Obrázky na stránke
PDF
ePub

de la circulaire de la commune, il invita les hommes libres à répéter dans les départements l'énormité perpétrée aux Carmes et à l'Abbaye. Mais Sixte-Quint n'égala-t-il pas, pour le salut des hommes, le dévouement de Jacques Clément au mystère de l'Incarnation, de même que l'on compara Marat au Sauveur du monde? Charles IX n'écrivit-il pas aux gouverneurs des provinces d'imiter les massacres de la Saint-Barthélemy, comme Danton manda aux patriotes de copier les massacres de septembre? Les jacobins étoient des plagiaires; ils le furent encore en immolant Louis XVI à l'instar de Charles Ier. Des crimes s'étant trouvés mêlés au mouvement social de la fin du dernier siècle, quelques esprits se sont figuré mal à propos que ces crimes avoient produit les grandeurs de la révolution, dont ils n'étoient que d'affreuses inutilités : d'une belle nature souffrante, on n'a admiré que la convulsion.

I

« A l'époque où les enfants avoient pour jouets de petites guillotines à oiseaux, où un homme à bonnet rouge conduisoit les morts au cimetière ; à l'époque où l'on crioit vive l'enfer! vive la mort! où on célébroit les joyeuses orgies du sang, de l'acier et de la rage, où l'on trinquoit au néant, il falloit, en fin de compte, arriver au dernier banquet, à la dernière facétie de la douleur.

[blocks in formation]

« Il ne lui resta qu'à se montrer aussi impitoyable à sa propre mort qu'il l'avoit été à celle des autres, qu'à dresser son front plus haut que le coutelas suspendu. Du théâtre de la Terreur où ses pieds se colloient dans le sang épaissi de la veille, après avoir promené un regard de mépris sur la foule, il dit au bourreau: Tu montreras ma tête au peuple; elle en vaut la peine. » Le chef de Danton demeura aux mains de l'exécuteur, tandis que l'ombre acéphale alla se mêler aux ombres décapitées de ses victimes : c'étoit encore de l'égalité. »

[ocr errors]

'Arrêté du conseil général de la commune, 27 brum. 93.

PEUPLE DES DEUX NATIONS

A L'ÉPOQUE RÉVOLUTIONNAIRE.

PAYSANS ROYALISTES ANGLOIS.

Le peuple anglois, rangé derrière les Hampden et les Ireton, n'avoit rien de la force du peuple qui marchoit avec les Mirabeau et les Danton; de ce peuple qui fit magnifiquement son devoir à la frontière; qui rejeta les nations étrangères dans leurs propres foyers: elles les éteignirent de leur sang, au moment où elles se flattoient de s'asseoir à notre feu, et d'y boire le vin de nos treilles. Pris collectivement, le peuple est un poëte: auteur et acteur ardent de la pièce qu'il joue ou qu'on lui fait jouer, ses excès mêmes ne sont pas tant l'instinct d'une cruauté native, que le délire d'une foule enivrée de spectacles, surtout quand ils sont tragiques; chose si vraie, que dans les horreurs populaires, il y a toujours quelque chose de superflu donné au tableau et

à l'émotion.

Il y eut des guerres civiles en Angleterre : ressemblèrent-elles à celles de nos provinces de l'Ouest? Là même où notre peuple se déchiroit de ses propres mains, il étoit encore prodigieux. Mais voyons d'abord le paysan anglois.

La cause de Charles Ier et de son fils produisit de courageux défenseurs parmi les populations rustiques. Le fermier Pendrell, ou plutôt Pendrill, et ses quatre frères, se sont noblement placés dans l'histoire. Il existe un petit livre intitulé Boscobel, ou abrégé de ce qui s'est passé dans la retraite mémorable de S. M. (Charles II) après la bataille de Worcester: là se trouve consignée la fidélité des Pendrill. Charles II, parti de Worcester le 3 septembre 1651, à six heures du soir, après la perte de la bataille, arriva à quatre heures du matin à Boscobel avec le comte de Derby.« Ils frappèrent dans l'obs

[ocr errors]

curité, dit la relation, à la porte d'un certain « Pendrill, paysan catholique, et concierge de la ⚫ ferme appelée White-Ladies (les Dames Blanches), laquelle avoit été une abbaye de filles « bernardines ou de l'ordre de Citeaux, éloignée « d'un jet de pierre dans le bois. »

[ocr errors]

Le paysan reçut son jeune roi au péril de sa vie. Aussitôt, continue la relation, on coupa <«<les cheveux du roi, on lui noircit les mains; << on mit ses habits dans la terre; il en prit un « de paysan en échange. On mena le roi dans

« le bois; il se trouva seul dans un lieu inconnu,

"

[ocr errors]

foyers, ignorant ce qu'étoit devenu Charles, < une serpe à la main. Ce jour-là Charles ne vit« et s'il pourroit jamais le revoir, quand le sort personne, parce que le temps fut humide, si ce « l'offrit à sa vue. n'est la belle-sœur de Pendrill, qui lui porta « quelque chose dans le taillis pour se couvrir et aussi pour manger. Quand le roi ne pouvoit sortir de la ferme, à cause de quelque danger, on l'enfermoit dans une cache qui servoit aux < prêtres catholiques pour y dire en secret leur messe. Cette cache se trouvoit dans une espèce « de masure qui portoit le nom d'Hobbal et qu'habitoit Richard Pendrill, un des quatre frères * de Guillaume. »

[ocr errors]

g

Charles II voulut se rendre à Londres, Richard Pendrill lui servit de guide; ils furent obligés de revenir, tous les passages étant gardés. « Le « gravier qui étoit entré dans les souliers du roi • avoit ensanglanté ses pieds, et la nuit étoit si noire, qu'à deux pas de Richard il ne pouvoit l'apercevoir il le suivoit, conduit par le bruit de son haut-de-chausses, qui étoit de cuir. Ils furent de retour à Boscobel avant le jour. Richard, ayant caché le roi dans les broussailles, alla voir s'il n'y auroit pas quelques soldats dans sa maison: il n'y trouva qu'un seul homme, le colonel Carless. >>

Ici je change d'historien: un homme fut mon ami et l'ami de M. de Fontanes je ne sais si au fond de sa tombe il me saura gré de révéler la noble et pure existence qu'il a cachée. Quelques articles, qu'il ne signoit pas, ont seulement paru dans diverses feuilles publiques : parmi ces articles se trouve un examen du Boscobel. Qu'il soit permis à l'amitié de citer de courts fragments de cet examen; ils feront naître des regrets chez les hommes sensibles au mérite véritable: c'est le seul vestige des pas qu'un talent solitaire et ignoré a laissé sur le rivage en traversant la vie. Carless, dit M. Joubert, étoit un des plus illustres chefs de l'armée du roi il avoit combattu jusqu'à l'extrémité à la journée de Worcester. Quand il avoit vu tout perdu, il s'étoit intrépidement placé, avec le comte de Clives et Jacques Hamilton, à l'une des portes de la ville conquise, pour arrêter le vainqueur, et pour s'opposer à la poursuite des vaincus. Il * garda ce poste, qu'il s'étoit lui-même assigné, jusqu'à ce qu'il pût croire que le temps avoit « permis à son maître de s'éloigner et de se mettre hors de danger. Alors seulement il se retira: il alloit chercher un asile dans ses propres

4

[ocr errors]

[ocr errors]

Qu'on juge de leur joie à cette rencontre inespérée. C'est alors qu'ils habitèrent ce fameux « chêne, qui fut depuis regardé avec tant d'admiration, et dont on disoit en le montrant au « voyageur: Ce fut là le palais du roi. Ce chêne « étoit si gros et si touffu de branches, que vingt « hommes auroient pu tenir sur sa tête. Charles, « accablé de fatigue, avoit besoin de repos ; il n'o« soit s'y livrer sur cet arbre, et quitter cet arbre « étoit risquer d'être reconnu. Suspendu comme « sur un abîme, et caché parmi les rameaux, « un instant de sommeil l'en eût précipité. Car« less étoit robuste, il se chargea de veiller. Le « roi se plaça dans ses bras, s'appuya contre son sein, et, soutenu par ses mains vaillantes, s'en« dormit dans les airs.

«

[ocr errors]

« Quel spectacle touchant! Ce prince, dans a la fleur et dans la force de la jeunesse, réduit << par le sommeil à la foiblesse de l'enfance, plongé dans l'assoupissement avec l'abandon de cet « âge, tranquillement endormi, au milieu de « tant de périls, entre les bras d'un homme austère, d'un guerrier attentif et veillant sur son « roi, âgé de vingt et un ans, avec toutes les a inquiétudes d'une mère! Ainsi les lieux, les << arbres, les forêts, ont leur destin comme les « hommes.

[ocr errors]

<< Charles quitta bientôt Boscobel. Un jour, « étant dans la salle d'une hôtellerie, comme il << levoit son chapeau à la dame du logis qui pas<< soit par ce lieu, le sommeiller l'ayant attenti«vement regardé, le reconnut. Cet homme le prit à l'écart, le pria de descendre avec lui dans « la cave, et là, tenant une coupe, la remplit de vin, et but à la prospérité du roi. Je sais ce « que vous êtes, lui dit-il ensuite en mettant un « genou en terre, et vous serai fidèle jusqu'à ma

་་

« mort. »>

Ainsi a fait revivre ces scènes oubliées, l'ami que j'ai perdu : il est allé rejoindre ces hommes d'autrefois.

N'a-t-on pas cru lire un épisode de nos guerres de l'Ouest pendant la révolution? La fidélité semble être une des vertus de l'ancienne religion chrétienne : les Pendrill gardoient le culte de leurs aïeux; ils avoient une cachette où le prêtre disoit la messe; leur roi protestant y trouvoit un asile inviolable au pied du vieil autel catholi

que. Pour achever la ressemblance, la comtesse de Derby, qui défendit si vaillamment l'ile de Man, et qui fut la dernière personne des trois royaumes à se soumettre à la république, étoit de la famille de la Tremoille: le prince de Talmont fut une des dernières victimes des guerres vendéennes.

PORTRAIT D'UN VENDÉEN.

Quoi qu'il en soit des bûcherons de Boscobel, près du chéne royal maintenant tombé, les Pendrill sont-ils des paysans vendéens?

« Un jour', en 1798, à Londres, je rencontrai chez le chargé d'affaires des princes françois une foule de vendeurs de contre- révolutions. Dans un coin de cette foule étoit un homme de trente

contre ce qu'il y avoit de nouveau sang et d'espérances dans la France de la révolution. Le vainqueur sentit la grandeur du vaincu : Thurot, général des républicains, déclaroit que « les « Vendéens seroient placés dans l'histoire au pre« mier rang de peuples soldats. » Un autre général écrivoit à Merlin de Thionville : « Des troupes qui ont battu de tels François peuvent bien « se flatter de vaincre tous les autres peuples. Les légions de Probus, dans leur chanson, en disoient autant de nos pères. Buonaparte appela les combats de la Vendée « des combats de géants. » « Dans la cohue du parloir, j'étois le seul à considérer avec admiration et respect le représentant de ces anciens Jacques qui, tout en brisant le joug de leurs seigneurs, repoussoient, sous Charles V, l'invasion étrangère il me sembloit voir un enfant de ces communes du temps de Charles VII, lesquelles, avec la petite noblesse de province, reconquirent pied à pied, de sillon en sillon, le sol de la France. Il avoit l'air indifférent du Sauvage; son regard étoit grisâtre et inflexible comme une verge de fer; sa lèvre inférieure trembloit sur ses dents serrées: ses cheveux descendoient de sa tête en serpents engourdis, mais prêts à se dresser; ses bras, pendant à ses côtés, donnoient une secousse nerveuse à d'énormes poignets tailladés de coups de sabre; on l'auroit pris pour un scieur de long. Sa physionomie exprimoit une nature populaire rustique, mise, par la puissance des mœurs, au sertoires sur l'Europe. Cet homme, qui n'étoit rien, vice d'intérêts et d'idées contraires à cette naavoit assisté aux deux cents prises et reprises de ture; la fidélité naïve du vassal, la simple foi du villes, villages et redoutes, aux sept cents actions chrétien, s'y mêloient à la rude indépendance particulières et aux dix-sept batailles rangées; il plébéienne accoutumée à s'estimer et à se faire avoit combattu trois cent mille hommes de trou-justice. Le sentiment de sa liberté paroissoit n'èpes réglées, six à sept cent mille réquisitionnaires et gardes nationaux; il avoit aidé à enlever cinq

à trente-quatre ans, qu'on ne regardoit point, et qui lui-même ne faisoit attention qu'à une gravure de la mort du général Wolf. Frappé de son air, je m'enquis de sa personne. Un de mes voisins me répondit : « Ce n'est rien; c'est un pay« san vendéen porteur d'une lettre de ses chefs.» « Cet homme, qui n'étoit rien, avoit vu mourir Cathelineau, premier général de la Vendée et paysan comme lui; Bonchamp, en qui revivoit Bayard; Lescure, armé d'un cilice non à l'épreuve de la balle; d'Elbée, fusillé dans un fauteuil, ses blessures ne lui permettant pas d'embrasser la mort debout; la Rochejaquelin dont les patriotes ordonnèrent de vérifier le cadavre, afin

de rassurer la Convention au milieu de ses vic

cents pièces de canon et cent cinquante mille fu

tre en lui que la conscience de la force de sa main et de l'intrépidité de son cœur. Il ne parloit pas bâilloit comme un lion, se mettoit sur le flanc plus qu'un lion; il se grattoit comme un lion, comme un lion ennuyé, et révoit apparemment de sang et de forêts: son intelligence étoit du genre de celle de la mort. Quels hommes dans tous les partis que les François d'alors, et quelle race aujourd'hui nous sommes! Mais les républicains avoient leur principe en eux, au milieu d'eux, tandis que le principe des royalistes étoit hors de France. Les Vendéens députoient vers les exisol nivelé par elles. Tout ce qui restoit de sang lés; les géants envoyoient demander des chefs

sils; il avoit traversé les colonnes infernales, compagnies d'incendiaires commandées par des conventionnels; il s'étoit trouvé au milieu de l'océan de feu qui à trois reprises roula ses vagues sur les bois de la Vendée; enfin il avoit vu périr trois cent mille Hercules de charrue, compagnons de ses travaux, et se changer en un désert de cendres cent lieues carrées d'un pays fertile.

« Les deux Frances se rencontrèrent sur ce

et de souvenir dans la France des croisades lutta

Mes Mémoires.

aux pygmées. L'agreste messager que je contemplois avoit saisi la révolution à la gorge; il

avoit crié : « Entrez; passez derrière moi; elle | ⚫ ne vous fera aucun mal, elle ne bougera pas; « je la tiens. » Personne ne voulut passer : alors Jacques Bonhomme relâcha la révolution, et Charrette brisa son épée. »

CROMWEL. BUONAPARTE.

Délivrée des mains rustiques, la révolution tomba dans des mains guerrières: Buonaparte se jeta sur elle, et l'enchaîna.

J'ai déjà mesuré la taille de cet homme extraordinaire à celle de Washington; il reste à dire si Napoléon trouva son pendant en Angleterre, dans le Protecteur.

Cromwell eut du prêtre, du tyran et du grand homme son génie remplaça pour son pays la liberté. Il avoit trop d'énergie pour parvenir à créer une autre puissance que la sienne; il ruina les institutions qu'il rencontra ou qu'il voulut donner, comme Michel-Ange brisoit le marbre sous son ciseau.

Transporté sur le théâtre de Napoléon, le vainqueur des Irlandois et des Écossois auroit-il été le vainqueur des Autrichiens, des Prussiens et des Russes? Cromwell n'a pas créé des institutions comme Buonaparte ; il n'a pas laissé un code et une administration par qui la France et une partie de l'Europe sont encore régies. Napoléon réagit avec une force outrée, mais il avoit pour excuse la nécessité de tuer le désordre: son bras vigoureux enfonça trop avant son épée, et il perça la liberté qui se trouvoit derrière l'anar

chie.

Les peuples vaincus ont appelé Napoléon un fléau1: les fléaux de Dieu conservent quelque chose de l'éternité et de la grandeur du courroux dont ils émanent: Ossa arida... dabo vobis spiritum, et vivetis; « Ossements arides, je vous « donnerai mon souffle et vous vivrez. » Ce souffle ou cette force s'est manifesté dans Buonaparte tant qu'il a vécu. Ne dans une île pour aller mourir dans une île aux limites de trois continents; jeté au milieu des mers où Camoëns sembla le prophétiser en y plaçant le génie des tempêtes, Buonaparte ne se pouvoit remuer sur son rocher que nous n'en fussions avertis par une secousse; un

[merged small][ocr errors][merged small]

To die a prince — or live a slave
Thy choice is most ignobly brave.

« Mourir prince ou vivre esclave, ton choix est ignoblement brave. »

« C'étoit mal juger la force de l'espérance dans une âme accoutumée à la domination et brûlante d'avenir. Lord Byron crut que le dictateur des rois avoit abdiqué sa renommée avec son glaive, qu'il alloit s'éteindre oublié : lord Byron auroit dû savoir que la destinée de Napoléon étoit une muse, comme toutes les grandes destinées ; cette muse sut changer un dénoûment avorté dans une péripétie qui renouveloit et rajeunissoit son héros. La solitude de l'exil et de la tombe de Napoléon a répandu sur une mémoire éclatante une autre sorte de prestige. Alexandre ne mourut point sous les yeux de la Grèce ; il disparut dans les lointains pompeux de Babylone. Buonaparte n'est point mort sous les yeux de la France; il s'est perdu dans les fastueux horizons des zones torrides. L'homme d'une réalité si puissante s'est évaporé à la manière d'un songe; sa vie, qui appartenoit à l'histoire, s'est exhalée dans la poésie de sa mort. Il dort à jamais, comme un ermite ou comme un paria, sous un saule, dans un étroit vallon entouré de rochers escarpés, au bout d'un sentier désert. La grandeur du silence qui le presse égale l'immensité du bruit qui l'environna. Les nations sont absentes; leur foule s'est retirée, L'oiseau des tropiques, attelé, dit magnifiquement Buffon, au char du soleil, se précipite de l'astre de la lumière, et se repose seul un moment sur des cendres dont le poids a fait pencher le globe.

[ocr errors]

Buonaparte traversa l'océan pour se rendre à son dernier exil; il s'embarrassoit peu de ce pas du nouvel Adamastor à l'autre pôle se fai-beau ciel qui ravit Christophe Colomb, Vasco et

soit sentir à celui-ci. Si Napoléon, échappé aux mains de ses geôliers, se fut retiré aux ÉtatsLuis, ses regards, attachés sur l'Océan, auroient

Mes Mémoires.

Camoëns. Couché à la poupe du vaisseau, il ne s'apercevoit pas qu'au-dessus de sa tête étinceloient des constellations inconnues; leurs rayons rencontroient pour la première fois ses puissants regards. Que lui faisoient des astres qu'il ne vit

jamais de ses bivouacs, et qui n'avoient pas bril- | chées de l'honneur, soit qu'elles manquent de cet

lé sur son empire! Et néanmoins aucune étoile n'a manqué à sa destinée : la moitié du firmament éclaira son berceau; l'autre étoit réservée pour illuminer sa tombe. »

LOVELACE.

MA DÉTENTION A LA PRÉFECTURE DE POLICE. God save the king.

En revenant à travers ces incidences politiques à la littérature, reprenant celle-ci au commencement de la restauration de Charles II, sous lequel nous avons vu Milton mourir, une observation se présente d'abord.

Dans le combat que se livrèrent la royauté et le peuple, le principe républicain eut Milton pour son poëte, le principe monarchique, Lovelace pour son barde: tirez de là la conséquence de l'énergie relative des deux principes.

Enfermé dans Gat-House à Westminster, sur un mandat des communes, Lovelace composa une élégante et loyale chanson, longtemps redite par les cavaliers.

[merged small][ocr errors]

« Quand, semblable à la linote, je suis renfermé, je chante d'une voix plus perçante la mansuétude, la douceur, la majesté et la gloire de mon « roi. Quand je proclame de toute ma force « combien il est bon, combien il est grand, les « larges vents qui roulent la mer ne sont pas aussi << libres que moi.

« Des murs de pierre ne font pas une prison, « des barreaux de fer, une cage; un esprit inno<< cent et tranquille compose de tout cela une so« litude. Si je suis libre en mon amour, si dans << mon âme je suis libre, les anges seuls, qui pren« nent leur essor dans les cieux, jouissent d'une « liberté semblable à la mienne. »>

Nobles et généreux sentiments! pourtant ils n'ont point fait vivre Lovelace, tandis que l'apologiste du meurtre de Charles Ier s'est placé à côté d'Homère. D'abord, Lovelace n'avoit pas le génie de Milton; ensuite il appartenoit par sa nature à des idées mortes. La fidélité est toujours admirable; mais les récentes générations conçoivent à peine ce dévouement à un individu, cette vertu resserrée dans les limites d'un système ou d'un attachement particulier; elles sont peu tou

honneur même nécessaire pour le comprendre, soit qu'elles n'aient de sympathie qu'avec l'humanité prise dans le sens général, ce qui, du reste, justifie toutes les lâchetés. Montrose n'étoit point un personnage de Plutarque, comme l'a dit le cardinal de Retz; c'étoit un de ces hommes restés d'un siècle qui finit dans un siècle qui commence; leurs anciennes vertus sont aussi belles que les vertus nouvelles, mais elles sont stériles: plantées dans un sol épuisé, les mœurs nationales ne les fécondent plus.

Le colonel Richard Lovelace, rempli de mille séductions, et dont peut-être Richardson emprunta le nom en souvenir de ses grâces, mourut abandonné dans l'obscurité et la misère.

Sans être jeune et beau comme le colonel Lovelace, j'ai été comme lui enfermé. Les gouvernements qui depuis 1800 jusqu'à 1830 ont dominé la France avoient usé de quelque ménagement envers le serviteur des Muses : Buonaparte, que j'avois violemment attaqué dans le Mercure, eut envie de me tuer; il leva l'épée, et ne frappa pas.

Une généreuse et libérale administration toute lettrée, toute composée de poëtes, d'écrivains, de rédacteurs de feuilles publiques, n'a pas fait tant de façons avec un vieux camarade.

«Ma sourricière, un peu plus longue que large, étoit haute de 7 à 8 pieds '. La prose et les vers de mes devanciers barbouilloient les cloisons tachées et nues. Un grabat à draps sales remplissoit les trois quarts de ma loge; une planche supportée par deux tasseaux, placée à deux pieds audessus du lit contre le mur, servoit d'armoire au linge, bottes et souliers des détenus. Une chaise, une table et un petit tonneau, meuble infâme, composoient le reste de l'ameublement. Une fenêtre grillée s'ouvroit fort haut; j'étois obligé de monter sur la table pour respirer l'air et jouir de la lumière. A travers les barreaux de ma cage voleur, je n'apercevois qu'une cour sombre, étroite, des bâtiments noirs autour desquels tremblotoient des chauve-souris. J'entendois le cliquetis des clefs et des chaînes, le bruit des sergents de ville et des espions, le pas des soldats, le mouvement des armes, les cris, les rires, les chansons dévergondées des prisonniers mes voisins, les hurlements de Benoît, condamné à mort comme meurtrier de sa mère et de son obscène

Mes Mémoires.

Â

« PredošláPokračovať »