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Jean-Baptiste envoie de sa prison deux de ses disciples au Seigneur.

Ce miracle éclatant se fit, autant qu'on en peut juger par la suite de l'histoire, vers la fin du mois de janvier ou à l'entrée de février. Jean-Baptiste était encore en prison dans le château de Maquéronte, où llérode Antipas passa tout le commencement de cette année. Ses disciples, qui virent peut-être ce prodige et plusieurs autres, ou qui en entendirent parler, ne manquèrent pas d'en faire le récit à ce saint précurscur. Il ne s'étonna nullement d'entendre ces merveilles qu'on lui disait de Jésus, car il savait que c'était le Christ; mais voyant que ses disciples en doutaient, il en appela deux et les envoya au Seigneur, qui pouvait être alors vers la basse Galilée et vers le torrent de Cison.

Quand ils furent arrivés, ils lui dirent: Jean-Baptiste nous a envoyés à vous pour vous dire : Etesvous celui qui doit venir, ou en devons-nous attendre un autre? Or, en cette même heure, Jésus délivra plusieurs personnes de leurs maladies, de leurs plaies et même des esprits matins, et il rendit aussi la vue à plusieurs aveugles. Là dessus il leur répondit: Allez et dites à Jean ce que vous venez de voir et d'entendre; que les uveugles voient, que les boiteux marchent droit, que les lépreux sont nelloyés, que les sourds entendent, que les morts ressuscitent, que l'Evangile est annoncé aux pauvres, et qu'heureux est celui qui ne se scandalisera point en moi. Ces députés de Jean-Baptiste n'eurent point d'autre réponse; mais les prodiges et les miracles qu'ils virent de leurs propres yeux prouvaient mieux que toute autre chose que Jésus était le Messie qui devait venir.

Ces députés s'en étant retournés au château de Maquéronte, où il tenait prison, Jésus commença à dire aux peuples, en parlant de Jean: Qu'êtes-vous allés voir dans le désert? un roseau agité du vent? Mais encore, qu'êtes-vous allés voir? un homme vêtu mollement? Ceux qui sont vêtus d'habits précieux et qui aiment les délices sont dans les palais des rois. Qu'êtes-vous donc allés voir ? un prophète? Oui certes, je vous le dis, et plus que prophète. C'est de lui qu'il il est écrit: Voilà que j'envoie mon ange devant vous, qui vous préparera la voie (Malach., 111, 1). Car je vous déclare qu'entre tous ceux qui sont nés de femmes, il n'y a point de plus grand prophète; ou, comme porte samt Matthieu, il n'y a point eu de plus grand que Jean-Baptiste: Non surrexit inter natos mulierum major Joanne Baptista. Mais le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui. Toul le peuple l'ayant entendu, et même les publicains, ont secondé le dessein de Dieu, ayant reçu le baptême de Jean; mais les pharisiens et les docteurs de la loi ont rejeté le dessein de Dieu sur eux, n'..yant point été baptisés par lui (Luc, VH, 18-30; Matth., II, 2-11).

Quand Jésus-Christ dit que les pharisiens et les docteurs de la loi n'ont point reçu le baptême de Jean, que Dieu lui avait commandé de donner au peuple d'Israël, il n'entend pas parler de tous ceux

de ce corps, mais seulement du plus grand nombre; car nous voyons, par un autre endroit, que plusieurs d'entre eux, multos pharisæorum (Math., ¡¡I, 7), étaient venus recevoir ce baptême.

Le Fils de Dieu continue de parler au peuple qui l'écoute: Depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu'à pré. sent, le royaume du ciel se prend par violence, el ce sont ceux qui se font violence qui "emportent. Car jus. qu'à Jean, tous les prophètes et même la loi n'ont fait que prophétiser; c'est-à-dire, la loi et les prophètes n'ont fait que prédire obscurément, et sous des figures, la venue de celui que Jean-Baptiste a vu et manifesté au peuple d'Israël. C'est lui qui a commencé à prêcher la pénitence, Pænitentiam agite; et c'est lui par conséquent qui a appris aux hommes qu'on n'emportait le royaume du ciel qu'en se faisant violence. Jésus-Christ ajoute: Et si vous voulez bien que je vous le dise, c'est lui-même qui est Elie, qui doit venir: Ipse est Elias qui venturus est. Il entend que Jean est Elie, non en personne, mais en esprit, en zèle, en vertu; c'est cet Elie qui est venu annoncer le premier avénement du Messic, comme l'autre Elie viendra au second avénement. Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre. A qui dirai-je que ce peuple est semblable? Il est semblable à ces enfants qui sont assis dans la place, et qui criant à leurs compagnons, leur disent: Nous avons joué de la flûle, et vous n'a vez point dansé; nous avons fait des lamentations, et vous n'avez point pleuré.

et

C'est comme si ces enfants disaient à leurs compagnons Nous ne savons que vous faire, tant vous êtes difficiles nous avons chanté et joué de la flûte, et vous n'avez point voulu danser et vous réjouir : nous avons fait des chants lugubres et des lamentations, vous n'avez point non plus pleuré. On ne sait donc comment faire avec vous. Jésus-Christ fait voir qu'il en est de même de ce peuple, et principalement des pharisiens; ils ne sont portés à la pénitence, ni par la facilité du Sauveur, ni par l'austérité de Jean-Baptiste: au contraire ils calomnient la conduite de l'un et de l'autre. Car, continue Jésus-Christ, Jean est venu ne mangeant, ni ne buvant, et ils disent: Il est possédé du Démon, Dæmonium habet. Le Fils de l'homme est venu mangeant et buvant, et ils disent: C'est un homme de bonne chère, qui aime le vin, et qui est ami des publicains et des pécheurs. Mais la sagesse a été justifiée par ses enfants. C'est-à-dire la sagesse des desseins de Dieu sur les Juifs a été justifiée ou déclarée juste par le nombre de ceux qui, à la prédication de Jean et de Jésus-Christ, ont embrassé la vertu et la pénitence, qui est la vraie sagesse (Matth., XI, 12 19; Luc, VII, 31-55).

Que s'il y a eu quelques enfants de sagesse, filü sapientiæ, qui, en embrassant la pénitence, ont justifié la sagesse des desseins de Dieu sur le peuple juif, l'on peut dire que la plus grande partie de ce peuple in grat l'a méprisée, en demeurant, après tant de pro diges, dans l'impénitence et l'incrédulité. Et c'est de quoi le Fils de Dieu va se plaindre hautement. Caf

Baint Matthieu écrit qu'il commença alors à faire des reproches aux villes, dans lesquelles il avait opéré plusieurs miracles, de ce qu'elles n'avaient point fait pénitence, quia non egissent pænitentiam (Matth., XI, 20). Malheur à toi Corozaïn : malheur à toi Bethsaïde ; parce que si on avait fait dans Tyr et Sidon les miracles qui ont été faits dans vous, il y a longtemps qu'elles anruient fait pénitence dans le sac et la cendre. C'est pourquoi je vous déclare que Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous au jour du jugement. Et toi, Capharnaum, seras-tu élevée jusqu'au ciel, Et tu, Capharnaum, nunquid usque in cœlum exaltaberis (Ibidem, 23)? Tu seras au contraire abaissée jusqu'au fond des enfers; parce que si les miracles qui ont été faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome, peut-être subsisterait-elle encore aujourd'hui. C'est pourquoi je te déclare qu'au jour du jugement, Sodome sera traitée moins rigoureusement que toi (Matth., XI, 20-24).

Les deux villes de Corozain, ou Chorazin, comme porte le grec, et de Bethsaïde, n'étaient point éloignées de Capharnaum. La première de ces deux était placée au delà du Jourdain à la tête du lac de Génésareth, et ainsi elle se trouvait vis-à-vis de Capharnaüm. La seconde, d'où étaient quelques-uns des apôtres, avait sa situation sur le bord du même lac, mais en deçà du Jourdain et dans la Galilée. Comme ces villes étaient voisines de Capharnaüm, où JésusChrist avait mis sa demeure, il y avait souvent prêché sa parole sainte, et y avait fait beaucoup de prodiges. Cependant la plupart des habitants de ces villes maritimes n'étaient point entrés dans les voies de la pénitence. Le Fils de Dieu leur déclare donc qu'elles seront traitées au jour du jugement avec plus de rigueur que Tyr et Sidon, qui étaient deux villes de Phénicie, et par conséquent d'un peuple gentil. Mais pour celle de Capharnaum, où le Seigneur avait conversé tant de fois, et où il avait opéré de si grands miracles, bien loin d'être montée jusqu'au ciel par tant de grâces et de secours extraordinaires, qu'elle avait reçus, elle sera au contraire abaissée jusqu'au fond des enfers, pour les avoir négligés et même méprisés. Ainsi cette ville ingrate et impénitente sera moins épargnée au jour de la colère du Seigneur, que celle de Sodome, qui a été consumée par le feu du ciel.

Jésus-Christ, après avoir condamné l'endurcissement de ces villes impénitentes, rend grâces à son Père, de ce qu'il y avait des hommes simples et petits, c'est-à-dire qui n'avaient les avantages, ni de la sagesse mondaine, ni de la naissance, qui avaient embrassé sa doctrine. C'étaient ses apotres, ses disciples et quelques autres semblables, dont il entendait parler, insinuant assez qu'elle n'avait pas été reçue des docteurs de la loi et des sages du monde, parce qu'ils étaient pleins d'envie et d'orgueil Voici comme le Fils de Dieu parle là-dessus : Je vous rends grùces, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux

sages et aux prudents, c'est-à dire à ceux qui se croient sages et prudents à leurs yeux, et qui sont enflés de leur vaine sagesse ; et de ce que vous les avez révélées aux petits, c'est-à-dire aux hommes humbles et simples, qui ne tirent point gloire, ni de leur sagesse, ni de leur naissance. Cela est ainsi, mon Père, parce que vous l'avez voulu. Mon Père a mis toutes choses en mon pouvoir; aussi nul ne connaît le Fils, que le Père : et nuk ne connaît le Père, que le Fils, et celui à qui le Fils l'aura voulu révéler.

Venez à moi vous tous qui étes fatigués et qui êtes chargés, el je vous soulagerai ; c'est comme s'il disait aux peuples: croyez en moi, et convertissez vous, vous tous qui êtes fatigués des observances de la loi, et chargés du poids de vos crimes, et je vous soulagerai par le secours de la grâce et de la charité. Prenez sur vous mon joug, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ; car mon joug est doux et mon fardean est léger. Il dit qu'il est doux, parce qu'il est adouci par l'onction de la grâce; et qu'il est léger, parce qu'il est porté par l'amour et la charité. Cette onction qui apprend toutes choses, nous enseigne que,pour être à Jésus-Christ, il faut être comme lui doux et humbles de creur (Math., XI, 25-30).

Une pécheresse oint les pieds de Jésus-Christ.

Comme le Fils de Dieu prêchait l'Evangile dans la ville de Naïn ou dans quelque autre de la basse Galilée, qui était vers le torrent de Cison, car il me semble par plusieurs raisons qu'il était alors en ces quartiers-là, il y eut un pharisien, nommé Simon, qui l'invita à manger chez lui. Jésus entra en sa maison, et se mit à table. Saint Luc dit, qu'en même temps une femme dans la ville, qui était pécheresse, mulier quæ erat in civitate peccatrix, ayant su qu'il était à table dans la maison de ce pharisien, apporta un vase d'albâtre, plein d'huile de parfum; el se tenant derrière lui à ses pieds, elle commenca à les arroser de ses larmes; elle les essuyait avec les cheveux de sa téle, elle les baisait et les oignait d'huile de parfum, et unguento ungebat.› Le pharisien qui l'avait invité, voyant cela, disait en son cœur : Si cet homme était prophète, il saurait quelle est cette femme qui le touche, et que c'est une pécheresse. Jésus prenant la parole, lui dit : Simon, j'ai quelque chose à vous dire. Il répondit, Maître, dites. Un créancier avait deux débiteurs ; l'un lui devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante. Eux n'ayant pas de quoi les lui rendre, il leur remit leur dette. Après cela, qui des deux l'aimera le plus ? Simon répondit, en disant : J'estime que ce sera celui à qui il a le plus remis. Jésus lui dit : Vous avez fort bien jugé. Et, se tournant vers la fenime, il dit à Simon: Voyez-vous celle femme ? Je suis entré dans votre maison, vous n'avez point versé d'eau sur mes pieds, et elle au contraire a arrosé mes pieds de ses larmes, et les à essuyés avec ses cheveux. Vous ne m'avez point donné de baisers; mais elle depuis qu'elle est entrée, eile n'a cessé de baiser mes pieds. Vous n'avez pas oiut ma

tête d'huile ; et elle a oint mes pieds de l'huile de parfum. C'est pourquoi je vous dis que beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle u beaucoup aimé. Mais celui-là aime moins, à qui on remet moins. Alors il dit à cette femme: Vos péchés vous sont remis. Ceux qui étaient à table avec lui commencèrent à dire en eux-mêmes : Qui est celui-ci qui prétend même remerc les péchés. Jésus dit encore à cette femme: Votre foi vous a sauvée, allez en paix (Luc, VII, 36-50).

Il y a eu toujours des disputes, mais des disputes innocentes, puisqu'elles ne concernent ni la foi, ni les mœurs, touchant cette femme pécheresse. Pour moi, sans préjudicier aux sentiments des autres, j'estime qu'elle était la même que Marie-Madeleine, sœur de Marthe et de Lazare, et c'est l'opinion du cardinal Baronius, qui est soutenne par celle de plusieurs Pères de l'Église. Cette femme était de Galilée; mais vers le déclin de cette année elle suivit JésusChrist, et alla depuis demeurer en Judée, comme on le verra dans la suite, car j'en parlerai amplement ailleurs.

Mort de saint Jean-Baptiste.

Hérode Antipas, tétrarque de Galilée, qui avait épousé depuis plus d'un an la fameuse Hérodiade, était encore aux premiers mois de cette année au château de Maquéronte, au delà du Jourdain, où Jean-Baptiste était en prison. Ce saint qui prévoyait que sa fin était proche, avait depuis peu de temps envoyé deux de ses disciples au Fils de Dieu, pour lui demander si c'était lui qui devait venir, et qu'on attendait comme le Messie. Jean-Baptiste n'ignorait pas que ce ne fût lui, mais il voulait avant sa mort que ses disciples fussent confirmés dans ce sentiment, par ce grand nombre de prodiges que le Seigneur fit en leur présence. Depuis cette députation il ne fut pas longtemps sans perdre la vie, qu'il avait consacrée à la pénitence, et sans finir sa mission toute sainte par une fin glorieuse. La chose arriva de la sorte:

Hérode était à Maquéronte avec la princesse Hérodiade, et toute sa cour, qui était alors fort leste et fort nombreuse. Cette femme méchante et ambitieuse ne pouvait souffrir Jean-Baptiste, tout prisonnier qu'il était, parce qu'il reprochait souvent à Hérode Antipas ses noces scandaleuses ; et elle appréhendait qu'il ne prit envie à ce prince de la renvoyer à Philippe, son frère. C'est pourquoi elle ne cessait de lui dresser des embûches et de chercher l'occasion de le faire mourir, mais elle n'avait pu la trouver : Herodias autem insidiabatur illi et volebat occidere eum, nec poterat. Car Hérode, le regardant comme un homme juste et saint, avait pour lui du respect, l'entendait volontiers, et faisait beaucoup de choses selon ses avis. Enfin, dit l'évangéliste saint Marc, il arriva un jour favorable, dies opportunus (c'est-à dire au desscin d'Herodiade), qui fut le jour de la naissance d'Hérode, auquel il fit un festin aux grands de sa cour, aux officiers de ses troupes et aux principaux de la Galilée. Car la fille d'Hérodiade y étant entrée, et s'élani mise à danser, plut tellement à Пlérode et à ceux

qui étaient à table avec lui, qu'il lui dit : Demandezmoi tout ce que vous voudrez, et je vous le donnerai. Et là-dessus il jura: Oui, tout ce que vous me demanderez, je vous le donnerai, quand ce serait la moitié de mon royaume.

Celle fille étant sortie, dit à sa mère : Que demanderai-je? sa mère lui répondit : La tête de Jean-Baptiste, Caput Joannis Baptistæ. » Et étant aussitôt rentrée en grande hâte où était le roi : Je souhaite, dit-elle, que vous me donniez tout présentement dans un bassin la tête de Jean-Baptiste. Le roi en ful fàché; néanmoins, à cause du serment qu'il avait fait et de ceux qui étaient à table avec lui, il ne voulut point l'affliger. Mais ayant envoyé un de ses gardes, il lui commanda d'apporter sa tête dans un bassin. Ce garde coupa la tête à Jenn dans la prison, il l'apporta dans un bassin; elle fut donnée à la fille, el la fille la donna à sa mère. Ses disciples ayant appris cela, vinrent emporter son corps et le mirent dans un tombeau (Marc, VI, 17.29; Matth., XIV, 3 12; Luc, IX, 9).

Voilà quelle a été, selon l'llistoire sainte, la mort de Jean-Baptiste, précurseur de Jésus-Christ; elle paraît tragique aux yeux des hommes, mais elle a été précieuse devant Dieu, puisqu'elle n'est arrivée que pour avoir crié contre le vice et le scandale et pour avoir soutenu la justice et la vérité. Je crois, par la suite de l'histoire évangélique, que cette exécution cruelle et injuste a été faite vers le mois de février, peu de temps avant la pâque des Juifs. On voit par l'Ecriture que c'est une danseuse, c'est-àdire une fille sans pudeur et sans modestie, qui a demandé la tête de ce grand juste, et qui ne l'a demandée qu'à la sollicitation d'une mère qui était publiquement dans le crime et dans l'adultère.

Josèphe donne à cette fille le nom de Salomé (Antiquit. lib. XVIII, cap. 7); sa mère Hérodiade l'eut d'Hérode Philippe, son premier mari, qu'elle abandonna pour se donner à Hérode Antipas, par une prévarication manifeste de la loi des Juifs. Cette danseuse épousa quelque temps après Philippe le Tétrarque; mais étant mort sans enfants, elle prit un second mari, qui fut Aristobule, roi de Chalcide, son cousin germain. Quant à Hérodiade, sa rage contre saint Jean alla si loin, que, selon le témoignage de saint Jérôme (In Ruff., lib. III), ayant reçu sa tête sacrée des mains de sa fille, elle prit son aiguille de tête et lui perça la langue, parce qu'elle avait osé parler contre sa conduite toute scandaleuse. Dieu punit quelques années après l'injuste cruauté de celle femme; car l'empereur Caius, successeur de Tibère, la relégua à Lyon, dans les Gaules, avec son mari Antipas; et comme si leur punition n'eût pas encore été assez grande, ils furent chassés de là par le même empereur, pour faire dans l'Espagne une fin malheureuse (Joseph., ibid., cap. 9, et lib. II Belli, cap. 16, gr.).

Au reste, ce n'est pas seulement l'histoire évangélique qui nous apprend qu'llérode le Tétrarque fit mourir Jean-Baptiste; car Josèphe confirme la même

chose, et nous fait connaître (Ibidem, cap. 7) que cela se passa au château de Maquéronte, comme je l'ai déjà dit. I assure que cette action d'Antipas fut touvée si injuste, que son armée ayant été entièrement défaite par Arétas, roi des Arabes, quelques années après, l'on regardait cela dans la Judée comme une punition de Dieu, à cause de la mort de cet homme juste. On fait dans l'Eglise la fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste le 29 d'août ; mais il y a apparence qu'on ne la célèbre ce jour-là qu'à cause de la translation de ses reliques, comme le remarquent quelques martyrologues; car pour sa mort, je suis persuadé qu'elle est arrivée cette année, 32o de lage de Jésus-Christ, et la 28 de l'ère commune, avant la fête de Pâques; ainsi, il a été détenu en prison durant sept ou huit mois.

Jésus de cinq pains nourrit cinq mille hommes. Après que les disciples de Jean-Baptiste lui eurent rendu les derniers devoirs et eurent mis son corps dans le tombeau, ils vinrent trouver JésusChrist, pour lui raconter tout ce qui s'était passé à la mort de son saint précurseur, et venientes nuntiaverunt Jesu (Matth., XIV, 12, 13). Le Fils de Dicu prêchait alors aux villes de la Galilée, et il avait un peu auparavant dispersé ses apôtres, pour aller annoncer le royaume de Dieu. Ils étaient déjà retournés vers lui, quand il sut la mort de Jean-Baptiste; et ils lui avaient rendu compte de tout ce qu'ils avaient fait et enseigné dans cette première mission et convenientes apostoli ad Jesum, renuntiaverunt ei omnia quæ egerant el docuerant (Marc, VI, 30). Quand JésusChrist eut appris cette mort injuste et cruelle, il partit du lieu où il était, se mit dans une barque et se retira à l'écart dans un lieu désert. Saint Luc marque expressément qu'il prit avec lui ses apôtres, et que le désert où il se retira alors était celui de Bethsaide et assumptis illis secessit seorsum in locum desertum Bethsaidæ (Luc, IX, 10). Ce désert était au delà du lac de Génésareth ou de la mer de Galilée; il s'étendait presque depuis la ville de Gamala jusqu'au même lac, au bord duquel était le bourg de Bethsaide, vicus Bethsaidæ : car c'est ainsi que Joséphe l'appelle (Antiquit. lib. XVIII, cap. 3), et ce bourg avait donné le nom au désert. Philippe le tétrarque fit une ville de cette bourgade, et changeant son nom, il lui donna celui de Juliade, et ce fut là qu'il fut inhumé.

Saint Jean l'évangéliste dit nettement que Jésus se retira alors au delà de la mer de Galilée, ou de Tibériade: Post hæc abiit Jesus trans mare Galilææ, quod est Tiberiadis. On voit manifestement par cette conduite du Seigneur, qu'il voulait en se retirant à l'écart, se soustraire à la cruauté d'Hérode et aux embûches des pharisiens, qui avaient déjà conspiré contre lui. Saint Matthieu raconte que quand les peuples eurent appris qu'il allait au désert, ils le suivirent à pied de diverses villes, Cum audissent turbæ, seculæ sunt eum pedestres de civitatibus. Il y en eut .ême plusieurs qui le prévinrent lui et ses apôtres;

car saint Marc dit, prævenerunt eos; ce qui ferait croire qu'ils s'arrêtèrent quelques jours sur les bords du lac avant d'arriver au désert de Bethsaïde. Cette foule de peuple le suivait, comme écrit saint Jean, parce qu'ils voyaient les miracles qu'il faisait sur ceux qui étaient malades, quia videbant signa quæ faciebat super his qui infirmabantur.

Lorsque le Fils de Dieu sortit de la barque, où il s'était mis avec ses apôtres pour passer le lac et pour aller au désert, il vit une grande multitude de personnes qui étaient venues là de diverses villes. Il en eut compassion, et il guérit leurs malades, après leur avoir prêché le royaume de Dieu. Et comme la foule était grande, il se retira sur une montagne vers le déclin du jour. Le soir étant venu, ses disciples l'allèrent trouver et lui dirent : Ce lieu est désert, et l'heure du repas est déjà passée ; renvoyez ce peuple, afin qu'il s'en aille dans les bourgades acheter de quoi manger. Jésus leur répondit: Il n'est pas nécessaire que ces peuples s'en aillent, donnez-leur vous-mêmes à manger. Là-dessus il dit à Philippe : D'où achèterons-nous du pain, pour que ce monde puisse manger? Or il disait cela pour le tenter, car il savait bien ce qu'il voulait faire. Philippe lui répondit : Quand on aurait du pain pour deux cents deniers, cela ne suffirait pas pour en donner un peu à chacun. Un de ses disciples, qui était André, frère de Simon-Pierre, lui dit : Il y a ici un petit garçon qui a cinq pains et deux poissons; mais qu'est-ce que cela pour tant de monde? Jésus leur dit : Faites-les asseoir. Il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu-là, et il y eut environ cinq mille hommes qui s'assirent. Jésus prit donc les pains, puis les ayant bénits, il les fit distribuer à ceux qui étaient assis. On leur donna de même des deux poissons, autant qu'ils en voulurent. Après qu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Ramassez les morceaux qui restent, afin qu'ils ne se perdent pas. Ils les ramassèrent, et remplirent douze paniers des morceaux de ces cinq pains d'orge, qui étaient restés après que tous eurent mangé. Or ceux qui mangèrent de ces pains étaient au nombre d'environ cing mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Ces homes ayant vu le miracle que Jésus venait de faire, disaient : C'est vraiment là le prophète qui doit venir dans le monde. Mais Jésus sachant qu'ils devaient venir pour le prendre et pour le faire roi, s'enfuit el se retira encore seul sur une montagne (Jean, VI, 1 15; Mauth., XIV, 15-21; Marc, VI, 31-44; Luc, IX, 10-17).

Après avoir rapporté le miracle de cette prodigieuse multiplication du pain, il faut remarquer avec l'évangéliste saint Jean, qu'il se fit dans un temps qui n'était guère éloigné de la fête de Pâques. Aussi dit-il auỳ. 4: Erat autem proximum Pascha, dies festus Judæorum. La pâque des Juifs tomba cette année vers le 25 de mars; ce prodige put donc se faire les premiers jours du même mois. Ainsi j'ai eu raison de dire, que la mort de Jean-Baptiste arriva en février, et même vers la fin de ce mois, auquel tombait la naissance d'Hérode Antipas.

Jésus marche sur la mer de Galilée. Incontinent après ce miracle si éclatant, les apôtres vinrent trouver Jésus-Christ, et il leur dit qu'ils eussent à se mettre dans une barque, et à passer avant lui à l'autre bord du lac vers Bethsaïde, pendant qu'il renverrait le peuple, ut præcederent eum trans fretum ad Bethsaidam, dum ipse dimitteret populum. C'est l'évangéliste saint Marc qui écrit ces paroles, et en parlant de la sorte, il est visible qu'il distingue la ville de Bethsaïde, qui était au deçà du lac dans la terre de Génésareth, d'avec le bourg du même nom, qui était au delà du même lac, et qui avait donné ce nom au désert où Jésus-Christ avait fait le miracle des cinq pains et des deux poissons. Cela se confirme par le v. 53, où il est dit qu'ils vinrent en effet à la terre de Génésareth, après avoir passé le lac, et qu'ils y abordèrent, et cum transfrelassent, venerunt in terram Genesareth et applicuerunt. Jésus leur avait dit de passer le lac et d'aller à Bethsaïde: ils passent le lac et abordent au pays de Génésareth; Bethsaïde était donc de ce côté-là, comme l'ont marqué toutes les cartes et tous ceux qui ont visité les lieux saints. Cela est si vrai, que saint Jean dit que les peuples voyant qu'il n'était plus au désert, où il avait fait ce prodige, se mirent aussi dans des barques, et vinrent le chercher du côté de Capharnaüm. C'est donc une chose constante, que la ville de Bethsaïde, d'ou étaient quelques-uns des apôtres, était située au deçà du lac vers la côte de Capharnaum; car tout le rivage depuis cette ville jusqu'à celle de Bethsaïde semble avoir porté ce

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Comme le Sauveur avait commandé à ses apôtres, d'aller avant lui à Bethsaide de l'autre côté du lac, saint Jean, qui décrit exactement ce fait, dit que, sur le soir, ut sero factum est, ses disciples descendirent au bord de la mer, el montèrent sur une barque pour passer au delà, vers Capharnaüm. Or il était déjà nuit, el Jésus n'était pas encore venu à eux. Cependant la mer commençait à grossir, à cause d'un grand vent qui soufflait. Et comme ils eurent ramé environ vingt-cing ou trente stades (c'est-à dire près d'une lieue et demie) ils apercurent Jésus qui marchait sur la mer, et qui était proche de leur barque; et ils furent saisis de frayeur. Mais il leur dit : C'est moi, ne craignez point. Saint Matthieu dit que ce fut à la quatrième veille de la nuit que Jésus vint à eux; il était donc plus de trois heures après minuit et il ajoute que saint Pierre voyant que c'était Jésus, lui répondit : Seigneur, sı c'est vous, commandez que j'aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit : Venez. Et Pierre descendant de la barque marchait sur l'eau pour aller à Jésus. Mais voyant que le vent était trop grand, il eut peur, et commençant déjà à enfoncer, il s'écria en disant : Seigneur, sauvezmoi. Et aussitôt Jésus étendant sa main le prit et lui dit: Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté? Et étant montés dans la barque, le vent cessa. Alors ceux qui y étaient s'approchèrent de lui et l'adorèrent, en disant: Vous êtes vraiment E'ils de Dieu. Saint Jean

dit que Jésus ne fut pas plutôt monté dans la barque, qu'elle aborda à la terre où ils voulaient aller, et statim navis fuit ad terram, in quam ibant; c'était la terre de Génésareth, où était Bethsaide (Jean, VI, 16-21; Matth. XIV, 22-33; Marc, VI, 45-52).

Comme le Fils de Dieu ne s'était mis sur mer que durant la nuit, les peuples croyaient qu'il était encore au désert de Bethsaïde, où ils le cherchaient; car n'ayant point vu d'autre barque que celle où s'étaient mis les disciples, et sachant que le Seigneur n'y était point entré, ils s'imaginaient qu'il était demeuré de l'autre côté de la mer de Galilée. Mais quand ils virent, le lendemain, qu'il n'était plus dans ce désert, et que ses disciples s'en étaient allés, ils se mirent dans des barques qui étaient venues tout récemment de Tibériade, et vinrent à Capharnaūm, cherchant Jésus-Christ. Cependant il était arrivé à la terre de Génésareth, ayant durant la nuit passé l'eau avec ses disciples. Quand on sut qu'il était là auprès de Bethsaïde, on envoya des malades de tout le pays d'alentour, qui ne cherchaient seulement qu'à toucher le bord de son vêtement, car tous ceux qui le touchaient étaient aussitôt guéris. En quelque lieu donc qu'il entrât, soit ville, soit bourg, soit village, ils mettaient leurs malades dans les places sur des lits, afin qu'en touchant ses habits on reçût la guérison, de quelque maladie qu'on fût affligé (Jean, VI, 22-24; Matth., XIV, 34-36; Marc, VI, 53-56).

A Capharnaum, plusieurs disciples se scandalisent à cause de la chair de Jésus-Christ.

Après que le Seigneur eut préché assez peu de temps au pays de Génésareth et de Bethsaide, il vint à Capharnaum. Les peuples qui l'étaient venu chercher d'au delà du lac, l'ayant enfin rencontré, lui dirent: Maître, quand êtes-vous venu ici? Jésus ne leur répondit pas qu'il y était venu après avoir marché sur la mer, mais il leur parla de la sorte: En vérité, en vérité je vous le dis, vous me cherchez, non tant à cause de mes miracles que vous avez vus, qu'à cause que vous avez mangé des pains, et que vous en avez été rassasiés. Travaillez, non pour une nourriture qui périt, mais pour celle qui sert à la vie éternelle, et que le Fils de l'homme vous donnera; car c'est celui que Dieu le Père a marqué de son sceau, c'est-à-dire de son Esprit-Saint, de sa puissance et de son témoignage; et c'est ce qui arriva dans son baptême lorsque le Père dit : C'est ici mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toutes mes complaisances (Matth., III, 17).

Ceux à qui Jésus-Christ parlait de la sorte, Jui dirent Que ferons-nous pour opérer des œuvres de Dieu ? Jésus leur répondit : L'œuvre de Dieu est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. Ils lui dirent : Quel est donc le miracle que vous faites, afin qu'en le voyant, nous croyions. Quel prodige opérez-vous? Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon qu'il est écrit: Il leur a donné le pain du ciel à manger

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