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Plaignant le sot crédule, abhorrant l'imposteur,
Souvent persécuté, jamais persécuteur,
Adversaire constant de toute tyrannie,
Ami de la vertu, défenseur du génie,
Convaincu seulement du crime détesté
D'avoir aimé, servi, chanté la liberté.

Oui, j'ai commis ce crime, et je m'en glorifie;
Oui, les sucs généreux de la philosophie

Ont contre les revers fortifié mon cœur:

Des préjugés vieillis ils m'ont rendu vainqueur.

Aux feux qu'ont allumés Rousseau, Bayle, et Voltaire,
J'ai vu se dissiper cette ombre héréditaire

Qui couvrait les humains dans la nuit expirans,
Et j'ai su mériter la haine des tyrans.

Des esclaves vendus la colère débile

De cris calomnieux a fatigué ma bile;

Ma muse d'Archiloque implora le courroux:
Ma muse enfin retourne à des travaux plus doux,
Amitié dont les soins font oublier l'envie,
Arts, brillans séducteurs qui colorez la vie,
Raison, guide des arts et même des plaisirs,
Embellissez encor mes studieux loisirs.
Ramenez-moi les jours d'audace et d'espérance,
Où j'ai peint l'Hôpital, ce Caton de la France;
Où Boulen et Seimour ont fait couler des pleurs;
Où le grand Fénélon, paré de quelques fleurs,

Et, du fond de sa tombe accueillant mon hommage,

Dictait mes vers empreints de sa fidèle image
Les nombreux ennemis contre moi conjurés
Affermiront mes pas, déjà plus assurés.

Je laisse à mes écrits le soin de ma défense.
Le dieu qui dans son art instruisit mon enfance
Donne à ses nourrissons un exemple sacré :
Si l'impudent satyre est par lui déchiré,
S'il punit d'un Midas les caprices stupides,
S'il écrase un Python sous ses flèches rapides,
De ses feux bienfaisans il mûrit les moissons;
Dans ses douze palais il conduit les saisons;
Il préside aux concerts des doctes immortelles,
Et sur sa lyre d'or il chante au milieu d'elles,

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DISCOURS EN VERS

SUR

LES POÈMES DESCRIPTIFS.

Le Pinde a vu des jours en talens plus fertiles ;
Des lois y séparaient les genres et les styles;
Et les chantres fameux s'empressaient d'obéir
A ces lois du bon sens, du goût, et du plaisir.
Sa trompette à la main, l'héroïque Épopée
Célébrait les exploits, les crimes de l'épée;
Simple avec majesté, la Tragédie en pleurs
Consacrait dans ses vers les illustres malheurs ;
L'aimable Comédie, au sourire pudique,
Offrait à nos travers son miroir véridique;
L'Ode mélodieuse, et chantant tour à tour
Les Dieux et les festins, les héros et l'Amour,
Aux élans du Génie abandonnait sa lyre;
Le ridicule heureux d'une utile satire

Flétrissait les méchans, humiliait les sots;
Et la Description, se plaçant à propos,

A ces genres divers sobrement départie,
Venait dans chaque tout former une partie.
Aujourd'hui, nous dit-on, c'est un genre nouveau:
Des grimauds impuissans, dont jamais le cerveau
N'a saisi les contours d'un sujet noble et riche,
D'une image stérile enflent chaque hémistiche,
Sur un papier rebelle, et d'un esprit glacé,
Riment avec effort ce qu'un autre a pensé,
De vingt compilateurs compilent les merveilles,
Assomment le public endormi par leurs veilles;
Et chacun d'eux, vanté sans mesure et sans choix,
Devient dans un journal le grand homme du mois.

L'un, poëte ignorant, mais botaniste habile,
Dans la rose ou l'oeillet comptant chaque pistile,
Oubliant les parfums, négligeant les couleurs,

A l'aide de Jussieu rime un traité des fleurs.
L'autre, d'un air niais qu'il prend pour de la grâce,
En pleine basse-cour établit son Parnasse
Ronfle avec l'animal aux Hébreux défendu,
Nazille avec l'oison dans sa mare étendu,
Et, toujours au bon goût alliant l'harmonie,
Glousse avec les dindons, ses rivaux en génie.

Un bruit soudain s'élève aux marais d'Hélicon.
D'où vient-il? Un Orphée, argonaute gascon,
Sur la foi de Giguet, et non pas de Zéphire,
Va courir l'Océan sans boussole et sans lyre,

Mais, lourd ménétrier, tremblant navigateur,
Il trompera l'espoir de Giguet l'armateur:
Il n'ira point creuser les mines de Golconde;
Ne le soupçonnez pas de découvrir un monde;
Sans même avoir l'honneur d'être battu des flots,
Le chantre monotone endort les matelots,

Et, dans un calme plat faisant tous ses naufrages,
Traverse avec l'Ennui de stériles rivages,

Jusque sous l'équateur va porter les hivers,

Et gravit sur des monts moins glacés que ses vers,
Ne sachant se borner, la Sottise étourdie
Voit dans chaque matière une encyclopédie;
Elle offre en un sujet tristement alongé
Du monde en raccourci l'éternel abrégé,
Et, s'égarant toujours, toujours plus en arrière,
Croit, en quittant la route, étendre la carrière.
Tel on vit autrefois le marseillais Dulard,
Riche en mots superflus, et maître d'Esménard,
Sur les œuvres de Dieu broder un long ouvrage :
Ainsi les Gascons les Marseillais font rage.
que

S'il avait voulu plaire, il eût manqué son but;

Il était sûr au moins d'opérer son salut.

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Use amplement du droit d'ennuyer plus qu'un autre ; Béni par les croyans quand ses vers sont maudits,

S'il ne monte au Parnasse, il monte en Paradis.

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