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» le monde a cru, sans aucuns miracles, "des » choses si merveilleuses et si incroyables? Diront»ils qu'elles étoient croyables, et que c'est pour >> cela qu'on les a crues? Pourquoi donc ne » croient-ils pas? Notre raisonnement est court: » Ou des choses incroyables opérées sous les » yeux des peuples leur ont fait ajouter foi à une chose incroyable qu'ils ne voyoient pas » ou cette chose est croyable sans aucuns miracles, et les incrédules sont convaincus d'une coupable infidélité (1). »

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(1) Cur, inquiunt, nunc illa miracula, quæ prædicatis facta esse, non fiunt? Possem quidem dicere, necessaria fuisse priùs quàm crederet mundus, ad hoc ut crederet mundus. Quisquis adhuc prodigia ut credat inquirit, magnum est ipse prodigium, qui mundo credente non credit. Verùm hoc ideo dicunt, ut nec tunc illa miracula facta fuisse credantur. Unde ergo tantâ fide Christus usquequaque cantatur in cœlum cum carne sublatus? Undè temporibus eruditis, et omne quod fieri non potest respuenti→ bus, sine ullis miraculis nimiùm mirabiliter incredibilia credidit mundus? An fortè credibilia fuisse, et ideò credita esse dicturi sunt? Cur ergo ipsi non credunt? Brevis est igitur nostra complexio : aut incredibilis rei, quæ non videbatur, alia incredibilia, quæ tamen fiebant et videbantur, fecerunt fidem; aut certè res ità credibilis, ut nullis quibus persuaderetur miraculis, indigeret, istorum nimiam redarguit infidelitatem. De civit. Dei, lib. XXII, cap. VIII, n. 1, tom. VII, col, 663.

Il est difficile de penser que Gibbon s'entendît lui-même. Les disciples de Jésus-Christ ont-ils fait des œuvres miraculeuses en confirmation de la doctrine qu'ils prêchoient? Répondez oui, ou non. Dans le premier cas, le christianisme s'est établi d'une manière surhumaine, et sa divinité est incontestable. Dans le second cas, il est évident qu'il n'auroit pu s'établir, car il étoit impossible que la fourberie de ceux qui prétendoient opérer des prodiges si nombreux et si étonnans, ne fût pas bientôt découverte et publiquement dévoilée.

Que la philosophie est ingénieuse et profonde dans ses conjectures! comme les événemens qui paroissoient le plus extraordinaires deviennent simples dès qu'elle daigne les expliquer ! Vous ne concevez pas que le christianisme se soit propagé naturellement : elle va vous le faire comprendre. Les Apôtres ont dit : « Nous vous

annençons l'Evangile au nom de l'Eternel, » et vous devez nous croire, car nous sommes » doués du pouvoir miraculeux. Nous rendons » la santé aux malades, aux perclus l'usage » de leurs membres, la vue aux aveugles » l'ouïe aux sourds, la vie aux morts. » A ce discours le peuple est accouru de toutes parts, pour être témoin des miracles promis avec tant de confiance. Les malades n'ont point été guéris,

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les perclus n'ont point marché, les aveugles n'ont point vu, les sourds n'ont point entendu, les morts n'ont point réssuscité. Alors, transporté d'admiration, le peuple est tombé aux pieds des Apôtres, et s'est écrié : Ceux-ci sont manifestement les envoyés de Dieu, les ministres de sa puissance! et sur-le-champ, brisant ses idoles, îl a quitté le culte des plaisirs pour le culte de la croix ; il a renoncé à ses habitudes, à ses préjugés, à ses passions; il a réformé ses mœurs et embrassé la pénitence; les riches ont vendu leurs biens pour en distribuer le prix aux indigens, et tous ont préféré les plus horribles tortures et une mort infâme, au remords d'abandonner une religion qui leur étoit si solidement prouvée.

Gibbon fait avec justice un magnifique éloge des vertus des premiers chrétiens; et ces vertus, jointes à la perfection du gouvernement de l'Église, sont les deux dernières causes qu'il assigne aux progrès du christianisme parmi les païens. N'est-ce pas là une explication singulièrement satisfaisante? On demande comment une doctrine qui choquoit toutes les opinions, tous les préjugés régnans, a pu s'établir parmi les 'hommes; et on répond qu'elle s'est établie, parce qu'elle combattoit de plus tous les penchans, toutes les inclinations de l'homme. Les

idolâtres ont quitté leurs dieux, à cause qu'on leur a dit de quitter encore leurs biens. Ils ont cru aux mystères de la religion chrétienne, afin d'avoir la consolation de se priver de tous les plaisirs de vivre pauvres, humiliés, méprisés, et de mourir dans les tourmens. Voilà ce qui les a séduits. Il est clair aussi qu'ils durent être fortement attirés par tout ce qu'offroit d'at*trayant pour eux le gouvernement de l'Eglise et sa discipline, le jeûne, la prière, les veilles, la confession publique, les longues et sévères pénitences, et l'obligation d'obéir à des pasteurs qui leur commandoient de renoncer aux spectacles, aux fêtes, à tout ce que le peuple, dans sa corruption, regardoit comme aussi nécessaire que les alimens mêmes, panem et circenses.

Laissons ces rêveries philosophiques, et, puisqu'il a fallu les rapporter, qu'elles servent au moins à nous faire concevoir l'impossibilité d'expliquer par des causes humaines le triomphe de la religion de Jésus-Christ. Et pour comprendre encore mieux cette importante vérité, observons que si le christianisme n'étoit pas l'œuvre de Dieu, il n'auroit s'établir pu de deux maque nières : ou par la conformité de sa doctrine avec les pensées, les désirs, les inclinations de l'homme; ou par des causes extérieures également propres à flatter ses inclinations, ses de

sirs, ses pensées, car il est contradictoire de supposer que l'homme abandonné à lui-même. puisse vouloir ce qui le choque, et agir contre tous ses penchans. Or c'est pourtant ce qui auroit eu lieu, si l'établissement du christianisme n'étoit pas divin; de sorte qu'il faut nécessairement opter entre deux prodiges; un prodige de la puissance et de la bonté de Dieu, si la religion chrétienne est divine, et un prodige d'absurdité si elle ne l'est pas.

En effet le christianisme est essentiellement et en toutes choses opposé à la nature de l'homme dégradé; et sans cela comment la réformeroit-il? comment auroit-il produit les sublimes vertus que Gibbon lui-même admire ?

L'homme est naturellement dominé par l'orgueil : il veut être élevé, distingué, honoré ; il aspire à commander, à être le premier partout et toujours. Le christianisme lui dit: Abaissetoi, humilie-toi, obéis, sois le dernier.

Sa curiosité n'a point de bornes, il veut savoir, il veut juger. Le christianisme lui dit : Crois.

Il veut satisfaire ses convoitises et jouir de ce qui flatte ses sens. Le christianisme lui dit : Fais pénitence, châtie ton corps, souffre.

Voilà sans doute une doctrine opposée à tout l'homme. Qui a pu déterminer les hommes à

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