quoique sans péché, auroit-il pu éviter, plus qu'aujourd'hui, le froid cuisant et la chaleur ardente? Ces changements dans les cieux, bien que lents, en produisirent de pareils dans la mer et sur la terre tempête sidérale, vapeur, et brouillard, et exhalaison brûlante, corrompue et pestilentielle. une contenance farouche ils le regardèrent quand il passoit. Telles étoient au dehors les croissantes misè res qu'Adam entrevit déjà en partie, bien que caché dans l'ombre la plus ténébreuse et au chagrin abandonné. Mais en dedans de lui il sentoit un plus grand mal; ballotté dans une orageuse mer de passions, il cherche à soulager son cœur par ces tristes plaintes : Maintenant du septentrion de Norumbeca et des rivages de Samoïedes, forçant leur prison d'airain, armés de glace, et de neige, et de grêle, « Oh! quelle misère après quelle félicité! Estet d'orageuses rafales et de tourbillons, Borée et << ce donc la fin de ce monde glorieux et nouveau ? Cacias, et le bruyant Argeste et Thracias, dé« et moi, si récemment la gloire de cette gloire, chirent les bois et les mers bouleversées; elles le « suis-je devenu à présent maudit, de béni que sont encore par les souffles contraires du midi, « j'étois? Cachez-moi de la face de Dieu, dont la de Notus et d'Afer noircis des nuées tonnantes « vue étoit alors le comble du bonheur ! Encore de Serraliona. Au travers de ceux-ci, avec non « si c'étoit là que devoit s'arrêter l'infortune: je moins de furie, se précipitent les vents du levant l'ai méritée et je supporterois mes propres déet du couchant, Eurus et Zéphire, et leurs colmérites; mais ceci ne serviroit à rien. Tout ce latéraux bruyants, Siroc et Libecchio. Ainsi la « que je mange, ou bois, tout ce que j'engendreviolence commença dans les choses sans vie;« rai est une malédiction propagée. O parole ouïe mais la Discorde, première fille du Péché, introduisit la Mort parmi les choses irrationnelles, au moyen de la furieuse antipathie : la bête alors fit la guerre à la bête, l'oiseau à l'oiseau, le pois-« dictions sur ma tête? Qui, dans les âges à venir, son au poisson: cessant de paître l'herbe, tous les animaux vivants se dévorèrent les uns les autres et n'eurent plus de l'homme une crainte mêlée de respect, mais ils le fuirent, ou dans Of Norumbega, and the Samoid shore, And Thracias, rend the woods, and seas upturn; Of man, but fled him; or, with countenance grim, « jadis avec délices: Croissez et multipliez ! au jourd'hui mortelles à entendre! Car que puis-je « faire croître et multiplier, si ce n'est des malé " « sentant les maux par moi répandus sur lui, ne maudira pas ma tête? - Périsse notre impur «< ancêtre ! ainsi nous te remercions, Adam! — Et «< ces remerciements seront une exécration! Glar'd on him passing. These were from without " « argile, ô Créateur, de me mouler en homme? T'ai-je sollicité de me tirer des ténèbres, ou « de me placer ici dans ce délicieux jardin? « Comme ma volonté n'a pas concouru à mon « être, il seroit juste et équitable de me réduire « à ma poussière, moi désireux de résigner, de « rendre ce que j'ai reçu, incapable que je suis a d'accomplir tes conditions trop dures, desquel« les je devois tenir un bien que je n'avois pas « cherché. A la perte de ce bien, peine suffisante, pourquoi as-tu ajouté le sentiment d'un mal« heur sans fin? Inexplicable paroît ta justice.... « Mais pour dire la vérité, trop tard je con<< teste ainsi; car j'aurois dû refuser les conditions, quelconques, quand elles me furent proposées. Tu les as acceptées, Adam ; jouiras«tu du bien, et pointilleras-tu sur les condi<«<tions? Dieu t'a fait sans ta permission: quoi ! « si ton fils devient désobéissant, et si, repri« mandé par toi, il te répond: - Pourquoi m'as« tu engendré? je ne te le demandois pas. - Admettrois-tu, en mépris de toi, cette orgueilleuse " On me, as on their natural centre, light Thy terms too hard, by which I was to hold « Yet, to say truth, too late « O heure bienvenue, en quelque temps qu'elle « vienne! Pourquoi la main du Tout-Puissant << tarde-t-elle à exécuter ce que son décret fixa "pour ce jour ? Pourquoi faut-il que je survive? « Pourquoi la mort se rit-elle de moi, et pourquoi suis-je prolongé pour un tourment immortel? « Avec quel plaisir je subirois la mortalité, ma « sentence, et serois une terre insensible! avec quelle joie je me coucherois comme dans le « sein de ma mère! Là je reposerois et dormi« rois en sûreté. La terrible voix de Dieu ne tonneroit plus à mon oreille; la crainte d'un «< mal pire pour moi et pour ma postérité ne me « tourmenteroit plus par une cruelle attente.... Cependant un doute me poursuit encore : s'il ⚫ m'étoit impossible de mourir; si le pur souffle « de la vie, l'esprit de l'homme que Dieu lui ins« pira, ne pouvoit périr avec cette corporelle ar « gile? Alors dans le tombeau, ou dans quelque << autre funeste lieu, qui sait si je ne mourrai pas << d'une mort vivante? O pensée horrible, si elle But natural necessity, begot. God made thee of choice his own, and of his own Fix'd on this day? Why do I overlive? «Yet one doubt ⚫est vraie! Mais pourquoi le seroit-elle? Ce n'est que le souffle de la vie qui a péché : qui peut mourir si ce n'est ce qui eut vie et péché? le corps n'a proprement eu part ni à la vie, ni au péché tout mourra donc de moi que ceci apaise mes doutes, puisque la portée humaine ne peut savoir rien au delà. Et parce que le Seigneur de tout est infini, ⚫sa colère le seroit-elle aussi? Soit! L'homme ne l'est pas, mais il est destiné à la mort. Comment le Très-Hautexerceroit-il une colère sans fin sur ⚫ l'homme que la mort doit finir? peut-il faire la < mort immortelle? ce seroit tomber dans une ⚫ contradiction étrange, tenue pour impossible à Dieu, comme arguant de foiblesse, non de puissance. Par amour de sa colère, étendroitil le fini jusqu'à l'infini dans l'homme puni, pour satisfaire sa rigueur jamais satisfaite? Ce seroit prolonger son arrêt au delà de la poussière et de la loi de nature, par laquelle toutes les causes agissent selon la capacité des êtres ⚫ sur lesquels agit leur matière, non selon l'étendue de leur propre sphère. Mais penser que la mort n'est pas, comme je l'ai supposé, un coup qui nous prive du sentiment, mais qu'elle est, à compter de ce jour, une misère interminable que je commence à sentir à la fois en moi ⚫et hors de moi, et ainsi à perpétuité.... Hélas! ⚫ cette crainte redevient foudroyante, comme une ⚫ révolution terrible sur ma tête sans défense. Of life that sinn'd; what dies but what had life Is his wrath also? Be it, man is not so, Of weakness, not of power. Will he draw out, Not to th' extent of their own sphere. But say Comes thundering back with dreadful revolution « La mort et moi nous sommes éternels et incor porés ensemble. Je n'ai pas ma part seul : en « moi toute la postérité est maudite; beau patri« moine que je vous lègue, mes fils! Oh! que ne le puis-je consumer tout entier et ne vous en « laisser rien ! Ainsi déshérités, combien vous me « béniriez, moi aujourd'hui votre maudit! Ah! « pour la faute d'un seul homme, la race humaine <«< innocente seroit-elle condamnée, si toutefois << elle est innocente? Car, que peut-il sortir de << moi qui ne soit corrompu, d'un esprit et d'une « volonté dépravées, qui ne soit non-seulement prêt à faire, mais à vouloir faire la même chose « que moi? Comment pourroient-ils donc demeu«< rer acquittés en présence de Dieu? « «Lui, après tous ces débats, je suis forcé de << l'absoudre. Toutes mes vaines évasions, tous << mes raisonnements, à travers leurs labyrinthes << me ramènent à ma propre conviction. En pre<< mier et en dernier lieu, sur moi, sur moi seul «< comme la source et l'origine de toute corruption, tout le blâme dûment retombe puisse «< aussi sur moi retomber toute la colère! Désir «< insensé! pourrois-tu soutenir ce fardeau plus pesant que la terre à porter, beaucoup plus pe<< sant que l'univers, bien que partagé entre moi << et cette mauvaise femme! Ainsi ce que tu dé« sires et ce que tu crains détruit pareillement « toute espérance de refuge, et te déclare misérable au delà de tout exemple passé et fuOn my defenceless head. « Both death and I Me, now your curse! Ah! why should all mankind « Him, after all disputes, On me, me only, as the source and spring Of all corruption, all the blame lights due, << tur, semblable seulement à Satan en crime et | prochant de près, elle essaya de douces paroles << en destinée. O conscience! dans quel gouf- contre sa violente douleur. Mais il la repoussa «fre de craintes et d'horreurs m'as-tu poussé? d'un regard sévère. Pour en sortir je ne trouve aucun chemin, plongé d'un abîme dans un plus profond << abîme! >> " Ainsi à haute voix se lamentoit Adam dans la nuit calme, nuit qui n'étoit plus (comme avant que l'homme tombât) saine, fraîche et douce; mais accompagnée d'un air sombre avec d'humides et redoutables ténèbres, qui à la mauvaise conscience de notre premier père présentoient toutes les choses avec une double terreur. Il étoit étendu sur la terre, sur la froide terre; et il maudissoit souvent sa création; aussi souvent il accusoit la mort d'une tardive exécution, puisqu'elle avoit été dénoncée le jour même de l'offense. « Pourquoi la mort, disoit-il, ne vient-elle « pas m'achever d'un coup trois fois heureux? La « vérité manquera-t-elle de tenir sa parole? la << justice divine ne se hâtera-t-elle pas d'être juste?« « Mais la mort ne vient point à l'appel; la jus«<tice divine ne presse point son pas le plus lent pour des prières ou des cris. Bois, fontaines, « collines, vallées, bocages, par un autre écho naguère j'instruisois vos ombrages à me répoudre, à retentir au loin d'un autre chant! » « Lorsque la triste Eve, de l'endroit où elle étoit assise désolée, vit l'affliction d'Adam, s'ap And what thou fear'st, alike destroys all hope Beyond all past example and future : And horrours hast thou driven me? out of which « Why comes not death, But death comes not at call; justice divine Mends not her slowest pace for prayers or cries. O woods, O fountains, hillocks, dales, and bowers! « Loin de ma vue, toi, serpent!... ce nom te «< convient le mieux à toi liguée avec lui, toi« même aussi fausse et aussi haissable. Il ne te << manque rien que d'avoir une figure semblable « à la sienne et la couleur du serpent, pour annon« cer ta fourberie intérieure, afin de mettre à l'a« venir toutes les créatures en garde contre toi, << de crainte que cette trop céleste forme, couvrant « une fausseté infernale, ne les prenne au piége. « Sans toi j'aurois continué d'être heureux, n'eus« sent ton orgueil et ta vanité vagabonde, quand « tu étois le moins en sûreté, rejeté mon aver. <«tissement et ne se fussent irrités qu'on ne se « confiât pas en eux. Tu brûlois d'être vue du déa mon lui-même que, présomptueuse, tu croyois duper ; mais t'étant rencontrée avec le serpent, «tu as été jouée et trompée, toi par lui, moi par << toi, pour m'être confié à toi sortie de mon côté. Je te crus sage, constante, d'un esprit mûr, à l'épreuve de tous les assauts, et je ne compris a pas que tout étoit chez toi apparence plutôt que « solide vertu, que tu n'étois qu'une côte recour « bée de sa nature, plus inclinée (comme à présent je le vois) vers la partie gauche d'où elle " « fut tirée de moi. Bien si elle eût été jetée dehors, comme trouvée surnuméraire dans mon « juste nombre. To answer, and resound far other song. » Whom thus afflicted when sad Eve beheld, << Out of my sight, thou serpent! That name best Oh! pourquoi Dieu, créateur sage, qui peu- | brassant, elle implora sa paix, et fit entendre sa pla les plus hauts cieux d'esprits mâles, créa⚫t-il à la fin cette nouveauté sur la terre, ce beau ⚫ défaut de la nature? Pourquoi n'a-t-il pas tout d'un coup rempli le monde d'hommes, comme il a rempli le ciel d'anges, sans femmes ? Pour■ quoi n'a-t-il pas trouvé une autre voie de perpétuer l'espèce humaine? Ce malheur ni tous « ceux qui suivront ne seroient pas arrivés ; troubles innombrables causés sur la terre par les artifices des femmes et par l'étroit commerce avec ce sexe. Car ou l'homme ne trouvera jamais la compagne qui lui convient, mais il l'aura telle que la lui amènera quelque infortune ou quelque méprise; ou celle qu'il désiarera le plus, il l'obtiendra rarement de sa per«versité, mais il la verra obtenue par un autre moins méritant que lui; ou si elle l'aime, elle = sera retenue par ses parents; ou le choix le plus heureux se présentera trop tard à lui déjà en⚫gagé, et enchaîné par les liens du mariage à une cruelle ennemie, sa haine ou sa honte. De - là une calamité infinie se répandra sur la vie humaine et troublera la paix du foyer. » Adam n'ajouta plus rien, et se détourna d'Ève. Mais Ève non rebutée, avec des larmes qui ne cessoient de couler et les cheveux tout en dés ordre, tomba humble à ses pieds, et, les em Well if thrown out, as supernumerary «O! why did God, Of nature, and not fill the world at once Through her perverseness, but shall see her gain'd By a far worse; or, if she love, withheld By parents; or his happiest choice too late Shall meet, already link'd and wedlock-bound To a fell adversary, his hate or shame : To human life, and household peace confound. » plainte : « Ne m'abandonne pas ainsi, Adam; le ciel « est témoin de l'amour sincère et du respect que « je te porte dans mon cœur. Je t'ai offensé sans intention, malheureusement trompée ! Ta sup« pliante, je mendie la miséricorde et j'embrasse «tes genoux. Ne me prive pas de ce dont je vis, « de tes doux regards, de ton secours, de ton conseil, qui dans cette extrême détresse sont ma << seule force et mon seul appui. Délaissée de toi, « où me retirer? où subsister? tandis que nous vi«vons encore (à peine une heure rapide peut-être), << que la paix soit entre nous deux! Unis dans l'offense, unissons-nous dans l'inimitié contre « l'ennemi qui nous a été expressément désigné « par arrêt, ce cruel serpent. Sur moi n'exerce pas «ta haine pour ce malheur arrivé, sur moi déjà perdue, moi plus misérable que toi. Nous avons péché tous les deux; mais toi contre Dieu seulement, moi contre Dieu et toi. Je retournerai <«< au lieu même du jugement; là par mes cris j'im«portunerai le ciel, afin que la sentence, écartée de ta tête, tombe sur moi, l'unique cause pour « toi de toute cette misère ! moi, moi seule juste objet de la colère de Dieu!»> " Elle finit en pleurant, et son humble posture, dans laquelle elle demeura immobile jusqu'à ce His peace, and thus proceeded in her plaint : « Forsake me not thus, Adam! witness, Heaven, I beg, and clasp thy knees: bereave me not, Against a foe by doom express assign'd us, That cruel serpent: on me exercise not On me already lost, me than thyself More miserable! both have sinn'd; but thou She ended weeping; and her lowly plight, |