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SATIRE IX.

LES PROTECTEURS ET LES PROTÉGÉS OBSCÈNES.

JUVÉNAL.

POURQUOI toujours l'air triste et le visage long,
Ainsi que Marsyas vaincu par Apollon,

Névolus? et pourquoi cet œil morne et timide
D'un Ravola surpris, la barbe encore humide,
Sur le flanc de Rhodope, et sot comme un valet
Qui, léchant une sauce, est puni d'un soufflet?
Pollion n'eut jamais si piteuse figure,

Lorsque, prêt à subir même une triple usure,
Sans trouver une dupe, il quêtait maint affront.

D'où viennent tout à coup tant de plis sur ton front?
Aimable chevalier, ton épigramme vive,

Ta mordante saillie animait le convive.

Quel changement! ces yeux ternes et renfoncés,
Cette inculte forêt de cheveux hérissés,

Cette peau sans parfums qui maintenant se ride,
Ces membres négligés où monte un poil aride!...

Quid macies ægri veteris, quem tempore longo

Torret quarta dies, olimque domestica febris?
Deprendas animi tormenta latentis in ægro

Corpore; deprendas et gaudia: sumit utrumque

20 Inde habitum facies. Igitur flexisse videris

Propositum, et vitæ contrarius ire priori.

Nuper enim, ut repeto, fanum Isidis, et Ganymedem, Pacis, et advectæ secreta palatia matris,

Et Cererem (nam quo non prostat femina templo ?) 25 Notior Aufidio machus celebrare solebas,

Quodque taces, ipsos etiam inclinare maritos.

Utile et hoc multis vitæ genus; at mihi nullum Inde operæ pretium. Pingues aliquando lacernas, Munimenta toga, duri crassique coloris, 30 Et male percussas textoris pectine Galli

Accipimus, tenue argentum venæque secundæ. Fata regunt homines, fatum est et partibus illis Quas sinus abscondit. Nam, si tibi sidera cessant, Nil faciet longi mensura incognita nervi,

35 Quamvis te nudum spumanti Virro labello

D'où vient cette maigreur d'un malade aux abois,
Et que la fièvre quarte a dévoré six mois?
Le corps trahit de l'âme ou la peine ou la joie,
Et chaque sentiment dans nos traits se déploie.
Ainsi donc, redoutant les publiques rumeurs,
Tu parais dévier de tes anciennes mœurs.

Je m'en souviens pourtant, naguère encor, naguère, Rival d'Aufidius le célèbre adultère,

Tu souillais nuit et jour, dans leurs temples secrets,
Isis et Ganymède, et Cybèle et Cérès;

Car est-il un seul temple, une seule statue,
Où la femme ne coure et ne se prostitue?...
Ce que tu ne dis point: dans ta lubricité,
L'époux même, l'époux n'était pas respecté !

NÉVOLUS.

Oui, ce métier sans doute enrichit bien du monde; Et moi je n'ai reçu, pour mon travail immonde, Qu'un vieux manteau, rempart de ma toge, étriqué, Sous le peigne gaulois lourdement fabriqué,

D'une affreuse couleur!... et parfois, chose étrange!
Un plat d'argent bien mince, et non point sans mélange.
Le destin est le roi des hommes, et ce roi

Sous notre toge même étend sa dure loi...
Si des astres mauvais ont lui sur ta naissance,
De tes reins monstrueux qu'importe la puissance?
Quand bien même Virron, de luxure écumant,
Te contemplerait nu; quand même assidûment

Viderit, et blandæ assidue densæque tabellæ Sollicitent : Αὐτὸς γὰρ ἐφέλκεται ἄνδρα κίναιδος. Quod tamen ulterius monstrum, quam mollis avarus? Hæc tribui, deinde illa dedi, mox plura tulisti. 40 Computat, ac cevet. Ponatur calculus, adsint Cum tabula pueri : numera... sestertia quinque Omnibus in rebus. Numerentur deinde labores. An facile et pronum est agere intra viscera penem Legitimum, atque illic hesternæ occurrere cœnæ ? 45 Servus erit minus ille miser, qui foderit agrum,

Quam dominum. Sed tu sane tenerum et puerum te, Et pulchrum, et dignum cyatho cœloque putabas. Vos humili assecla, vos indulgebitis unquam

Cultori, jam nec morbo donare parati?

50 En cui tu viridem umbellam, cui succina mittas Grandia, natalis quoties redit, aut madidum ver Incipit; et strata positus longaque cathedra Munera femineis tractat secreta calendis.

Dic, passer, cui tot montes, tot prædia servas

5 Appula, tot milvos intra tua pascua lassos?

55

Te Trifolinus ager fecundis vitibus implet,
Suspectumque jugum Cumis, et Gaurus inanis.
Nam quis plura linit victuro dolia musto?

Il te fatiguerait de ses tendres missives...

Les Virrons ont pour nous trop d'amorces lascives!

Quel monstre, un libertin avare de son or!

Je t'ai donné ceci, puis cela, puis encor

(Il calcule, hâtant sa volupté brutale).

Esclaves, des jetons! Compte!... Somme totale,

Cinq grands sesterces!...-Bien! mais comptons mes travaux! Jour et nuit assouvir tes caprices nouveaux,

C'est une horrible tâche, un rude ministère!...

Esclave, mieux vaudrait creuser, fouiller la terre!

Mais tu te croyais beau, jeune, délicieux,

Et digne de verser le nectar dans les cieux !

Ah! d'un pauvre client paîras-tu les services,

Toi qui ne donnes rien, rien, pas même à tes vices? -
Voilà pourtant l'objet à qui nous envoyons,
Quand renaît le printemps aux humides rayons,
Un beau parasol vert, de grandes coupes d'ambre!
Sur de moelleux coussins étalé dans sa chambre,
Aux calendes de mars, avide et curieux,
L'efféminé parcourt nos dons mystérieux.
Dis, passereau lascif, à qui donc, je te prie,
A qui réserves-tu bois, collines, prairies,
Ces champs apuliens, vaste et fertile sol,
Qu'un milan ne saurait traverser d'un seul vol?
Aux caverneux Gaurus, aux montagnes de Cume,
A Trifolni, pour toi l'ardent pressoir écume :
Nul à si larges flots jamais ne recueillit

Un vin qui, sous la poix, dans l'amphore vieillit.

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