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⚫ flamme soudaine, ne fasse aucune distinction. Attends-toi à sentir bientôt sur ta tête la foudre, ⚫feu qui dévore! Alors, gémissant, tu apprendras ⚫ à connoître celui qui t'a créé, par celui qui peut « t'anéantir. >>

Il reste dans le poëme quelque chose d'inexplicable au premier aperçu : la république infernale veut détruire la monarchie céleste, et cependant Milton, dont l'inclination est toute républicaine, donne toujours la raison et la victoire à l'Éternel? C'est qu'ici le poëte étoit dominé par ses idées religieuses; il vouloit, comme les indépendants, une république théocratique; la liberté hiérarchique sous l'unique puissance du ciel; il avoit admis Cromwell comme lieutenant général de Dieu, protecteur de la république.

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Cromwel, our chief of men, who through a cloud
Not of war only, but detractions rude,
Guided by faith and matchless fortitude,

To peace and truth thy glorious way hast plough'd,
And on the neck of crowned fortune proud

Hast rear'd God's trophies, and his work pursued,
While Darwen stream with blood of Scots imbrued,
And Dunbar field resounds thy praises loud,
And Worcester's laureat wreath! Yet much remains
To conquer still; peace hath her victories
No less renown'd than war: new foes arise
Threatning to bind our souls with secular chains :
Help us to save free conscience from the paw
Of hireling wolves, whose Gospel is their maw.

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⚫ Cromwell, chef des hommes, qui, à travers ⚫le nuage non-seulement de la guerre, mais en⚫ core d'une destruction brutale, guidé par la « foi et une grandeur d'âme incomparable, as la⚫bouré ton glorieux chemin vers la paix et la ⚫ vérité! Toi qui sur le cou de l'orgueilleuse for<tune couronnée as planté les trophées de Dieu et continué son ouvrage, tandis que le cours du Darwen se teignoit du sang des Écossois, que le champ de Dunbar retentissoit de tes louan■ges, et des lauriers tressés à Worcester! il te * reste encore beaucoup à conquérir ! la paix a ses victoires non moins renommées que celles de la guerre. De nouveaux ennemis s'élèvent, menacant de lier nos âmes avec des chaînes séculaires: • aide-nous à sauver notre libre conscience des ongles des loups mercenaires, dont l'Évangile ⚫est leur ventre. »

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encore ému des spectacles et des passions révolutionnaires, il est resté debout après la chute de la révolution réfugiée en lui, et palpitante dans son sein. Mais le sérieux de cette révolution le domine; la gravité religieuse fait le contre-poids de ses agitations politiques. Et néanmoins, dans l'étonnement de ses illusions détruites, de ses rêves de liberté évanouis, il ne sait plus où se prendre ; il reste dans la confusion, même à l'égard de la vérité religieuse.

Il résulte d'une lecture attentive du Paradis perdu, que Milton flottoit entre mille systèmes. Dès le début de son poëme il se déclare socinien, par l'expression fameuse un plus grand homme. Il ne parle point du Saint-Esprit ; il ne parle jamais de la Trinité; il ne dit jamais que le Fils est égal au Père. Le Fils n'est point engendré de toute éternité; le poëte place même sa création après celle des anges. Milton est arien, s'il est quelque chose; il n'admet point la création proprement dite; il suppose une matière préexistante, coéternelle avec l'Esprit. La création particulière de l'univers n'est à ses yeux qu'un petit coin du chaos arrangé, et toujours prêt à retomber dans le désordre. Toutes les théories philosophiques connues du poëte ont pris plus ou moins de place dans ses croyances: tantôt c'est Platon avec les exemplaires des Idées, ou Pythagore avec l'harmonie des Sphères; tantôt c'est Épicure ou Lucrèce avec son matérialisme, comme quand il montre les animaux à moitié formés sortant de la terre. Il est fataliste lorsqu'il fait dire à l'ange rebelle que lui, Satan, naquit de lui-même dans le ciel, le cercle fatal amenant l'heure de sa création. Milton est encore panthéiste ou spinosiste, mais son panthéisme est d'une nature singulière.

Le poëte paroît d'abord supposer le panthéisme connu, mêlé de matière et d'esprit: mais si l'homme n'eût point péché, Adam, se dégageant peu à peu de la matière, seroit devenu de la nature des anges. Adam pèche pour racheter la partie spirituelle de l'homme, le Fils de Dieu, tout esprit, se matérialise ; il descend sur la terre, meurt et remonte au ciel, après avoir passé à travers la `matière. Le Christ devient ainsi le véhicule au Dans la pensée de Milton, Satan et ses anges moyen duquel la matière, mise en contact avec pouvoient être les orgueilleux presbytériens qui l'intelligence, se spiritualise. Enfin les temps étant refusoient de se soumettre aux saints, à la faction accomplis, la matière, ou le monde matériel, desquels Milton appartenoit, et dont il reconnois- cesse et va se perdre dans l'autre principe. «< Le soit l'inspiré Cromwell comme le chef en Dieu. « Fils, dit Milton, s'absorbera dans le sein du On sent dans Milton un homme tourmenté : « Père avec le reste des créatures: Dieu sera tout

"

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CHATEAUBRIAND.

TOME V.

8

« dans tout; » c'est le panthéisme spirituel succédant au panthéisme des deux principes.

• Maintenant je te visite de nouveau sur une « alle plus hardie : échappé du lac stygien.......

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je sens l'influence de ton vivifiant et souverain « flambeau. Mais toi tu ne visites point ces yeux qui roulent en vain pour trouver ton rayon << perçant et ne rencontrent aucune aurore; tant « ils sont profondément éteints dans leur orbite, « ou voilés d'un sombre tissu!

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Cependant je ne cesse d'errer aux lieux fré« quentés des Muses.... Je n'oublie pas non plus « ces deux mortels semblables à moi en malheur

Ainsi notre âme s'engloutira dans la source de la spiritualité. Qu'est-ce que cette mer de l'intelligence, dont une foible goutte renfermée dans la matière étoit assez puissante pour comprendre le mouvement des sphères, et s'enquérir de la nature de Dieu ? Qu'est-ce que l'infini ? Quoi ! toujours des mondes après des mondes ! L'imagination éprouve des vertiges en essayant de se plonger dans ces abimes, et Milton y fait naufrage. Cependant au milieu de cette confusion de principe,« (puissé-je les égaler en gloire!). L'aveugle le poëte reste biblique et chrétien il redit la chute et la rédemption. Puritain d'abord, ensuite indépendant, anabaptiste, il devient saint, quiétiste et enthousiaste : ce n'est plus qu'une voix qui chante l'Éternel. Milton n'alloit plus au temple, ne donnoit plus aucun signe extérieur de religion: dans le Paradis perdu, il déclare que la prière est le seul culte agréable à Dieu.

« THAYRIS et l'aveugle MÉONIDES, et THYRÉSIAS « et PHRINÉE, devins antiques. Nourri des pensées qui mettent en mouvement les nombres harmonieux, je suis semblable à l'oiseau qui << veille et chante dans l'obscurité : caché sous le « plus épais couvert, il soupire ses nocturnes « complaintes,

«

« Ainsi avec 'année reviennent les saisons; << mais le jour ne revient pas pour moi, ni ne a reviennent la douce approche du matin ou du « soir, la vue de la fleur du printemps, de la rose « de l'été, des troupeaux et de la face divine de « l'homme. Des nuages et des ténèbres qui durent « toujours m'environnent. Les chemins agréables « des hommes me sont coupés; le livre du beau « savoir ne me présente qu'un blanc universel où «les ouvrages de la nature sont pour moi effacés

Ce poëme, qui s'ouvre aux enfers et finit au ciel, en passant sur la terre, n'a dans le vaste désert de la création nouvelle que deux personnages humains les autres sont les habitants surnaturels de l'abîme des félicités sans fin, ou du gouffre des misères éternelles. Eh bien! le poëte a osé entrer dans cette solitude; il s'y présente comme un fils d'Adam, député de la race humaine perdue par la désobéissance; il y paroît comme l'hierophante, comme le prophète chargé d'ap-« et rayés. La sagesse à son entrée m'est entièreprendre l'histoire de la chute de l'homme et de « ment fermée ! la chanter sur la harpe consacrée aux pénitences de David. Il est si rempli de génie, de sainteté et de grandeur, que sa noble tête n'est point déplacée auprès de celle de notre premier père, en présence de Dieu et des anges. En sortant de l'abîme des ténèbres il salue cette lumière sacrée interdite à ses yeux.

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Salut, lumière sacrée, fille du ciel, née la première, ou de l'Éternel coéternel rayon! Puis« je te nommer ainsi sans blâme? Puisque DIEU « est lumière, et que de toute éternité il n'habite « jamais que dans une lumière impénétrable, il « habite donc en toi, brillante effusion d'une « brillante essence incréée ! Ou si tu préfères t'ena tendre appeler ruisseau de pur éther, qui dira «ta source? Avant le soleil, avant les cieux, tu « étois : à la voix DIEU tu couvris comme d'un « manteau le monde qui naissoit des eaux noires « et profondes; conquête faite sur le vide infini « et sans forme.

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« Brille donc davantage intérieurement, ó cé «<leste lumière ! que toutes les facultés de mon esprit soient pénétrées de tes rayons; mets des «< yeux à mon âme, écarte et disperse tous les « brouillards, afin que je puisse voir et dire les « choses invisibles à l'œil des mortels. >> Ailleurs, non moins pathétique, il s'écrie:

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« Ah! si j'obtenois de ma céleste patrone un style qui répondit à ma pensée! Elle daigne « me visiter la nuit sans que je l'implore.... « Il me reste à chanter un sujet plus élevé; il « suffira pour immortaliser mon nom, si je ne « suis venu un siècle trop tard, si la froideur du <«< climat ou des ans n'engourdit mes ailes hu« miliées. »

Quelle hauteur d'intelligence ne faut-il pas à Milton pour soutenir ce tête-à-tête avec Dieu et les prodigieux personnages qu'il a créés ! Il n'a jamais existé un génie plus sérieux et en même temps plus tendre que celui de cet homme. « Mil

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ton, dit Hume, pauvre, vieux, aveugle dans la | tiplicité des chemins, la rapidité des courriers,

disgrâce, environné de périls, écrivit le poëme | l'extension du commerce et de l'industrie, les

merveilleux qui non-seulement surpasse tous ⚫les ouvrages de ses contemporains, mais encore « tous ceux qu'il écrivit lui-même dans sa jeu⚫ nesse et au temps de sa plus haute prospérité. » On sent en effet dans ce poëme, à travers la passion des légères années, la maturité de l'âge et la gravité du malheur ce qui donne au Paradis perdu un charme extraordinaire de vieillesse et de jeunesse, d'inquiétude et de paix, de tristesse et de joie, de raison et d'amour.

QUATRIÈME PARTIE.

LITTÉRATURE

SOUS LES DEUX DERNIERS STUARTS.

HOMMES ET CHOSES DE LA RÉVOLUTION ANGLOISE
ET DE LA REVOLUTION FRANÇOISE COMPARES.

En quittant Milton, si nous passions sans transitionaux écrivains sous les deux derniers Stuarts, nous trébucherions de plus haut que les anges du Paradis perdu, qui tombèrent du ciel dans l'abime. Mais il nous reste à jeter un regard sur la révolution d'où sortit le poëte, et à la comparer

à notre révolution: en nous entretenant encore

du siècle de Milton, nous parviendrons à des-
cendre ainsi d'un mouvement insensible jusqu'au
niveau des règnes de Charles et de Jacques. On
a de la peine à se détacher de ces temps de 1649;
ils eurent de curieuses affinités avec les nôtres :
nous allons voir, par le parallèle des choses et
des hommes, que nos jours révolutionnaires con-
servent sur les jours révolutionnaires de la répu-
blique et du protectorat anglois, une incontesta-
ble, mais souvent malheureuse supériorité.
La révolution françoise a été vaincue dans les
lettres par la révolution angloise: la république,
l'empire, la restauration, n'ont rien à opposer
au chantre du Paradis perdu: sous les autres
rapports, excepté sous le rapport moral et reli-
gieux, notre révolution a laissé loin derrière elle
la révolution de nos voisins.

Quand la révolution de 1649 s'accomplit, les communications entre les peuples n'étoient point arrivées au point où elles le sont aujourd'hui; les idées et les événements d'une nation n'étoient pas rendus communs à toute la terre par la mul

publications de la presse périodique. La révolution de la Grande-Bretagne ne mit point l'Europe en feu: renfermée dans une île, elle ne porta point ses armes et ses principes aux extrémités de l'Europe; elle ne prêcha point la liberté et les droits de l'homme, le cimeterre à la main, comme Mahomet prêcha le Coran et le despotisme; elle ne fut ni obligée de repousser au dehors une invasion, ni de se défendre au dedans contre un système de terreur : l'état religieux et social n'étoit pas tel qu'aujourd'hui.

Aussi les personnages de cette révolution n'atteignirent point la hauteur des personnages de la révolution françoise, mesurée sur une bien plus grande échelle, et menée par une nation bien plus liée au destin général du monde. Est-ce Hampden ou Ludlow que l'on pourroit comparer à Mirabeau? Supérieurs en morale, ils lui étoient fort inférieurs en génie 1.

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Mêlé par les désordres et les hasards de sa des repris de justice, des ravisseurs et des avenvie aux plus grands événements et à l'existence turiers, Mirabeau, tribun de l'aristocratie, député de la démocratie, avoit du Gracchus et du Don Juan, du Catilina et du Gusman d'Alfarache,

du cardinal de Richelieu et du cardinal de Retz, du

roué de la régence et du Sauvage de la révolution; il avoit de plus du Mirabeau, famille florentine exilée, qui gardoit quelque chose de ces palais armés et de ces grands factieux célébrés par Dante; famille naturalisée françoise, où l'esprit républicain du moyen âge de l'Italie et l'esprit féodal de notre moyen âge, se trouvoient réunis dans une succession d'hommes extraordinaires.

fond de beauté particulière à sa race, produisoit « La laideur de Mirabeau, appliquée sur le une sorte de puissante figure du Jugement dernier de Michel-Ange, compatriote des Arrighetti. Les de l'orateur, avoient plutôt l'air d'escarres laissillons creusés par la petite vérole sur le visage sées par la flamme. La nature sembloit avoir moulé sa tête pour l'empire ou pour le gibet, taillé ses bras pour étreindre une nation ou pour enlever une femme. Quand il secouoit sa crinière en regardant le peuple, il l'arrêtoit; quand il levoit sa patte et montroit ses ongles, la plèbe

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mwell, tout ce qui suit est extrait, mais fort en abrégé, de mes

1 Jusques et y compris le parallèle de Buonaparte et de CroMémoires: Le commencement de chaque paragraphe est guillemeté.

couroit furieuse. Au milieu de l'effroyable désor- | à la revolution un pas immense. Ramené à Pa

dre d'une séance, je l'ai vu à la tribune, sombre, laid et immobile; il rappeloit le chaos de Milton, impassible et sans forme au centre de sa confusion.

<< Deux fois j'ai rencontré Mirabeau à un banquet une fois chez la nièce de Voltaire, madame la marquise de Villette; une autre fois au PalaisRoyal, avec des députés de l'opposition que Chapelier m'avoit fait connoître. Chapelier est allé à l'échafaud dans le même tombereau que mon frère et M. de Malesherbes.

En sortant de notre dîner on discutoit des ennemis de Mirabeau : jeune homme timide et inconnu, je me trouvois à côté de lui et n'avois pas prononcé un mot. Il me regarda en face avec ses yeux de vice et de génie, et m'appliquant sa main épatée sur l'épaule, il me dit : « Ils ne me « pardonneront jamais ma supériorité! » Je sens encore l'impression de cette main, comme si Satan m'eût touché de sa griffe de feu '.

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Trop tôt pour lui, trop tard pour elle, rabeau se vendit à la cour, et la cour l'acheta. Il risqua l'enjeu de sa renommée devant une pension et une ambassade: Cromwell fut au moment de troquer son avenir contre un titre et l'ordre de la Jarretière. Malgré sa superbe, il ne s'évaluoit pas assez haut: depuis, l'abondance du numéraire et des places a élevé le prix des consciences.

<< La tombe délia Mirabeau de ses promesses et le mit à l'abri des périls que vraisemblablement il n'auroit pu vaincre sa vie eût montré sa foiblesse dans le bien; sa mort l'a laissé en puissance de sa force dans le mal. >>

CLUBS.

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ris le 25 du même mois, il avoit été détrôné une première fois, puisque l'assemblée nationale déclara que les décrets auroient force de loi, sans qu'il fût besoin de la sanction ou de l'acceptation royale. Une haute cour de justice, devançant le tribunal révolutionnaire, étoit établie à Orléans. Dès cette époque, madame Roland demandoit la tête de la reine, en attendant que la révolution lui demandât la sienne. L'attroupement du Champ de Mars avoit eu lieu contre le décret qui suspendoit le roi de ses fonctions, au lieu de le mettre en jugement. L'acceptation de la constitution, le 14 septembre, ne calma rien. Le décret du 29 septembre, pour le règlement des sociétés populaires, ne servit qu'à les rendre plus violentes ce fut le dernier acte de l'assemblée constituante; elle se sépara le lendemain, et laissa à la France une révolution éternelle.

« L'assemblée législative, installée le 1er octobre 1791, roula dans le tourbillon qui alloit baMi-layer les vivants et les morts. Des troubles ensanglantèrent les départements à Caen, on se rassasia de massacres et l'on mangea le cœur de M. de Belzunce. Le roi opposa son veto au décret contre les émigrés, et cet acte légal augmenta l'agitation. Pétion étoit devenu maire de Paris. Les députés décrétèrent d'accusation, le 1er janvier 1792, les princes émigrés : le 2, ils fixèrent à ce 1er janvier le commencement de l'an quatrième de la liberté. Vers le 13 de février, les bonnets rouges se montrèrent dans les rues de Paris, et la municipalité fit fabriquer des piques. Le manifeste des émigrés parut le 1er mars. L'Autriche armoit. Le traité de Pilnitz et la convention entre l'empereur et le roi de Prusse étoient connus. Paris étoit divisé en sections plus ou moins hostiles les unes aux autres. Le 20 mars 1792, l'assemblée législative adopta la mécanique sépulcrale sans laquelle les jugements de la Terreur n'auroient pu s'exécuter: on l'essaya d'abord sur des morts, afin qu'elle apprit d'eux son œuvre. On peut parler de cet instrument comme d'un bourreau, puisque des personnes touchées de ses bons services, lui faisoient présent de sommes d'argent pour son entretien '.

Il y eut des factieux et des partis en Angleterre, mais qu'est-ce que les meettings des saints, des puritains, des niveleurs, des agitateurs, auprès

des clubs de notre révolution? J'ai dit ailleurs

(Génie du Christianisme) que Milton avoit placé
dans son enfer une image des perversités dont
il avoit été le témoin qu'eût-il peint s'il avoit
vu ce que je vis à Paris dans l'été de 1792,
que, revenant d'Amérique, je traversois la France
pour aller à mes destinées?

lors

« La fuite du roi, du 21 juin 17912, fit faire

Mirabeau se vantoit d'avoir la main très-belle: je ne m'y oppose pas; mais j'étois fort maigre et il étoit fort gros, et sa main me couvroit toute l'épaule.

2 Mes Mémoires,

« Le ministre Roland ( ou plutôt son étonnante femme) avoit été appelé au conseil du roi. Le 20 avril la guerre fut déclarée au roi de Hongrie et de Bohême. Marat publioit l'Ami du peuple mal

1 Moniteur, n° 198.

gré le décret dont lui, Marat, étoit frappé. Le ré- | moyens à employer: ils se traitoient de gueux, giment royal allemand et le régiment de Berchini de gitons, de filous, de voleurs, de massacreurs, désertèrent. Isnard parloit de la perfidie de la à la cacophonie des sifflets et des hurlements de cour. Gensonné et Brissot dénonçoient le comité leurs différents groupes de diables. Les métaautrichien. Une insurrection éclata à propos de phores étoient prises du matériel des meurtres, la garde du roi, qui fut licenciée. Le 28 mai empruntées des objets les plus sales, de tous les l'assemblée se forma en séances permanentes. Le genres de voirie et de fumier, ou tirées des lieux 20 juin le château des Tuileries fut forcé par les consacrés aux prostitutions des hommes et des masses des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Mar- femmes. Les gestes rendoient les images sensibles; ceau; le prétexte étoit le refus de Louis XVI de tout étoit appelé par son nom avec le cynisme des sanctionner la proscription des prêtres : le roi chiens, dans une pompe obscène et impie de jucourut risque de la vie. La patrie étoit décrétée rements et de blasphèmes : détruire et produire, en danger. On brûloit en effigie M. de Lafayette. mort et génération, on ne démêloit que cela à Les fédérés de la seconde fédération arrivoient; | travers l'argot sauvage dont les oreilles étoient les Marseillois, attirés par Danton, étoient en assourdies. Les harangueurs, à la voix grêle ou marche: ils entrèrent dans Paris le 30 juillet, tonnante, avoient d'autres interrupteurs que leurs et furent logés par Pétion aux Cordeliers. opposants les petites chouettes noires du cloître sans moines et du clocher sans cloches s'éjouissoient aux fenêtres brisées, en espoir du butin; elles interrompoient les discours. On les rappeloit d'abord à l'ordre par le tintamarre de l'impuissante sonnette; mais, ne cessant point leur criaillement, on leur tiroit des coups de fusil pour leur faire faire silence: elles tomboient palpitantes, blessées et fatidiques, au milieu du Pandœmonium. Des charpentes abattues, des bancs boiteux, des stalles démantibulées, des tronçons de saints roulés et poussés contre les murs, servoient de gradins aux spectateurs crottés, poudreux, soûls, suants, en carmagnole percée, la pique sur l'épaule, ou les bras nus croisés. »

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Auprès de la tribune nationale s'étoient élevées deux tribunes concurrentes, celle des Jacobins et celle des Cordeliers, la plus formidable alors, parce qu'elle donna des membres à la fameuse commune de Paris, et qu'elle lui fournissoit des moyens d'action.

Le club des cordeliers étoit établi dans ce monastère, dont une amende en réparation d'un meurtre avoit servi à bâtir l'église sous saint Louis, en 1259; elle devint en 1590 le repaire des plus fameux ligueurs. En 1792, les tableaux, les images sculptées ou peintes, les voiles, les rideaux du couvent des cordeliers, avoient été arrachés : la basilique écorchée ne présentoit aux yeux que ses ossements et ses arêtes. Au chevet de l'église, où le vent et la pluie entroient par les rosaces sans vitreaux, des établis de menuisier servoient de bureau au président, quand la séance se tenoit dans l'église. Sur ces établis étoient déposés des bonnets rouges dont chaque orateur se coiffoit avant de monter à la tribune. La tribune

consistoit en quatre poutrelles arc-boutées et traversées d'une planche, dans leur x, comme un échafaud. Derrière le président, avec une statue de la Liberte, on voyoit de prétendus instruments de supplice de l'ancienne justice; instruments remplacés par un seul, la machine à sang, comme les mécaniques compliquées sont remplacées par le bélier hydraulique. Le club des jacobins épurés emprunta quelques-unes de ces dispositions des cordeliers.

« Les orateurs, unis pour détruire, ne s'entendoient ni sur les chefs à choisir, ni sur les

1 Elle fut brûlée en 1580.

DANTON.

« Les scènes des cordeliers étoient dominées et souvent présidées par Danton, Hun à taille de Goth, à nez camus, à narines au vent, à méplats Goth, à nez camus, à narines au vent, à méplats couturés. On parviendroit à peine à former cet homme dans la révolution angloise, en pétrissant ensemble Bradshaw, président de la commission qui jugea Charles Ier; Ireton, le fameux gendre de Cromwel; Axtell, grand exterminateur en Irlande; Scott, qui vouloit qu'on gravât sur sa tombe: Ci-git Thomas Scott, qui condamna le feu roi à mort; Harrison, qui dit à ses juges :

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Plusieurs d'entre vous, mes juges, furent actifs avec moi dans les choses qui se sont passées en Angleterre; ce qui a été fait l'a été l'ordre du parlement, alors la supréme par « loi. »

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<< Dans la coque de son église, comme dans la carcasse des siècles, Danton organisa l'attaque du 10 août et les massacres de septembre; auteur

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