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<< entendu sa voix agréable, elle n'a joui de sa « douce et désirable présence, qu'un moment'. « Tout d'un coup il a pris la fuite avec une course « rapide; et, plus vite qu'un faon de biche, il « s'est élevé au-dessus des plus hautes monta« gnes'. Semblable à une épouse désolée, l'Église « ne fait que gémir ; et le chant de la tourterelle dé« laissée est dans sa bouche. Enfin elle est étrangère et comme errante sur la terre, où elle vient << recueillir les enfants de Dieu sous ses ailes; et « le monde, qui s'efforce de les lui ravir, ne cesse << de traverser son pèlerinage 4. »

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« portera publiquement le Saint-Sacrement dans « les mêmes lieux; il sera accompagné d'un noma breux clergé; de jeunes filles vêtues de blanc, « des hommes de tout âge et de toutes professions, suivront, précéderont la pompe, avec des fleurs « et des flambeaux ; ces soldats trompés, que l'on « a armés contre la religion, paroîtront dans cette « fête pour la protéger: » si un homme, disonsnous, eût tenu un pareil langage, il eût passé pour un visionnaire; et pourtant cet homme n'eût pas dit encore toute la vérité. La veille même de cette pompe, plus de dix mille chrétiens ont voulu recevoir le sceau de la foi: le digne prélat de cette grande commune a paru, comme saint Paul, au milieu d'une foule immense, qui lui demandoit un sacrement si précieux dans les temps d'épreuve, puisqu'il donne la force de confesser l'Évangile. Et ce n'est pas tout encore; des diacres ont été ordonnés, des prêtres ont été sacrés. Dira-t-on que les nouveaux pasteurs cherchent la gloire et la fortune? Où sont les bénéfices qui les atten dent, les honneurs qui peuvent les dédommager des travaux qu'exige leur ministère? Une chétive pension alimentaire, quelque presbytère à moitié ruiné, ou un réduit obscur, fruit de la charité des fidèles, voilà tout ce qui leur est promis. Il faut encore qu'ils comptent sur les calomnies, sur les dénonciations, sur les dégoûts de toute espèce: disons plus, si un homme tout-puissant retiroit sa main aujourd'hui, demain le philosophisme feroit tomber les prètres sous le glaive de la tolérance, ou rouvriroit pour eux les philanthropiques déserts de la Guiane. Ah! lorsque

Il peut le traverser, ce pélerinage, mais non pas l'empêcher de s'accomplir. Si l'auteur de cet article n'en eût pas été persuadé d'avance, il en seroit maintenant convaincu par la scène qui se passe sous ses yeux. Quelle est cette puissance extraordinaire qui promène ces cent mille chrétiens sur ces ruines? Par quel prodige la croix reparoît-elle en triomphe dans cette même cité où naguère une dérision horrible la trainoit dans la fange ou le sang? D'où renaît cette solennité proscrite? Quel chant de miséricorde a remplacé si soudainement le bruit du canon et les cris des chrétiens foudroyés? Sont-ce les pères, les mères, les frères, les sœurs, les enfants de ces victimes qui prient pour les ennemis de la foi, et que vous voyez à genoux de toutes parts, aux fenêtres de ces maisons délabrées, et sur les monceaux de pierres où le sang des martyrs fume encore? Les collines chargées de monastères, non moins religieux parce qu'ils sont déserts; ces deux fleuves où la cendre des confesseurs de Jésus-Christ a si souvent été jetée ; tous les lieux consacrés par les premiers pas du christianisme dans les Gaules; cette grotte de saint Pothin, les catacombes d'Irénée, n'ont point vu de plus grands miracles que celui qui s'opère aujourd'hui. Si en 1793, au moment des mitraillades de Lyon, lorsque l'on démolissoit les temples et que l'on massacroit les prêtres, lorsqu'on promenoit dans les rues un âne chargé des ornements sacrés, et que le bour-chent à l'appesantir. Ainsi, malgré les prédic reau, armé de sa hache, accompagnoit cette digne pompe de la Raison, si un homme eût dit alors : « Avant que dix ans se soient écoulés, << un prince de l'Église, un archevêque de Lyon,

Amicus autem sponsi, qui stat, et audit eum, gaudio gaudet propter vocem sponsi. (JOAN., III, 29.)

2 Fuge, dilecte mi, et assimilare capreæ hinnuloque cervorum super montes aromatum. (Cant. VIII, 14.)

3 Vox turturis audita est in terra nostra. ( Cant. 11, 12.)

4 Oraison funèbre de M. le Tellier.

5 L'auteur écrivoit ceci à Lyon, le jour de la Fête-Dieu.

ces enfants d'Aaron sont tombés la face contre

terre, lorsque l'archevêque, debout devant l'au tel, étendant les mains sur les lévites prosternés, a prononcé ces paroles: Accipe jugum Domini, la force de ces mots a pénétré tous les cœurs et rempli tous les yeux de larmes; ils l'ont accep té, le joug du Seigneur; ils le trouveront d'autant plus léger (onus ejus leve) que les hommes cher

tions des oracles du siècle, malgré les progrès de l'esprit humain, l'Église croît et se perpétue, selon l'oracle bien plus certain de celui qui l'a fondée : et, quels que soient les orages qui peu vent encore l'assiéger, elle triomphera des lumiè res des sophistes, comme elle a triomphé des ténèbres des Barbares.

SUR UNE NOUVELLE ÉDITION

DES

OEUVRES COMPLÈTES DE ROLLIN.

Février 1803.

à un tel degré, il ne faut plus s'étonner de voir une nation retourner à la barbarie.

Heureusement l'opinion du siècle qui commence cherche à prendre un autre cours. Dans un moment où l'on s'empresse de revenir aux anciennes méthodes d'enseignement, on apprendra sans doute avec plaisir que l'on prépare une édition des œuvres complètes de Rollin.... Cette belle entreprise est dirigée par un homme qui conserve le dépôt sacré des traditions et de l'au

Les amis des lettres observent depuis quelque temps avec un plaisir extrême que l'on commence à revenir de toutes parts à ces principes du goût et de la raison dont on n'auroit jamais dù s'écar-torité des siècles, et qui méritera dans la postéter. On abandonne peu à peu les systèmes qui rité le titre de restaurateur de l'école de Boileau nous ont fait tant de mal; on ose examiner et et de Racine. combattre les jugements incroyables prononcés par la littérature du dix-huitième siècle. La phi - | losophie, jadis trop féconde, semble à présent menacée de stérilité, tandis que la religion fait éclore chaque jour de nouveaux talents, et voit se multiplier ses disciples.

Un symptôme non moins équivoque du retour
des esprits aux idées saines, c'est la réimpression |
des livres classiques que l'ignorance et le dédain
ridicule des philosophes avoient rejetés. Rollin,
par exemple, tout chargé qu'il est des trésors de
l'antiquité, ne paroissoit plus digne de servir de
guide aux écoliers d'un siècle de lumière, qui
auroit eu grand besoin lui-même d'être renvoyé
à l'école '.... Des hommes qui avoient passé qua-
rante ans de leur vie à faire en conscience quel-
ques excellents volumes pour l'instruction de la
jeunesse ; des hommes qui, dans le silence de leur
cabinet, vivoient familièrement avec Homère,
Démosthène, Cicéron, Virgile; des hommes qui
étoient si simplement et si naturellement ver-
tueux, qu'on ne songeoit pas même à louer leurs
vertus; des hommes de cette sorte se voyoient
préférer une méchante espèce de charlatans sans
science, sans gravité, sans moeurs. Les poétiques
d'Aristote, d'Horace, de Boileau étoient rem-
placées par des poétiques pleines d'ignorance,
de mauvais goût, de principes erronés et de faux
jugements. On répétoit d'après le maître :

Boileau, correct auteur de quelques bons écrits,
Zoile de Quinault. . .

On répétoit d'après l'écolier:

Sans feu, sans verve et sans fécondité,
Boileau copie. . . . .

Quand le respect pour les modèles est perdu

On sent qu'il s'agit, ici du siècle en général, et non de quelques hommes dont les talents feront toujours la gloire de la France.

La Vie de Rollin qui doit précéder l'édition de ses oeuvres est déja imprimée, et nous l'avons sous les yeux : elle est également remarquable par la simplicité et la douce chaleur du style, et par la mesure des opinions et la justesse

des idées. Nous n'aurons qu'un regret en faisant connoître aux lecteurs quelques fragments de cette vie, c'est de ne pouvoir nommer l'auteur, jeune et modeste, à qui nous en sommes rede

vables.

Après avoir parlé de la naissance de Rollin, Dix-Huit, l'écrivain de sa vie ajoute : et de son entrée comme boursier au collége des

« Le jeune Rollin ne connut point ces mou«vements de fierté qui accompagnent des con«noissances nouvellement acquises, et qui cèdent « par la suite à une instruction plus étendue. Son bon naturel se développoit avec son intelligence, et on le trouvoit plus aimable à mesure qu'il devenoit plus savant. Il faut dire que ses pro

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grès rapides, dont on ne parloit dans le monde

qu'avec une sorte d'étonnement, redoubloient « encore la tendresse de son heureuse mère. Et sans doute elle n'étoit pas moins flattée de voir « chez elle les personnes les plus considérables « par leur rang et leur naissance, qui venoient <«< la féliciter, en lui demandant comme une faveur « que le jeune étudiant passât les jours de congé « avec leurs enfants qui étoient au même collége, et fût associé à leurs plaisirs comme à leurs « exercices....

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« Les deux fils de M. le, Pelletier, alors ministre, qui étoient de la même classe que Rollin, avoient trouvé un redoutable concurrent <«< dans ce nouveau venu. M. le Pelletier, qui <«< connoissoit tous les avantages de l'émulation, « cherchoit tous les moyens de l'entretenir. Quand « le jeune boursier étoit empereur, ce qui lui

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« qu'il avoit coutume de donner à ses fils: ceux« ci aimoient tendrement leur rival. Les jours de congé, ils l'amenoient chez eux dans leur carle conduisoient chez sa mère s'il le dé<< siroit, et l'attendoient avec complaisance tout << le temps qu'il vouloit y rester.

« rosse,

<< arrivoit souvent, il lui envoyoit la gratification | de plus d'une sorte: ce Matthieu Molé, qui fit entreprendre à Duchesne la Collection des historiens de France, exposa plusieurs fois sa vie dans les troubles de la Fronde, comme son père Édouard Molé avoit bravé les fureurs de la Ligue pour assurer la couronne à Henri IV. C'étoit ce même Matthieu, plus brave que Gustave et M. le Prince1, qui répondoit, lorsqu'on vouloit l'empêcher de s'exposer à la rage du peuple: Six pieds de terre feront toujours raison au plus grand « mande sévère, comme d'un manque de bien-homme du monde. C'est agir comme le vieux

«

« Un jour elle remarqua que son fils, en mon

<< tant en voiture, prenoit sans façon la première place. Elle commençoit à lui en faire une répri

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<< séance et de politesse; mais le précepteur, qui | Caton, et parler comme le vieux Corneille.

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« étoit là, l'interrompit avec douceur, et lui représenta que M. le Pelletier avoit réglé qu'on « se rangeroit toujours dans le carrosse suivant « l'ordre de la classe. Rollin conserva toute sa « vie, pour le protecteur de sa jeunesse, un respect tendre, et une reconnoissance qu'il ne « croyoit jamais pouvoir acquitter. Il fut l'ami « constant de ses fils, surveilla l'éducation des << fils de ses compagnons d'étude, et s'attacha de « plus en plus à cette respectable famille, par ce << sentiment aimable qui se nourrit des souvenirs de l'enfance, et s'étend à tout le reste de la vie. « Tel étoit le fruit de cette éducation vraiment << sociale. Les jeunes gens, au sortir des études, << se dispersoient dans le monde, suivant leurs « différentes conditions: mais on y rencontroit un << ami de collége avec la joie que l'on éprouve au << retour d'un voyageur chéri et longtemps atten« du. On se rappeloit la foi jurée, les plaisirs de << l'enfance; et souvent ces douces amitiés de collége sont devenues un patronage honorable auquel la France a dû la plupart de ses grands « hommes. >>

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Rollin étoit un homme rare qui avoit presque du génie à force de science, de candeur et de bonté. C'e n'est que parmi les titres obscurs des services rendus à l'enfance que l'on peut trouver les documents de sa gloire. C'est là que l'auteur de sa vie a cherché les traits dont il a composé un tableau plein de naïveté et de douceur : il se plaît à nous montrer Rollin chargé de l'éducation de la jeunesse. Le tendre respect que le nouveau recteur conservoit pour ses anciens maîtres, son amour et ses sollicitudes pour les enfants qui lui étoient confiés, tout cela est peint avec beaucoup de charme, et toujours avec le ton convenable au sujet. Quand l'auteur parle ensuite des ouvrages de Rollin, et qu'il entre dans les discussions importantes, il montre un esprit nourri de bonnes doctrines, et une tête capable de concevoir des idées fortes et sérieuses. Nous en citerons un exemple.

Dans un passage où il s'agit des principes de l'éducation, et des reproches que l'on a faits à l'ancienne manière d'enseigner, l'auteur dit :

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« On a trouvé des inconvénients plus graves Il nous semble que ce passage est bien tou- << dans l'enseignement de l'Université, qui, rachant on y entend l'accent d'un cœur françois ; << menant sans cesse, a-t-on dit, sous les regards on y trouve quelque chose de grave et de ten- « du jeune homme les héros et les vertus des dre, comme les vieux magistrats et les jeunes « républiques anciennes, l'entretient dans des amis de collége dont l'auteur rappelle le souve- << maximes et des pensées contraires à l'ordre sonir. Il est remarquable que ce n'étoit qu'en France, «cial. Quelques-uns même ont vu sortir des coldans ce pays célèbre par la frivolité de ses ha- léges les doctrines d'anarchie et de révolution. bitants, que l'on voyoit ces augustes familles « Assurément tout est mortel à ceux qui sont déjà distinguées par la sévérité de leurs mœurs. Les malades, et cette remarque accuse le temps ou Harlay, les de Thou, les Lamoignon, les Dagues-« elle a été faite. Cependant, quoiqu'on puisse la seau, formoient un contraste singulier avec le « justifier par des exemples particuliers, elle ne caractère général de la nation. Leurs habitudes « peut être une objection contre l'enseignement sérieuses, leurs vertus intègres, leurs opinions « de l'Université que lorsqu'on séparera les objets incorruptibles, étoient comme une expiation qu'ils qu'elle y réunissoit toujours : je veux dire les offroient sans cesse pour l'inconstance et la légè- exemples d'héroïsme, et les maximes propres à reté du peuple. Ils rendoient à l'État des services

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Mémoires du cardinal DE RETZ.

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clarté d'une lumière plus sûre et plus péné-« cherchent surtout la ressemblance dans les traits

trante, et il montre tout ce qui lui a manqué, et par l'excès et par l'imperfection de ses ⚫ vertus.

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C'est donc toujours avec ce divin tempérament que l'on doit proposer au jeune homme des vertus sans convenance, et des maximes enivrantes et trop fortes pour sa raison; mais aussi l'on ne craint plus d'échauffer son cœur ⚫ lorsqu'on est sûr de la règle qui doit le diriger. Alors l'admiration des héros de l'antiquité est « aussi favorable à la vertu que les chefs-d'œuvre ⚫ où ils sont célébrés sont féconds pour le talent, ⚫ et toute l'éducation s'accomplit. Cette instrucation classique contribue à l'ornement de toute la vie, par une multitude de maximes et de comparaisons qui se mêlent aux diverses situations de l'homme public, et répandent sur les « actions les plus communes une sorte de dignité qui prépare l'élégance des mœurs. J'aime à croire qu'au milieu de l'étude et des travaux

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cius et des Caton, qui avoient été l'objet de l'enthousiasme de leur jeunesse. En un mot, ces « instincts vertueux qui défendirent les républi«ques anciennes contre le vice des institutions « et des lois sont comme une excellente nature

« que la religion achève. Non-seulement elle en

a

« du visage, et particulièrement dans les yeux, << où éclatent les signes les plus sensibles des « mœurs et du naturel, il faut qu'on me permette « de rechercher dans l'âme les principaux traits, « afin qu'en les rassemblant je fasse de la vie des grands hommes un portrait vivant et animé 1. » On nous saura gré de citer en entier le mouvement oratoire par lequel l'auteur termine son ouvrage :

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« Louis XVI, frappé d'une renommée si touchante, a acquitté ce que nous devions à la «< mémoire de Rollin: il a élevé son nom jusqu'aux « noms les plus fameux, en ordonnant qu'on « lui dressât une statue au milieu des Bossuet et « des Turenne. Le vénérable pasteur de la jeunesse « s'avance vers la postérité au milieu des grands « hommes qui ont illustré le beau siècle de la « France. S'il ne les a point égalés il nous apprend « à les admirer. Comme eux, il eut dans ses écrits « le naturel des anciens; dans sa conduite, les « vertus qui conservent les forces de l'esprit et

« deviennent même de véritables talents; comme eux, il grandira toujours, et la reconnoissance « publique ajoutera sans cesse à sa gloire.

«En racontant les travaux et les simples évé« nements qui remplirent la vie de Rollin, nous << nous sommes quelquefois reporté à une époque

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«< flexion douloureuse s'est mêlée à nos récits. « réprime l'énergie dangereuse et les ennoblit « Nous avons parlé des études françoises, et il par des motifs plus purs, mais elle les élève, mais elle les élève,« n'y a pas longtemps qu'elles étoient interrom« par la règle même qu'elle leur impose, à une « pues. Nous avons retracé le gouvernement et la hauteur encore plus héroïque qui assure la préé-« discipline des colléges où s'élevoit une jeunesse « heureuse loin des séductions de la société, et la

«minence des caractères que nous admirons dans << nos histoires modernes. >>

On peut appliquer ici pour jugement à l'auteur la comparaison qui suit immédiatement ce moraussi bien pensé que bien écrit :

ceau,

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« Qui pourroit redire les plaintes et les repro«< ches qui s'élèvent tous les jours contre ces nou« veaux venus? Hélas! ils croissent presque à « l'insu des pères, au milieu des discordes civiles, << et ils sont absous par les malheurs publics, car « tout leur a manqué, l'instruction, les remontran«ces, les bons exemples, et ces douceurs de la mai« son paternelle qui disposent les enfants aux sen<< timents vertueux, et leur mettent sur les lèvres « un sourire qui ne s'efface plus.... Cependant ils « n'en témoignent aucun regret; ils ne rejettent « point en arrière un regard de tristesse. On les «< voit errer dans les places publiques, et rem« plir les théâtres comme s'ils n'avoient qu'à se reposer des travaux d'une longue vie. Les rui« nes les environnent, et ils passent devant elles « sans éprouver seulement la curiosité ordinaire « à un voyageur: il ont déjà oublié ces temps « d'une éternelle mémoire!...

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« Génération vraiment nouvelle, et qui sera toujours distincte et marquée d'un caractère singulier qui la sépare des temps anciens et « de temps à venir! Elle ne transmettra point ces « traditions qui sont l'honneur des familles, ni ces bienséances qui défendent les mœurs publiques, ni ces usages qui sont les liens de la so« ciété. Elle marche vers un terme inconnu, en« traînant avec elle nos souvenirs, nos bienséances, « nos mœurs, nos usages: les vieillards ont gémi de se trouver plus étrangers à mesure que « leurs enfants se multiplioient sur la terre....

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«

«

vie, il ressent toujours au dedans de lui-même << quelque chose d'imparfait qui ne s'achèvera pas. « Ses goûts et ses pensées, par un contraste affligeant, appartiennent à la fois à tous les âges, « mais sans rappeler le charme de la jeunesse ni « la gravité de l'âge mûr. Sa vie entière se présente « comme une de ces années orageuses et frappées « de stérilité, où l'on diroit que le cours des sai« sons et l'ordre de la nature sont intervertis. Dans «< cette confusion, les facultés les plus heureuses << se sont tournées contre elles-mêmes. La jeu« nesse a été en proie à des tristesses extraordinaires, aux fausses douceurs d'une imagination « bizarre et emportée, au mépris superbe de la « vie, à l'indifférence qui naît du désespoir; une grande maladie s'est manifestée sous mille for<< mes diverses. Ceux même qui ont été assez « heureux pour échapper à cette contagion des es<< prits ont attesté toute la violence qu'ils ont souf«ferte. Ils ont franchi brusquement toutes les « époques du premier âge, et se sont assis parmi « les anciens, qu'ils ont étonnés par une maturité « précoce, mais sans y trouver ce qui avoit man« qué à leur jeunesse.

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<< Peut-être en est-il de ces derniers qui visi« tent quelquefois ces asiles de la science dont «< ils ont été exilés. Alors, revoyant ces vastes « enceintes qui retentissent de nouveau du bruit des jeux et des triomphes classiques, ces hau<< tes murailles, où on lit toujours les noms à demi « effacés de quelques grands hommes de la France, <«< ils sentent revivre en eux des regrets amers, « et des désirs plus douloureux que les regrets. Ils demandent encore cette éducation qui porte des « fruits pour toute la vie, et qui ne se remplace « point. Ils demandent tant de plaisirs innocents « qu'ils n'ont pas connus; ils demandent jusqu'à a ces peines et à ces chagrins de l'enfance qui « laissent des souvenirs si tendres et si sensibles. « Mais c'est inutilement voilà qu'après avoir «< consumé bientôt quinze années, cette grande portion de la vie humaine, dans le silence et pourtant au milieu des révolutions des empires, «< ils n'ont survécu aux compagnons de leur âge, <«< et pour ainsi dire à eux-mêmes, que pour tou«< cher à ce terme où l'on ne fait plus que des « pertes sans retour. Ainsi donc ils seront tou« jours livrés à un gémissement secret et incon « solable, et désormais ils resteront exposés aux regards d'une autre génération qui les presse, «< comme des sentinelles qui lui crieront de se

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