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Thébaide, il adressoit ces vers à l'auteur de [ nir, par des combinaisons inexplicables, à des Phèdre :

Que peut contre tes vers une ignorance vaine?
Le Parnasse françois, ennobli par ta veine,
Contre tous ces complots saura te maintenir,
Et soulever pour toi l'équitable avenir.
Eh! qui, voyant un jour la douleur vertueuse
De Phèdre, malgré soi perfide, incestueuse,
D'un si noble travail justement étonné,
Ne bénira d'abord le siècle fortuné

Qui, rendu plus fameux par les illustres veilles,
Vit naître sous ta main ces pompeuses merveilles?

Bossuet fut, dans sa jeunesse, ainsi que nous l'avons déjà dit, un des beaux esprits de l'hôtel de Rambouillet. Si la critique, trop choquée de quelques phrases bizarres, eût harcelé un homme aussi ardent que l'évêque de Meaux, croit-on qu'elle l'eût corrigé? Non, sans doute. Mais ce génie impétueux, ne trouvant d'abord que bien veillance et admiration, se soumit comme de lui

même à cette raison qu'amènent les années. Il s'épura par degrés, et ne tarda pas à paroître dans toute sa magnificence: semblable à un fleuve qui, en s'éloignant de sa source, dépose peu à peu le limon qui troubloit son eau, et devient aussi limpide vers le milieu de son cours qu'il est profond et majestueux.

Ceci n'est point une simple figure de rhétorique, c'est un fait, puisque les endroits les plus vicieux des Sermons de Bossuet sont devenus

les morceaux les plus parfaits des Oraisons funèbres. Si Bossuet ne nous étoit connu aujourd'hui que par les Sermons, serions-nous assez justes pour y remarquer les traits que nous admirons dans les Oraisons funèbres? Le mal ne nous empêcheroit-il pas de voir le bien, et ne confondrions-nous pas dans nos dégoûts les défauts et les beautés?

qualités éminentes. « Quand je vois, dit Montai«gne, ces braves formes de s'expliquer, si vi« ves, si profondes, je ne dis pas que c'est bien dire, je dis que c'est bien penser. » Rubens, pressé par la critique, voulut, dans quelquesuns de ses tableaux, dessiner plus savamment : que lui arriva-t-il ? Une chose remarquable : il n'atteignit pas la pureté du dessein, et il perdit l'éclat de la couleur.

Ainsi donc, indulgence ou critique circonspecte pour les vrais talents aussitôt qu'ils sont recondommagement des chagrins semés dans la carnus. Cette indulgence est d'ailleurs un foible dérière des lettres. Un auteur ne jouit pas plutôt de cette renommée, objet de tous ses désirs, qu'elle lui paroît aussi vide qu'elle l'est en effet pour le bonheur de la vie. Pourroit-elle le consoler du repos qu'elle lui en'ève? Parviendra-t-il même jamais à savoir si cette renommée tient à l'esprit de parti, à des circonstances particulières, ou si c'est une véritable gloire fondée sur des ti tres réels? Tant de méchants livres ont eu une vogue si prodigieuse! quel prix peut-on attacher à une célébrité que l'on partage souvent avec une foule d'hommes médiocres ou déshonorés? Joignez à cela les peines secrètes dont les Muses se plaisent à affliger ceux qui se vouent à leur culte, la perte des loisirs, le dérangement de la santé. Qui voudroit se charger de tant de maux pour les avantages incertains d'une réputation qu'on n'est pas sûr d'obtenir, qu'on vous contestera du moins pendant votre vie, et que la pos térité ne confirmera peut-être pas après votre mort? car, quel que soit l'éclat d'un succès, il ne peut jamais vous donner la certitude de votre talent; il n'y a que la durée de ce succès qui vous révèle ce que vous êtes. Mais, autre misère: le temps, qui fait vivre l'ouvrage, tue l'auteur, et l'on meurt avant de savoir qu'on est immortel.

Une critique trop rigoureuse peut encore nuire d'une autre manière à un écrivain original. Il y a des défauts qui sont inhérents à des beautés, Si l'on croyoit que nous voulons rabaisser, par et qui forment, pour ainsi dire, la nature et la ces réflexions, la gloire des lettres, on se trom constitution de certains esprits. Vous obstinez-peroit : c'est la première de toutes les gloires. vous à faire disparoître les uns, vous détruirez les autres. Otez à la Fontaine ses incorrections, il perdra une partie de sa naïveté; rendez le style de Corneille moins familier, il deviendra moins sublime. Cela ne veut pas dire qu'il faille être incorrect et sans élégance; cela veut dire que, dans les talents du premier ordre, l'incorrection, la familiarité ou tout autre défaut, peuvent te

Disposer de l'opinion publique, maîtriser les esprits, remuer les âmes, étendre ce pouvoir à tous les lieux, à tous les temps, il n'y a point d'empire comparable à celui-là. On peut braver, quand on le possède, toutes les infortunes de la vie. « Épictète, dit l'épitaphe grecque, boiteux, « esclave, pauvre comme Irus, étoit pourtant le « favori des dieux! » Mais combien compte-t-on

de ces génies qui naissent rois et à qui la puissance appartient par droit de nature? Sur un nombre immense d'écrivains, si quelques-uns seulement sont favorisés du ciel, faut-il que les autres poursuivient une carrière où, inutiles à la société, ils ne rencontrent que misère, oubli, ridicule; une carrière où l'amour-propre blessé peut les rendre les plus malheureux et quelquefois les plus méchants des hommes? La chance d'un bon billet sur mille mauvais est trop désavantageuse pour la tenter :

Soyons plutôt maçon.

Il nous est arrivé d'annoncer l'avenir politique de la France avec assez de justesse; il nous est plus facile encore de prédire son avenir littéraire. L'espèce d'impuissance dont nous sommes frappés aujourd'hui par le système stérile de notre administration est un accident qui passera avec ce système; mais il restera toujours dans nos lettres l'infirmité de la vieillesse et le dépérissement de la caducité.

Ce n'est donc pas inutilement pour sa renommée, mais inutilement pour nous, que M. Dussault est venu dans ces derniers temps, avec MM. de Fontanes et de la Harpe, éclairer notre littérature; il n'a pu jeter de lumière que sur

Nous l'avouerons : nous nous sommes arrêté, avec un plaisir qui n'étoit pas sans un mélange de quelque peine, aux Annales littéraires; nous nous sommes souvenu des temps où nous combattions nous-même en faveur de la monarchie avec les seules armes qui nous étoient alors permises, où nous cherchions à réveiller la religion dans le cœur des François, pour leur faire jeter un regard sur le passé, pour les disposer à s'attendrir sur les cendres de leurs pères, pour leur rappeler qu'il existoit encore des rejetons de ces rois sous lesquels la France avoit joui de tant de bonheur et de tant de gloire, L'auteurdes Annales annonça ces ouvrages, fruit du malheur plutôt que du talent. En relisant ce qu'il vouloit bien dire de nous, en nous reportant à ces jours de jeunesse, d'amitié et d'étude, nous nous surprenons à les regretter; nous en étions alors à l'espérance.

SUR UN OUVRAGE

DE

M. LE CTE DE BOISSY-D'ANGLAS,

INTITULÉ :

des ruines. Après le siècle d'Auguste, Quintilien ESSAI SUR LA VIE, LES ÉCRITS ET LES OPINIONS

denna des leçons de goût à ceux qui ne pouvoient plus en profiter; on vit aussi, sous Adrien, les arts reproduire un moment les plus beaux temps de la Grèce :

Quelquefois un peu de verdure

Rit sur la glace de nos champs.
Elle console la nature,

Mais elle sèche en peu de temps.

Nous irons nous enfonçant de plus en plus dans la barbarie. Tous les genres sont épuisés : les vers, on ne les aime plus; les chefs-d'œuvre de la scène nous ennuieront bientôt; et, comme tous les peuples dégénérés, nous finirons par préférer des pantomimes et des combats de bêtes aux spectacles immortalisés par le génie de Corneille, de Racine et de Voltaire. Nous avons vu à Athènes la hutte d'un santon sur le haut d'une corniche du temple de Jupiter Olympien; à Jérusalem, le toit d'un chevrier parmi les ruines du temple de Salomon ; à Alexandrie, la tente d'un bédouin au pied de la colonne de Pompée; à Carthage, un cimetière des Maures dans les débris du palais de Didon ainsi finissent les empires.

DE M. DE MALESHERBES.

Mars 1819.

L'esprit philosophique qui a dénaturé notre littérature a surtout corrompu notre histoire : prenant les mœurs pour des préjugés, il a substitué des maximes à des peintures, une raison absolue à cette raison relative qui sort de la nature des choses, et qui forme le génie des siècles.

Ce même esprit, en examinant les hommes, ne les mesure que d'après ses règles : il les juge moins d'après leurs actions que d'après leurs opinions. Il y a tels personnages auxquels il ne pardonne leurs vertus qu'en considération de leurs erreurs.

Ces réflexions ne sont point applicables à l'auteur de l'Essai sur la vie de M. de Malesherbes. M. le comte de Boissy-d'Anglas se connoît en courage et en sentiments généreux. Il seroit pourtant à désirer qu'il eût commencé son ouvrage par un morceau moins propre à réveiller l'esprit

de parti. Pourquoi tous ces détails sur les souf- | discovery) qui frappent encore aujourd'hui les

frances des protestants? Si c'est une instruction parternelle que l'auteur adresse à ses enfants, elle est trop longue; si c'est un traité historique, il est trop court. L'histoire veut surtout qu'on ne dissimule rien, et qu'une partie du tableau ne soit pas plongée dans l'ombre, tandis que l'autre reçoit exclusivement la lumière. M. le comte de Boissy-d'Anglas gémit sur les proscriptions des calvinistes et les lois cruelles dont ils furent frappés. Il n'y a pas un honnête homme qui ne partage son indignation; mais pourquoi ne dit-il pas que les protestants de Nîmes avoient égorgé deux fois les catholiques, une première fois en 1567, et une seconde fois en 1569, avant que les catholiques eussent, en 1572, massacré les protestants1? Il s'élève contre l'Apologie de Louis XIV sur la révocation de l'édit de Nantes: mais cette Apologie est pourtant un excellent morceau de critique historique. Si l'abbé de Caveyrac soutient que la journée de la Saint-Barthélemy fut moins sanglante qu'on ne l'a cru, c'est qu'heureusement ce fait est prouvé. Lorsque la bibliothèque du Vatican étoit à Paris (trésor inappréciable auquel presque personne ne songeoit), j'ai fait faire des recherches; j'ai trouvé sur la journée de la Saint-Barthélemy les documents les plus précieux. Si la vérité doit se rencontrer quelque part, c'est sans doute dans des lettres écrites en chiffres aux souverains pontifes, et qui étoient condamnées à un secret éternel. Il résulte positivement de ces lettres que la SaintBarthélemy ne fut point préméditée, qu'elle ne fut que la conséquence soudaine de la blessure de l'amiral, et qu'elle n'enveloppa qu'un nombre de victimes, toujours beaucoup trop grand sans doute, mais au-dessous des supputations de quelques historiens passionnés. M. le comte de Boissyd'Anglas montre partout une sincère horreur pour les excès révolutionnaires cependant, si son opinion étoit que l'on a exagéré le nombre des personnes sacrifiées, ne seroit-il pas souverainement injuste de dire qu'il fait l'apologie du meurtre et du crime?

Quant aux lois qui pesoient sur les protestants en France, étoient-elles plus rigoureuses que ces fameuses lois des découvertes (laws of

Les protestants de Nimes avoient égorgé deux fois les catholiques, et, à la saint Barthélemy, les catholiques de la même ville refusèrent de massacrer les protestants. Je pourrois en dire davantage si je voulois parler du commencement de la révolution.

catholiques en Irlande? Par ces lois, les catholiques sont entièrement désarmés. Il sont incapables d'acquérir des terres. Si un enfant abjure la religion catholique, il hérite de tout le bien, quoiqu'il soit le plus jeune. Si le fils abjure sa religion, le père n'a aucun pouvoir sur son propre bien, mais il perçoit une pension sur ce bien, qui passe à son fils. Aucun catholique ne peut faire un bail pour plus de trente et un ans. Les prètres qui célébreront la messe seront déportés, et s'ils reviennent, pendus. Si un catholique possède un cheval valant plus de cinq livres sterling, il sera confisqué au profit du dénonciateur.

Que conclure de ces déplorables exemples? Que partout on abuse de la force; que partout catholiques et protestants, lorsque les passions les animent, peuvent se servir des motifs les plus sacrés pour les actes les plus impies; qu'enfin la religion et la philosophie ne sont pas toujours pratiquées par des saints et par des sages.

Au reste, ne jugeons point les hommes sur ce qu'ils ont dit, mais d'après ce qu'ils ont fait : voyons M. de Malesherbes sortir de sa retraite à l'âge de soixante-douze ans, pour venir offrir à l'ancien maître dont il étoit presque oublié l'autorité de ses cheveux blancs et le vénérable appui de sa vieillesse. « Lorsque la pompe et «la splendeur de Versailles, dit éloquemment « M. de Boissy-d'Anglas, étoient remplacées par «<l'obscurité de la tour du Temple, M. de Ma«lesherbes put devenir, pour la troisième fois, le conseil de celui qui étoit sans couronne et « dans les fers, de celui qui ne pouvoit offrir à « personne que la gloire de finir ses jours sur le même échafaud que lui. »

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M. de Malesherbes écrivit au président de la Convention, pour lui proposer de défendre le roi. « Je ne vous demande point, lui dit-il dans sa lettre, de faire part à la Convention de mon offre, car je suis bien éloigné de me croire un « personnage assez important pour qu'elle s'oc<< cupe de moi; mais j'ai été appelé deux fois au «< conseil de celui qui fut mon maître dans le temps où cette fonction étoit ambitionnée de « tout le monde : je lui dois le même service lors que c'est une fonction que bien des gens trouvent « dangereuse. »

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Plutarque ne nous a rien transmis d'un hé roïsme plus simple. Dans les âmes faites pour la vertu, la vertu est une action naturelle qui s'ac

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complit sans effort, comme les autres mouvements | bientôt l'y chercher. Il fut enfermé dans la pri

de la vie.

Louis XVI parut à la barre de la Convention le 26 décembre. M. Desèze termina son plaidoyer par ces mots, qui sont restés dans la mémoire des hommes: « Louis vint au-devant des désirs du peuple par des sacrifices personnels sans nombre, et cependant c'est au nom de ce même peuple qu'on demande aujourd'hui... Citoyens, ⚫ je n'achève pas ; je m'arrête devant l'histoire. »> Ils ne se sont pas arrêtés devant l'histoire! ils l'ont bravée ! Auroient-ils pressenti qu'elle leur réservoit la miséricorde de Louis XVIII?

M. de Malesherbes vint à la Convention avec MM. Desèze et Tronchet, pour appuyer la demande d'un sursis, d'un appel au peuple, et pour réclamer contre la manière dont les votes avoient été comptés. Il ne put prononcer que quelques paroles entrecoupées de sanglots. I avoit sollicité le sacrifice : tout le poids du sacrifice retomba sur lui. Il fut chargé d'annoncer au roi l'arrêt fatal. Écoutons-le lui-même raconter cette scène dans la prison à M. Hue : « Je vois encore le roi (c'est M. de Malesherbes qui parle); il avoit le dos tourné vers la porte, les coudes appuyés sur une table, et le visage cou« vert de sa main. Au bruit que je fis en entrant il se leva: Depuis deux heures, me dit-il, je recherche en ma mémoire si, durant le cours de mon règne, j'ai donné volontairement à mes sujets quelque sujet de plainte contre moi; je vous le jure en toute sincérité, je ne mérite de la part des François aucun reproche. M. de Malesherbes tomba aux pieds de son maitre, et voulut lui annoncer son sort. « Il étoit étouffé par ses sanglots, dit Cléry, et il fut plusieurs moments sans pouvoir parler. Le roi le releva, et le serra contre son sein avec affection. M. de Malesherbes lui apprit le décret de condamnation à la mort; le roi ne fit aucun ⚫ mouvement qui annonçât de la surprise ou de l'émotion il ne parut affecté que de la dou

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leur de ce respectable vieillard, et chercha même à le consoler. »

Les hommes vulgaires tombent et ne se relè

son de Port-Royal avec presque tous les siens '. Son vertueux gendre, M. de Rosambo, périt le premier. Ensuite le plus intègre des magistrats parut lui-même devant les plus iniques des juges, avec sa fille, madame de Rosambo, sa petite-fille, madame de Chateaubriand, femme de mon frère aîné, qui eut aussi les mêmes juges et le même échafaud qu'on me pardonne cette vanité de famille! M. de Malesherbes est qualifié, dans son interrogatoire, de défenseur officieux de celui qui a régné sous le nom de Louis XVI. On lui demanda si quelqu'un s'étoit chargé de plaider sa cause; il répondit par un seul mot : « Non. » Le tribunal lui nomma d'office un défenseur, appelé Duchâteau. Ainsi, celui qui avoit défendu volontairement Louis XVI ne trouva point de défenseur volontaire. Dans ces temps, où tout innocent étoit coupable, les avocats reculèrent devant cinquante années de vertus, comme dans les jours de justice ils refusent quelquefois de prêter leur ministère à de trop grands crimes. M. de Boissy-d'Anglas dit que l'épouvante avoit glacé tous les cœurs : tous sans doute, excepté ceux des victimes.

L'homme de bien reçut son arrêt avec le calme le plus profond : on eût dit qu'il ne l'avoit pas entendu, tant il y parut insensible; mais il s'attendrit sur ses enfants, que frappoit la même sentence. Il sortit de la prison pour aller à la mort, appuyé sur sa fille, madame de Rosambo, qui étoit elle-même suivie de sa fille et de son gendre. Au moment où ce lugubre cortége alloit franchir le guichet, madame de Rosambo apercut mademoiselle de Sombreuil, si fameuse par sa piété filiale. « Mademoiselle, lui dit-elle, vous << avez eu le bonheur de sauver la vie à votre père « je vais avoir celui de mourir avec le mien.» M. de Malesherbes » (je ne saurois mieux faire que de transcrire ici un passage de l'ouvrage de M. de Boissy-d'Anglas), « M. de Malesherbes avoit vécu comme Socrate, il devoit mourir

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vent plus sous le poids du malheur; les grands partie de sa famille, et qu'on différa son sup

hommes, tout chargés qu'ils sont d'adversités,

marchent encore de forts soldats portent légèrement une pesante armure. Après l'accomplissement du crime, le vénérable défenseur du roi se retira à Malesherbes : les bourreaux vinrent

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plice pour en augmenter la cruauté.

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Quand M. le comte de Boissy-d'Anglas affirme encore que M. de Malesherbes eût approuvé la loi des élections, cela paroît un peu extraordinaire. La loi des élections n'avoit que faire ici. M. de Malesherbes est mort victime des opinions démocra tiques: fouiller dans son tombeau pour y découvrir un suffrage favorable à ces opinions, ce n'est peutêtre pas là qu'on pouvoit espérer le trouver. S'il n'étoit oiseux de rechercher ce qu'eût été M. de Malesherbes en supposant qu'il eût vécu jusqu'à la restauration, j'aurois sur ce point des idées bien différentes de celles de M. Boissy-d'Anglas. Il y a deux modérations : l'une est de l'impuis

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« Je prie MM. de Malesherbes, Tronchet et Desèze, de recevoir ici tous mes remerciments et « l'expression de ma sensibilité, pour tous les soins « et les peines qu'ils se sont donnés pour moi. » Pourquoi M. le comte de Boissy-d'Anglas, qui a loué si dignement M. de Malesherbes, s'efforce-sance, l'autre est de la force avec la première t-il de nier le changement qui s'étoit opéré dans on ne peut marcher, avec la seconde on s'arrête quelques-unes des opinions de cet homme illus- quand on veut : avec l'une tout fait peur, avee tre? Quelle si grande importance met-il à prou- l'autre on est sans crainte. M. de Malesherbes ver que l'ami et le protecteur de Jean-Jacques possédoit cette dernière et précieuse modération. Rousseau ne s'est jamais accusé d'avoir contri- Il n'auroit jamais été retenu par le cri éternel des bué, par ses idées, au malheur de la révolution? médiocres et des pusillanimes : « Vous allez trop cet aveu rendroit-il à ses yeux l'homme moins « loin. » Il eût donc été un ardent et zélé roya grand, ou la révolution plus petite? pourquoi liste. Il eût voté, comme son collègue M. Desèze, rejette-t-il les faits avancés par M. de Molleville contre la loi des élections; les principes ministé et par M. Hue? Pourquoi veut-il balancer, par riels lui auroient paru funestes, et, rangé par cette son opinion étrangère, des traditions de famille? raison dans la classe des exclusifs, il eût grossi J'ai moi-même entendu M. de Malesherbes, dé- la liste des destitués pour services rendus à la plorant ses anciennes liaisons avec Condorcet, cause royale. s'expliquer sur le compte de ce philosophe avec une véhémence qui m'empêche de répéter ici ses propres paroles. M. de Tocqueville, qui a épousé une autre petite-fille de M. de Malesherbes, m'a raconté que cet homme admirable, la veille de sa mort, lui dit : « Mon ami, si vous avez des enfants, élevez-les pour en faire des chrétiens; << il n'y a que cela de bon. »

Ainsi, ce fidèle serviteur avoit profité de la leçon de son auguste maître. Le roi captif, en le chargeant d'aller lui chercher un prêtre non assermenté, lui avoit dit : « Mon ami, la religion <«< console tout autrement que la philosophie.

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M. de Malesherbes fut un homme à part an milieu de son siècle. Ce siècle, précédé des grandeurs de Louis XIV et suivi des crimes de la révolution, disparoît comme écrasé entre ses pères et ses fils. Le règne de Louis XV est l'époque la plus misérable de notre histoire : quand on en cherche les personnages, on est réduit à fouiller les antichambres de M. le duc de Choiseul, ou les salons de madame d'Épinay et de madame Geoffrin. La société entière se décomposoit : les hommes d'État devenoient des gens de lettres; les gens de lettres, des hommes d'État ; les grands seigneurs, des banquiers; et les fermiers géné raux, de grands seigneurs. Les modes étoient aussi ridicules que les arts étoient de mauvais goût; et l'on peignoit des bergères en paniers dans les salons où les colonels brodoient au tambour. Et comme pourtant ce peuple françois ve peut jamais être tout à fait obscur, il gagnoit encore la bataille de Fontenoy, pour empêcher la prescription contre la gloire; et Montesquieu, Voltaire, Buffon et Rousseau écrivoient pour maintenir nos droits au génie.

Notre célébrité se réfugia particulièrement

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