elle aussi que la société respectoit et défendoit avant tout (1). « Est-ce Dieu, ou bien quelque homme, qui » est l'auteur des lois? C'est Dieu, ô étranger; il » est très-juste d'affirmer que c'est Dieu (2). Ainsi parle Platon; et ailleurs il déclare qu'il n'y a de lois légitimes ou de véritables lois, que celles qui sont conformes à la loi souveraine,. la loi royale, immuable règle de toute justice ; loi universelle, perpétuelle, et que nul homme ne peut méconnoître à ces caractères. Le passage est trop important pour que nous hésitions à le citer en entier. SOCRATE. Pensez-vous que ce qui est juste puisse en même temps être injuste, et réciproquement? Le juste et l'injustė ne sont-ils. » pas au contraire essentiellement distincts l'un » de l'autre? >> MINOS. Sans doute, ce qui est juste, ne peut » pas ne point être juste, et il en est de même » de ce qui est injuste. (1) Omnia namque post religionem ponenda semper civitas nostra duxit. Valer. Maxim. (2) Θεὸς ἥτις ἀνθρώπων ὑμῖν, ὦ ξένοι, ειληφε τὴν αἰτίαν τῆς τῶν νόμων διάθεσεως; Θεός, ὦ ξένε, θεὸς, ὥς γε τὸ δικαιότατον ime. Plat. De Legib., lib. I, Oper., tom. VIII, pag. 4. » SOCRATE. En juge-t-on par toute la terre » comme nous en jugeons ici? » MINOS. Assurément. » SOCRATE. Et chez les Perses aussi? » MINOS. Et chez les Perses. » SOCRATE. Et toujours ? » MINOS. Oui, toujours. » SOCRATE. De deux corps qui entraînent un plus grand et un moindre poids, lequel esti>me-t-on le plus pesant? >> MINOS. Celui qui entraîne un plus grand » poids. » SOCRATE. Porte-t-on là-dessus le même ju»gement en Lycie et à Carthage? » MINOS. Le même. » SOCRATE. Il paroît donc que partout l'on regarde comme beau ce qui est beau, et comme » honteux ce qui est honteux ? » MINOS. Oui certainement. » SOCRATE. Donc, en toutes choses, ce qui est » vrai est reconnu pour vrai, et ce qui est faux est » reconnu pour faux, tant par nous que par tous » les autres hommes (1). » MINOS. Je le pense comme vous. (1) Οὐκοῦν ὡς κατὰ πάντα εἰπεῖν, τὰ ὄντα νομίζεται εἶναι, οὐ τὰ μὴ ὄντα, καὶ παρ' ἡμῖν, καὶ παρὰ τοῖς ἄλλοις ἅπασιν. » SOCRATE. Done, celui qui s'éloigne de la vé» rité, viole la loi (1). » Socrate continue de montrer, par différens exemples que ce qui est juste et vrai, est partout et toujours le même. Puis il reprend : ་ « Ce qui est légitime (2) ne varie donc pas? MINOS, Non certes. (1) ὃς ἂν ἄρα τοῦ ὄντως ἁμάρτη, τοῦ νομίμου ἁμαρτάνει. Voici le raisonnement de Socrate: «La distinction du » juste et de l'injuste est invariable comme la vérité, ou » plutôt est la vérité même, puisque la vérité n'est autre >> chose que ce qui est, rò öv. On reconnoît donc ce qui » est juste ou injuste, comme on reconnoît ce qui est vrai » ou faux, par le consentement universel et perpétuel » des peuples. Or, il n'y a de véritable loi que celle qui >> est conforme à la justice ou à la vérité immuable : » donc, quiconque s'éloigne de la vérité, viole la loi. » -Lex tua veritas. Ps. CXVIII, 142. Pindare dit, dans le même sens, que la vérité souveraine est le principe de toute vertu ; et il appelle la loi, la reine des mortels et des immortels. - Αρχὰ μεγάλας ἀρετᾶς, ἀνασσ ̓ Ἀλήθεια. Principium magnæ virtutis, Regina veritas. Ap. Stob. Serm., LIX, pag. 230. W ech. Νόμος ὁ πάντων βασιλεὺς θνατῶν τε καὶ ἀθανάτων. Lex omnium Rex est mortalium et immortalium. Schol. Pindari ad Nem., IX, 35. (2) Nouuor ce qui a force de toi. » SOCRATE. Et si nous voyons des gens qui changent et qui ne ne sont point d'accord entre >> eux, dirons-nous qu'ils savent, ou bien qu'ils ignorent? » MINOS. Nous dirons qu'ils ignorent. SOCRATE. Ce qui, en toute chose, est juste » et vrai (1), ne doit-il pas être appelé loi?... MINOS. Sans aucun doute. » SOCRATE. Ce qui n'est ni juste ni vrai, est donc contraire à la loi ? » SOCRATE. C'est pourquoi dans les ordon>>nances touchant les choses justes et injustes, et généralement en tout ce qui concerne l'ordre » et le gouvernement des cités, ce qui est équitable et vrai, est la loi souveraine (2); ce qui » n'a pas ce caractère vient de l'ignorance, et, » loin d'être la loi souveraine, est l'opposé de la » loi (3). » MINOS. Il est ainsi (4). » Cette loi souveraine, loi non écrite, loi com (1) Opov renferme cette double signification, comme le mot latin rectum. (2) Νόμος ἐστι βασιλικός. (3) Littéralement, est une anti-loi, oτi yàp avoμor. (4) Platon, Minos. Oper., tom. VI, p. 129-133. Ed. Bipont. mune, loi divine, comme l'appellent Aristote (1) et Cléanthe (2), en ajoutant qu'on la reconnoît à son universalité; cette loi qui a existé toujours, qui est la justice, la vérité, l'ordre par excellence, et qui oblige tous les hommes, dans tous les temps et dans tous les lieux, qu'est-ce autre chose que la religion? Si vous en doutez, Socrate lui-même va vous le dire expressément. « Connoissez-vous, Hyppias, des lois non » écrites? Assurément, celles qui règnent dans > tous les pays (3). Direz-vous que ce sont » les hommes qui les ont portées? Et com» ment le dirois-je, puisqu'ils n'ont pu Se ras> sembler tous en un même lieu, et que d'ail» leurs ils ne parlent pas une même langue? - Qui croyez-vous donc qui ait porté ces lois? Ce sont les dieux qui les ont prescrites aux (1) Νόμος δ' ἐστὶν, ὁ μὲν, ἴδιος· ὁ δὲ, κοινός. Λέγω δὲ, ἴδιον μὲν, καθ ̓ ὃν γεραμμένον πολιτεύονται· κοινὸν δὲ, ὅσα ἄγραφα παρὰ nãσiv óμeloyeïolar doxɛï. Lex verò est, una propria; altera communis. Voco propriam, secundum quam scriptam civiliter agunt; communem, quæcumque non scripta apud omnes constare videntur. Aristot., Rhetoric., lib. I, cap. X. Oper., t. II, p. 413. Edit. Aureliæ Allobrog., 1605. (2) Δύσμοροι... ουτ ̓ ἐσορῶσι Θεοῦ κοινὸν νόμον. Miseri... Legem Dei communem spectare non curant. Cleanth. inter Gnomic., p. 142. Edit. Brunckii. (3) Τούς γ ̓ ἐν πάσῃ χώρᾳ κατὰ ταὐτὰ νομιζομένους. |