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«< Enfin plus avilis, dussent appartenir

« A ces brigands du Nord qu'ils envoyaient punir;
« Chassant du Panthéon les dieux de ses ancêtres,
<< La race de Camille a rampé sous des prêtres ;
<< Ils veillent sur la tombe où dorment les Brutus ;
«< Et, si Rome est encor, les Romains ne sont plus.
<< Par les deux Médicis de Florence exilée,
« Par Doria dans Gêne un moment appelée,
« J'ai fui, loin de Venise, un sénat sans pudeur,
« Qui sur le crime utile a fondé sa grandeur.
« Peu désirée en France, en Espagne insultée,
« Souvent chez les Anglais je fus persécutée :
« Un nouveau continent sortait du sein des mers;
«< En connaissant l'Europe il a connu les fers :

<< Parmi tant de débris, j'ai pour unique asile

« Cet heureux coin du monde où mon règne est tranquille. << Ne crois point toutefois que je veuille aujourd'hui

« Au Batave opprimé refuser mon appui.

Je

pars, mais que du moins, digne de son courage, « Ce peuple n'aille plus, pour venger son outrage, << A des princes voisins prostituer sa foi :

<«< Veut-il la liberté ? qu'il soit un peuple-roi ;

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Que mes Helvétiens lui servent de modèle.

<< Soumis à mes drapeaux, à tes leçons fidèle,

« Il peut déterminer les arrêts du destin,

«Et, s'il a des vertus, son triomphe est certain. »

Elle dit, prend sa lance aux combats toujours prête,

De son casque de fer orne sa noble tête ;

Et, désertant ces monts que la nuit a couverts,
Les immortelles sœurs s'élancent dans les airs.

De l'horizon paisible elles percent les voiles.

Le

voyageur croit voir deux errantes étoiles, Traçant dans leur carrière un sillon radieux, Franchir en un moment tout l'espace des cieux.

Déjà se prolongeaient ces campagnes fécondes
Où le Rhin nourricier va déployant ses ondes :
Déjà sous les regards des deux divinités
Au niveau des sillons s'abaissaient vingt cités :
Constance, où Sigismond, cruellement docile,
Partagea les forfaits qu'ordonnait un concile;
Bâle, qui d'Amédée orna les cheveux blancs
Du lin pontifical, hochet de ses vieux ans ;
Mayence, où Guttemberg vit sous ses mains habiles
L'esprit humain fixé par des lettres mobiles;
Aix, où d'un grand pouvoir Charlemagne au cercueil
Dans le sein du néant a conservé l'orgueil.
Précipitant leur vol, et traversant la Meuse,
Les déesses touchaient à la rive fameuse

Où l'opulent Escaut, dans les marches d'Anvers,
Apporte l'industrie et l'or de l'univers.

Bientôt rompant sa chaîne, et bientôt reconquise,
A Philippe en pleurant cette ville est soumise.

"

Dans une immense plaine, au pied de ses remparts,
Des Castillans vainqueurs les bataillons épars
Sommeillent sur la foi de leur chef intrépide;
Farnèse est avec eux ; sa gloire est leur égide ;
Il veille, et, de l'aurore appelant le retour,
Prépare dans la nuit les conquêtes du jour.
Trop fier de sa valeur, trop entouré d'esclaves,
Déjà dans sa pensée il soumet les Bataves ;
L'orgueilleux ne sait pas quel immortel appui
Vient protéger leur cause, et marcher contre lui.
De l'aspect de son camp les Déesses lassées,
Côtoyant la Zélande et ses îles glacées,

:

Des fleuves et des mers ont franchi les détours
Enfin, de Rotterdam apercevant les tours,
Elles y descendaient quand déjà la nuit sombre
Dans un autre hémisphère allait porter son ombre.
L'aurore, en les voyant, sourit au haut des cieux;
L'horizon par degrés étincelle de feux;

Le jour luit, et jamais ces humides contrées
D'aussi pompeux rayons ne furent éclairées.

De leur berceau de fleurs les célestes gémeaux
Ranimaient les cités, égayaient les hameaux;
Partout s'embellissait d'une fraîcheur nouvelle
Du monde épanoui la jeunesse éternelle :
Le riche abandonnant ses tranquilles foyers,
Les élèves des arts quittant les ateliers,

Les villageois en foule échappés aux campagnes,
Les pères, les époux, leurs enfans, leurs compagnes,
Au sein de Rotterdam accourant la fois,

Y venaient contempler les soutiens de leurs droits.
Heureux législateurs, de qui la prévoyance
Jamais des citoyens n'égara l'espérance.

On les voit traverser d'un pas majestueux
Le rivage où, courbant ses flots respectueux,
La Meuse à Rotterdam apporte son hommage;
La place qui d'Érasme a conservé l'image,
Et ces quais opulens bordés de longs canaux
Que du hardi Batave ont creusé les travaux :
Ils atteignaient enfin leur auguste demeure,
Lorsque l'airain sonnant frappait la dixième heure.
Invisibles témoins, les sages déités

Précèdent les États dans ces lieux respectés.

On entre sans tumulte, on s'assied en silence;
De ce couple immortel tout ressent la présence :
Il rend au fond des coeurs ses oracles muets;
Il prépare, et bientôt va dicter les décrets.
Sous les yeux cependant de la foule charmée
S'offrent les généraux, organes de l'armée :
Ils ne font point briller le glaive des combats
Dans la cité paisible où siégent les États:
Sans armes, sans drapeaux, la loi seule y commande.

Boizot, le plus vaillant des guerriers de Zélande,

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Accompagne Maurice; et d'Egmond auprès d'eux
Du Brabant opprimé les entretient tous deux;
D'Egmond, fils d'un héros chéri de la victoire,
Et dont l'échafaud même a rehaussé la gloire.
Plus loin sont les Français; Bonnivet et Genlis,
Et Châtillon leur guide, et le brave Du Lis.
Nassau brille entouré de l'élite guerrière.
C'est lui, dit-on ; c'est lui, répond la ville entière.
Tel, au sein de la plaine étendant ses rameaux,
Un érable s'élève au milieu des ormeaux

Les bergers, sous l'abri de son vaste feuillage,
Cherchent durant l'été le sommeil et l'ombrage;
Et, reconnu de loin, son front démesuré
Conduit le voyageur en sa route égaré.

Les États ont admiş la cohorte intrépide.

Nassau parle en ces mots : « Vous que la Raison guide, « Vous, qui d'un peuple libre exercez le pouvoir, << Vous savez nos dangers; vous êtes notre espoir : « Des cités du Brabant la force est terrassée; « Amsterdam est captive, et Leyde est menacée; « Vous voyez ces Français que leur prince a quittés; « Au poste des héros les héros sont restés :

« Mais de qui servons-nous les volontés suprêmes? « Sommes-nous à Philippe, à Valois, à nous-mêmes? << Pour qui tant de périls, de combats, de travaux? « Le Batave agrandi veut des destins nouveaux,

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