Obrázky na stránke
PDF
ePub

le livre VI de la Guerre des Juifs, cet historien appelle tout le quatorzième du mois xantique, qui est celui de nisan, le jour des Azymes: Et cum adesset dies Azymorum, qui est dies decima quarta mensis xanthici : Καὶ τὴς τῶν Ἀζύμων ἐνστάσης ἡμέρας, τεσσαρεςκαιδεκάτης ξαντικού μηνὸς (Id., I. VI Bell. jud., c. 4, p. 910; Antiquit. l. XVIII, c. 5, p. 618). Ce fut au commencement de ce jour des Azymes que le prêtre Eleazar ouvrit les portes du temple de Dieu à ceux qui allaient l'adorer. Ce jour-là mème les prêtres avaient coutume, selon Josèphe, d'ouvrir les portes dès minuit, c'est-à-dire dès minuit qui suivait la fin du treizième: Mos est sacerdotibus a media nocte, Èx péong vuxtòs, templi januas aperire (Ibid..lib.III,c.10, P. 93). Tout le quatorzième était done alors un jour l'azyme, et par conséquent il y en avait huit. Or ce quatorzième jour était pris depuis la conjonction de la lune, puisqu'il est appelé par le même auteur, decima quarta secundum lunam, xarà Zɛlývay, on decima quarta luna, comme Epiphane le scolastique a autrefois traduit. Et cependant ce ne serait plus la quatorzième lune, mais la quinzième, si on la comptait depuis la phase seulement.

Voilà donc huit jours d'azymes (dont deux étaient et sont encore maintenant destinés pour la pâque) prouvés par l'autorité de Jo-épbe, et par l'usage des Juifs modernes, qui ne s'est jamais démenti. Paul de Middelbourg, qui a été si savant dans les rites et cou ames des Juifs, assure qu'avant le temps de JésusChrist ils ont fait la pâque deux jours consécutifs; mais il dit, ce qui est assez remarquable, qu'ils ne comptaient ces deux jours que pour un Hos autem

duos paschatis dies pro uno computabant (Part. II). Or tout ainsi que les Romains ne regardaient que comme un jour les deux bissextiles, comme il le prouve par l'autorité des anciens jurisconsultes et surtout par celle de Celsus, il en était de même, dit ce célèbre évêque, des deux fêtes de l'àque: Eodem modo duo festa paschalia a Judæis tunc observata pro uno die computabantur; et duobus diebus continuis luna dicebatur quarta decima (Paulin. lib. II, c. 2). Il y avait donc parmi les anciens Juifs deux quatorzièmes de nisan, qui étaient destinés aux deux fêtes pascales. Et pour montrer que cette coutume n'était point introduite depuis peu de temps parmi les Hébreux, il dit que le rabbin Rava, qui était dans les siècles du Talmud, exhortait les Juifs de son temps à ne point abandonner la coutume de célébrer les fêtes deux jours de suite, qui avait été observée par leurs pères, depuis le temps d'Esdras: Commonefaciens eos, ut festa solemnia duobus diebus continuis celebrent, sicut præcepit Esdras. Les Juifs ont été si constants à observer ces deux jours de fête, et entre autres ceux de Pâque, que ni les talmudistes, ni les caraites, n'y ont jamais manqué. Cependant ceux-là règlent leurs mois sur la conjonction de la lune et ceux-ci sur la phase. Il n'y a donc que la force d'une coutume gardée parmi eux de toute antiquité, qui les fasse convenir dans une chose sur laquelle sans cela ils ne pourraient jamais s'accorder.

Que les anciens Juifs ont eu des cycles sur lesquels ils

ont réglé leurs temps et leurs fêtes.

A l'entrée de cette seconde dissertation, je me suis engagé à deux choses assez importantes: premièrement, à faire voir que les anciens flébreux ont eu dans leurs mois deux néoménies ou deux commencements, et par conséquent deux quatorzièmes, durant lesquels ils ont pu faire la pâque légale; secondement, à montrer, qu'avant la venue de Jésus-Christ, ils ont eu des cycles sur lesquels ils ont réglé leurs mois et leurs fêtes. Je ne sais si j'ai bien prouvé la première de ces deux choses, j'en laisse le jugement au public; mais pour ce qui est de la seconde, il me semble qu'on la peut démontrer, si le témoignage des anciens, qui n'ont pu ignorer une chose de cette nature, peut faire une démonstration parmi nous. On va voir que je ne

dis rien avec trop d'assurance, et que c'est l'évidence du fait qui m'oblige à parler de la sorte. Cela parait bien contraire à l'opinion de ceux qui préterdent que les anciens Juifs n'ont point eu de cycles ou de tables publiques; qui assurent même qu'ils ont tout réglé sur la phase ou sur l'apparition de la lune; et qui font de cela le principal et peut-être l'unique fondement de leur nouveau système. Je suis plein d'estime et de respect pour eux, je cherche la vérité avec eux; mais si je la peux trouver dans le point que je traite, elle ne me permettra pas d'être de leur Sentiment. Voyons done si les anciens Juifs, qui ont vécu du temps de Jésus-Christ et de ses apôtres ont eu des cycles, c'est là la difficulté: car tous conviennent que les Juifs modernes, qui suivent le Talmud, en ont un depuis plus de mille ans.

L'autori é de saint Epiphane pourrait la décider toute seule. Ce Père, qui florissait vers la fin du quatrième siècle, en écrivant contre l'hérésie des alogiens, qui combattaient le Verbe de Dieu, suppose nouseulement que les Juifs avaient du temps de JésusChrsit un cycle public, sur lequel ils réglaient leurs fètes; mais il explique ce que c'était et de quelle manière il était dressé. Il fait done voir que ce cycle judaïque renfermait dans son cercle quatre-vingtquatre ans, qu'il était composé de six fois quatorze multipliés ensemble; que dans ce nombre d'années on insérait trente mois embolimiques ou intercalaires, et qu'on en ajoutait un la première année de chaque nouveau cycle : Unde illi (ce saint parle des Juifs), annos quatuordecim sexies multiplicantes in cyclo annorum 84, anno octogesimo quinto (c'était le commencement d'un nouveau cycle) mensem unum intercalant. (Hæres. 51, alogor, num. 26). On yoit même, par le détail que ce Père en a fait, que chaque année de cette période était de trois cent cinquantequatre jours, huit heures et quelques minutes, qu'on ne peut pas assez distinguer, et qu'ainsi c'était des années lunaires; qu'en quatorze ans on intercalait cinq mois et qu'en quatre-vingt-quatre années, qui faisaient tout le cycle, on insérait trente mois réglés sur le cours de la lune.

On croit assez communément que saint Epiphane était Juif d'origine, il y en a pourtant qui semblent en douter; mais quand cela ne serait pas, pouvait-il ignorer, lui qui savait l'hébreu, et qui nous a appris des choses si singulières de cette nation, qu'elle eût eu des tables publiques pour régler les mois et les fêtes? Et s'il l'avit ignoré, comment se serait-il avisé d'en faire un détail tel que je l'ai marqué; de mettre la qualité des jours et des années qui 's composaient, et d'en venir jusqu'à nous instruire du nombre des mois qu'on intercalait pendant le cours des quatrevingt-quatre ans. Oa ne répondra jamais à une autorité si forte et si précise, qu'on fasse contre elle tout ce que l'on pourra. Qu'on dise tant qu'on voudra qu'il se rencontre quelque obscurité; s'il y en a, ce n'est que dans les heures et dans les minutes, que ce saint n'a pas bien nettement expliquées; car pour le corps du cycle, il n'y en a aucune. Mais quand il y en aurait, f'on sait que de très-savants hommes ont éclairci les difficultés qui peuvent s'y rencontrer, sans jamais révoquer en doute la vérité de ce cycle. Comme il ruine absolument le nouveau système, ceux qui le défendent se trouvent obligés à le contester: ils out beau le faire, ils ne viendront jamais à bout de le détruire. Car pour ce qui est de la réalité de ce cycle autrefois reçu parmi les Juifs, saint Epiphane n'a rien dit qui ne soit véritable.

Que si le témoignage de ce Père, qui nous a appris tant de choses de l'antiquité, ne suffit pas pour T'auLoriser, joignons-y celui de saint Prosper d'Aquitaine: il paraît avoir eu une connaissance exacte de cette période ou de ce cercle d'années, car il a en soin d'en marquer tous les renouvellements, depuis le temps des apôtres jusqu'au milieu du cinquième siècle. Il marque nettement que cette période étail

[ocr errors]

de quatre-vingt-quatre aus, annis constat octoginta quatuor, après la révolution desquels elle recommenfait de nouveau. Rien n'est donc plus fort que son autorité, et j'espère qu'e'le sera une preuve démonstrative, quand j'aurai supposé quelque chose pour Faffermissement de ce que je vais dire. J'ai fait voir ci devant, par la tradition des Pères et par beaucoup te raisons tirées de l'histoire, que Jésus-Christ est mort l'an vingt neuf de l'ère commune sous le consulat des deux Géminus. Cette année-là est marquée comme la soixante huitième du cycle de quatrevingt-quatre ans, qui avait commencé dès l'an 715 de la ville de Rome, c'est-à-dire, trnte-neuf ans avant l'ère chrétienne : on n'en peut pas douter, car nous avons maintenant ce cycle qui, avant commencé plusieurs années avant la naissance de Jésus-Christ, a dû finir quelques années après sa mort et sa résurrection glorieuse.

En effet ce cycle de quatre-vingt-quatre ans, dont une partie s'est écoulée pendant la vie de JésusChrist, a pris fin seize ans après sa mort, c'est à savoir l'an 5 de Claude étant presque accompli, et le 45 de l'ère commune. Ce cycle a donc dù se renouveler l'année d'après, qui était la quarante sixième de Fère chrétienne, et c'est ce qui est arrivé, comme nous l'allons voir par le témoignage de saint Prosper, qui a été très-versé dans la science des temps. Ce l'ère nous a laissé une Chronique entière dans laquelle i) suit, après Eusèbe, la supputat on des Septante et marque comme lui les années du monde. C'est dans cette Chronique qu'il fait mention de notre cycle de 84 aus; et la première fois qu'il en parle, c'est sur l'an du monde 5247, qui revient à l'année 46 de l'ère commune; voici ce qu'il en dit : Incipit cyclus paschalis, qui annis constat 84, et post annos octoginta quatuor ad eamdem legem revertitur. Et pour faire voir qu'il n'y a là rien que de véritable, c'est que quatre-vingt-quatre ans après, c'est à dire, l'an 130 de l'ère vulgaire, il met ces paroles; Finis primi cycli et sequentis exordium. Voilà donc une seconde période qui recommence après un cercle'de quatre-vingt-quatre ans. Saint Prosper continue de la même manière, et Voici ce qu'il marque sur l'an 214 de notre salut : Finit cyclus secundus; incipit initium terti. Pareillement l'an 298 de Jésus-Christ, l'on trouve ces mots, qui font voir le commencement du cycle quatrième : Finis cycli tertii, incipit quarti principium. On voit en tout cela une révolution constante et réglée de 84 ans. Enfin sur l'an du salut 382, marqué du consulat d'Antonius et de Syagrius, voici ce qu'écrit ce même Père: Finis cycli quarti, et exordium quinti. Nous verrons plus bas que saint Prosper ne pouvait pas marquer plus exactement qu'il a fait le commencement et la fin de toutes ces périodes, sinon qu'il a quelquefois manqué dans les consulats.

Voilà donc, selon ce Père, un cycle de 84 ans, qui a commencé l'an 46 de l'ère chrétienne, et le 6 de l'empire de Claude, seize ou dix-sept ans après la mort de Jésus-Christ, lorsque les apôtres étaient dispersés dans le monde. Ce ne sont pas eux qui ont dressé ce cercle d'années, cela est certain; aussi ne voyons-nous dans l'antiquité personne qui le dise. C'est donc l'ouvrage des Juifs, les plus savants l'ont toujours cru sur l'autorité de saint Epiphane; mais on n'en doute plus, depuis qu'on a trouvé ce cycle tout entier dans la bibliothèque impériale, et qu'il a été donné au public. Car on voit qu'il est bien plus ancien que le temps de Jésus-Christ, et ainsi il est constant qu'il a été dressé par les Juifs, personne ne s'étant avisé de l'attribuer aux gentils. On verra aussi, dans la suite, que l'Eglise romaine l'a emprunté des Juifs dans les premiers siècles; que c'est sur lui qu'elle a réglé tous les ans la fête de Pâques, et que c'est la raison pourquoi elle a eu tant de disputes sur le temps de celte fèle avec l'Eglise d'Alexandrie, qui en avait un tout différent.

Saint Cyrilie, évêque de ce lieu, qui ne pouvait

souffrir cette diversité, surtout parce qu'il était persuadé que ce cycle, pris des Juifs, n'était point exact, fait un crime aux Latins de ce qu'ils s'en servaient: Ceux, dit-il, en parlant d'eux (in prologo paschuh), qui ont tâché de se conformer aux Juifs et qui ont établi un cycle pascal de quatre-vingt-quatre ans, en auraient en un parfait, si dans le calcul qu'ils ont fait des mois et des années ils avaient pu enivre ce que Dien a ordonné, et non ce qui a été inventé par les hommes illi etiam qui Judæorum pravitati respondere (ce mot est mis ici pour conformare se) conati sunt, et octoginta quatuor annorum paschalem circu lum instituerunt, perfectæ rationis circulum tenuissen!, si, etc. Dien avait ordonné dans sa loi de célébrer la pâque le quatorzième du premier mois lunaire, c'està-dire, le quatorzième de la June. Saint Cyrille prétend que ceux qui suivaient ce cycle de quatrevingt-quatre ans, inventé par les hommes, manquaient quelquefois de deux jours entiers à bien fixer ce quatorzième, et même qu'ils célébraient la pâque avant le premier mois du printemps, appelé dans l'Ecriture mensis novorum, le mois des b'és nouveaux. Ce sont les défants que les saints Pères et même l'empereur Constantin ont souvent reproché aux Juifs et les Juifs n'y tombaient ainsi que les Latins, que parce que leur cycle était fautif et avançait souvent de deux jours entiers. Et nonobstant ces défauts, parce que les Latins avaient pris leur cycle, les Juifs se vantaient que les chrétiens ne pouvaient se passer d'eux et de leur doctrine dans la célébration de la pâque, comme Constantin l'insinue assez ( ep. apud Euseb., l. de Vita ejus, c.18). Après tout cela, n'est-il pas plus clair que le jour que les Juifs étaient auteurs de ce cycle, et que les latins l'avaient emprunté d'eux, en y faisant seulement quelques légers changements qu'ils avaient jugés nécessaires.

Mais quand nous n'aurions point tous ces témoignages,il n'y a qu'à jeter les yeux sur ce cycle de quatrevingt-quatre ans, car enfin nous l'avons maintenant tout entier, pour juger que c'est celui-là même dont parle saint Epiphane, et qu'il a été dressé par les Juifs. Car outre qu'il commence toujours par le samedi ou par le sabbat, qui est le jour faveri des Juifs, il renferme dans sa période douze semaines d'années, ou douze fois sept années, qui est encore un nombre qu'ils chérissent. Mais de plus il commence très-longtemps avant la venue du Messie, ce qui fait une conviction entière, et l'on y voit les trente mois Intercalaires que les Juifs, selon le même saint Epiphane, inséraient dans le leur. Tout cela joint ensemble justifie pleinement ce que ce Père a dit, et fait une démonstration à laquelle on ne saurait résister. On peut voir de quelle manière est composé ce cycle, car le savant père Noris, qui a orné l'Italie par tant de beaux ouvrages, et à qui Sa Sainteté a commis le soin de la bibliothèque du Vatican, l'a donné au public l'an 1689, à la fin de ses Epoques syro-macédoniennes Ce cycle, sur lequel le célèbre père Pétan et Buchérius ont tant écrit, quoiqu'ils n'eussent vi que le fragment de saint Epiphane, a été tiré d'un manuscrit de la bibliothèque de l'empereur: il finit l'an 354 de l'ère chrétienne, sous le septième consulat de l'empereur Constance. Ainsi il y a apparence que ce fut cette année là qu'il fut transcrit par celui qui l'a laissé à la postérité. On découvre à la seule vue de ce cycle, que saint Prosper l'avait consulté, et qu'il n'a point erré dans ce qu'il en a di1.

Il semble, au reste, qu'il était composé de la rériode calippique de 76 ans, et d'une autre de huit ans appelée l'octaétéride. On avait joint, avant le temps de Jésus Christ, ces deux périodes ensemble pour en faire une de douze fois sept ans ou de six fois quatorze, d'où résultait le cycle entier de 84 ars. Gr comme il était très-commode en beaucoup de choses, on voit qu'il était en usage chez les Juifs quand Jésus Christ et les apôtres ont établi l'Eglise. On croit done avec assez de fondement, que plusieurs d'entre

140%

SUR LE TEMPS AUQUEL ON CELEBRAIT LA PAQUE DES JUIFS.

les premiers chrétiens l'ont pris d'eux et ont réglé sur luiles fêtes pascales. Il était au moins reçu dès le troisième siècle, puisque Anatolius, évêque de Laodicée, en fait mention dans le canon pascal qu'il a composé en forme d'épître. Ce qu'il y a de certain, c'est que ce cycle était celui de l'Église romaine dès le v et le ve siècle. On n'en saurait douter quand on lit avec un peu d'attention ces paroles de Paschasin, de Sicile, elles sont dans la lettre qu'il écrit au pape évèque saint Léon, touchant une pâque sur laquelle on était en difficulté : Nam, dit ce savant évèque, cum Ro mana supputatio, quæ cyclo concluditur, cujus ipse de quo agitur erit annus 65, qui cœpit a consulatu Antonii et Syagrii, nobis dubietatem afferret, etc. C'était tonchant la pâque de l'an 444 que Paschasin écrivait à saint Léon, vers la troisième ou quatrième année de son pontificat. Il dit dans sa lettre que cette anné-là, touchant laquelle il y avait de la difficulté, était la 63° du cycle qui faisait la supputation de l'Eglise romaine. Ce cycle était celui de quatre-vingt-quatre ans, celui qui courait alors et qui avait commencé sous le consulat d'Antonius et de Syagrius, était le cinquième selon saint Prosper; car il avait dit alors: Finis quarti cycli, et exordium quinti. Le con-ulat de ces deux hommes tombait l'an 382,et, par conséquent, l'an 444, sur lequel il y avait de la contestation était véritablement le 63° de ce cycle, comme l'aschasin le marquait fort bien. Il est donc constant, et on peut le montrer par plusieurs autres preuves, que l'Eglise romaine se servait de ce cycle de quatre-vingt quatre ans, sur lequel elle réglait les fêtes pascales. Saint Cyrille d'Alexandrie avait donc raison de dire en parlant des Latins, qu'en cela ils s'étaient conformés au cycle des Juifs.

et

Il a fallu supposer toutes ces choses et en donuer des preuves solides, avant d'en venir à ce que j'ai à dire pour le soutien et l'affermissement de la vérité. On doit remarquer ici que j'ai écrit dans mon Histoire évangélique, en parlant de Jésus-Christ, qu'il a fait la pàque légale avec ses apôtres le jeudi soir, veille de sa mort, comme il est marqué dans les évangélistes, et en cela il n'y a nulle difficulté. Mais j'ai dit, de plus, que ce jeudi soir, qui tomba 'cette année là le 14 avril, était le 14 de la lune de nisan, ou de la lune pascale, selon le cycle des Juifs. Je reconnais avoir dit ces choses, et après les avoir bien examinées, je persiste à les soutenir, car je les crois véritables.

On oppose à cela que, selon le cours des astres, la June pascale, ou la lune du mois de nisan, ne s'est renouvelée l'an 29 de l'ère commune, où je mets la mort de Jésus-Christ, que le 2 avril vers huit heures du soir, selon les observations astronomiques. Ainsi le 14 de cette lune n'a pu finir que le soir du 16 avril, qui était un samedi ou un jour de sabbat. Or c'était à la fin de ce 14 de nisan qu'on immolant l'agneau pascal. Et, par conséquent, le Fils de Dieu n'a point fait la pâque légale et n'est point mort l'an 29 de l'ère chrétienne, puisqu'il a é é mis en croix un vendredi. Voilà ce qu'on oppose à la tradition des Pères, qui disent que le Sauveur a mangé l'agneau avec les pains azymes et qu'il est mort sous le consulat des deux Géminus.

Cette objection serait considérable, si du temps de Jésus-Christ les Juifs avaient réglé leurs mois ou sur l'apparition de la lune, ou sur les observations exactes de l'astronomie. Mais c'est ce qu'ils n'ont pas fait, et tout ce que j'ai dit ci-devant en est une preuve certaine. Ils ont eu des cycles, comme je l'ai montré par des preuves sans réplique; et ce qui est remarquable, les mêmes Pères qui nous apprennent qu'ils en avaient un de quatre-vingt-quatre ans, nous disent qu'il était fautif et que souvent il avançait de deux jours entiers. C'est ce qui est arrivé l'année de la mort de JésusChrist, comme saint Epiphane nous en assure dans le même endroit où il fait mention de ce cycle: Si quidem ante tempus illi ( il parle des Juifs) pascha co

1406

mederunt; puis il ajoute aussitôt après: Epayov ad πάσχα πρὸ δύο ἡμερῶν τοῦ φαγεῖν, id est, Comederunt illi epulum paschale duobus diebus antequari deberent comedere, Est ce que les Juifs ont mangé cette annéelà la pâque deux jours avant le 14 du mois de Nisan? Ils n'ont eu garde de le faire; mais ce 14 était réglé sur leur cycle, qui avançait alors de deux jours, et non sur le cours de la lune qu'on ne saurait jamais, quelque chose qu'on fas-e, accommoder exactement à l'usage civil, comme les plus habiles en tombent d'accord. Le même saint Epiphane ayant en cet en droit expliqué la nature de ce cycle, et cela à l'occasion de la mort du Sauveur, et en ayant marqué les défauts, dit qu'il a été la cause que les Juifs ont prévenu la pâque de deux jours: Quod cum illis aberrandi causa tunc fuisset, non modo, perturbantes omnia, biduo legitimum paschatis tempus anteverterunt, sed et uno insuper die prætergressi magnis se erroribus implicarunt (Ibid., num. 27). Ce Père dit constamment que les Juifs ont alors prévenu de deux jours la célébration de la pâ que; il insinue même qu'il y en eut parmi eux qui la firent un jour après les autres. Et en tont cela il n'a rien dit que de très véritable et de trèsconforme aux évangélistes. Car les uns la firent le jeudi soir, et les autres le jour d'après, qui était celu de la mort de Jésus-Christ. Ainsi ces deux endroits de saint Epiphane confirment admirablement bien tout ce que j'ai écrit.

Mais, dira-t-on, est-il croyable que les Juifs de ce temps-là aient fait la pâque avant que la lune fût dans son qu torzième? Je dirais pareillement: E-t-il possible qu'ils aient célébrée le 16 ou peut-être le 17 de la lune? car cela pouvait souvent arriver si on réglait ies choses sur la phase? Je réponds donc qu'il suffi sait pour l'accomplissement de la loi que ce fût le 14 du mois lunaire, pris civilement et populairement, et censé tel par l'usage des cycles sur lesquels on réglait les mois et les fêtes. Cela est si vrai, que Philon, qui était du temps des aôtres, dit en parlant du mois pascal des Juifs (lib. III de Vit. Mosis, post med.): Hoc mense circa diem decimam quartum, περὶ τεσταρεστ xaidenätys quifu (il faut remarquer ces paroles), cum transitus seu migrationis festivitas, publica_populi so lunaris orbis pleno lumine complendus est, celebratur lemnitas, quæ chaldaice pascha nominatur. Je demande pourquoi Philon ne dit pas, selon les termes de la loi, qu'on faisait la pâque le 14 du mois, mais vers le 14, Repi, circa diem decimum quartam? C'est qu'on avançait quelquefois d'un jour ou deux, comme il arriva l'année de la mort du Sauveur; et c'est pour cela qu'il ajoute qu'on la faisait avant que la lune fût pleine. En effet ne voyons-nous pas que les gens qui arrètèrent Jésus-Christ au jardin de Gethsemani, y allèrent avec des lanternes et des flambeaux, perà que xxl Jonádov, cum laternis et facibus (Jean, XVIII, Pourquoi des flambeaux dans une action que les princes des prètres voulaient qu'on fit secrètement à cause du peuple? c'est que la lune n'était pas pleine et qu'elle ne le fut que deux ou trois jours après; car si elle l'avait été, il y aurait eu assez de lumière pour faire cette exécution. Saint Epiphane a donc cu raison de dire que l'année qu'on fit mourir Jésus-Christ, les Juifs, en égard au cours de la lune, avancèrent la påque de deux jours : Biduo legitimum paschatis diem un ·

Leverterunt.

3).

Doit-on s'étonner de cela dans le peuple juif, puis-
que la mène chose est arrivée aux chrétiens de
l'Eglise latine, quoiqu'on leur montràt leur erreur par
les règles de l'astronomie, et même par l'aspect de
la lune. Cependant ils ne se sont point corrigés, parce
qu'ils avaient un cycle de quatre-vingt-quatre ans,
semblable à celui des Juifs. Saint Cyrille ne dit-il
pas dans son Prologue pascal, que la lune qui n'était
que la première selon le cours des astres
troisième chez les Latins: et que celle qui n'était véri
était la
tablement que la quatorzième, était regardée par enx
comme la seizième par une erreur visible. C'est sur

1407

DISSERTATION SUR LE TEMPS DE LA PAQUE DES JUIFS.

re mécompte que ce Père, emporté par son zèle, va
jusqu'à dire(in Prologo paschali): Qualis ergo est cæcitas
mentis vel dementia, ut cum videri non possit trigesima,
(il parle de la lune) videatur adhuc deficiens, et dica-
tur prima, nonnunquam et secunda. Il veut dire par ces
paroles un peu trop dures, que c'était une espèce d'a-
veuglement, de compter le premier ou le second de la
tune, lorsque, bien loin d'ètre dans son trentième, où
elle ne paraît point, on la voyait encore dans son dé-
clin. Si les chrétiens se sont souvent trompés de deux
jours touchant la fête de Pâques, malgré les opposi
tions et les contradictions de leurs frères, qui ont
taché de les redresser ; que ne devons-nous pas pen
ser des Juifs qui ont eu le mème cycle qu'eux, mais
qui n'ont en personne pour les contredire N'avons-
gous pas dans saint Epiphane une constitution ton-
chant la pâque, qu'il ne nie pas être des apôtres, par
laquelle on voit qu'ils avaient fort bien remarqué
T'erreur qui s'était glissée dans la supputation des
Juifs. Les apôtres disent aux gentils converts de ne
point s'arrêter à supputer les temps de la pâque, Vos
temporum rationes ne subducite; mais de la faire au
temps que ceux qui avaient été Juifs la célébraient :
Cuni iis itaque pascha peragite. Après quoi ils ajoutent :
Quamvis aberrent ipsi, nihil id vos commoveat ( Apud
Epiphan, hæres. 70).

On oppose encore à l'usage des cycles le traisé en tier de la consécration du mois, ou autrement le Chiddus hachodes de Maimonides. Ce fameux docter juif suppose dans ce traité, après le Talmud, que le grand sanhedrin envoyait vers le renouvellement de chaque mois des hommes dignes de foi pour découvrir quand la nouvelle lune commencerait à paraître; et il dit que c'était sur cette apparition ou sur celle phase qu'on réglait chez eux les mois et les fêtes. Il y a aujourd'hui bien des gens sages qui croient que ce sont là des contes des rabbins et de leur Talmud, qui en est tout rempli, ayant peine à croire que ce qu'ils disent là-dessus puisse être véri able. Pour moi, je ne tiens pas tout cela pour fabuleux : il y a du laux en beaucoup de choses, mais aussi il y a du vrai : on ne discernera l'un de l'autre qu'en distinguant les temps et les lieux.

Quand Maimonides suppose, après les talmudistes, que c'était de Jérusalem qu'on dépêchait ces envoyés pour découvrir la lune naissante, qu'ils retournaient promptement à cette ville sainte après d'avoir vue, et que, sur leur rapport et la déclaration du sanhedrin, les prètres offraient dans le temple du Seigneur les sacrifices et les victimes de la néoménie; je soutiens qu'en tout cela il n'y a rien de véritable pendant que les Juifs ont été en possession de la ville de Jérusalem et de son tempie, c'est-à-dire jusqu'au temps de Vespasien. Je tiens pour certain que jusqu'alors ils se sont servis de cycles, comme je crois l'avoir prouvé invinciblement. Et ainsi, durant ce temps-là, ils n'ont point réglé leurs mois par la phase et sur le prétendu rapport de ces envoyés : on n'en trouvera nulle preuve dans Philon, dans Josèphe ni dans toute l'antiquité. Tout le monde sait que, depuis le règne de ce prince, les Juifs n'ont jamais eu de tem, les, ni par conséquent de sacrifices. Il n'est donc pas vrai qu'on ait, sur le rapport de ces députés, immolé les Victimes des néoménies; car entin, pendant que le temple a subsisté, l'on n'a point vu de ces députes dont parlent les talmudistes; et après qu'il a été détruit, on n'a plus offert ni victimes ni sacrifices. Je dis bien plus, depuis l'empire d'Adrien ou le commencement du second siècle jusqu'au cinquième, il n'a pas été permis à la nation juive de demeurer à Jérusalem, ni peut-être même dans toute la province de Judée. Ce sont les Pères les plus anciens qui nous apprennent ces choses étonnantes; et il y en a qui vont jusqu'à dire que les Juifs s'estimaient heureux de pouvoir obtenir, une fois l'an, la permission d'alier à Jérusalem pleurer la désolation de leur temple et le malheur de leur bannissement. Ajoutez à cela

1408

que, jusqu'au milieu du cinquième siècle, c'est-à-dire jusqu'au pontificat du grand saint Léon, les Juifs semblent s'être servis d'une période de huit ans, appelée par les Grecs octaétéride. On peut prouver cela par de bons monuments de l'antiquité, et je le ferai s'il est nécessaire. Et par là l'on voit qu'ils avaient abandonné leur ancien cycle de quatre-vingt-quatre ans; mais je ne sais en quel temps ils ont fait ce changement, sinon que c'est depuis la ruine de leur temple et de leur république (1).

Si l'on demande, après tout cela, quand les Juifs ont réglé et déterminé les néoménies sur la phase ou à la vie des pointes du croissant (car enfin Maimoides assure, après les docteurs du Talmud, que les Juifs l'ont fait, et il n'est pas possible que lui et eux aient imposé à toute la terre), je réponds qu'il me paraît, par toutes les recherches que j'ai pu faire, que ce n'est proprement que depuis le temps de la Misne, ou un peu auparavant, que les Juifs et leur sanbédrin ont réglé les nouvelles lunes sur la phase. Ce n'a donc été que vers la fin du cinquième siècle de l'Eglise, ou vers l'entrée du sixième (car, quelque chose qu'on dise, ce n'a été que vers ce temps-là que la Misne a été composée), que les Juifs ont quitté leurs cycles pour se régler par les phases. Ainsi, ce changement ne s'est fait que sous leurs derniers pa

arches, qui demeuraient à Tiberiade, ville de Galilée, sur le lac de Génésareth; et c'est ce que le Talmud appelle sans cesse la Terre d'Israël. Quand je dis que ce n'est que depuis environ le temps de la Misne que les Juifs se sont réglé, sur les phases, je ne dis rien dont je ne trouve des preuves chez Maimonides même.Ne dit-il pas, dans le Chiddus hachodes, chap. 5 In diebus sapientum Misnæ et sapientum Gemare usque ad rabbi Abia et Rabba, determinatione terræ Israel nitebantur. Il entend par là que depuis le temps de la Misne et de la Gémare, compo ées dans le septien e siècle, on réglait les néoménies sur la phase et sur la détermination du sanhedrin de la terre d'Israël, c'est-à-dire de la Gallée, où ré-idait alors le grand conseil des Juifs, et que cela a duré jusqu'au temps du patriarche allel, qui a fait le cycle dont ils se servent encore aujourd'hui: et qui était contemporain des deux fameux rabbins Abié et Rabba. Voilà ce que veut dire Maimonides par ces paroles assez obscures. Il est si vrai que ce sont les Juifs de la Galilée qui ont tout réglé par la phase, que ceux qu'ils envoyaient pour observer la lune nouvelle, sont appelés Saluchin, id est, apostoli; et il y a apparence que ce sont ceux là mèmes à qui saint Epiphane donne le nomi d'apôtres (flæres., 50; Ebion., num. 4), et qui étaient les amis et les assesseurs des patriarches qui faisaient leur résidence à Tibériade. Ces patriarches avaient leur conseil ou leur sanbédrin dans cette ville, et nous trouvons que quand on y avait réglé quelque chose, soit pour les néménies, soit pour les intercalations, so t pour les décimes qu'on leur devait payer, is faisaient savoir leur détermination et leur volonté aux Juifs de la haute ei de la basse Ga lilée par des lettres qu'ils leur écrivaient et qu'ils envoyaient quelquefois jusqu'au pays de Babylone. Elles portaient dans leurs inscriptions : Fratribus nostris filiis Galilææ superioris, et fratribus nostris filùs Galilææ inferioris, pax vestra multiplicetur. Notificumas vobis, etc. Après tout cela, n'est-ce pas visiblement se tromper de croire que ce que les Juis ont fait à Tibériade dans la Galilée, dans les vi ci Ve siècles, ils l'aient pratiqué à Jérusalem et dans la Judée avant la ruine de leur temple et de leur république. Cependant les rabbins ont confondu ces choses par une ignorance qui n'est pas excusable, et ils ont jeté cette confusion dans l'esprit de plusieurs d'entre les chrétiens.

(1) Aristoph., apud Euseb., Hist., J. IV, c. 6; Tertul', Apolog., c. 19, et alibi; Eusch., in Chron.; Nazan., orat, 12; Hieron., in Isai., et al.

On a pu voir, par tout ce que je viens de dire, que
les Juifs qui ont vécu du temps de Jésus-Christ et de
ses apôtres ont eu un cycle de quatre-vingt-quatre
ans, sur lequel ils ont réglé leurs mois et leurs fêtes;
qu'après le renversement de la ville et du temple, et
vers la fin du deuxième siècle, s'étant établis dans la
Galilée sous des patriarches, parce qu'il leur était dé-
fendu par les édits des empereurs romains de demeu-
rer à Jérusalem et dans la Judée, ils ont depuis changé
ce cycle pour prendre une période de huit ans, appelée
octaétéride par les Grecs, chez qui elle a longtemps
été en usage; que, vers la fin du cinquième siècle,
on à l'entrée du sixième, c'est-à-dire vers le temps de
la Misne, lassés peut-être des défauts qui se trouvaient
dans leurs cycles, ils ont eu recours aux phases de
la lane; et cet usage, bien que sujet à mille diffi-
cultés presque inévitables, a peut-être duré un siècle
on deux tout au plus. Enfin, le patriarche Hillel, qui
vivait dans le septième siècle (comme je pourrais le
montrer par de bonnes preuves), et sous qui le sanhé-
drin de Tibérinde semble avoir cessé, s'est avisé de
leur donner un nouveau cycle: c'est une continuelle
révolution de dix-neuf ans, appelée par les Grecs
Ennéadécaétéride, et très-subtilement inventée par le
rabbin Adda, savant astronome, qui n'est pas si an-
cien que le pensent les Juifs. Billet, qu'ils appellent
Nasi, c'est à-dire prince, et qui a été petit-fils de
Judas Haccados, auteur de la Misne, a publié et au-
torisé ce cycle très-exact; et c'est de lui que tous les
Juifs traditionnaires ou talmudistes (qui règlent tout
sur la conjonction de la lune) se servent encore au-
jourd'hui; car pour les caraîtes, qui sont en petit
nombre, ils s'appuient sur la phase. Cependant les
uns et les autres, comme je l'ai déjà remarqué, font
la pâque deux jours consécutifs, parce que c'est une
coutume qu'ils ont tous reçue de leurs pères et qu'ils
observent de toute antiquité.

A la fin de cette dissertation, je prie le lecteur de

se souvenir que j'ai prouvé assez amplement que,

comme les Juils avaient dans leurs mois deux néo-

ménies (qui étaient fêtes parmi eux), ils avaient par

conséquent deux quatorzièmes dans lesquels ils celé-

braient leur pâque, comme ils font encore aujourd'hui

par toute la terre. Ceux qui faisaient la pâque le

premier de ces deux quatorzièmes, ne manquaient

pas de lêter le lendemain, qui était pour eux le premier

des Azymes, parce que c'était le quinzième de la

June, à le prendre depuis sa conjonction ou depuis sa

première néoménie. D'où vient que le jeudi au soir,

après la cène pascale, quand Jésus-Christ eut dit à

Judas, qui sortait de la chambre : Quod facis, fac ci-

tins, Ce que vous allez faire, faites-le au plus tôt,

quelques-uns des apôtres crure. t qu'il lui ordonnait

d'aller acheter ce qui était nécessaire pour le jour de

la fête ad diem festum, comme dit saint Jean (XIII

27 29). li éiait donc fête le lendemain, qui était lo

vendredi, surtout pour ceux qui avaient fait la pàque
le jour prédédent. Cependant nous voyons par le même
évangéliste (XIX, 31; conf. avec V, 14), qu'il était
encore fête le samedi, et même un grand jour de fête,
erat enim magnus dies ille sabbati; parce que c'était
aussi le premier dcs Azymes pour ceux qui, comme les
sacrificateurs et les grands de Jérusalem, ne firent,
cette année-là, leur pâque que le vendredi soir, peu
de temps après la mort du Seigneur, qui était l'Agneau
véritable qu'on venait d'immoler. Ainsi voilà deux
premiers jours des Azymes qui étaient fêtes et qui
répondaient aux deux néoménies: et c'est la raison
pourquoi Josèphe compte huit jours d'Azymes, comme
font maintenant tous les Juifs. Ces deux jours sont
également solennels chez ceux d'aujourd'hui; néan-
moins, il y a lieu de croire que le second jour était
alors plus célèbre, parce que c'était le quinzième da
mois de nisan, et que, de plus, c'était le jour qui
correspondait à la phase, pour laquelle les Juifs
avaient beaucoup d'égards.

Je dis donc, en finissant ce discours assez impor-
tant, que l'an 29 de l'ère commune, marquée du con-
sulat des deux Géminus, Jésus-Christ mangea avec
le peuple juif l'agneau pascal, comme on l'a toujours
cru dans l'Eglise. Ce fut le jeudi soir, qui était le
quatorz'ème du mois lunaire réglé sur leur cycle, et
ce quatorziéme était compté depuis le temps de la
conjonction de la lune ou le trente du mois précédent,
qui fut cette année-là un mois intercalaire appelé ve-
adar. Le lendemain, les sacrificateurs et les princes
du peuple firent aussi la Pâque, comme il paraît par
plusieurs endroits de saint Jean. Ce jour-là, qui était
le vendredi et le quatorzième du mois, en complant
depuis la phase, avait quelque chose de plus considć -
rable, de sorte que le samedi fut proprement le grand
jour des Azymes, qui était le quinzième du mois. Par
conséquent, le dimanche fut le second des Azymes et
le jour de l'Omer; et ainsi la Pentecôte fut aussi un
dimanche, selon le sentiment des Eglises. Il n'y a
donc nulle difficulté dans celui que je viens d'établir;
il est conforme à l'usage de tous les Juifs d'aujour-
d'hui, tant talmudistes que caraites; il explique ad -
mirablement bien les quatre évangélistes et les met
tous d'accord: il concilie les autres systèmes et en a
tous les avantages; il est assez bien appuyé de l'an-
tiquité, comme je l'ai fait voir; plusieurs grands
hommes de ces deux derniers siècles, tant catholiques
que protestants, l'ont embrassé sans difficulté. C'est
donc le sentiment le plus recevable par toutes ces
prérogatives et tous ces avantages; et, par consé-
quent, il semble qu'on le doit suivre.

[blocks in formation]
« PredošláPokračovať »