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universel, ce je ne sais quel fantôme qu'on appelle l'homme s'agite et se tourmente en vain dans son irrémédiable ignorance.

Si nous ne pouvons en effet juger avec certitude qu'un tel ou tel fait est une exception aux lois de la nature, à moins que nous ne connoissions toutes les lois de la nature, évidemment il est impossible que nous ayons jamais aucune notion certaine de l'ordre physique, ni de l'ordre moral dont les lois sont sans doute aussi des lois de la nature. Les phénomènes les plus opposés étant également naturels, également conformes aux lois qui régissent le monde matériel, ce monde est, dans le méme temps, soumis à des lois contraires; l'idée même de l'ordre disparoît; il est insensé de rien prévoir, de s'étonner de rien. Un homme s'élance dans les flots: qu'arriverat-il? Qui peut le dire? Il enfonce, il est submergé; c'est une loi de la nature. Un homme marche sur ces mêmes flots (1); c'est encore une loi de la nature c'est-à-dire que la nature n'a aucunes lois constantes, ou, en d'autres termes, qu'elle n'a point de lois. Il n'existe que des faits, les uns plus communs, les autres plus rares. Observez donc des faits, mais gardez-vous de les rapporter à des causes permanentes; gar

(1) Julien avoue en particulier ce miracle de JésusChrist. Ap. Cyrill., lib. VI.

dez-vous de croire qu'ils doivent infailliblement se représenter dans les mêmes circonstances. Que dis-je, observez des faits? Si nos sens ne dépendent eux-mêmes, et dans leur organisation et dans leur exercice, d'aucune loi uniforme et certaine, s'il n'existe pas des rapports naturels, invariables entre notre œil, par exemple, et la lumière, entre la lumière et les corps qu'elle découvre à nos regards, les faits eux-mêmes pourroient n'être qu'une continuelle illusion; à chaque instant de nouvelles lois pourroient, en se manifestant, changer entièrement nos sensations, nos idées, tout notre être. Nous défions les déistes d'éviter ces conséquences, à moins qu'ils n'abandonnent les principes de Rousseau. Quels prodiges d'extravagance on est cependant forcé d'admettre, pour nier les prodiges de la puissance et de la bonté de Dieu ?

Ce n'est pas tout encore de pareilles conséquences auroient nécessairement lieu dans l'ordre moral. Qui oseroit assurer, qui pourroit prouver que nous en connoissons toutes les lois? Sera-ce le déiste, lui qui ne sait pas même à quels signes on les reconnoît (1)? Dès lors nul

(1) Voyez tom. I, chap. V. « Les modernes ne recon»> noissant, sous le nom de loi, qu'une règle prescrite à » un être moral, c'est-à-dire, intelligent, libre et consi

homme n'a le droit d'affirmer d'aucun fait, qu'il est contraire aux lois de la nature morale, c'està-dire, que personne n'a le droit d'affirmer d'aucune action qu'elle est juste ou injuste, c'est-àdire, qu'il n'existe ni crime ni vertu.

Disons-le, puisqu'il est vrai un parricide pourra sans crainte comparoître au tribunal du

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» déré dans ses rapports avec d'autres êtres, >> séquemment au seul animal doué de raison, c'est-à-dire » à l'homme, la compétence de la loi naturelle; mais, dé» finissant cette loi chacun à sa mode, ils l'établissent >> tous sur des principes si métaphysiques, qu'il y a, » même parmi nous, bien peu de gens en état de comprendre ces principes, loin de pouvoir les trouver » d'eux-mêmes. De sorte que toutes les définitions de ces >> savans hommes, d'ailleurs en perpétuelle contradiction >> entre elles, s'accordent seulement en ceci, qu'il est impossible d'entendre la loi de nature, et par conséquent » d'y obéir, sans être un très-grand raisonneur et un profond métaphysicien.... Connoissant si peu la na>>ture, et s'accordant si mal sur le sens du mot loi, il >> seroit bien difficile de convenir d'une bonne définition » de la loi naturelle. Aussi toutes celles qu'on trouve dans » les livres, outre le défaut de n'être point uniformes, » ont-elles encore celui d'être tirées de plusieurs connois>> sances que les hommes n'ont point naturellement, et des avantages dont ils ne peuvent concevoir l'idée qu'après être sortis de l'état de nature. On commence par >> rechercher les règles dont, pour l'utilité commune, il

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déiste. En vain, pénétrés d'horreur, tous les hommes s'écrieront: Il a violé la loi la plus sacrée de la nature! S'il est fidèle à sa doctrine, le déiste répondra :

Pour juger sûrement que ce parricide a violé >> les lois de la nature, il faudroit les connoître >> toutes; car une seule qu'on ne connoîtroit pas

» seroit à propos que les hommes convinssent entre eux, >> et puis on donne le nom de loi naturelle à la collection » de ces règles, sans autre preuve que le bien qu'on trouve qui résulteroit de leur pratique universelle.

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>> Voilà assurément une manière très-commode de composer des définitions, et d'expliquer la nature des » choses par des convenances presque arbitraires.

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>> Mais tant que nous ne connoîtrons point l'homme na» turel, c'est en vain que nous voudrons déterminer la » loi qu'il a reçue, ou celle qui convient le mieux à sa » constitution. Tout ce que nous pouvons voir très-claire>>ment au sujet de cette loi, c'est que non-seulement » pour qu'elle soit loi, il faut que la volonté de celui qu'elle oblige puisse s'y soumettre avec connoissance; » mais il faut encore, pour qu'elle soit naturelle, qu'elle parle immédiatement par la voix de la nature. » Rousseau, Disc. sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes. Préface, p. 41, 42, 43. Ed. de 1793. Notez que les déistes ne reconnoissent d'autre loi que loi naturelle, qu'on ne connoît point, dit Rousseau. Mais, à force de chercher, ils la trouveront peut-être. Que sait-on ?

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pourroit en certains cas, inconnus aux spectateurs, changer celles que l'on connoîtroit. Ainsi celui qui prononce qu'un tel ou tel acte » est un crime, ou une violation des lois natu

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relles, déclare qu'il connoît toutes les lois de » la nature, et qu'il sait que cet acte en est une » violation. Mais quel est ce mortel qui connoît » toutes les lois de la nature? Rousseau ne se »vantoit pas de les connoître. Un homme sage, » témoin d'un fait inoui, peut attester qu'il a vu » ce fait, et l'on peut le croire; mais ni cet » homme sage, ni nul autre homme sage sur la » terre, n'affirmera jamais que ce fait, quelque » étonnant qu'il soit, soit un crime ou un acte >> contraire à la nature et à ses lois, car com»ment peut-il le savoir?

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Mon frère, vous avez trempé vos mains dans le sang de l'auteur de vos jours; c'est un fait étonnant, inouï, et je crois les hommes »sages qui l'attestent mais ce fait est-il un » crime? Comment puis-je le savoir, moi qui » suis si loin de connoître toutes les lois de la » nature? Qui m'assurera que ce fait, dépen» dant d'une loi que j'ignore, n'est pas un acte » aussi naturel que les actes contraires, n'est » pas une vertu ? Rien n'autorise un mortel à » prononcer.

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Tout ce qu'on peut dire, c'est que vous avez

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