argument basé de même sur sa foi à la réalité de la présence de Jésus-Christ et à la transsubstantiation des éléments. « Lorsque, dit-il, le calice mêlé et le pain rompu reçoivent la parole de Dieu, ils deviennent l'eucharistie du corps et du sang de Jésus-Christ (1), qui nourrit et fortifie la substance de notre chair. Comment peuventils donc prétendre que cette chair qui est nourrie par le corps et le sang du Seigneur, et est un de ses membres, ne saurait être capable de la vie éternelle ? »

Au sujet de la tradition non écrite, cette source contestée d'une si grande partie de la doctrine, des usages et de la puissance de Rome, le témoignage de ce Père est d'un double poids, en ce qu'il n'atteste pas seulement dans tous ses écrits la haute autorité de la tradition, mais qu'il était lui-même un des premiers et des plus brillants anneaux de cette chaîne d'enseignement oral, qui est desconduc à l'Eglise de Rome des temps apostoliques. Parlant de son maître, saint Polycarpe,qui avait été le disciple de saint Jean l'évangéliste (2), il dit : « Polycarpe enseignait

les disputes qui s'élevèrent entre les catholiques et les protestants sous le règne d'Edouard VI, ces derniers ne manquèrent jamais de se placer sur ce trrain, tandis que les catholiques s'efforçaient, ma s en vain, de discuter la question de la présence réelle, selon l'ordre naturel, avant d'en venir à la question de la transsubstantiation. Bossuet a parfaitement exposé en ces termes les motifs et la futilité de ce subterfuge : « Pour conserver dans le cœur des penples la haine du dogme catholique, il a fallu la tourner contre un autre objet que la présence réelle. La transsubstantiation est maintenant le grand crime: Ce n'est plus rien de mettre Jésus• Christ présent; de mettre tout un corps dans chaque parcelle; le grand crime est d'avoir ôté le pain; ce • qui regarde Jésus-Christ est peu de chose; ce qui regarde le pain est essentiel. ›

(1) Il y a un passage encore plus fort, en ce sens, dans un des fragments attribués à saint Irénée, et publiés en 1715 par le docteur Pfaff, qui les a trouvés dans les manuscrits de la bibliothèque du roi de Sar'daigne. Dans un endroit où sont décrites les cérémonies du sacrifice, il est dit que le Saint-Esprit est invoqué afin qu'il fusse du pain le corps de JésusChrist, et de la coupe le sang de Jésus-Christ. L'authenticité de ces fragments a cependant été forTement révoquéc en doute, tant par Maffei, qui s'éleva contre dès leur apparition, que par les remarques du judicieux Lardner, à une époque plus récente.

(2) Plusieurs ont pensé aussi qu'il était l'ange de l'Eglise de Smyrne, auquel la lettre dont il est parlé an second chapitre du livre de l'Apocalypse devait ètre envoyée

toujours ce qu'il avait appris des apôtres, c'est là ce qu'il enseignait à l'Eglise, et c'est la seule doctrine véritable. » Dans un fragment d'un autre de ses écrits, on trouve un passage tout à fait touchant et plein d'intérêt sur le même sujet. S'adressant à un hérétique nommé Florin, qui avait adopté les erreurs des valentiniens, il s'exprime en ces termes: « Ces opinions, les prêtres qui nous ont précédés et qui ont conversé avec les apôtres, ne vous les ont point transmises, Je vous vis lorsque j'étais bien jeune encore, dans l'Asie Mineure avec Polycarpe.... Je me rappelle mieux les événements de ce tempslà que ceux qui sont arrivés réceniment: les choses que nous apprenons dans notre enfance croissent en quelque sorte avec la raison et s'unissent avec elle, tellement que je pourrais désigner la place où le bienheureux Polycarpe était assis et enseignait, dire comment il entrait et sortait, sa manière de vivre, l'air de sa personne, la manière dont il parlait au peuple et racontait ses entretiens avec saint Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur; comment il répétait leurs paroles et ce qu'il avait appris de leur bouche concernant le Seigneur, parlant de es miracles et de sa doctrine, suivant ce qu'ils en avaient entendu de ceux qui avaient vu de leurs propres yeux le Verbe de vie, et tout ce que disait Polycarpe était conforme aux Eeritures. Toutes choses que, par un effet de la miséricorde de Dieu à mon égard, j'écoutais alors avec une profonde attention et que j'ai conservées non sur le papier, mais dans mon cœur, et, par la grâce de Dieu, je m'en rappelle continuellement le souvenir. »

S'il nous était possible d'évoquer l'ombre de ce saint Père, de ce saint si bien nourri dans les paroles de la foi et de la bonne doctrine, de quel front, pense-t-on, un protestant, un nouveau parvenu de la réforme, oseraitil s'avancer pour contredire un esprit si orthodoxe, et soutenir que la tradition non écrite de l'Eglise catholique n'est qu'un héritage d'imposture, la juridiction du siége de saint Pierre une autorité usurpée, et le sacrifice de la sainte messe une fable blasphematoire?

S'il manquait encore quelque chose pour se faire une idée exacte des sentiments de ce Père, au sujet du respect dû à l'autorité et aux traditions de l'Eglise, on en trouverait une preuve convaincante dans les passages suivants, tirés de ses écrits. Dans l'interprétation des Ecritures, dit-il, les chrétiens doivent s'en rapporter aux pasteurs de l'Egli se, qui, par l'ordre de Dieu, ont reçu avec la succession de leurs siéges, l'héritage de la vérité. Les langues des peuples varient, mais la force de la tradition est une et partout la même; et les Eglises de Germanie no croient ni enseignent différemment de celles d'Espagne, de Gaule, d'Orient, d'Egypte ou de Libye. En supposant que les apôtres ne nous eussent pas laissé les Ecritures, n'aurions-nous pas dû toujours suivre l'autorité de la tradition qu'ils ont transmise à ceux auxquels ils ont confié les Eglises ? C'est

« PredošláPokračovať »