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Pleine d'honneur, de probité,

Si ce n'est en fait de tendresse ;
Bel esprit sans fatuité,

Et philosophe sans rudesse.

Paris tour à tour enviait

Villarceaux, Sévigné, Gourville,
Et La Châtre dormant tranquille
Sur la foi de son bon billet.
Affrontant la troupe hargneuse
Des médisantes par métier,
Elle osait être plus heureuse
Que les prudes de son quartier.
Tous les arts venaient lui sourire;
Douce amitié, tendres amours
Égayaient ses nuits et ses jours.
Le trait jaloux de la Satire

Ne l'atteignit point dans leurs bras;
Tartufe pouvait en médire,

Mais Molière en faisait grand cas.

Afin de varier la vie,

Chemin faisant elle avait eu

Mainte faiblesse fort jolie :

On parlait peu de sa vertu,
Mais on l'aimait à la folie.

Toi donc, de qui la volupté

A constamment suivi les traces,

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Toi qui joins l'enjoûment aux grâces,

La gentillesse à la beauté,

Que les plaisirs, que la tendresse,
Divinités de la jeunesse,

Embellissent tes doux loisirs :
Rends-leur des hommages durables,
Sans négliger les arts aimables :
Les arts sont aussi des plaisirs.
Qu'agitant les cordes dociles,
Sur la harpe, tes doigts agiles
Voltigent, guidés par l'amour;
Et que ta voix tendre et plaintive
Chante la romance naïve

De quelque nouveau Troubadour.
Moissonne le champ de la vie,
Tandis que les sombres hivers
N'ont pas encor glacé les airs,
Ni desséché l'herbe flétrie;
Tandis qu'Aurore de ses pleurs
Anime et féconde la plaine,
Où Flore étale ses couleurs,
Et que Zéphir, de son haleine,
Caresse tes cheveux d'ébène,

Couronnés de myrthe et de fleurs.

LE CIMETIÈRE

DE CAMPAGNE,

ÉLÉGIE ANGLAISE DE GRAY.

TRADUCTION NOUVELLE EN VERS FRANÇAIS.

1805.

PRÉFACE.

Il existe déjà dans la langue française plusieurs traductions en vers de cette élégie célèbre; mais celles qui ont été publiées semblent plutôt des paraphrases que des traductions. Nous avons de plus quelques morceaux de poésie dont elle a évidemment donné l'idée : il en est même qui, sans égaler l'ouvrage du poëte anglais pour la plénitude des pensées et l'énergique précision du style, sont du moins fort remarquables par l'élégance et l'harmonie.

En donnant au public cette version nouvelle, composée

d'œil ce

il y a plusieurs années, je fais imprimer les vers anglais (1) à côté des vers français. On pourra voir d'un coup que j'ai cru devoir supprimer, changer, ajouter; on jugera si j'ai su garder un juste milieu entre une imitation infidèle et une traduction servile. J'ai craint, pour l'élégie entière, la monotonie des stances; j'ai conservé seulement dans l'épitaphe ces formes de poésie qui m'ont paru lui convenir. J'ai travaillé cette pièce avec soin; mais, en quelque genre que ce soit, je n'ai jamais donné mes écrits que comme des essais susceptibles d'un perfectionnement graduel. Je serai disposé, dans tous les temps, à mettre à profit l'opinion des connaisseurs, et même ce que pourront offrir de judicieux les critiques amères des censeurs de profession.

Voltaire, à son retour de Londres, où l'avaient contraint à se refugier les premières persécutions qu'il eût essuyées en France, fit connaître à sa patrie la philosophie et la littérature des Anglais. Il puisa dans leurs poëtes des beautés fortes qu'il sut encore embellir. Durant les dernières années de ce grand homme, aujourd'hui si ridiculement harcelé, M. Ducis a mérité des succès mémorables, en transportant sur la scène française les créations vigoureuses du poëte tragique de l'Angleterre. Plus récemment, dans la traduction du Paradis perdu, ouvrage tantôt sublime et tantôt bizarre d'un génie non moins étonnant que Shakespeare, on a souvent retrouvé tout le talent de M. Delille on le cherchait dans l'Homme des champs, et dans le poëme de la Pitié.

Le même M. Delille a traduit autrefois, avec beaucoup de bonheur, la belle Épître de Pope au docteur Arbuthnot. Un autre chef-d'œuvre de Pope, l'Héroïde d'Héloïse, avait déjà fondé la réputation de M. Colardeau. M. Boisjolin mérite d'être cité après ces talens célèbres; et sa traduction de la Forêt de Windsor est un des morceaux les plus purs qui aient paru depuis long-temps.

(1) Nous croyons inutile de les réimprimer ici.

Quand il devient difficile d'oser penser soi-même, on peut encore traduire. Indépendamment de l'élégie de Gray, le meilleur ouvrage que nous ayons en ce genre, au moins dans les langues modernes, quelques autres pièces de ce poète sont dignes d'une version élégante et soignée. Par exemple, son Hymne à l'Adversité, ses deux Odes pindariques, l'une sur les progrès de la poésie, l'autre intitulée le Barde; mais, plus encore, à mon avis, son Ode charmante sur le collége d'Éton. L'Ode plus fameuse que Dryden a composée sur la musique; l'Emma de Prior, l'Hermite de Parnell, l'Épître d'Adisson sur l'Italie, une douzaine de fables de Gay, deux petits poëmes de Goldsmith, le Voyageur et le Village abandonné, mériteraient aussi d'exercer parmi nous des versificateurs habiles. Les littératures ne sont jamais en guerre. п peut exister des querelles politiques entre les divers gouvernemens; le vœu philantropique de Sully, de l'abbé de Saint-Pierre et de J. J. Rousseau, peut n'être encore que le rêve des hommes de bien mais il existe pour le génie un traité de paix perpétuelle qui doit être religieusement ob

servé.

LE

Le jour fuit; de l'airain les lugubres accens
Rappellent au bercail les troupeaux mugissans ;
Le laboureur lassé regagne sa chaumière ;
Du soleil expirant la tremblante lumière
Délaisse par degrés les monts silencieux;
Un calme solennel enveloppe les cieux;
Et sur un vieux donjon que le lierre environne,
Les sinistres oiseaux, par un cri monotone,
Grondent le voyageur dans sa route égaré,
Qui vient troubler l'empire à la nuit consacré.

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