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bienfaiteur), conduire le deuil et assister à la cérémonie. Tout y régnait, l'ordre, la somptuosité, la magnificence, et rien ne pouvait être mieux concerté. Le corps, vêtu à la royale, la couronne d'or en tête, le diadème ou le bandeau sur le front, et le sceptre dans la main droite, était porté dans une litière d'or toute enrichie de pierreries de grand prix. Archélaūs, Antipas et les autres fils du défunt, avec ses plus proches parents, suivaient le brancard; et les gens de guerre, richement vêtus, marchaieut après eux en bon ordre et distingués par nations. Les compagnies de ses gardes, qui étaient composées de Thraces, d'Allemands et de Gaulois, marchaient les premiers, et les autres soldats les suivaient, commandés par leurs chefs, et armés comme pour un jour de combat. Après ceux-ci venaient cinq cents officiers du feu roi, tous domestiques ou affranchis; ils étaient superbement habillés, portaient grand nombre de parfums très-exquis, qu'on brûlait de temps en temps; et c'étaient eux qui fermaient cette pompe funèbre.

Comme Josèphe, de qui nous la tenons, ne semble pas en décrire la marche assez nettement, du moins M. d'Andilly y a-t-il trouvé des difficultés qu'il n'a pu bien éclaircir, il faut tâcher d'y donner quelque jour. Le convoi marcha dans l'ordre que je viens de marquer depuis la ville de Jéricho, où le roi était mort, jusqu'au château d'llérodion dans lequel il fut inhumé. La distance était grande, car elle pouvait être de deux cents stades ou environ, en suivant les grands chemins, et en passant par Jérusalem. C'est pourquoi Josèphe a eu raison de dire que le corps de ce roi fut porté durant l'espace de deux cents stades, Corpus deportatum est per stadia ducenta σταδιούς διακοσιους ¿xoμison tò sãμa (Joseph., lib. I Bell. Jud., cap. ultimo, sub finem), qui feraient un peu plus de huit lieucs de France, à trois milles ou vingt quatre stades par lieues. Or, à chaque mille, où à chaque huit stades, on reposait le corps; et alors on réitérait les chants funébres que l'Ecriture appelle Lamentations ( II Paralip. XXXV, 25), et qu'on avait coutume de faire aux obsèques des rois de Judéc; et en même temps on brûlait quantité d'encens et d'autres parfums. Le corps fut conduit avec ces sortes de cérémonies jusqu'au château d'Hérodion, qu'Hérode avait choisi pour sa sépulture. Ce lieu était dans les déserts de la tribu de Juda, il portait le nom de ce prince, parce qu'il y avait fait bâtir un superbe palais, à cause d'une victoire qu'il avait autrefois remportée en cet endroit contre les Parthes et les Juifs, qui étaient du parti d'Antigonus (Joseph., lib. XVII Antiquit., cap. 10, et lib. I Bell. Jud., cap. 21).

Soulèvements contre Archélaus.

Les cérémonies de la sépulture étant achevées, Archélaûs retourna à Jérusalem, où il employa encore sept jours entiers au deuil de son père, selon la coutume des Juifs, après lesquels il fit au peuple un somptueux festin; car on en usait ainsi parmi eux dans les obsèques des morts. Tout cela étant fait, ce

prince se revêtit de blanc et monta au temple, avec les acclamations de tout le peuple. Elles se renouvelèrent avec plus de force, lorsqu'on le vit assis sur un trône d'or fort élevé, et tout retentit des vœux que l'on faisait pour la prospérité de son règne. Archélaus en fut ravi de joie, il remercia les peuples des derniers devoirs qu'ils avaient rendus à son père, et des honneurs qu'ils lui faisaient à lui-même dans ces commencements. Il leur dit pourtant qu'il ne prendrait point le titre de roi, qu'il ne l'eût reçu d'Auguste, à qui il devait demander la confirmation du testament de son père (Joseph., lib. II Bell. Jud. cap. 1, et lib. XVII Antiquit., cap. ultimo).

Comme l'on vit que ce nouveau prince traitait le peuple avec tant de douceur et de bénignité, on crut qu'il y avait dans sa conduite autant de sincérité qu'il affectait d'en faire paraître. Plusieurs prirent donc la liberté de lui demander diverses grâces assez importantes, et sa domination n'étant pas encore assez affermie, il n'osa pas les refuser. Il offrit ensuite des sacrifices à Dieu, qui l'avait établi pour le gouvernement de son peuple; et il fit à ses amis des festins magnifiques. Tout ceci se passait dans les premiers mois de cette année, et quelque temps avant la fête de Pâques, comme on le verra tout incontinent. Ce fut alors que certains séditieux, qui ne cherchaient que la confusion et le trouble, se tenant dans les portiques du temple et aux environs de ce lieu sacré, ne faisaient que pleurer la mort des deux docteurs de la loi, Judas et Matthias, qu'Hérode avait condamnés à être brûlés vifs, parce qu'ils avaient fait renverser l'aigle d'or. Comme ils virent que plusieurs les écoutaient et se joignaient à eux, ils eurent l'audace de demander à Archélaüs qu'il fit mourir quelques-uns des amis d'Hérode, qui avaient prononcé contre ces docteurs et de le presser d'ôter à Joazar la souveraine sacrificature, parce que cet homme leur était suspect.

Archélaüs, qui appréhendait que cela n'allåt plus loin, donna ordre à celui qui commandait ses troupes, d'apaiser ces mutins. Mais eux, au lieu de s'adoucir sur ces remontrances, commencèrent à crier et à lui jeter quantité de pierres, dont ils tuèrent plusieurs soldats; pour lui, il fut dangereusement blessé, et eut toutes les peines du monde à se sauver. Arché laus, irrité de l'insolence de ces séditieux et craignant qu'elle n'eût de plus fâcheuses suites, à cause du nombre presque infini de peuples, qui venaient de toutes parts à la fête de Pâques, qu'on allait sclenniser, lâcha contre eux toutes ses troupes, qui en tuèrent environ trois mille; le reste de ces mutins se dispersa et s'enfuit dans les montagnes voisines. Alors ce prince fit publier par toute la ville de Jérusalem, que chacun eût à se retirer; ces ordres, joints à la crainte du péril, firent qu'on abandonna les sacrifices et qu'on cessa de célébrer cette fête si solennelle parmi le peuple Juif (Joseph., lib. XVII Antiquit., cap. 11, el lib. II Bell. Jud., cap. 2).

Toutes ces mutineries et ces séditions accompa

gnées de meurires furent préjudiciables aux affaires d'Archélaùs. Elles arrivèrent au mois de mars de cette année, car ce fut vers les derniers jours de ce mois que tomba la fête de Pâques, où il y eut dans la ville sainte tant de trouble et de confusion.

Peu de temps après qu'Archélaûs eut arrêté le cours de cette sédition, il descendit à Césarée, accompagné de sa mère Malthace et des principaux de ses amnis. Salomé, sa tante, qui ne l'aimait pas, le suivit dans ce voyage avec toute sa famille, sous prétexte de lui faire honneur et de le servir à obtenir la confirmation du royaume ; mais en effet, c'était pour le traverser dans ses prétentions. Avant que de partir de Jérusalem, il y laissa Philippe, son frère utérin, pour gouverner en son absence, et pour avoir soin des affaires de sa maison; après quoi il descendit à Césarée, et s'embarqua pour aller à Rome. Il se trouva fort embarrassé avant de se mettre sur mer; car il rencontra à Césarée Sabinus, intendant des affaires d'Auguste, qui s'en allait en Judée pour se saisir des trésors laissés par Hérode. Mais Varus le tira alors de cet embarras; car il fit promettre à Sabinus qu'il ne s'emparerait point des forteresses, et qu'il ne mettrait point le scellé aux trésors. Cependant il fit tout le contraire, après l'embarquement d'Archélaüs et le retour de Varus à Antioche (Joseph., lib. XVII Antiquit. cap. 11, et lib. II Bell. Jud., cap. 3).

Demeure de Jésus-Christ à Nazareth de Galilée.

Ce fut vers le commencement de cette année, lorsque Jésus-Christ entrait dans la deuxième de son âge, et que la Judée était dans l'agitation et le trouble, que Joseph et Marie fixèrent leur demeure dans la ville de Nazareth, en la province de Galilée. Saint Matthieu en a écrit peu de chose, il s'est contenté de dire en deux mots, parlant de saint Joseph: Et veniens habitavit in civitate, quæ vocatur Nazareth (Matth., XXIV, 23), Il vint demeurer dans une ville appelée Nazareth. Saint Luc ne dit presque rien davantage de lui et de Marie: Après, dit-il, qu'ils eurent accompli toutes choses selon la loi du Seigneur, ils s'en retournèrent dans la Galilée à Nazareth, ville de leur demeure, reversi sunt in Galilæam in civitatem suam Nazareth (Luc, II, 39). Cette ville peu renommée parmi les Juifs, mais si célèbre parmi les chrétiens, était dans la tribu de Zabulon, située sur la croupe d'une montagne assez élevée, non loin du torrent de Cison. Elle était entre les villes de Naïm et de Séphoris, et il n'y avait pas beaucoup de distance de la montagne de Thabor. Ce fut dans cette ville que Jésus-Christ demeura caché l'espace de vingt-neuf ans, si peu connu des hommes, mais si grand et si connu aux yeux de son Père; car il y resta dans l'humiliation et l'obscurité jusqu'à ce qu'il alla au baptême, et qu'il commença à se manifester au peuple d'Israël. Il y fut, cette année, comme dans une espèce d'asile, parmi les grands troubles qui agitèrent durant l'été la province de Galilée. Car ce fut dans ces mouvements séditieux que la riche ville de Séphoris, qui était si voisine de Nazareth, et

qui servait de retraite à un certain Judas qui avait usurpé le titre de roi, fut prise par le fils de Varus, qui la réduisit en cendres, et fit vendre à l'encan tous ses habitants (Joseph., lib. XVII Antiquit., cap. 12). L'affaire d'Archélaüs est examinée en présence d'Auguste.

Quelque temps après qu'Archélaüs fut arrivé à Rome, après une navigation assez heureuse, l'empereur Auguste convoqua une grande assemblée, où se trouvèrent les principaux de l'empire, et avec eux était Caïus César, fils d'Agrippa et de sa fille Julie, qu'il avait adopté, et qui eut alors la première place, parce qu'il était consul désigné. Ce fut dans ce conseil qu'on examina l'affaire d'Archélaüs, qui avait pour adversaire Antipas, son frère de père, mais qui avait pour mère Cléopâtre. Or Antipas était aussi venu à Rome peu de temps après son frère, à l'instigation de sa tante Salomé, qui lui était favorable, et il avait amené avec lui Ptolémée, frère de Nicolas de Damas, et Irénée, homme très-éloquent qui, sous le règne d'Hérode, avait eu grande part aux affaires. Cet homme véhément lui mit tellement dans l'esprit de ne point céder à son aîné Archélaūs, nonobstant le testament du feu roi qui était en sa faveur, qu'Antipas se résolut de lui disputer la couronne. Et dès qu'il fut arrivé à Rome, tous ses proches se joignirent à lui par la haine qu'ils avaient pour Archélaūs. On peut voir dans l'histoire de Josèphe tout ce qui fut dit dans cette assemblée sur les prétentions de l'un et de l'autre. Antipater, fils de Salomé, qui était puissant en paroles, et mortel ennemi d'Archélaŭs, parla fortement contre lui, quoiqu'il fût son cousin. Au contraire Nicolas de Damas plaida fort bien pour lui, et détruisit toutes les raisons de son adversaire; et comme il achevait de parler, Archélaüs eut l'adresse de se jeter à genoux devant l'empereur. Auguste le releva avec beaucoup de douceur, car rien n'était plus honnête que ce prince, et il lui dit qu'il le jugeait digne de régner après son père, et qu'il ne voulait rien faire qui ne fût conforme à ses dernières volontés. Il ne décida pourtant rien alors, voulant examiner l'affaire avec plus de loisir, mais il se contenta de lui donner licu de bien espérer. Voilà ce qui se passa dans cette première assemblée, qui se tint, autant qu'on peut croire, vers la fin du printemps ou au commencement de l'été (Joseph., lib. XVII Antiquit., cap. 11, et lib. It Bell. Jud., cap. 4).

Celle affaire est examinée une seconde fois devant l'em.

pereur.

Pendant qu'on examinait à Rome le droit d'Archélaus et les prétentions d'Antipas, il y eut dans la Judée d'étranges mouvements, qui furent causés par l'im prudence de Sabinus, intendant des affaires d'Auguste. Cet homme était assiégé dans une des tours ou forteresses de Jérusalem par une multitude infinie de peuple, qui était venu pour la fête de la Pentecô:c, qu'or. célébrait vers le milieu du mois de mai; et sans les soins et la diligence de Varus, gouverneur de Syrie.

il aurait été pris dans cette tour, et mis en pièces par ces furieux et par ces obstinés. Varus le dégagea fort à propos, punit les coupables, et par sa bonne conduite apaisa le reste du peuple. Ce fut pour le contenter et l'adoucir (le peuple) qu'il permit aux Juifs d'envoyer à Rome cinquante députés, pour supplier Auguste de laisser ceux de leur nation vivre selon leurs lois, sous l'autorité des Romains, et tous les Juifs de Rome, qui étaient au nombre de plus de huit mille, ne manquèrent pas de se joindre à eux. Philippe, frère germain d'Archélaūs, vint aussi à Rome à l'instigation de Varus qui l'affectionnait fort, sous prétexte d'assister son frère, mais en effet dans l'espérance d'avoir quelque part au royaume, si on venait à le diviser. Les trois frères étaient donc à Rome, savoir, Archélaūs, Philippe, sou frère utérin, et Antipas, fils de Cléopâtre. Il y avait au même temps cinquante députés des Juifs, auxquels se joignirent ceux qui étaient à Rome.

Ce fut là-dessus qu'Auguste convoqua une seconde assemblée dans le temple d'Apollon, qui était composée de ses amis et des principaux d'entre les Romains. Les députés des Juifs parlèrent les premiers; après lesquels Nicolas de Damas plaida une seconde fois pour Archelaus. L'empereur ayant entendu les uns et les autres, congédia l'assemblée, mais peu de jours après il termina enfin cette grande affaire. Il déclara Archélaus non héritier de tout le royaume de son père, mais seulement ethnarque ou prince de la nation des Juifs, lui donnant sous ce titre, la Judée, l'Idumée et la Samarie. De la sorte il ne lui accordait que la moitié du royaume, qui faisait six cents talents de revenu, promettant sculement de l'en déclarer roi, s'il le méritait par sa vertu et par sa bonne conduite. Il partagea en deux l'autre moitié du royaume : il donna à Antipas, la Galilée et la Pérée, ou le pays d'au delà du Jourdain, qui lui rendait deux cents talents de revenu : et quant à Philippe, il lui assigna l'Iturée, la Trachonite et la Batanée, dont les revenus annuels étaient de cent talents. Ces deux princes n'avaient, avec ces provinces, que la qualité de tétrarques. Voilà comme Auguste divisa en trois parties le royaume d'Hérode; et ce partage se fit vers le milieu de l'été de l'année courante, qui était la quarantième de son règne et la sept cent cinquante et unième de la ville de Rome, deux ans et quelques mois avant l'ère commune (Joseph., lib. XVII Antiquit., cap. 12, 13, et lib. II Bell. Jud., cap. 7, 8, 9).

Archélaüs et ses deux frères retournent en Judée. Peu de temps après que ce jugement eut été rendu par Auguste, Archélaüs s'embarqua, vers la fin de l'été, avec ses deux frères, Antipas et Philippe. Quand il fut arrivé dans la Palestine, il ne tarda pas à se faire reconnaître ethnarque ou prince de la Judée, de l'Idumée et de Samarie. Antipas alla en Galilée prendre possession de cette province et de la Pérée, qui était le pays d'au delà du Jourdain et Philippe fit la même chose de l'lturée, de la Trachonite et de la Batanée. Voilà les trois princes qui, par le jugement d'Auguste, et par une providence de Dieu toute parti

culière, qui voulait bientôt après faire tomber la Ju. dée sous la puissance des Romains, partagèrent la royaume d'Hérode, sous le nom de tétrarques; car Josèphe (lib. II Bell. Jud., cap. 9), en quelques endroits, donne ce titre à Archélaūs, ainsi qu'à ses deux frères. Salomé, leur tante, eut pour elle et pour sa famille les villes de Jamnia, d'Azot et de Phasaélide, avec un palais dans Ascalon, que lui donna Auguste. Elle faisait son séjour dans le pays soumis à Archélaüs, à qui elle n'avait pas été trop favorable, et son revenu pouvait monter à soixante talents. Nous saurons, dans la suite, quelle a été la domination de ces princes, successeurs d'Hérode, et combien ils ont été dissemblables et dans leurs mœurs, et dans leur gouvernement. Philippe, bien que le plus mal partagé, a été le meilleur de tous; et l'on verra Jésus-Christ quitter la ville de Nazareth pour aller demeurer et prêcher sur les terres d'un prince si juste et si modéré. Car pour Archélaūs, il a été dur et cruel à son peuple; et Antipas a passé pour politique et artificieux ce qui a fait à Jésus-Christ lui donner le nom de renard (Luc. XII!, 32).

L'an 3 de l'âge de Jésus-Christ, et le 2 avant l'ère vulgaire. L'an 41 et 42 de César-Auguste, et le 2 d'Archéluüs. L'an 752 de la ville de Rome, et le 3 de la 194 Olympiade, César - Auguste XIII et M. Plautus Silvanus étant consuls.

Honneurs décernés à Lucius, petit-fils d'Auguste.

Ce fut tout au commencement de cette année, aux calendes de janvier, que l'empereur Auguste fit décerner à son second fils adoptif les mêmes honneurs qu'on avait accordés au premier. Pour comprendre ceci on doit savoir qu'Auguste, qui avait pour Agrippa une amitié toute singulière, lui fit épouser sa fille Julie. De ce mariage sortirent deux fils, Caius, et Lucius, que ce prince, qui les aimait tendrement, adopta et fit entrer dans la famille des Césars comme ses petits-fils et ses héritiers. Il y avait déjà trois ans et quelques mois que les chevaliers romains avaient déclaré Caius, lors âgé de quinze ans, prince de la jeunesse, en lui mettant en main des piques d'argent. En même temps le sénat et le peuple romain le désigna consul pour cinq ans après, et lui permit dès lors par un décret solennel de pouvoir assister aux conseils publics. Auguste vit avec un extrême plaisir les honneurs qu'on faisait à son petitfils. Il les confirma l'année suivante, qui était la 749de la ville de Rome, et celle de son XII consulat : car, le premier jour de janvier, ayant ôté à Caïus la robe d'enfant, appelée prétexte par les Romains, et lui ayant donné la robe virile, il le conduisit au palais, et là, parmi les acclamations de tout le monde, il le déclara prince de la jeunesse, principem juventutis, et le désigna consul pour cinq ans après, c'est-à-dire pour l'an 754 de la ville de Rome, qui est le premier de l'ère vulgaire. C'est en vertu de la déclaration d'Auguste et du décret du sénat, que, l'année pré

védente, comme Josèphe l'a fort bien remarqué, Caius, non-seulement assista à l'assemblée qui se fit touchant la succession d'Hérode, mais qu'il y eut même la première place, comme étant alors consul désigné. Auguste accorda donc à Lucius, le second de ses petits-fils, les mêmes honneurs que je viens de marquer, et qu'il avait fait donner à Caius. Comme c'était contre la coutume et l'usage des Romains de décerner de semblables honneurs à des jeunes gens, qui à peine étaient sortis de l'enfance, Auguste fit semblant de les refuser, quoiqu'il les désirât avec passion, au moins Tacite l'a-t-il écrit ainsi. Voici ses propres paroles, qui servent de preuve à ce que je viens de dire: Genitos, Agrippa, Caium ac Lucium in familiam Cæsarum induxerat: necdum posita puerili prætexta, principes juventutis appellari, destinari consules, specie recusantis flagrantissime cupiverat (Tacit., Annal. lib. I, cap. 3). Il y a d'autres auteurs qui ont écrit ces choses; mais Auguste lui-même n'a point fait de difficulté de les marquer, comme nous le voyons par les marbres d'Ancyre.

Eleazar est fait pontife des Juifs.

J'ai fait voir qu'Archélaüs, qu'Auguste avait déclaré ethnarque ou prince de sa nation (car il ne lui accorda pas le titre de roi), avait pris possession de sa principauté vers l'automne de l'année précédente. Comme il avait vu avec un extrême chagrin les séditions qui s'étaient élevées à Jérusalem dès les premiers temps de son gouvernement, et les cabales qu'on avait formées contre lui aux yeux de toute la ville de Rome, il était là-dessus devenu ombrageux. Ayant donc quelques soupçons contre le pontife Joazar, fils de Simon, qui avait aussi possédé cette dignité, el craignant qu'il n'eût favorisé le parti des séditieux, il lui ôta la grande sacrificature; mais il en revêtit Eleazar, frère de ce pontife (Joseph., Antiq. XVII, cap. 15). Ces deux hommes étaient propres frères de cette deuxième Mariamne qu'llérode avait aussi épousée et dont il eut le fils qu'on nomma Hérode-Philippe, qui fut le premier mari de la fameuse Herodiade. Ainsi ces deux pontifes, je veux dire, Joazar, déposé, et Eléazar qui fut mis en sa place, étaient les beauxfrères du feu roi llérode, et les oncles maternels de Philippe, son fils. Au reste Joazar ne posséda cette grande dignité, si révéréc des Juifs, qu'environ deux ans; car il en fut revêtu par Hérode au mois de mars de l'année qu'il mourut, et ne fut déposé que vers les commencements de l'année courante, c'est-à-dire, autant qu'on le peut conjecturer, avant la fête de Pâque, qui tombait en avril. Il est vrai, que Josèphe semble insinuer que Joazar fut déposé par Archélaüs, incontinent après qu'il fut arrivé en Judée de son voyage de Rome, mais ce ne fut apparemment que quelques mois après. Car enfin un prince qui venait d'être accusé de tant de choses en présence d'Auguste, devait garder quelques mesures contre ceux même qui lui étaient suspects; autrement il aurait donné trop de prise à ses ennetuis, qui ne perdaient pas S. S XXVII.

l'espérance de lui nuire et même de le détruire dans la suite du temps.

L'an & de l'âge de Jésus-Christ et le 1o avant l'èrè vulgaire. L'an 42 et 43 de César-Auguste, et le 3, d'Archélais. L'an 753 de la ville de Rome, et le 4 de la 194 olympiade. Cos. Cornélius Lentutus et L. Calpurnius Pison, étant consuls.

Voyage de Caius César en Egypte et dans la Palestine.

Nous avons vu au commencement de l'année précédente les honneurs extraordinaires qu'on avait décernés à Caius pour faire plaisir à César-Anguste. II était presque au comble de sa joie, quand on l'avertit, quelques mois après, que sa fille Julie, mère du même Caius, était la fable de tout Rome, par l'excès et l'infamie de ses déréglements. Auguste en fut tellement irrité, que sans pouvoir être fléchi de persoune, il la relégua dans une petite île de la campagne d'Italie, appelée Pandataire, située dans le golfe de Pouz les. Il la resserra de si près dans ce dur exil, qu'il ne permit à qui que ce fut, soit libre, soit esclave, de la voir sans sa permission expresse, lui défendant d'ailleurs toutes les délicatesses de la vie et même l'usage du vin. Et comme il sut qu'elle avait causé des chagrins mortels à Tibère, qui à cause d'elle s'était retiré dans l'île de Rhodes, il cassa leur mariage, car elle l'avait épousé après la mort d'Agrippa, son premier mari. Auguste, informé de tout cela, fut d'une sévérité si grande et si inexorable à l'égard de sa fille, qu'il ne voulut point qu'elle fût transférée de cette fle dans la ville de Reggio sur le détroit de Sicile, que cinq ans depuis son premier exil. Je dis son premier, car l'on peut appeler ce changement un second exil, dont elle ne fut jamais rappelée, quel ques instances que le peuple romain en fit à co prince. En effet, elle y mourut plusieurs années après, vers l'an 14 de l'ère chrétienne, c'est-à-dire sur la fin du règne d'Auguste ou au commencement de ceIni de Tibère (Tacit., lib. I Annal., cap. 53; Sueton., in Augusto, cap. 63, et alii).

On ne sait point au vrai si Caius était à Rom ou plutôt dans la Pannonie, car il y fut envoyé vers l'été de l'année précédente, quand sa mère Julic fot reléguée dans l'ile Pandataire, avant le mois d'octobre. Ce qu'il y a de certain, est qu'il revint à Rome de la Pannonic par l'ordre d'Auguste, ct que même il en partit assez à la håte, après néanmoins avoir épousé Livie, fille de Drusus et nièce de Tibère. On accéléra son départ, parce qu'il y avait de grands mouvements dans l'Arménie, et que l'Arabie était agitéc de quelques nouveaux troubles. Caius partit donc de Rome avec assez de précipitation ou de diligence, el se ren. dit dans la Grèce, où il semble qu'il passa l'hiver. Comme il était revêtu d'une grande autorité, car on lui donna la puissance proconsulaire, et qu'il devait entreprendre d'assez grandes choses, Auguste, qui craignait les saillies de sa jeunesse, lui donna pour gouverneur on, si vous voulez, pour modérateur (Trente-deux.)

M. Lollius, homme consommé dans les affaires, mais ennemi de Tibère.

Caius César, car par son adoption il portait ce nom, ayant passé l'hiver en quelque endroit de la Grèce, s'en alla au printemps, si je ne me trompe, dans l'ile de Chio et dans celle de Samos, qui sont sur les côtes d'Asie. Pendant qu'on y préparait toutes choses, TiDère, qui ne voyait qu'avec peine l'élection de ce jeune homme, vint de l'île de Rhodes, où il était dépuis quelques années, lui rendre visite. Caius, qui d'un autre côté ne l'aimait pas trop, ne laissa pas de lui faire, selon les apparences, de grands honneurs, comme à son beau-père; mais parmi cela Tibère reconnut fort bien que Lollius, qui était auprès de lui, avait aigri son esprit (Velleius, Hist. lib. II, cap. 101; el Sueton., in Tiber., cap. 12).

La notte étant prête, Caius fit voile en Egypte, où jl arriva assez heureusement. Les Arabes qui avaient commencé à remuer, le voyant près d'eux, se remirent dans le devoir et apaisèrent leurs tumultes. De sorte que Pline, faisant mention de cette première expédition, a eu raison de dire, que Caius César, fils d'Auguste, n'avait seulement fait que voir l'Arabie: C. Cæsar, Augusti filius, prospexit tantum Arabiam (Plin., lib. VI, cap. 28).

Caius va à Jérusalem.

Après que Caius cut apaisé par sa scule présence les troubles d'Arabie, il passa dans la Palestine, l'année étant déjà avancée. Comme il entra dans la Judée, il voulut aller à Jérusalem, qui était alors une des plus belles et des plus fortes villes de tout l'Orient. On ne peut pas douter qu'il n'y ait été magnifiquement reçu par Archélaüs; mais ce qu'il y a à remarquer, est qu'il dédaigna de faire des sacrifices dans le temple de cette ville sainte, qui était si célèbre par toute la terre; et il est à croire qu'il fit cela par une espèce de mépris. Que Caius ait agi de la sorte, cela ne me semble nullement étrange, car les Romains, ainsi que les Grecs, regardaient les Juifs comme les ennemis de leurs dieux; mais qu'Auguste ait loué son fils là-dessus, c'est ce qui me paraît étonnant. Cependant cela est véritable, puisque Suétone dit de lui en termes exprès : Caium nepotem, quod Judæam prætervehens apud Hierosolymam non supplicasset, collaudavit (Sueton., in Augusto, c. 95). J'ai eu raison de dire que cela me paraît étonnant; car il est constant, par la lettre que le roi Agrippa écrivit depuis à Caligula, qu'Auguste lui-même, quoiqu'il ne fût jamais allé à Jérusalem, ne laissait pas d'y faire offrir des sacrifices, par le respect qu'il avait et pour ce saint temple, et pour le Dieu très-haut qu'on y adorait. Les victimes qu'on immolait pour lui tous les jours étaient un taureau et deux agneaux, qui étaient offerts en holocauste. Voici les paroles de ce roi, rapportées par Philon dans sa légation à Caius: Auguste commanda que de son revenu on offrit chaque jour en holocauste dans notre temple un taureau et deux agneaux, pour y être immolés en l'honneur du Pieu

très-haut; ce qui se pratique encore maintenant sans avoir été discontinué: Jussit Augustus e suis reditibus offerri quotidie victimas rite in holocaustum Deò altissimo vfíçự ếcỡ, quæ hodieque offeruntur, taurus videlicet et agni duo, quas Cæsar altari destinavit, quamvis sciret nullum ibi simulacrum esse, vel in occulto, vel in propatulo. Livie, femme d'Auguste, cette sage princesse, qui avait l'esprit si beau et si élevé, ìmitant la piété de ce grand prince, orna ce même temple d'un grand nombre de coupes et de vases d'or de grand prix, sans faire graver dessus la moindre figure. Mais ce qui condamne absolument l'action de Caius, est que son père Agrippa, étant monté des côtes de la Phénicie à Jérusalem, fut si touché de la majesté du temple et de la religion qu'on y observait, qu'il y alla tous les jours, pendant qu'il fut dans cette ville sainte. Il ne se lassait point de voir et d'admirer les vases et les ornements de ce sanctuaire, les diverses fonctions des prêtres, leurs vêtements sacrés, et particulièrement celui du souverain sacrificateur, qui avait tant d'éclat et de majesté. Il considérait encore avec plaisir l'ordre qu'on observait dans les sacrificcs, la piété et le respect avec lesquels on y assistait. Touché de toutes ces choses, il fit à ce lieu saint de très-riches présents et accorda beaucoup de grâces aux habitants de Jérusalem. Comment donc Auguste a-t-il pu louer le mépris de Caius pour ce sanctuaire du Dieu tout-puissant, après tout ce qu'Agrippa, son père, avait fait pour y témoigner son respect? Josèphe dit bien plus que Pailon; car il assure qu'Agrippa étant à Jérusalem, offrit dans le temple une hécatombe, c'est-à-dire un sacrifice de cent boeufs ou de cent autres victimes. Ensuite de quoi il fit un festin public à tout le peuple de cette grande ville (Joseph., lib. XVI Antiq., cap 2).

Après tout cela l'on ne peut excuser Auguste que sur la trop grande tendresse qu'il avait pour ce petitfils, qui souvent l'empêchait de corriger ce qu'il y avait en lui de défectueux et de répréhensible.

Cains César ayant vu tout ce qu'il y avait de plus considérable dans la Judée et dans la Phénicie, passa ensuite dans la Syrie, et se rendit à Antioche sur la fin de l'année. Cette ville était grande et magnifique, aussi était-elle la capitale de toute la Syrie depuis plus de deux siècles et demi, c'est-à-dire depuis qu'elle avait été la demeure du premier Séleucus, qui l'avait fait bâtir. Ce fut alors que Quintilius Varus quitta le gouvernement de Syrie, qu'il avait possédé durant l'espace de plus de cinq ans ; car il commença à l'occuper vers l'été de l'an 748 de la ville de Rome, sous le consulat de Lælius Balbus, et d'Antistius Vétus. Il y a apparence que ce fut Marcus Lollius, qui était en Syrie avec le jeune Caius, qui remplit sa place, mais qui la remplit fort indignement, car il commit mille désordres et mille rapines. Par bonheur pour les Syriens, son gouvernement ne fut pas bien long aussi fut-il trop injuste et trop violent pour pouvoir être de longue durée.

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