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Heureusement il s'en faut beaucoup que tous | François, et il doit quelques-unes de ses plus bel les pages aux inspirations puisées dans l'amour de son pays. Le poëte de Smyrne promet des succès à ceux qui combattoient ρì mátρns, pour la patrie.

les Mémoires du magnifique Voyage d'Égypte soient écrits dans le même esprit, témoin ce passage où M. Rozière, ingénieur en chef au corps royal des mines, parle de l'expédition de saint Louis. « Alors, dit-il, la religion sincère, la foi « chrétienne touchante et sublime dans les gran« des âmes, la brillante chevalerie ignorante et << naïve, craignant le blâme plus que la mort, plei<< nes de nobles sentiments et d'illusions magnanimes, guidoient loin de leur pays les enfants « de la France. » Voilà qui est beau, très-beau. Quand on aspire à l'immortalité, c'est une grande avance que d'être chrétien.

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L'ouvrage de M. le comte de Forbin achèvera de prouver qu'on peut faire aujourd'hui promptement et facilement ce qui demandoit autrefois beaucoup de temps et de fatigues. Un voyageur qui noliseroit un vaisseau à Marseille, et qui partiroit par les grands vents de l'équinoxe du printemps, pourroit jeter l'ancre à Jaffa le vingtième jour après son départ, et peut-être même plus tôt; le vingt et unième il seroit à Jérusalem; mettons huit jours pour voir les lieux saints, le Jourdain et la mer Morte, six semaines ou deux mois pour le retour, ce voyageur seroit donc revenu dans sa famille avant qu'on eût eu le temps de s'apercevoir de son absence. Qui n'a trois mois à sa disposition? Il ne seroit pas plus long de se rendre chaque année à Athènes, à Thèbes, à Jérusalem, que d'aller passer l'été de châteaux en châteaux aux environs de Paris : on se délasseroit des jardins anglois dans le potager d'Alcinoüs.

Les François peuvent tirer un autre profit de leurs voyages; ils peuvent se convaincre, en parcourant le monde, qu'il n'y a rien de plus beau et de plus illustre que leur patrie. Ils ne sauroient. faire un pas dans l'Orient sans retrouver partout les immortels souvenirs de leur race, depuis ces chevaliers qui régnèrent à Constantinople, à Sparte, à Antioche, à Ptolémaïs, qui combattirent à Ascalon et à Carthage, jusqu'à ces quarante mille voyageurs armés qui vainquirent aux Pyramides, et battirent des mains aux ruines de Thèbes. Cette armée, dont l'Arabe du désert raconte encore les hauts faits, vengea les chevaliers de la Massoure; mais elle ne releva point à Jérusalem les deux sentinelles françoises qui gardent si fidèlement le Saint-Sépulcre : Godefroy de Bouillon et Baudouin son frère.

M. le comte de Forbin se montre partout bon

DE QUELQUES OUVRAGES HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

Octobre 1819.

L'excellent ouvrage de critique de M. Dussault (Annales littéraires) nous fournit l'année dernière l'occasion de rappeler une partie de la gloire de la France, trop oubliée de nos jours. Du milieu des agitations politiques, nous allons encore cette année jeter un regard sur le paisible monde des Muses, que nous regrettons de ne plus habiter. Cependant, pour goûter le repos des lettres, deux choses sont nécessaires : se compter pour rien et les autres pour tout, être sans prétention et sans envie. Alors on jouit de son propre travail comme d'une occupation qui remplit la vie sans la troubler : l'admiration que l'on n'a pas pour soi, on la garde entière pour les autres; on s'enchante d'un beau livre dont on n'est pas l'auteur; on a le plaisir du succès sans en avoir eu la peine. Y a-t-il une jouissance plus pure que d'environner les talents des hommages qu'ils méritent, que de les signaler, de les faire sortir de la foule, et de forcer l'opinion publique à leur rendre la justice qu'elle leur refuse peut-être?

Examinons quelques-uns des ouvrages nouvellement publiés, et que l'amour des lettres nous console un moment des haines politiques.

Les premières annales des peuples ont été écrites en vers. Les Muses se chargent de raconter les mœurs des nations, tant que ces mœurs sont héroïques et innocentes; mais lorsque les vices et la politique surviennent, ces filles du ciel aban. donnent le récit de nos erreurs au langage des hommes. Les ouvrages historiques se multiplient de nos jours, et force nous est de les produire, car l'histoire se plaît dans les révolutions : il lui faut des malheurs pour juger sainement les choses; quand les empires sont debout, sa vue ne peut atteindre leur hauteur; elle n'apprécie l'éten due du monument que lorsqu'elle en peut mesurer les ruines.

L'Histoire du Béarn mérite de fixer l'atten

tion des lecteurs; elle renferme dans un excellent volume tout ce que Froissard, Clément, de Marca, Auger-Gaillard, Chapuis, de Vic et dom Vaissette nous ont appris sur les devanciers et sur la patrie de Henri IV. Ce petit modèle de goût et de clarté n'a pas la majesté historique, mais il a tout le charme des Mémoires : c'est un ouvrage posthume de M. de Baure. L'historien dont les travaux sont destinés à ne paroître qu'après sa mort doit inspirer de la confiance. Quel intérêt auroit-il à se porter en faux témoin au tribunal de la postérité? Voué en secret à l'histoire comme à un sacerdoce redoutable, il n'attend de son vivant aucune récompense. Retranché, pour ainsi dire, derrière sa tombe, il s'y défend contre les passions des hommes, et déjà semble habiter ces régions incorruptibles où tout est vérité en présence de l'éternelle Vérité.

L'ouvrage solide et important connu sous le nom d'Histoire de Venise fait grand honneur au beau-frère de M. de Baure. En voyant les monuments et les mœurs de l'Italie, on est tenté de croire que des peuples dont le passé est si sérieux, et le présent si riant, ont été formés par la philosophie d'Horace. D'une part silence et ruines, de l'autre chants et fêtes. Cela ne rappelle-t-il pas ces passages du poëte de Tibur: « Hâtons-nous de jouir.... Le temps fuit.... Il faudra quitter cette terre..... Carpe diem....... Fugaces labuntur anni.... Linquenda tellus.... et toutes ces maximes qui cherchent à donner au plaisir la gravité de la vertu?

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L'Histoire de Venise n'est peut-être pas sans quelques défauts, mais ces défauts tiennent plus à l'esprit du siècle qu'au bon esprit de l'auteur. On s'imagine aujourd'hui que l'impartialité historique consiste dans l'absence de toute doctrine, que l'historien doit rester impassible entre le vice et la vertu, le juste et l'injuste, la raison et l'erreur, le droit et le fait : c'est remonter à l'enfance de l'art, et réduire l'histoire à une table chronologique.

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et les Camille; le fléau de Dieu reculant devant le prêtre de Dieu, n'est point un tableau qui déroge à la dignité de l'histoire. Ce sont là les mœurs ; il les faut peindre et, si vous ne les peignez pas, vous êtes infidèle. Toute l'antiquité a publié qu'une puissance surnaturelle dispersa les Gaulois aux portes du temple de Delphes. Thucydide, Xénophon, Tite-Live, Tacite, n'ont jamais manqué de raconter les prodiges que les dieux font pour la vertu, ou dont ils épouvantent le crime : l'histoire a cru, comme la conscience de Néron, qu'un bruit de trompettes sortoit du tombeau d'Agrippine.

Nous hasardons ces réflexions plutôt comme des doutes que comme des critiques. Nous cherchons à nous éclairer; nous ne saurions mieux nous adresser, pour obtenir les lumières qui nous manquent, qu'à l'auteur dont l'ouvrage nous occupe dans ce moment. Quelques autres observations nous resteroient à faire; nous les supprimons, dans la crainte d'être soupçonné par M. le comte Daru de n'avoir point oublié l'Examen du Génie du Christianisme. Nous ne nous en souvenons néanmoins que pour remercier l'aristarque de la justesse de ses critiques et de l'indulgence de ses éloges.

Plus heureux ou plus malheureux que M. Daru, M. Royou a consacré ses études à sa patrie. Quand il raconte l'honneur, la fidélité, le dévouement de nos aïeux pour leurs souverains légitimes, on voit qu'il a trouvé dans son cœur les antiques documents de son histoire'. Cette loyauté de l'auteur répand un grand intérêt sur l'ouvrage, et il tire de son amour pour nos rois l'énergie que Tacite puisoit sa dans haine pour les tyrans. Au reste, s'il fut jamais moment propre à écrire notre histoire, c'est celui où nous vivons. Placés entre deux empires, dont l'un finit et dont l'autre commence, nous pouvons, avec un fruit égal, porter nos yeux dans le passé et dans l'avenir. Il reste encore assez de monuments de la monarchie qui tombe pour la bien connoître, tandis que les monuments de la monarchie qui s'élève nous offrent, au milieu des ruines, le spectacle d'un nouvel univers. Plus tard, les traditions seront effacées; un peuple récent foulera, sans les connoître, les tombes des vieux François ; les témoins des anciennes mœurs auront disparu, et les débris même de l'empire de saint Louis, emportés

L'esprit moderne croit encore que certains faits religieux sont au-dessous de la dignité de l'histoire et pourtant l'histoire, sans religion, ne peut avoir aucune dignité. Il ne s'agit pas de savoir si réellement Attila fut éloigné de Rome par l'intervention divine, mais si les chroniques du temps ont attesté le miracle. Le bras du ToutPuissant arrêtant le ravageur du monde au pied de ce Capitole que ne défendent plus les Manlius cinquième année du règne de Louis XVIII.

Histoire de France, depuis Pharamond jusqu'à la vingt

par les flots du temps, ne serviront plus à mar- | toriques. Ces poëmes sont, il est vrai, difficiles quer le lieu du naufrage.

M. Petitot s'est chargé de recueillir une partie de ces débris précieux. Il veut nous donner la collection complète des Mémoires relatifs à l'Histoire de France, depuis le siècle de Philippe-Auguste jusqu'au commencement du dix-septième siècle. Cette collection avoit déjà été entreprise. Commencée sur un mauvais plan, conduite avec peu de savoir, de critique et de soin, elle est en tout très-inférieure à celle que M. Petitot publie aujourd'hui. Les deux derniers volumes de cette première collection parurent sous le règne de Buonaparte, et sont dédiés au prince Murat.

à dévorer; mais on y trouve bien des choses et
ils servent à éclairer des points obscurs de notre
histoire. Par exemple sans un poëme sur le com-
bát des Trente, conservé à la Bibliothèque du
Roi, nous ignorerions si les champions de ce
fameux combat étoient tous à cheval, ou si les
chevaliers bretons ne durent la victoire qu'à l'a-
vantage qu'obtint Montauban, en combattant
seul monté sur un coursier. Cela n'étoit guère
probable : quand il s'agit d'honneur, on peut s'en
fieraux Bretons. Mais enfin le fait étoit resté sans
preuve. Un vers du poëme lève toutes les diffi-
cultés :

Et d'un côté et d'autre tous à cheval seront'.
La Bretagne vient d'ériger un monument à

roi ce qu'on disoit de leurs ancêtres : On n'a pas fait plus vaillamment depuis le combat des Trente.

M. Petitot auroit été plus capable qu'un autre d'enrichir un grand travail de savantes préfaces à la manière des Baluze et des Bignon sur les lois des Francs et sur les capitulaires; des Pithou, des Duchesne, des dom Bouquet, des Valois, des Mabillon sur nos historiens; des de Laurière, des Secousse, des Vilevaut, des Brequigny et des Pastoret sur les ordonnances de nos rois.

Toutefois, il eût été désirable que le nouvel éditeur eût travaillé sur un plan plus vaste. Pourquoi ne se seroit-il pas attaché à continuer, la mémoire de ses Trente Héros. On peut toujours avec les autres savants qui s'en occupent, le Re-dire des Bretons modernes combattant pour leur cueil des Historiens de dom Bouquet? Les Mémoires, et surtout les très-anciens Mémoires, ne s'éloignent guère des histoires générales du même temps. Nous avouons que nous sentons peu la différence qui existe entre les Chroniques de Saint-Denys, celles de Flandre et de Normandie, entre les Chroniques de Froissard et de Monstrelet, et les Mémoires de Villehardouin et de Joinville. Il nous semble donc qu'au lieu de faire deux classes des Histoires et des Mémoires, on devroit les réunir; c'est même le plan que l'on a suivi jusqu'ici pour les trois races dans le grand Recueil de dom Bouquet. En effet, l'Histoire de Grégoire de Tours n'est pas autre chose que des Mémoires, puisqu'on y trouve mêlées les propres aventures de l'auteur et une foule d'anecdotes étrangères à l'histoire générale. Les Gestes de Dagobert, la Vie de Charlemagne par Eginhard, celle de Louis le Débonnaire par l'anonyme dit l'Astronome, la Vie de Robert par Helgaud, de Conrad II par Vippon, de Philippe-Auguste par Riggord, sont autant de Mémoires particuliers. A commencer à l'époque des Mémoires françois, c'est-à-dire à l'époque où Villehardouin écrivoit, on auroit pu donner tour à tour un volume des chroniqueurs latins, des Mémoires françois en prose, des Vies ou Chroniques en carmes ou vers. C'eût été encore rentrer dans le plan de dom Bouquet. Son Recueil contient des extraits des grandes et petites Chroniques de Saint-Denys, des fragments des Chroniques de Normandie, des vers en latin du moyen âge et en vieil allemand, tout aussi barbares que nos poëmes françois his

Les nouveaux volumes publiés par M. Petitot achèvent l'histoire de du Guesclin, et contiennent les charmants Mémoires de Boucicaut. Christine de Pisan, qui avoit précédé ces derniers Mémoires, est à la fois sèche et diffuse. L'éditeur a préféré les Anciens Mémoires de du Guesclin, écrits par le Febvre, à tous les autres. Il a peut-être eu raison, en ce sens qu'ils sont les plus complets; mais ils sont pour ainsi dire modernes, et ils n'ont pas la naïveté de l'Histoire de messire Bertrand du Guesclin, escrite en prose à la requeste de Jean d'Estourville, et mise en lumière par Claude Mesnard. C'est là qu'on voit, dit Mesnard, une áme forte, nourrie dans le fer, et pétrie sous des palmes.

Cette histoire de du Guesclin nous fait souvenir qu'en bon Breton nous avons plusieurs fois été tenté d'écrire la vie du bon connétable. Notre

! Nous possédons une copie de ce poëme. M. de Penhouet Bretagne. doit l'avoir publié dans un ouvrage sur les antiquités de la

SUITE.

Décembre 1819.

dessein de travailler sur l'Histoire générale de | où l'auteur de Corinne sera jugé avec impartiaFrance nous a fait abandonner cette idée. Ensuite lité n'est pas encore venu. Pour nous, que le tal'histoire vivante est venue nous arracher à l'his-lent séduit, et qui ne faisons point la guerre aux toire morte. Comment s'occuper du passé quand tombeaux, nous nous plaisons à reconnoître dans on n'a pas de présent? madame de Staël une femme d'un esprit rare : malgré les défauts de sa manière, elle ajoutera un nom de plus à la liste de ces noms qui ne doivent point mourir. Quand on a connu la fille de M. Necker, et toutes les agitations dont elle remplissoit sa vie, combien on est frappé de la vanité des choses humaines! Que de mouvement, pour tomber dans un repos sans fin ! que de bruit pour arriver à l'éternel silence! Madame de Staël rechercha peut-être un peu trop le succès, qu'elle étoit faite pour obtenir sans se donner tant de peines. Fi de la célébrité, s'il faut courir après elle ! Le bonhomme la Fontaine traita la gloire comme il conseille de traiter la fortune; il l'attendit en dormant, et la trouva le matin assise à sa porte.

Après avoir traité de l'histoire, il conviendroit de parler des sciences; mais nous manquons de ce courage, si commun aujourd'hui, de raisonner sur des choses que nous n'entendons pas. Dans la crainte de prendre le Pirée pour un homme, nous nous abstiendrons. Néanmoins nous ne pouvons résister à l'envie de dire un mot d'un ouvrage de science que nous avons sous les yeux. Il est intitulé de l'Auscultation médiate. Au moyen d'un tube appliqué aux parties extérieures du corps, notre savant compatriote breton, le docteur Laënnec, est parvenu à reconnoître, par la nature du bruit de la respiration, la nature des affections du cœur et de la poitrine. Cette belle et grande découverte fera époque dans l'histoire de l'art. Si l'on pouvoit inventer une machine pour entendre ce qui se passe dans la conscience des hommes, cela seroit bien utile dans le temps où nous vivons. « C'est dans son génie que le méa decin doit trouver les remèdes, » a dit un autre médecin dans ses ingénieuses Maximes; et l'ouvrage du docteur Laënnec prouve la justesse de cette observation. Nous pensons aussi comme l'Ecclésiastique, « que toute médecine vient de « Dieu, et qu'un bon ami est la médecine du a cœur. » Mais retournons aux choses de notre compétence.

M. de Bonald et M. l'abbé de la Mennais nous ont donné, dans le cours de cette année, le premier, des Mélanges philosophiques, politiques et littéraires; le second, des Réflexions sur l'état de l'Église de France. Nommer ces deux hommes supérieurs, c'est en faire l'éloge. Les royalistes, qui les comptent avec orgueil dans leurs rangs, les présentent à leurs amis et à leurs ennemis. Ils prouvent l'un et l'autre que les vrais talents sont presque toujours du côté de la vertu, et que la probité est une partie essentielle du génie.

Pour rendre madame de Staël plus heureuse et ses ouvrages plus parfaits, il eût suffi de lui ôter un talent. Moins brillante dans la conversation, elle eût moins aimé le monde, qui fait payer cher le plaisir qu'il donne, et elle eût ignoré les petites passions de ce monde. Ses écrits n'auroient point été entachés de cette politique de parti, qui rend cruel le caractère le plus généreux, faux le jugement le plus sain, aveugle l'esprit le plus clairvoyant; de cette politique qui donne de l'aigreur aux sentiments et de l'amertume au style, qui dénature le talent, substitue l'irritation de l'amour-propre à la chaleur de l'âme, et remplace les inspirations du génie par les boutades de l'humeur.

Ce n'est pas sans un sentiment pénible que nous retrouvons cette politique dans un dernier ouvrage de M. Ballanche. Cet ouvrage, qui n'est qu'un simple dialogue entre un vieillard et un jeune homme, a quelque chose, dans le style et dans les idées, de calme, de doux et de triste. Le début rappelle celui de la République ou plutôt des Lois de Platon. Que l'auteur d'Antigone s'abandonne désormais à ses penchants naturels; qu'il apprécie mieux les trésors qu'il possède, et qu'il répande dans ses écrits la sérénité, la candeur, la tranquillité de l'âme : O fortunatos..... sua si bona norint! Qu'il nous laisse à nous, tristes enfants des orages, le soin d'agiter ces On publie dans ce moment une édition com- questions d'où sortent à peine quelques vérités plète des œuvres de madame de Staël. Le temps | arides, vérités qui souvent ne valent pas les

agréables mensonges de ces romans dont nous allons parler.

ROMANS.

Les peuples commencent par la poésie, et finissent par les romans : la fiction marque l'enfance et la vieillesse de la société. De tous les habitants de l'Europe, les François, par leur esprit et leur caractère, se prêtent le moins aux peintures fantastiques. Nos mœurs, qui conviennent aux scènes de la comédie, sont peu propres aux intrigues du roman, tandis que les mœurs angloises, qui se plient à l'art du roman, sont rebelles au génie de la comédie la France a produit Molière, l'Angleterre, Richardson. Fautil nous plaindre ou nous féliciter de ne pouvoir offrir des personnages au romancier, et des modèles à l'artiste? Trop naturels pour les premiers, nous le sommes trop peu pour les seconds. I n'y a guère que la mauvaise société dont on ait pu supporter le tableau dans les romans françois: Manon Lescot en est la preuve. Madame de la Fayette, le Sage, J. J. Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, ont été obligés, pour réussir, d'é- | tablir leurs théâtres, et de prendre leurs personnages hors de leurs temps ou de leur pays.

Il est possible que l'influence de la révolution change quelque chose à ces vérités générales. Nous remarquons, en effet, que la société nouvelle, à mesure qu'elle présente moins de sujets à la comédie, fournit plus de matériaux au roman : ainsi la Grèce passa des jeux de Ménandre aux fictions d'Héliodore.

Les romans du jour sont donc, en général, d'un intérêt supérieur à celui de nos anciens romans. Des aventures qui ont cessé d'être renfermées dans les boudoirs, des personnages que ne défigurent point les modes du siècle de Louis XV, captivent l'esprit par l'illusion de la vraisemblance. Les passions aussi sont devenues plus vraies à mesure que les mœurs, quoique moins bonnes, sont devenues plus naturelles : c'est ce que l'on sentira à la lecture du Jean Sbogar de M. Ch. Nodier, ou de l'épisode du beau Voyage de M. de Forbin, ou des Mémoires d'un Espagnol, ou du Pétrarque de madame de Genlis.

Nous avons eu occasion d'examiner autrefois quelle a été l'influence du christianisme dans les lettres, et comment il a modifié nos pensées et nos sentiments. Presque toutes les fictions des auteurs modernes ont pour base une passion née des combats de la religion contre un penchant irrésistible. Dans Lionel, par exemple, cette espèce d'amour, inconnu à l'antiquité païenne, vient remplir la solitude où l'honneur a placé un François fidèle à son roi. Cet ouvrage, qui se fait remarquer par les qualités et les défauts d'un jeune homme, promet un écrivain de talent. Nous louerions davantage le modeste anonyme, si des cri tiques n'avoient cru devoir avancer qu'il s'est formé à ce qu'ils veulent bien appeler notre école. Nous ne pensons pas que la chose soit vraie; mais, en tous cas, nous inviterions l'auteur de Lionel à choisir un meilleur modèle: nous sommes en tout un mauvais guide; et quand on veut parvenir, il faut éviter la route que nous avons suivie.

VOYAGES.

Ces changements s'expliquent lorsque la société bien organisée atteint le dernier degré du goût, et le plus haut point de la civilisation, les vices, obligés de se cacher, forment avec les convenances du monde un contraste dont la comédie saisit le côté risible; mais lorsque la société se déprave, que de grands malheurs la font rétrograder vers la barbarie, les vices qui se montrent à découvert cessent d'être ridicules en devenant affreux : la comédie, qui ne peut plus les couvrir de son masque, les abandonne au roman pour les exposer dans leur nudité; car, chose singulière ! les romans se plaisent aux peintures tragiques: tant l'homme est sérieux, même dans ses fic-avions été libre, nous aurions sollicité une place tions!

Enfin nous entrons dans notre élément; nous arrivons aux voyages: parlons-en tout à notre aise! Ce n'est pas sans un sentiment de regret et presque d'envie que nous avons lu le récit de la dernière expédition des Anglois au pôle arctique. Nous avions voulu jadis découvrir nousmême, au nord de l'Amérique, les mers vues par Heyne, et depuis par Mackenzie. La narration du capitaine Ross nous a donc rappelé les rêves et les projets de notre jeunesse. Si nous

sur les vaisseaux qui ont recommencé le voyage

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