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⚫lement son successeur dans la suprême magistrature (quoique dans les larmes et l'extrême tristesse), nous n'avons pu faire moins à la

⚫ première occasion, que de faire connoître par nos lettres cette matière à Votre Majesté. Comme « vous avez été un très-cordial ami de notre père

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« et de cette république, nous avons la confiance ⚫ que cette nouvelle douloureuse et inattendue sera

■ reçue par vous avec autant de chagrin qu'elle

« le Seigneur Dieu tout-puissant conserver Votre « Eminence!

« Westminster, septembre 1658.

de France et d'Angleterre ! Il est curieux de voir Milton est ici un grand historien de l'histoire Richard faire, comme un vieil héritier des trois couronnes, ses préparatifs pour régner. Milton écrivoit au nom d'un homme investi d'un pouvoir de quelques heures à un jeune souverain qui devoit conduire son arrière-petit-fils, par la monarchie non contrôlée, à l'échafaud du premier Stuart. Cet échafaud de Whitehall se changea en trône, lorsqu'un sang royal l'eut couvert de sa pourpre, et le Protecteur s'y assit. La France, sous le petit-fils d'Henri IV, alloit monter de tout ce que l'Angleterre devoit descendre sous Charles II et son frère. Il faut toujours que la

⚫nous en a causé. Notre affaire à présent est de ◄ requérir Votre Majesté d'avoir une telle opinion de nous, comme d'une personne déterminée « religieusement et constamment à garder l'a⚫mitié et l'alliance contractées entre vous et notre pere renommé, et, avec le même zèle et la même • bonne volonté, à maintenir les traités par lui conclus, et entretenir les mêmes rapports et intérêts avec Votre Majesté. A cette intention, c'est notre plaisir que notre ambassadeur, rési-gloire soit quelque part: en s'envolant de la tête

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dant à votre cour, y reste accrédité par les pouvoirs qu'il avoit autrefois. Vous lui accor▪ derez le même crédit pour agir en notre nom, comme si tout étoit fait par nous-même. En • même temps nous souhaitons à Votre Majesté toutes sortes de prospérités.

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■ De notre cour, à Whitehall, 5 sept. 1658. » A l'éminentissime seigneur cardinal Mazarin.

de Cromwell, elle se posa sur celle de Louis XIV. fut le chantre de Satan, le républicain apologiste Louis XIV porta le deuil d'un régicide, et ce de la mort de Charles Ier, l'ennemi des rois et des catholiques, qui fit part au monarque absolu, auteur de la révocation de l'édit de Nantes, de la mort d'Olivier, le protecteur.

Ce qui paroît contraste ici est harmonie : les hautes renommées se mêlent, comme enfants d'une même famille. Tout ce qui a de la grandeur se touche deux hommes de sentiments semblables, mais d'esprit inégaux, sont plus antipathi

« Quoique rien ne puisse nous arriver de plus
⚫amer et de plus douloureux que d'écrire les tris-
tes nouvelles de la mort de notre sérénissime
■ et très-renommé père, cependant nous ne pou-ques l'un à l'autre, que ne le sont deux hommes
vons ignorer la haute estime qu'il avoit pour d'esprit supérieurs, quoique opposés d'opinions
< Votre Éminence et le grand cas que vous faisiez et de conduite.
t de lui.

RICHARD CROMWELL. OPINION DE MILTON SUR LA
RÉPUBLIQUE, SUR LES DIMES, SUR LA RÉFORME
PARLEMENTAIRE.

Nous n'avons aucune raison de douter que Votre Eminence, de l'administration de laquelle dépend la prospérité de la France, ne 'gémisse * comme nous sur la perte de votre constant ami ■ et très-dévoué allié. Nous pensons qu'il est im-dre amour et l'admiration profonde qu'ils avoient ⚫portant par nos lettres de vous faire connoître un accident qui doit être aussi profondément déploré de Votre Éminence que du roi. Nous ⚫ assurons Votre Éminence que nous observerons tres-religieusement toutes les choses que notre *père, de sérénissime mémoire, s'étoit engagé * par les traités à confirmer et à ratifier. Nous ferons en sorte, au milieu de votre deuil pour un ami si fidèle, si florissant et applaudi de toutes les vertus, que rien ne manque à la foi de notre alliance, pour la conservation de la* quelle, et pour le bien des deux nations, puisse

Tandis que Milton, au nom de Richard, rappeloit aux souverains et à leurs ministres le ten

pour le juge d'un roi, les factions renaissoient en Angleterre. Les gouvernements qui ne tiennent qu'à l'existence d'un homme, tombent avec cet homme : l'effet cesse avec la cause. L'ancien parti républicain de l'armée se souleva; les officiers que Cromwell avoit destitués se réunirent. Lambert se mit à la tête de la bonne vieille cause. Menacé par les officiers, Richard eut la foiblesse de dissoudre la chambre des communes; la chambre des pairs étoit nulle.

Les assemblées aristocratiques règnent glorieusement lorsqu'elles sont souveraines et seules

investies, de droit ou de fait, de la puissance : elles offrent les plus fortes garanties à la liberté, à l'ordre et à la propriété; mais dans les gouvernements mixtes, elles perdent la plus grande partie de leur valeur, et sont misérables quand arrivent les grandes crises de l'État. Elles n'ont jamais rien arrêté : foibles contre le roi, elles n'empêchent pas le despotisme; foibles contre le

ments où les écrits ne peuvent plus rien, il publ une brochure sur le moyen prompt et facile d tablir une société libre. Dans un exposé rapid il rappelle ce que les Anglois ont fait pour abol la monarchie.

« Si nous nous relâchons, dit-il, nous justifi « rons les prédictions de nos ennemis ils o " condamné nos actions comme téméraires, re

"

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peuple, elles ne préviennent pas l'anarchie.« belles, hypocrites, impies; nous ferons vo Toujours prêtes à être chassées dans les commo- qu'un esprit dégénéré s'est soudainement r tions populaires, elles ne rachètent leur existence pandu parmi nous. Préparés et faits pour u qu'au prix de leurs parjures et de leur esclayage.« nouvel esclavage, nous serons en mépris à no La chambre des lords sauva-t-elle Charles Ier? voisins; le nom anglois deviendra un objet d Sauva-t-elle Richard Cromwell, auquel elle avoit « risée. D'ailleurs, si l'on retourne à la monarchie prêté serment? Sauva-t-elle Jacques II? sauvera- « l'on n'y restera pas longtemps; il faudra bien t-elle aujourd'hui les princes de Hanovre? se « tôt combattre ce que l'on a déjà combattu, san sauvera-t-elle elle-même? Ces prétendus contre- « parvenir jamais au point où l'on étoit parvenu poids aristocratiques ne font qu'embarrasser la «< on perdra les batailles que l'on avoit déjà ga balance et seront jetés tôt ou tard hors du bassin. gnées Dieu n'écoutera plus ces ardentes pri Une aristocratie ancienne et opulente, ayant l'ha- « res qu'on lui adressoit pour être délivrés de l bitude de la tribune et des affaires, n'a qu'un tyrannie, puisque nous n'aurons pas su mieu moyen de garder le pouvoir quand il lui échappe : « nous en tenir à la victoire. Ainsi sera rend c'est de passer par degrés à la démocratie, et « vain et plus méprisable que la boue le sang d de se placer insensiblement à sa tête, à moins tant d'Anglois vaillants et fidèles qui acheté qu'elle ne se croie encore assez forte pour jouer « rent la liberté de leur pays au prix de leur vie à la guerre civile; terrible jeu ! « Un roi veut être adoré comme un demi-dieu; « sera entouré d'une cour hautaine et dissolue « il dissipera l'argent de l'État en festins, en bal «<et en mascarades; débauchant notre premièr noblesse, mâles et femelles, il transformera le a lords en chambellans, en écuyers et en groom « de la garde-robe. »

Peu après la dissolution de la chambre des communes, Richard abdiqua: il étoit écrasé sous la renommée d'Olivier. Détestant le joug militaire, il n'avoit pas la force de le secouer; sans conviction aucune, il ne se soucioit de rien ; il laissoit ses gardes lui dérober son dîner, et l'Angleterre aller toute seule : il emporta deux grandes malles remplies de ces adresses et de ces congratulations en l'honneur de tous les hommes puissants, et à l'usage de tous les hommes serviles. On lui disoit dans ces félicitations que Dieu lui avoit donné l'autorité pour le bonheur des trois royaumes. « Qu'emportez-vous dans ces malles? » lui demanda-t-on. — « Le bonheur du peuple anglois,» répondit-il en riant.

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Le conseil des officiers rappela le Rump; le Rump attaqua aussitôt l'autorité militaire qui lui avoit rendu la vie. Lambert bloqua, selon l'usage, les communes. Ce parlement dissous, le peuple brûla en réjouissance sur les places publiques des monceaux de croupions de divers animaux. Monck parut, et tout annonça la restauration.

Que faisoit Milton pendant cette décomposition sociale? Voyant la liberté rétrograder, rêvant toujours la république, oubliant qu'il y a des mo

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«

L'esprit pénétrant de Milton lui découvroit l'a venir; il voyoit les longs combats que l'on seroi obligé de livrer pour reconquérir ce qu'on alloi perdre : ce n'est qu'aujourd'hui même que l'An gleterre revient sur ce terrain, défendu pied pied par le grand poëte publiciste. Et ce roi, en touré d'une cour hautaine et dissolue, que l'au teur du Paradis perdu peignoit si bien d'avance étoit prêt à débarquer à Douvres.

Quelques mois avant la publication de cet ou vrage, il en avoit donné deux autres : le premie sur l'autorité civile en matière ecclésiastique le second sur le meilleur moyen de chasser le mercenaires hors de l'Église : il examine le fai des dîmes, des redevances et des revenus de l'E glise ; il doute que les ministres du culte puissen être maintenus par le pouvoir de la loi.

Son opinion sur la réforme parlementaire me rite d'être rappelée :

Si l'on donne le droit à tous de nommer <tout le monde, ce ne sera pas la sagesse et l'autorité, mais la turbulence et la gloutonnerie ‹ qui élèveront bientôt les plus vils mécréants de ⚫nos tavernes et de nos lieux de débauche, de nos villes et de nos villages, au rang et à la dignité de sénateur. Qui voudroit confier les affaires de la république à des gens à qui personne ne voudroit confier ses affaires particulières? Qui voudroit voir le trésor de l'État remis aux soins de ceux qui ont dépensé leur <propre fortune dans d'infâmes prodigalités? Doi▪vent-ils être chargés de la bourse du peuple, « ceux qui la convertiroient bientôt dans leur pro- | - pre bourse? Sont-ils faits pour être les législa⚫teurs de toute une nation, ceux qui ne savent pas ce qui est loi et raison, juste ou injuste, oblique ou droit, licite ou illicite ; ceux qui pensent que tout pouvoir consiste dans l'outrage, toute dignité, dans l'insolence; qui négligent ⚫tout pour satisfaire la corruption de leurs amis, ou la vivacité de leurs ressentiments; qui dis⚫persent leurs parents et leurs créatures dans les provinces, pour lever des taxes et confisquer des biens? hommes les plus dégradés et les plus vils, qui achètent eux-mêmes ce qu'ils prétendent exposer en vente, d'où ils recueillent une masse exorbitante de richesses détournées des ⚫ coffres publics : ils pillent le pays et émergent en un moment, de la misère et des haillons, « à un état de splendeur et de fortune. Qui pourroit souffrir de tels fripons de serviteurs, de tels vice-régents de leurs maîtres? Qui pourroit croire que des chefs de bandits seroient propres à conserver la liberté? Qui se supposeroit de⚫ venu d'un cheveu plus libre par une telle race ⚫de fonctionnaires (ils pourroient s'élever à cinq - cents élus de telle sorte par les comtés et les bourgs), lorsque, parmi ceux qui sont les vrais ⚫ gardiens de la liberté, il y en a tant qui ne sa* vent ni comment user, ni commentjouir de cette | liberté, qui ne comprennent ni les principes, . ni les mérites de la propriété ? »

On n'a jamais rien dit de plus fort contre la réforme parlementaire. Cromwell avoit essayé cette réforme, il fut bientôt obligé de dissoudre le parlement produit d'une loi d'élection élargie. | Mais ce qui étoit vrai du temps de Milton, n'est pas également vrai aujourd'hui. La disproportion entre les propriétaires et les classes populaires n'est plus aussi grande. Les progrès de l'éduca

tion et de la civilisation ont commencé à rendre les électeurs d'une classe moyenne plus aptes à comprendre des intérêts qu'ils ne comprenoient pas autrefois. L'Angleterre de ce siècle a pu, quoique non sans péril, conférer des droits à une classe de citoyens qui, au dix-septième siècle, auroient renversé l'État en entrant dans les com

munes.

Ainsi, toutes les questions générales et particulières, agitées aujourd'hui chez les peuples du continent et dans le parlement d'Angleterre, avoient été traitées et résolues par Milton, dans le sens où notre siècle les résout. Il a créé jusqu'à la langue constitutionnelle moderne : les mots de fonctionnaires, de décrets, de motions, etc., sont de lui. Quel étoit donc ce génie capable d'enfanter à la fois un monde nouveau et une parole nouvelle de politique et de poésie ?

RESTAURATION. MILTON ARRÊTÉ ET REMIS EN
LIBERTE. FIDELITE DU POETE A CROMWELL.

Milton eut la douleur de voir le fils de Charles Ier remonter sur le trône, non que son cœur ferme fût effrayé, mais ses chimères de liberté républicaine s'évanouissoient toute chimère qui s'évanouit fait du mal et laisse un vide. Charles II, dans sa déclaration de Bréda, annonçoit qu'il pardonnoit à tout le monde, s'en remettant aux communes du soin d'excepter les indignes du pardon. Les vengeances sanglantes, sous les Stuarts et sous la maison de Hanovre, ne purent être imputées à la couronne : elles furent l'oeuvre des chambres. Les corps sont plus implaca bles que les individus, parce qu'ils réunissent en eux plus de passions, et qu'ils sont moins responsables.

A l'avénement de Charles II, Milton se démit de la place de secrétaire latin, et quitta son hôtel de Pitty-France, où pendant huit années il avoit reçu tant d'hommages. Il se retira chez un de ses amis, dans Bartholomew-Close, aux environs de West-Smithfield. Des poursuites furent commencées contre la Défense du peuple anglois et l'Iconoclaste, et, le 27 juin 1660, le parlement ordonna l'arrestation de l'auteur de ces ouvrages. On ne le trouva point d'abord, mais peu de mois après on le voit remis entre les mains d'un sergent d'armes : il fut néanmoins bientôt relâché. Le 17 décembre de la même année il eut l'audace de s'adresser à cette terrible chambre qui pensoit Pavoir généreusement traité en ne faisant pas tomber sa tête; il

réclama contre l'excès du salaire requis par le | mwell: tandis que de petits auteurs bien vils, bien

sergent; il croyoit qu'on l'avoit plus outragé en lui ôtant la liberté, qu'en le privant de la vie. Les registres du parlement constatent ces deux faits: Samedi, 15 décembre 1660.

« Ordonné que M. Milton, à présent à la garde « d'un sergent d'armes de cette chambre, soit << relâché en payant les honoraires. »

Lundi, 17 décembre 1660.

parjures, bien vendus au pouvoir revenu, insultoient les cendres du grand homme aux pieds duquel ils avoient rampé, Milton lui donnoit un asile dans son génie, comme dans un temple inviolable.

Milton put rentrer dans les affaires : sa troisième femme (car il avoit épousé successivement deux autres femmes après la mort de Marie Powell) le suppliant d'accepter son ancienne

« Une plainte ayant été faite que le sergent place de secrétaire du conseil, il lui répondit :

« d'armes a demandé des honoraires excessifs « pour la garde de M. Milton,

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«Ordonné qu'il en sera référé au comité des priviléges pour examiner cette affaire. » Davenant sauva Milton: histoire honorable aux muses sur laquelle j'ai rimaillé jadis des vers détestables. Cunningham raconte autrement la délivrance du poëte: il prétend que Milton se déclara trépassé et qu'on célébra ses funérailles: Charles auroit applaudi à la ruse d'un homme échappé à la mort en faisant le mort. Le caractère de l'auteur de la Défense, et les monuments de l'histoire, ne permettent pas d'admettre cette anecdote. Milton fut oublié dans la retraite où il s'ensevelit; et à cet oubli nous devons le Paradis perdu. Si Cromwell eût vécu dix ans de plus, comme le remarque M. Mosneron, il n'auroit jamais été question de son secrétaire.

Les fêtes de la restauration passées, les illuminations éteintes, vinrent les supplices: Charles s'étoit déchargé sur les communes de toute responsabilité de cette nature, et celles-ci n'épargnèrent pas les réactions violentes. Cromwell fut exhumé, et sa carcasse pendue, comme si l'on eût hissé le pavillon de sa gloire sur les piliers du gibet. L'histoire a gardé dans le trésor de ses Charles la quittance du maçon qui brisa, par ordre, le sépulcre du Protecteur, et qui reçut une somme de 15 schellings pour sa besogne:

May the 4th day, 1661, recd then in full, of the worshipful serjeant Norforke, fiveteen shillinges, for taking up the corpes of Cromell,

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« Vous êtes femme et vous voulez avoir des équi« pages; moi je veux mourir honnête homme. » Demeuré républicain, il s'enferma dans ses principes avec sa muse et sa pauvreté. Il disoit à ceux qui lui reprochoient d'avoir servi un tyran : « Il

« nous a délivré des rois. » Il affirmoit n'avoir com

battu que pour la cause de Dieu et de la patrie.

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NOUVEAUX TRAVAUX DE MILTON. SON DICTIONNAIRE LATIN. SA MOSCOVIE. SON HISTOIRE D'ANGLETERRE.

La saison la plus favorable aux inspirations de Milton étoit l'automne, plus en rapport avec la tristesse et le sérieux de ses pensées : il dit cependant dans quelques vers qu'il renaît au printemps. Il se croyoit recherché la nuit par une femme céleste. Il avoit eu trois filles de Marie Powell: l'une d'elles, Deborah, lui lisoit Isaïe en hébreu, Homère en grec, Ovide en latin, sans entendre aucune de ces langues : l'anecdote est contestée par Johnson. Aussi savant qu'il étoit grand poëte, on a vu qu'il écrivoit en latin comme en anglois; il faisoit des vers grecs, témoin quelques-uns de ses opuscules. C'est dans le texte même des prophètes qu'il se pénétroit de leur feu la lyre du Tasse ne lui étoit point étran

gère. Il parloit presque toutes les langues vivantes de l'Europe. Antoine Francini, Florentin, s'exprime sur Milton comme si le poëte d'Albion, à son passage en Italie, jouissoit déjà de tout son éclat :

Nell' altera Babelle
Per te il parlar confuse Giove in vano,

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Ch' ode oltr' alla Anglia il tuo più degno idioma, Spagna, Francia, Toscana, e Grecia e Roma.

»

Dans une autre Babel, la confusion des langues seroit vaine pour toi, qui outre l'anglois, ton plus noble idiome, entends l'espagnol, le françois, le toscan, le grec et le latin. Milton, vers la fin du protectorat, avoit commencé sérieusement à écrire le Paradis perdu : il menoit de front avec ce travail des muses, des travaux d'histoire, de logique et de grammaire. Il a rassemblé en trois volumes in-folio les matériaux d'un nouveau Thesaurus linguæ latinæ, qui ont servi aux éditeurs du dictionnaire de Cambridge, imprimé en 1693. On a de lui une grammaire latine pour les enfants: Bossuet faisoit le catéchisme aux petits garçons de Meaux. L'auteur du Paradis perdu est dominé du sujet de son poëme, jusque dans le Traité d'éducation, adressé à Hartlib en 1650 : « La fin de tout savoir, dit-il, est d'apprendre à réparer les ruines de nos premiers parents, en retrouvant la ⚫vraie connoissance de Dieu. »

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Ces travaux, qui auroient fait honneur à Ducange ou à un bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, n'accabloient pas le génie de Milton et ne lui suffisoient pas : de même que Leibnitz, il embrassoit l'histoire dans ses recherches. Sa Moscovie est un abrégé amusant par de petits détails de la nature des voyages. « Il fait si froid l'hiver en Moscovie, que la séve des branches mises au feu gèle en sortant du bout opposé à celui qui brûle. Moscou a un beau château à quatre faces, bâti sur une colline; les murs de brique en sont très-hauts on dit qu'ils ont dix-huit pieds d'épaisseur, seize portes et autant de boulevards. Ce château renferme le palais de l'empereur et neuf belles églises avec ⚫ des tours dorées. »

C'est le Kremlin, d'où la fortune de Buonaparte s'envola.

L'Histoire d'Angleterre de Milton se compose de six livres; elle ne va pas au delà de la bataille d'Hastings. L'heptarchie, quoi qu'en dise Hume, y est fort bien débrouillée : le style de l'ouvrage est måle, simple, entremêlé de réflexions presque toujours relatives au temps où l'historien écrivoit. Le troisième livre s'ouvre par une description de l'état de la société dans la GrandeBretagne au moment où les Romains abandonnèrent l'ile; il compare cet État à celui de l'Angle

CHATEAUBRIAND.

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terre lorsqu'elle se trouva délaissée du véritable pouvoir sous le règne de Charles Ier. A la fin du cinquième livre, Milton déduit les causes qui firent tomber les Anglo-Saxons sous le joug des Normands: il demande si les mêmes causes de corruption ne pourroient pas faire retomber ses compatriotes sous le joug de la superstition et de la tyrannie.

L'imagination du poëte ne dédaigne pas les origines fabuleuses des Bretons; il consacre plusieurs pages aux règnes de ces monarques de romans, qui depuis Brutus, arrière-petit-fils d'Énée, jusqu'à Cassibelan, ont gouverné la GrandeBretagne. Sur son chemin il rencontre le roi Leir (Lear):

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« Leir, qui régna après Bladud, eut trois filles. Étant devenu vieux, il résolut de marier ses « filles et de diviser son royaume entre elles; << mais il voulut auparavant connoître celle de «< ces trois filles qui l'aimoit le mieux. Gonorille, « l'aînée, interrogée par son père, lui répondit, « en invoquant le ciel, qu'elle l'aimoit plus que « son áme. Ainsi, dit le vieil homme plein de « joie, puisque tu honores mon âge défaillant, je te donne, avec un mari que tu choisiras, la « troisième partie de mon royaume. Regan, la « seconde fille interrogée, répondit à son père qu'elle l'aimoit au-dessus de toutes les créatu«res ; et elle reçut une récompense égale à celle « de sa sœur. Mais Cordeilla, la plus jeune et jusque-là la plus aimée, fit cette sincère et ver<< tueuse réponse : Mon père, mon amour pour « vous est comme mon devoir l'ordonne que peut demander de plus un père? que peut pro« mettre de plus un enfant? ceux qui vont au « delà vous flattent.

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« Le vieillard, fâché d'entendre cela, et dési«rant que Cordeilla reprît ses paroles, répéta << sa demande; mais Cordeilla, avec une loyale << tristesse pour les infirmités de son père, répondit, faisant allusion à ses sœurs, plutôt qu'en « révélant ses propres sentiments: Comptez ce « que vous avez, dit-elle, telle est votre valeur, et je « vous aime ce que vous valez. Eh bien ! s'é«< cria le roi Leir dans une grande colère, écoute « ce que ton ingratitude te vaut : puisque tu n'as «< pas révéré ton vieux père, comme ont fait tes « sœurs, tu n'auras pas ta part de mon royaume. Cependant la renommée de la sagesse et des grâces de Cordeilla s'étant répandue au loin,

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Aganippus, grand monarque dans les Gaules

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