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Par le fer des combats, par le glaive sacré,
Exterminer un peuple à ce point égaré,

Tel est le vou cruel que tous deux font connaître ;
Et d'Éboli l'approuve en regardant son maître.
Mais de Figueroa le vénérable aspect

Au conseil attentif imprime le respect.

De ses cheveux blanchis la

parure

éclatante

Flottait en longs anneaux sur sa tête pensante;
La douce humanité respirait dans ses yeux;

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On voyait sur son front luire un rayon des cieux ;
Et quatre-vingts hivers n'éteignaient point la flamme
Qu'un souffle de Dieu même alluma dans son âme.
Sans affecter l'audace, ou ressentir l'effroi,

C'est ainsi qu'il opine en s'adressant au roi :

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« Sire, 'un saint tribunal, en ces lieux cher encore,

<«< A produit tous les maux que le conseil déplore. « La flamme des bûchers n'éclaire point l'erreur; « Avec un cœur rebelle on cède à la terreur; « Mais c'est l'opinion qui soumet le cœur même. « Trente ans, de Charles-Quint j'ai vu l'éclat suprême : « Les nations l'aimaient, les rois suivaient son char; << Rome courba son front sous le nouveau César : « Le monarque français, loin des bords de la Seine, Abaissa dans Madrid sa grandeur souveraine, «Et, captif, implora son rival indompté, a Rassasié de gloire et de prospérité.

« Mais, quand de Charles-Quint la sagesse trompée

<«< Crut aux champs du Tyrol juger avec l'épée

« Ces dogmes de Luther que Rome avait proscrits, « Et voulut des Germains enchaîner les esprits,

<< Il trouva la limite où le pouvoir expire ;

« Et l'empereur, fuyant au milieu de l'empire,.. « En ses propres États redoutant sa grandeur,

« De son astre étonné vit pâlir la splendeur.

<< Il fut vaincu. Par qui? Non par ces faibles princes

« Qui, l'adorant jadis au fond de leurs provinces, « Loin de lui prosternés mendiaient son appui :

« C'était l'opinion qui triomphait de lui;

« L'opinion qui donne et reprend la victoire,
་ Qui fait l'autorité comme elle fait la gloire.
« Vous levez des soldats, mais contre vos sujets :
« Vous semez des trésors, pourquoi pas des bienfaits?
<< Vos galions chargés de tout l'or des deux mondes
«< Au sein de la tempête enchaînent-ils les ondes ?
« Qu'importent le courage et l'art des matelots
Quand des zéphirs heureux n'ont point calmé les flots?
Après quinze ans d'efforts qu'attendre de vos armes?
« Du sang, des orphelins, des veuves et des larmes.
« Il est un invincible, un auguste pouvoir;

« J'oserai pour les rois l'appeler un devoir :
« La clémence. Employez cette arme bienfaitrice;
« Songez que la clémence est encor la justice:

« C'est la cause de Dieu que vous croyez venger;
« Nassau croit la défendre, et Dieu seul peut juger.
« Au Mexique, où régna l'impiété du glaive,
« Je fus long-temps l'ami, le compagnon, l'élève

« De ce bon Las-Casas, modèle des vertus,

<< Homme, l'honneur de l'homme, hélas ! et qui n'est plus. « Il essuya des pleurs, et n'en fit point répandre. « J'ai vu les Indiens à genoux sur sa cendre; « Ils ont, en le voyant, appris à nous chérir;

« On les avait conquis; il sut les acquérir. « Il faudrait l'imiter. Si par la violence

« On veut d'un peuple aigri forcer l'obéissance,

« Les Bataves pour vous sont à jamais perdus :
« Mais, sire, à vos bienfaits vous les verriez rendus ;
« Ne désapprouvez point ma franchise hardie :

« J'ose encor aspirer, au déclin de ma vie,
« A l'honneur de fléchir un monarque irrité;
« Aussi près du cercueil on dit la vérité. »

Il se tait le conseil réfléchit et balance.
D'un si noble langage on sentait la puissance;
Et même la pitié, qu'ils ne connaissaient plus,
Saisit d'Albe et Granvelle indignés d'être émus.
Philippe avec effort compose son visage :
« Figueroa, dit-il, vos vertus et votre âge
« M'ordonnent d'excuser cet étrange discours :

« Je veux, en l'oubliant, vous estimer toujours:

« Mais, quand on veut régner, on suit peu vos maximes. «- Granvelle, au nom du Dieu juge et vengeur des crimes,

« Je vous confie encor cet empire sacré

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Qui jadis au Brabant vous a tant illustré :

« Soyez semblable à vous, juste, mais inflexible:

<< Allez.-Vous, Médina, que ma flotte invincible
« Vous suive, et du Batave investisse les ports;
« Et si, pour les défendre, osant quitter leurs bords,
« Les Anglais de mes droits ont perdu la mémoire,
« Puissiez-vous de Lépante égaler la victoire!
((- Vainqueur du Portugal, demeurez près de moi,
« De tous mes ennemis, vous l'éternel effroi,
Qui depuis quarante ans lassez la renommée,
« D'Albe, dont le nom seul me valait une armée.
<«< Mais que vos fils, bouillans d'un généreux courroux,
« Au péril, à la gloire, accoutumés par vous,

<< Revolent dans les camps où, presque dès l'enfance,
<< Ils ont sous vos drapeaux exercé leur vaillance;
« Qu'ils secondent Farnèse, à qui tous mes états
<< Fourniront de nouveau de l'or et des soldats.
« J'aurai d'autres moyens pour venger ma querelle.
« Je veux, avant trois mois, que ce peuple rebelle,
« Esclave déchaîné qui se croit souverain,
«< Retombe à mes genoux sous un sceptre d'airain. »
Il dit, et disparaît. Le conseil se dissipe:

Figueroa s'éloigne en pleurant sur Philippe;

Médina songe à vaincre, et Granvelle à punir;
D'Albe est avec ses fils qu'il vient de réunir.
« Mes enfans, leur dit-il, voyez ces trois épées;
« Des ennemis du roi le sang les a trempées.
« L'une, des Catalans réprima les complots;
« L'autre, du sang batave a fait couler les flots;
« Aux bords où l'Océan reçoit les eaux du Tage,
« Celle-ci d'un roi faible a conquis l'héritage.
« Prenez-les, et partez : soutenez-en le poids;
« Mais, pour le soutenir, il faut de grands exploits.
« Tolède, que Nassau de votre main périsse;

« Fernand, faites tomber la tête de Maurice;

« Alvar, que Châtillon expire sous vos coups.

« Un honneur partagé n'est point assez pour vous:
« Qu'ils meurent par vous seuls, c'est l'ordre de ma haine. »
Chacun des trois répond en jurant le trépas

Du terrible ennemi que va chercher son bras.
Mais dans le sein de Dieu tout l'avenir reposé,
Et des sermens humains c'est lui seul qui dispose.
Les uns, comme l'encens, jusqu'à lui sont portés;
Les autres, moins heureux, de son trône écartés,
Légers comme les vents, comme eux s'évanouissent.
Quand d'un succès futur les trois guerriers jouissent,
Le ciel qui les entend condamne ces pervers,
Et leurs sermens cruels se perdent dans les airs.

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