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l'état où se trouvoient les peuples avant la venue de Jésus-Christ: ils n'ont point d'autres devoirs que ceux qui furent toujours promulgués par la tradition générale, et ils peuvent se sauver comme tous les hommes pouvoient se sauver antérieurement à la Rédemption, par une fidèle obéissance à la loi primitivement révélée et universellement connue (1). La forte objection de Rousseau n'est donc pas même une objection. Voyons la suite.

Quand les ministres de l'Évangile se sont fait entendre aux peuples éloignés, que leur » ont-ils dit qu'on pût raisonnablement admettre » sur leur parole, et qui ne demandât pas la plus exacte vérification? Vous m'annoncez un » Dieu né et mort il y a deux mille ans à l'autre » extrémité du monde, dans je ne sais quelle petite ville, et vous me dites que tous ceux

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qui n'auront point cru à ce mystère seront » damnés. Voilà des choses bien étranges pour » les croire si vite sur la seule autorité d'un » homme que je ne connois point! Pourquoi >> votre Dieu a-t-il fait arriver si loin de moi les » événemens dont il vouloit m'obliger d'être in»struit? Est-ce un crime d'ignorer ce qui se » passe aux Antipodes? Puis-je deviner qu'il y a

(1) Voyez le chapitre XXV.

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» eu dans un autre hémisphère un peuple hé» breu et une ville de Jérusalem? Autant vau» droit m'obliger de savoir ce qui se fait dans la » lune. Vous venez, dites-vous, me l'apprendre ; mais pourquoi n'êtes-vous pas venu l'apprendre à mon père, ou pourquoi damnez-vous ce bon vieillard pour n'en avoir jamais rien su? Doitil être éternellement puni de votre paresse, » lui qui étoit si bon, si bienfaisant, et qui ne › cherchoit que la vérité? Soyez de bonne foi, puis mettez-vous à ma place : voyez si je dois, » sur votre seul témoignage, croire toutes les » choses incroyables que vous me dites, et con» cilier tant d'injustices avec le Dieu que vous » m'annoncez (1). »

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Tout ce discours repose sur de fausses suppositions. Afin de paroître combattre le christianisme avec avantage, Rousseau commence philosophiquement par le calomnier.

Qui a dit à ce sophiste qu'un homme sera damné pour n'avoir pas cru à des mystères qu'il ne pouvoit connoître? Sur quel fondement impute-t-il aux chrétiens une doctrine si absurde et si horrible? Jamais l'Eglise enseigna-t-elle qu'un homme bon, bienfaisant, qui ne cherche que la vérité, dût être éternellement puni d'avoi

(1) Émile, ibid.

ignoré une vérité dont il lui étoit impossible d'être instruit? Non, cet homme ne sera point damné, s'il est réellement tel que vous le dites; il se sauvera, nous n'en doutons pas, et il se sauvera dans le christianisme; car quiconque n'a point entendu la prédication évangélique, et croit tous les dogmes que proclame la tradition universelle, tout ce que croyoient les anciens justes, celui-là croit implicitement tout ce que nous croyons; ce n'est pas la foi qui lui manque mais un enseignement plus développé, il est, comme nous l'avons déjà dit ailleurs, dans la position de l'enfant qui meurt avant qu'on ait achevé de l'instruire, il est chrétien (1).

(1) Les théologiens distinguent, comme on sait, trois sortes de baptême, le baptême d'eau, le baptême de désir, et le baptême de sang ou le martyre. Ceux qui insistent le plus sur la nécessité du baptême d'eau, enseignent en même temps que Dieu feroit plutôt un miracle que de laisser mourir sans baptême un homme qui seroit dans les dispositions supposées ici. Nous inclinons à croire que ces dispositions renferment un désir implicite du baptême, qui suffit dans le cas présent: Quod pro tanto dicitur sacramentum baptismi esse de necessitate salutis, quia non potest esse homini salus, nisi saltem in voluntate habeatur, que apud Deum reputatur pro facto. S. Thom., 3o part., vol. II, quæst. LXVIII, art. II. La volonté de faire tout ce que Dieu veut qu'on fasse pour être sauvé, renferme évidemment la volonté de recevoir le baptême, si l'on en

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Mais enfin, demandez-vous, sera-t-on obligé de croire sur son seul témoignage, un missionnaire qui vient annoncer des faits extraordinaires, qui se sont passés il y a deux mille ans à l'autre extrémité du monde, et dont on n'avoit point encore entendu parler? Nullement. Les vertus de ce missionnaire, le zèle qui l'amène, à travers tant de périls, dans un pays lointain, uniquement pour y prêcher une doctrine sainte en elle-même, et conforme à celle de la tradition tout cela doit porter les hommes d'une volonté droite à l'écouter, mais tout cela ne crée pas l'obligation absolue de croire ce qu'il dit sur son seul témoignage. Je laisse à part l'impression intérieure de la grâce, qui produira sans doute son effet sur quelques-uns. J'envisage

connoissoit la nécessité. Le bienheureux Ligori dit positivement « qu'il est de foi que le baptême d'esprit est suffi>> sant pour le salut; » et voici la définition qu'il 'en donne : « Le baptême d'esprit est la parfaite conversion à Dieu » par la contrition ou l'amour de Dieu sur toutes choses, » avec le vœu explicite ou implicite du vrai baptême » d'eau, qu'il supplée quant à la rémission de la coulpe. » De fide est per baptismum flaminis homines etiam salvari... » Baptismus flaminis est perfecta conversio ad Deum per » contritionem vel amorem Dei super omnia, cum voto expli» citovel implicito veri baptismi fluminis cujus vicem supplet » quoad culpæ remissionem.» Ligor., lib. VII. Tract. II, de sacrament., n. 96.

la question sous le point de vue purement philosophique. Ou le missionnaire sera doué du pouvoir miraculeux, et alors ce ne sera plus à son scul témoignage qu'on croira, mais au témoignage immédiat de Dieu même : ou il ne possédera pas ce pouvoir, et dans ce cas il peut y avoir « comme un temps d'attente durant lequel sc >> fait la publication de l'Évangile. Ceux qui de>> meurent dans cette attente semblent être en » état de recevoir la vérité quand elle sera entiè» rement certifiée, et peuvent encore être sauvés » comme leurs prédécesseurs en la foi primi» tive (1). Il faut en un mot, qu'ils connoissent avec certitude l'existence de l'Église dont le missionnaire se dit l'envoyé, pour être dans l'obligation rigoureuse d'ajouter foi à ses enseignemens. Car on peut être trompé par un homme, et c'est à l'autorité de l'Église seule que s'attache le devoir d'obéir. Et certes nous raisonnons ici suivant une supposition bien peu vraisemblable, celle d'un seul témoignage qui atteste l'existence de l'Église, de cette immense société répandue, dès les premiers siècles, par tout l'univers. En un cas aussi singulier, s'il arrive qu'il se présente,. Dieu agit lui-même sur les cœurs, et sa bonté est plus féconde en moyens

(1) Paroles de Bossuet citées plus haut.

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