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Un Recueil de lettres de piété et de morale, en 9 vol. in-12, etc. On trouve dans le 3 volume de ce recueil une lettre de controverse, imprimée d'abord séparément sous le nom

d'une carmélite, qui l'adressait à une dame protestante de ses amies. Le grand Bossuet dit en la lisant: Il y a bien de la théologie sous la robe de cette religieuse.

Préface,

PAR L'ABBÉ D'ASFELD.

Dans l'écrit que l'on donne ici au public, et qui était déjà devenu fort commun par le grand nombre de copies qui s'en était répandu, l'on suppose le lecteur instruit et convaincu d'une vérité essentielle à la religion, et qui est le fondement de tout ce qui est dit dans ce petit traité : savoir que Jésus-Christ est prédit et figuré dans tout l'Ancien Testament, et que les prophètes n'ont eu que lui en vue.

Dieu qui depuis la chute d'Adam s'était, pour ainsi dire, retiré en lui-même et semblait garder un profond silence par rapport aux hommes, n'a pu se résoudre à leur parler, comme il a fait par ses Ecritures, que pour les rendre justes et meilleurs. Or, comme ils ne peuvent devenir tels, selon ses décrets éternels, que par Jésus-Christ, qu'il a établi l'unique source de la véritable justice et l'unique voie par laquelle le pécheur peut retourner à lui il n'est pas étonnant que les livres de l'Ancien Testament, uniquement destinés à faire connaître Dieu à l'homme, et l'homme à lui-même, retentissent partout de Jésus. Christ.

C'est ce qui a fait dire à saint Paul que tout est pour lui, et que tout subsiste en lui: Omnia in ipso constant (Coloss., I, 17); qu'il est la fin et le terme de la loi, c'est-à-dire que c'est à lui, à ses mystères, à son Eglise, à ses élus, que se rapportent les préceptes, les observances et les événements de l'Ancien Testament; et que c'est en lui que toutes les prédictions, les figures et les sacrifices ont leur accomplissement Finis legis Christus (Rom., X, 4).

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Cette vérité ne s'établit pas seulement par induction, mais elle est clairement attestée par le Sauveur même. Et qui peut mieux savoir ce que les prophètes ont annoncé, que celui qui les a envoyés? Qui entund mieux le sens des prophéties, que celui qui les a dictées? Or Jésus-Christ déclare souvent en termes précis, qu'il était lui-même la matière de leurs prédictions; que dans leur commission ils avaient tous ordre de parler de lui, de publier les circonstances de sa vie, ses humiliations et sa mort; et de peindre ses mystères, le fruit de ses souffrances et la formation de son Eglise:

Dans le fameux entretien que Jésus-Christ cut avec les deux disciples le jour de sa résurrection, il

leur interpréta par ordre toutes les Ecritures, en commençant par Moïse, et continuant par tous les prophètes l'un après l'autre ; et il leur montra qu'elles parlaient toutes de lui. Incipiens a Moïse, et omnibus prophetis, interpretabatur illis in omnibus Scripturis, quæ de ipso erant (Luc, XXIV, 27). Et pendant que des interprètes timides osent à peine produire un ou deux passages du Pentateuque, pour les appliquer sûrement à Jésus-Christ, Jésus Christ lui-même par un seul mot adopte les cinq livres entiers. Il s'y voit partout et s'y rencontre à chaque pas; et il montre aux deux disciples que ce législateur des Juifs le représente aussi vivement, et dans ses histoires par les prophéties d'actions, et dans ses cérémonies par les figures, que tous les autres prophètes par des prédictions claires et par leurs paroles distinctes. C'est Moïse lui-même, dit-il ailleurs aux Juifs, ce Moïse en qui vous mettez toute votre espéranee, qui s'élèvera contre vous devant mon Père (Jean, V, 45 et 46), pour vous accuser. Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, puisque c'est de moi qu'il a écrit: De me enim ille scripsit. Et il leur avait dit un moment auparavant, eu leur reprochant leur incrédulité et leur aveuglement volontaire : ‹ Approfondissez les Ecritures, dans lesquelles vous croyez, avec raison, pouvoir trouver la vie éternelle; car ce sont elles qui rendent témoignage de moi. Scrutamini Scripturas, quia vos putatis in ipsis vitam æternam habere: et illæ sunt quæ testimonium perhibent de me (Ibid., v. 39). Le Sauveur nous apprend lui-même dans un autre endroit ce que nous devons entendre par cette vie éternelle renfermée dans les Ecritures: La vie éternelle (1d. XVII, 3), dit-il, en s'adressant à son Père, consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé.

Dans la célèbre apparition qui est décrite par saint Luc (Luc, XXIV, 44), Jésus-Christ dit à ses disciples dans le trouble que leur causait l'étonnement et la joie de le voir ressuscité, et dans la difficulté où ils étaient de s'accoutumer an scandale de sa croix : Vous voyez ce que je vous avais dit, lorsque j'étais encore avec vous qu'il fallait que tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse dans les Prophètes et dans

les Psaumes, fút accompli. Il fait une exacte distribution des Ecritures, selon l'usage commun pour lors parmi les llébreux. Il assure que tout ce qui est écrit, soit les livres de Moïse, soit les prophètes, soit les psaumes, le regardent et le dépeignent. Il leur reproche de ne l'y avoir pas reconnu à des traits si marqués; et il les avertit que toutes les circonstances de ce qu'ils avaient vu arriver à sa personne, n'étaient que des accomplissements de ce qui avait été prédit de lui dans tous les livres sacrés, et de ce qu'il leur avait si souvent répété.

Ces déclarations du Sauveur, si précises et si souvent réitérées, sont confirmées par le témoignage des apôtres. Et quels interprètes plus sûrs pourra-lon trouver, que ceux à qui Jésus-Christ donne l'intelligence des Ecritures, et à qui il éclaire l'esprit pour en comprendre les mystères, les rapports et les sens, et pour en faire l'application? Aperuit illis sensum, ut intelligerent Scripturas (Luc, XXIV, 45).

Tout le monde sait qu'à chaque événement un peu considérable que saint Matthieu rapporte de JésusChrist, il ne manque pas de faire remarquer que cel événement est l'accomplissement de quelque prophélie. Hoc autem totum factum est, ut adimpleretur quod dictum est a Domino per prophetam........ (Matth., I, 22). Tunc adimpletum est quod dictum est per prophetam, etc. (Id., II, 17.)

Le jour même de la Pentecôte, dans le moment où les apôtres sont tous remplis de l'esprit de JésusChrist, qui vient de descendre visiblement sur eux, en prêchant au peuple accouru de toutes parts à ce prodige, ils avancent: Que Dieu a accompli de celle sorle ce qu'il avait prédit par la bouche de tous ses prophètes, que le Christ souffrirait la mort(Act, III, 18). L'esprit de Jésus-Christ qui a inspiré les prophètes, qui leur a donné leur mission, qui leur a mis toutes les paroles dans la bouche, qui s'en est servi comme d'instruments et d'organes pour annoncer aux hommes ses volontés et ses desseins, ce même Esprit assure ici par la bouche des apôtres qu'il anime, que JésusChrist a été le sujet capital de leurs prédictions; qu'il leur a donné à tous charge de publier ses mystères; et qu'il n'y a eu aucun d'eux qui n'ait eu cet ordre et qui ne s'en soit acquitté.

Les apôtres, dans le même discours, assurent que tous les prophètes qui ont prophétisé de temps en temps depuis Samuel, ont prédit ce qui est arrivé en ces jours (Ibid., v. 24). Nous apprenons de là que Samuel a écrit quelque chose; et tous les interprètes conviennent que ce sont les deux premiers livres des Rois qui portent son nom. Ainsi, quoique ces livres soient purement historiques, nous voyons que tout ce que Samuel nous y rapporte des persécutions, des humiliations, du sacre, de la royauté et des victoires de David; et par une conséquence nécessaire, tout ce que nous lisons dans les livres suivants de la sagesse, de la magnificence et de la gloire de Salomon, du bonheur de son règne et de la construction du temple, doit être regardé comme autant de tableaux qui

représentent les caractères du Messie, les divers événements de sa vie et les fruits glorieux de ses travaux; et que tous les prophètes qui ont suivi Samuel d'âge en âge, jusqu'au dernier, n'ont eu ordre de parler que de lui: Et omnes deinceps qui locuti

sunt.

Saint Etienne (Act., VII, v. 52), dans le beau discours qu'il fait aux Juifs avant de mourir, reproche à leurs ancêtres d'avoir persécuté tous les prophètes et d'avoir tué tous ceux qui leur prédisaient ce qui regarde l'avénement du Juste: Qui prænuntiabant de adventu Justi; qui leur annonçaient sa naissance, sa vie pauvre et cachée, sa doctrine, ses miracles et ses mystères; et qui publiaient qu'il serait méconnu et rejeté par son peuple, renoncé devant les Gentils et livré à une mort honteuse.

Saint Paul et saint Barnabé, dans la synagogue d'Antioche en Pisidie, enseignent la même doctrine. Ils déclarent hautement que les habitants de Jérusalem et les princes des Juifs n'ayant point connu JésusChrist pour ce qu'il était, et n'ayant point entendu les paroles des prophètes qui se lisent chaque jour de sabbat, les ont accomplies en le condamnant (Act., XIII, 27, 29).

Saint Pierre s'explique sur cette vérité plus clairement que tous les autres, et fait en peu de mots un excellent abrégé de toute cette doctrine. De qua salute exquisierunt atque scrutati sunt prophetæ, qui de futura in vobis gratia prophetaverunt (I Pierre, 1, 10). ‹ Ce salut, dans la connaissance duquel les prophètes, qui ont prophétisé de la grâce que vous deviez recevoir, ont désiré de pénétrer, l'ayant recherchée avec grand soin, c'est ce salut; c'est tout ce qui le regarde et tout ce qui y a préparé; c'est tout ce qui l'a opéré et consommé qui faisait l'unique étude des prophètes, tout l'exercice de leur vie et le seul objet de leurs désirs. Ils n'avaient pour fonction que de prédire la grâce qui était réservée aux chrétiens et tout ce qui y avait rapport. Ils ont demandé avec ardeur de pénétrer dans cette connaissance; ils l'ont soigneusement approfondie et y ont fait de grandes décou

verles.

Scrutantes in quod vel quale tempus significaret in eis Spiritus Christi, prænuntians eas quæ in Christo sunt passiones, et posteriores glorias (Ibid., v. 11).

Ils examinaient dans cette recherche en quel temps et en quelle conjoncture l'Esprit de Jésus-Christ, qui les instruisait de l'avenir, leur marquait que devait arriver les souffrances de Jésus-Christ et la gloire qui les devait suivre. Ils ne se contentaient pas de creuser le fond de ces mystères; mais ils étaient curieux d'en savoir les circonstances les plus particulières. Ils portaient leur attention à supputer les temps et les moments où ils s'accompliraient. Ils recherchaient en quelle manière et dans quel ordre l'Esprit de Jésus-Christ, qui les instruisait, et qui devait être lui-même bien instruit de ce qu'il ferait un jour, leur marquait que devaient arriver les souffrances de Jésus-Christ et la gloire qui les devait

suivre Passiones, el posteriores glorias. Ce peu de mots comprend tout et renferme une infinité de mystères : l'incarnation du Verbe et sa médiation, sa vie mortelle et ses souffrances, le scandale de sa croix et ses victoires, le triomphe de sa résurrection et de son ascension, la destruction de l'empire de la mort et du péché, l'affranchissement de ses frères adoptifs de la tyrannie du démon, et l'association de tous ses membres au bonheur et à la gloire de leur chef, selon l'âme et selon le corps.

Quibus revelatum est, quia non sibi metipsis, vobis autem ministrabant ea, quæ nunc nuntiata sunt vobis per eos qui evangelizaverunt vobis, Spiritu Sancto misso de cœlo, in quem desiderant angeli prospicere (Pierre I, v. 12). ‹ Et il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux mêmes, mais pour vous, qu'ils étaient ministres et dispensateurs de ces choses, que ceux qui vous ont prêché l'Evangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel, vous ont maintenant annoncées, et dans le secret desquelles les anges même désirent de pénétrer. L'Esprit de Jésus Christ avait révélé aux prophètes que leur ministère ne servait que de préparatif à l'Evangile; qu'ils ne faisaient que montrer les grands biens dont les chrétiens devaient jouir; que d'autres entreraient dans leurs travaux et moissonneraient avec joie et facilité ce qu'ils avaient semé avec tant de larmes et de peines. C'est donc le même Esprit de Jésus Christ qui a rempli les prophètes et les apôtres; qui annonçait plus obscurément et de loin par les uns, ce qu'il a manifesté depuis clairement par les derniers. Ils se rendent témoignage les uns aux autres, et s'autorisent mutuellement. Ils parlent le même langage et par le même Esprit qui a été envoyé du ciel. Leur concert est entier et parfait, et comme les apôtres font profession de ne connaître que Jésus Christ, et qu'ils ne sont envoyés que pour le prêcher, les prophètes aussi ne parlaient que de lui et n'annonçaient que ses mystères, dans le secret desquels les anges mêmes désirent de pénétrer.

En effet, pour peu qu'on fasse d'attention sur les anciennes Ecritures, on reconnaîtra que les mystères de Jésus-Christ étaient parfaitement connus des prophètes (Voyez le Ps. XXI, le chap. LIII d'Isaïe, Job, ch. XVI, etc.); et non-sculement en général, mais dans un grand détail et avec toutes leurs circonstances; que leur foi était absolument la même que la nôtre; et qu'ils connaissaient Jésus-Christ comme nous le connaissons, sous les mêmes idées et dans l'attente des mêmes biens et du même salut. Que pouvait ignorer Moïse dans le mystère des souffrances, des humiliations, de la croix de Jésus Christ : mystère le plus incompréhensible de tous, le plus élevé au dessus des forces de l'esprit humain, le plus opposé à la corruption de notre cœur, et qui, après l'éclat qu'a jeté depuis tant de siècles la lumière de l'Evangile, est encore inconnu et inaccessible à la plupart des chrétiens; que pouvait, dis-je, ignorer dans ce profond mystère Moïse, après ce que saint Paul nous apprend qu'il en savait et qu'il en

pratiquait dès l'âge de quarante ans? C'est par la foi que lorsque Moïse fut devenu grand, il renonça à la qualité de fils de la fille de Pharaon; et qu'il aima mieux être affligé avec le peuple de Dieu, que de jouir du plaisir si court qui se trouve dans le péché, jugeant que l'ignominie de Jésus-Christ était un plus grand trésor que toutes les richesses de l'Egypte, parce qu'il envisageait la récompense (Héb., X1, v. 21, 25 et 26). Pénétré jusqu'à ce point de ce que Jésus-Christ devait faire et souffrir, et des suites que ses souffran ces at ses travaux devaient avoir, n'était-il pas naturel, quand même il n'aurait pas été inspiré, qu'il en remplit ses écrits; et ne serait il pas fort étrange qu'il eût tenu une autre conduite? Aussi les véritables Israélites avaient-ils de lui cette idée. Nous avons trouvé, dit Philippe à Nathanael, celui de qui Moïse a écrit dans la loi et que les prophètes ont prédil; savoir : Jésus de Nazareth, fils de Joseph (Jean. 1, 45).

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Il ne serait pas moins étonnant que Dieu eût parié d'autre chose dans ses Ecritures. Comme il n'a ja mais considéré les hommes que par rapport à son Fils, il est nécessaire qu'il en ait toujours été occupé. Il ne voit que lui depuis qu'il est venu: il ne voyait aussi que lui avant sa venue. Il ne justifie maintenant que ceux qui croient et qui espèrent en JésusChrist: il ne justifiait autrefois que ceux qui avaient la même foi et la même espérance. Il exige de nous que nous prenions part à ses souffrances et à ses ignominies il a toujours exigé la même chose de tous les saints. La vraie piété a été dans tous les temps inséparable de l'attente d'un vrai libérateur et d'un vrai sauveur, ennemi des passions des hommes, incapable de les favoriser, et assez puissant pour les guérir. Sans cette lumière et sans cette espérance, on aurait toujours vécu dans l'erreur; on n'aurait eu que de fausses idées des biens et des maux; on n'aurait pu connaître la véritable justice, ni les moyens de l'acquérir ; on aurait ignoré en quoi l'on déplaisait à Dieu et par quelle voie l'on devait retourner à lui.

Les prophètes étaient instruits de tout, et le même Esprit qui leur révélait distinctement les vérités salutaires, en mettait l'amour dans le cœur de tous les justes, qui, avec une connaissance plus confuse d'un médiateur, avaient les mêmes sentiments sur tous les points de morale que les prophètes, et n'espéraient leur réconciliation que par les mérites du mème libérateur.

Il est donc clair que les patriarches, les prophètes et les anciens justes n'avaient point une autre foi, ni une autre religion que la nôtre. Ils s'appuyaient sur les mêmes promesses; ils aimaient les mêmes biens; ils se regardaient également étrangers sur la terre et citoyens de la même cité céleste. Ils soupiraient après la venue du même Sauveur, que nous avons reçu; et ils ne comptaient d'ère justifiés que par la foi, et non par les œuvres de la loi, ni par les efforts de la nature. C'étaient des hommes évangéliques

avant l'Evangile, et des chrétiens en esprit avant que le Christ cût paru dans la chair.

Il est vrai que la loi, comme un corps étranger et hors d'œuvre, s'est venu placer entre les promesses et leur exécution. Mais bien loin de les abolir, elle les a retracées sous des figures propres à rendre la foi plus sensible et plus vive; et en attendant qu'elle pût enfanter l'Evangile dont elle était toute remplie, elle en couvrait les vérités et les mystères sous des voiles que les Juifs spirituels perçaient aisé

ment.

Pour le corps de la nation, la loi a été une occasion, quoique innocente, de méprise. Car cette loi exigeant toujours les œuvres, sans marquer clairement le seul moyen de les accomplir, qui est la grâce du Sauveur; insistant fortement et sans cesse sur des pratiques extérieures, sans parler que faiblement de la justice intérieure qui vient de la foi; exaltant avec pompe les biens temporels et tenant cachés les biens éternels, elle les arrêtait beaucoup sur tout ce qui n'est que superficiel et visible, pendant qu'ils négligeaient les choses plus importantes, et qui étaient au-dessus de leurs sens.

Les Israélites charnels étaient dignes, par leur orgueil et par leur injustice, de cette espèce de séduction. Car Dieu parlait à l'insensé selon sa folie, et proportionnait ses promesses à la disposition de son cœur. Il découvrait dans les Juifs un amour violent pour les faux biens, et un grand dégoût pour les biens véritables. Par là, ils méritaient qu'on leur montrât peu les verités qu'ils n'aimaient pas, et qu'on leur proposat des récompenses temporelles, qui seules pouvaient attacher leur cœur terrestre, et par lesquelles scules ils se croyaient bien payés.

Mais la miséricorde divine avait suscité la suite des prophètes pour lever le voile que la loi avait jeté sur la religion des patriarches, et pour en conserver la tradition. Ils s'élevaient au-dessus de la loi, et donnant, pour ainsi dire, la main gauche aux patriarches qui avaient été les premiers dépositaires du vrai culte, et la main droite aux apôtres, ils formaient une chaine perpétuelle et non interrompue, et rendaient à l'Evangile le dépôt entier de leurs ancêtres.

On suppose dans ce petit traité le lecteur instruit de toutes ces vérités, et l'on est persuadé qu'il ajoutera encore de lui-même beaucoup de preuves à celles qu'on a cru en devoir rapporter dans cette préface, surtout s'il est un peu versé dans la lecture des saints pères, qui ont tous enseigné cette même doctrine et l'ont fait passer des apôtres à nous. Mais en supposant le principe, on n'a eu en vue que d'en faciliter l'application, et d'aider la piété des fidèles à trouver Jésus-Christ dans les anciennes Ecritures, où ils étaient déjà bien convaincus qu'il est renfermé. Les règles qu'on propose pour cela, accompagnées de quelques exemples choisis, dont on espère que l'application paraîtra assez naturelle et assez claire, pourront être de quelque utilité à ceux qui s'occupent de la lecture des livres saints. On ne les donne point

comme un ouvrage complet qui renferme tout ce qu'on peut désirer sur ce sujet ; mais plutôt comme un essai qui invitera les personnes habiles à y ajouter ce qu'elles trouveront qui y manque. A ces règles, qui font un traité séparé et comme la première partie de ce livre, on a ajouté des réflexions tirées do l'explication du psaume Cl sur la conversion des Juifs à Jésus-Christ. On les a crues fort propres à faire entrer dans l'application des règles précédentes, et à faciliter l'intelligence des Ecritures qui présentent parious ce grand objet et ce merveilleux événement du rappel général des Juifs, qui, selon saint Paul (Rom., XI, v. 12 et 15), doit faire un jour la consolation et les richesses de l'Eglise chrétienne, et auquel par conséquent il ne nous est pas permis d'être indifférents, après que les justes de l'Ancien Testament sc sont intéressés d'une manière si vive et si tendre pour la conversion des Gentils, quoiqu'ils sussent qu'elle devait coûter fort cher à leur nation.

Il ne nous reste plus que de demander à Dieu qu'il daigne répandre sa bénédiction sur ce petit ouvrage, que le seul désir de lui plaire et d'être de quelque secours à ses serviteurs, a fait entreprendre; et qu'il devienne lui-même notre guide, notre-maître, notre lumière, en nous donnant à tous, non seulement l'intelligence et le vrai goût des Ecritures, mais l'amour et la pratique des vérités qui y sont renfermées. (1). ‹ Seigneur, mon Dieu, soyez attentif à ma prière, et que votre miséricorde exauce le désir de mon cœur, puisque l'ardeur qui le presse ne regarde pas mon seul intérêt, mais aussi celui des autres, à qui la charité fraternelle lui fait désirer d'être utile. Faites par votre bonté que je trouve grâce en votre présence, afin que les secrets de votre sainte loi me soient découverts, lorsque je m'efforcerai de les entendre [et de les expliquer aux autres].... Je vous en conjure par celui qui est assis à votre droite, qui sans cesse prie pour nous, et en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science. C'est lui que je cherche dans vos saintes Ecritures..... Votre divine parole est toute ma joie, et elle m'est plus agréable que tous les plaisirs de la terre. Donnez-moi donc ce que j'aime; car il est vrai que je l'aime, et c'est vous qui me l'avez fait aimer..... Que je reconnaisse, non Dieu, tenir de vous toutes les découvertes que j'au rai pu faire dans vos livres sacrés..... Que je sois fidèle à vous rendre un hommage parfait des pensées

(1) Domine Deus meus, intende orationi meæ, et misericordia tua exaudiat desiderium meum, quoniam non mibi soli æstuat, sed usui vult esse fraternæ caritati.... Placeat in conspectu misericordiæ tuæ invenire me gratiam ante te, ut aperiantur pulsanti mihi interiora sermonum tuorum.... Per eum te obsecro, qui sedet ad dexteram tuam, et te interpellat pro nobis, in quo sunt omnes thesauri sapientiæ et scientiæ absconditi. Ipsum quæro in libris tuis.... Ecce vox tua gaudiuin meum; vox tua super affluentiam voluptatum. Da quod amo: amo enim; et hoc tu dedisti... Confitear tibi quidquid invenero in libris tuis.... Sacrificem tibi famulatum cogitationis et linguæ meæ ; et da quod offeram tibi. Inops enim et pauper sum, et tu dives in omnes invocantes te. Circumcide ab omni temeritate, omnique mendacio, interiora et exteriora labia mea. Sint castæ deliciæ meæ, scripturæ tuæ ; nec fallar in eis, nec fallam ex eis.

et des paroles que vous m'aurez inspirées pour l'utilité de vos serviteurs. Donnez-moi ce que vous savez agréable que je vous offre; car je suis pauvre et misérable, et vous répandez vos richesses sur tous ceux qui vous invoquent. Préservez mon esprit et

ma langue de toute erreur et de tout mensonge. Que vos saintes Ecritures soient toujours mes chastes et innocentes délices. Que je ne sois point trompé en elles, et que je ne trompe point les autres par elles. (S. Aug. Conf. L. XI, c. 2.)

RÈGLES

POUR L'INTELLIGENCE

DES SAINTES ÉCRITURES.

Jésus-Christ est la fin de la loi. Il est figuré et prédil dans les événements et les prophéties de l'Ancien Testament. Rom., X, 4; 1 Cor., X, 5, 6, 9 et 11. Rien n'est plus vrai que ce que nous avons appris de l'apôtre saint Paul, que Jésus-Christ est la fin de la loi; qu'il est prédit et figuré dans tout l'Ancien Testament; que les prophètes n'ont eu que lui en vue; et que l'on n'entend pas les Écritures qui l'ont précédé, si l'on ne l'y découvre partout, et si l'on se contente d'une interprétation qui ne conduise pas jusqu'à lui.

Dangereuse erreur de regarder les applications que les apôtres font de l'Ancien Testament à Jésus-Christ comme de simples convenances.

C'est une erreur, ce me semble, d'une très-dangereuse conséquence, que de penser que l'application que saint Paul fait à Jésus-Christ de plusieurs passages de l'Aucien Testament n'est pas conforme au sens véritable de ces passages; mais qu'elle n'est qu'une simple convenance semblable à peu près à des citations tirées des auteurs profanes, qui ont des objets très-différents dans le premier et le second usage, mais qui sont transportées du premier qui était le naturel, au second qui est étranger, par une application arbitraire.

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Si cela est, saint Paul n'a pas entendu le vrai sens de l'Écriture; ses preuves n'ont rien de solide; il attribue au Saint-Esprit, qui a parlé par les prophètes, une intention qu'il n'a point eue; il a vu Jésus-Christ où il n'était point; il nous trompe, en nous citant des témoins qui déposent tout autre chose; il abuse des Écritures en les détournant à des sens arbitraires; et il nous apprend par son exemple à les tourner comme il nous plaft, sans nous mettre en peine, non plus que lui, si nous allons jusqu'à la vérité, ou si nous sommes seulement éblouis par l'apparence et par la seule conformité des expressions. Il ne mérite plus d'être cru sur sa parole, puisqu'on peut se défier de son exactitude et de son discernement, et qu'on peut même nier ce qu'il avance, et être mieux instruit que lui du sens de

l'Écriture. Il rend suspectes les preuves les plus certaines, par le mélange de celles qui ne concluent rien, n'avertissant jamais de la différence qui est entre elles; ne donnant point de règles pour les discerner; et fondant également sur toutes la doctrine et la morale chrétienne. En un mot, il n'est plus un homme inspiré, un homme divin, un homme instruit par Jésus-Christ même, et son Evangile n'est point la parole de Dieu, s'il cite comme vrai, comme inspiré, comme divin, comme la parole de Dieu, ce qui n'est qu'une imagination humaine et une convenance purement extérieure, et sans aucun solide fondement dans l'Écriture. Car il n'y a point de milieu entre ces deux propositions: Saint Paul voit le véritable sens des endroits qu'il cite; saint Paul ne le voit pas. S'il le voit, pourquoi en doutons-nous? S'il ne le voit pas, pourquoi le regardons-nous comme un homme en qui Jésus-Christ parle, et dont tous les discours sont exactement vrais ?

On aurait dû se convaincre par l'autorité du premier des apôtres, que l'Écriture étant vraiment divine, ce n'est point par une interprétation humaine qu'elle doit être expliquée. Vous devez vous persuader avant toutes choses, dit-il, que nulle prophétie de l'Écriture ne s'explique par une interprétation particulière. Car ce n'a point été par la volonté des hommes, que les prophéties nous ont été anciennement apportées; mais ç'a été par le mouvement du Saint-Esprit que les saints hommes de Dieu ont parlé (II Pierre, I, 20, 21). Le moyen donc le plus sûr pour entendre les prophètes est de consulter les apôtres, à qui Jésus-Christ a révélé ce qu'il y a de plus caché dans les Écritures, en leur communiquant le même Esprit qui a parlé par les prophètes (Luc, XXIV, 45), et en les rendant eux-mêmes plus que prophètes, aussi bien que saint Jean (Jean, XX, 22).

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