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Compagne de Newton, quand d'un vol glorieux, Mortel, il pénétra dans le conseil des dieux (1).

(1) Chénier n'avait que dix-neuf ans quand il composa cette épître. L'année suivante, il en adressa une à M. Palissot, qui se terminait par ces vers :

Ainsi dès

que la nuit de ses voiles funèbres

Dans les cieux rembrunis a semé les ténèbres,

Soudain, au fond des bois, de leurs affreux concerts

Les sinistres hibous épouvantent les airs.

Les voilà désormais rois des célestes plaines.
Mais sitôt que, perçant les ombres incertaines

Loin des bras de Titon, l'Aurore de ses feux
A rougi de l'Ida les sommets sourcilleux;
Par un cri souverain saluant la lumière,
L'aigle, d'un vol hardi, rentre dans la carrière.
Tout fuit; et, déplorant son empire détruit,
Le monstrueux essaim redemande la nuit.

ÉPITRE

A M. LE SUEUR.

1787.

Doù naissent tes chagrins, enfant de l'harmonie?

Quoi! déjà tes rivaux, armant la calomnie,
Font siffler contre toi ses serpens odieux!
L'artiste sans génie est faux, insidieux,
Heureux du mal d'autrui, tout succès le déchire.
Il devient ennemi, du moment qu'il admire.
Quel ennemi, grands dieux! qu'un rival offensé?
D'un immortel éclat le vulgaire blessé

Au mérite éminent paie un tribut d'envie,
Juste envers les tombeaux, ingrat pendant la vie.
Chantre du Portugal, ô chantre infortuné,

De ton pays entier tu meurs abandonné;

Tu meurs dans l'indigence, et ton ombre plaintive,
Sur les rives du Tage, errante et fugitive,
Souvent durant la nuit pleure, et de ton trépas
Accuse un roi stupide et des peuples ingrats.

Partout de l'injustice on voit de grands exemples:
Partout ces demi-dieux, qui méritaient des temples,
N'obtenant que la haine et souvent le mépris ;
Voltaire à soixante ans, loin des murs de Paris,
Fuyant avec la gloire, et cherchant un asile;
Les cités se fermant devant l'auteur d'Émile;
Le vainqueur de Térence à peine enseveli;
Corneille vieillissant presque mis en oubli;
Milton chez les Anglais, mourant sans renommée;
La muse des Toscans à Ferrare opprimée;
Et les inquisiteurs, au fond d'une prison,
Près du vieux Galilée enfermant la Raison;
Et la faim consumant l'Apelle de la France,
Quand Mignard et Coypel vivaient dans l'opulence.
Ami, l'ignores-tu ? si l'un de tes aïeux

Par ses doctes travaux sut enchanter nos yeux,
Ce peintre, dont l'Europe admire encor les veilles
Voit un fer sacrilége insulter ses merveilles.

Nobles enfans des arts, accourez, vengez-vous;
Punissez un rival qui vous éclipse tous,

Déchirez, mutilez ces vivantes images,

N'épargnez aucun trait, vos coups sont des hommages.

Mais bien plutôt brisez vos stériles pinceaux;

Quand vous auriez détruit ses éloquens tableaux,

D'un si lâche dépit l'éclatante mémoire

Eût seule éternisé votre honte et sa gloire.

Notre âge est moins brillant, mais plus sage et plus doux. Tu vaincras l'ignorance et tes rivaux jaloux.

L'aimable vérité sort enfin du

nuage,

Un jour serein s'élève et dissipe l'orage.

Ceux qui t'ont méconnu, contraints de s'éclairer,
Rougissent de leur faute, et vont la réparer.

C'est un si beau devoir! Eh! quelle âme insensible,
Au charme le plus pur quelle àme inaccessible,
Méprisant les talens, pères du doux loisir,

A gêner leur essor peut mettre son plaisir?
Heureux imitateur des chants de l'Ausonie,
Chaque jour remplis-toi de son divin génie;
Et, montant chaque jour de succès en succès,
D'un nouveau Pergolèse étonne les Français.
Mais laisse autour de toi gronder quelques profanes,
D'un cagotisme obscur imbéciles organes.
Ces pompes, ces accords, ces chants harmonieux,
Plaisent au Roi des rois, au Dieu des autres dieux.
Des éternels concerts c'est la mortelle image;
Des arts qu'il a créés il accepte l'hommage;
Offrande noble et sainte! encens digne du ciel!
Ce ciel a tressailli quand le Roi d'Israël
Offrait au Dieu jaloux un glorieux cantique,
Agitait devant lui sa lyre prophétique,

Et, poussant dans les airs ses accens généreux,
Contre le Philistin conduisait les Hébreux :

Ou lorsque, dans les jours de jeûne et de prière,
Påles, couverts de cendre, au fond du sanctuaire,
De l'antique Lévi les enfans éplorés,

Comme eux faisaient gémir les instrumens sacrés.
Habitans du vallon, secondez la nature.

De ce jeune arbrisscau dirigez la culture.
Faudra-t il que son front, déjà triste et penché,
Au niveau des sillons se courbe desséché?
Portez-lui le tribut de ces ondes fertiles.

Faible et timide encore, à ses rameaux fragiles,
Habitans du vallon, prêtez un sûr appui.

Du doux éclat des fleurs il se pare aujourd'hui :

De plus beaux temps viendront, qui seront votre ouvrage ; Je veux un jour vous voir, assis sous son ombrage, Quand l'ardent Sirius enflammera les cieux,

Goûter avec transport ses fruits délicieux.

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