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Il rendra de son teint la fraîcheur et l'éclat;
On verra de sa peau le tissu délicat ;

Sa blanche chevelure en longs anneaux flottante;
Du plaisir partagé la promesse et l'attente

Sur sa bouche de rose, en l'azur de ses yeux
Doux comme les rayons d'un jour délicieux;
Ce regard plein de flamme et tendrement humide,
Qui rendait auprès d'elle Adonis moins timide,
Quand, des mêmes désirs se laissant enivrer,
Dans les forêts de Gnide ils allaient s'égarer.

Ici, dans un tableau qu'Homère nous présente,
Combien nous admirons sa touche séduisante!
De quels traits il sait peindre à l'esprit enchanté
Le pouvoir absolu qu'exerce la beauté!
C'est Junon, de Vénus c'est la rivale altière,
Qui près d'elle aujourd'hui descend à la prière :
Pour séduire un époux, elle emprunte à Vénus
Des attraits que jadis elle avait méconnus.
A vanter leur puissance elle-même s'empresse.
«O Vénus, prête-moi, dit la fière déesse,
« Ce charme dont l'empire, assurant tes autels,
<< Te soumet à la fois les dieux et les mortels. »
Vénus, ainsi flattée, en souriant s'incline,
Détache mollement sa ceinture divine,

S'en dépouille, et la prête à la reine des cieux.
Dans les plis ondoyans du tissu précieux,

Sont cachés les désirs, la gràce inexprimable,
Tout ce qui fait aimer, tout ce qui rend aimable,
Les refus caressans dont l'attrait est vainqueur,
Et les doux entretiens qui sont maîtres du cœur.
O premier des beaux-arts, céleste Poésie,
Vrai langage des dieux, tes chants sont l'ambrosie!
Rendras-tu, Praxitèle, un si charmant objet ?
Non, ton art s'épouvante, et ton ciseau se tait.
Viens, saisis, Titien, ta palette magique;
Prends ton pinceau moelleux, éloquent, énergique;
Aux tissus les plus fins, aux plus beaux ornemens,
Unis l'éclat de l'or, le feu des diamans;

Tes efforts seront vains; et jamais la Peinture
de Vénus égaler la ceinture.

Ne

pourra

Le poëte à son tour doit savoir éviter

Des effets que le peintre a le don d'imiter;

Ah! pour mêler deux arts, une ignorante audace
Invoquerait en vain l'autorité d'Horace;

Horace les compare, et ne les confond pas.

Je dirai leurs rapports; mais allons pas à pas,

Et

que des lois du goût le goût soit l'interprête. Oui, le poëte est peintre, et le peintre est poëte.

Corneille, dans ses vers, nous peint de grands tableaux;
Et Poussin pense, écrit, parle avec ses pinceaux.
Pour traiter cependant les sujets qu'ils choisissent,
Aux moyens de leur art tous deux s'assujettissent:

Le chemin seul diffère, et tous deux vont au but:

Poussin, qui parle aux yeux, ne peint pas Qu'il mourút : Du théâtre français le fondateur sublime,

Créant la tragédie et non la pantomime,

Laisse obtenir en foule au peuple des auteurs
Des succès réclamés par les décorateurs.

Ainsi que Melpomène, on voit la muse épique
Employer du discours la forme dramatique ;
Voulant frapper les yeux bien moins que les esprits,
Melpomène à sa soeur emprunte les récits;

Pharnace, Xipharès, les Romains, Mithridate,
Combattent devant moi lorsque j'écoute Arbate;
Par des vers enchanteurs, Théramène, en pleurant,
Me fait voir, suivre, entendre Hippolyte expirant.
Isménie à l'autel me montre Poliphonte
Immolé par Égiste aux månes de Cresphonte;
Ulysse en traits de feu me peint les longs débats
Excités et calmés à la voix de Calchas.
Quand la satiété des chefs-d'œuvre sans nombre
A l'éclat de nos arts mêlait déjà quelque ombre,
On n'a pas craint d'offrir au public assemblé
Aux yeux d'Iphigénie Agamemnon voilé,

Et tous les Grecs luttant contre le seul Achille,
Et le sanglant couteau dans les mains d'Ériphyle:
Mais, juste cette fois, le public a vengé
La raison méconnue et Racine outragé.

Quels objets montre aux yeux l'art savant du théâtre !
Teinte du sang d'un fils, l'horrible Cléopâtre
Épuise en sa fureur le vase empoisonné

Qu'au second de ses fils elle avait destiné :
Des trésors de David exigeant ce qui reste,
Athalie est conduite en un piége funeste,

Et, dans les murs du temple admise sans soldats,
Voit avec la vengeance apparaître Joas.
D'un vieillard éploré la voix inattendue
Arrache le poignard à Mérope éperdue,
Qui va tuer son fils en voulant le venger :
Par un injuste arrêt se laissant égorger,
Pour Tancrède banni, la tendre Aménaïde,
A la honte, au trépas porte une âme intrépide;
Tancrède, qui paraît quand elle est sans secours,
Se croit trahi par elle, et combat pour ses jours:
Le Génie, en traçant ces peintures habiles,
Atteint, sans les franchir, des bornes difficiles,
Qu'égaré loin du but, de faux pas en faux pas,
Un vulgaire talent franchit et n'atteint pas.

Mais, lorsqu'Iphigénie a reconnu son frère,
N'a-t-on pas de Diane apaisé la colère,

Et son temple est-il fait pour de sanglans combats ?
Se glissant sain et sauf à travers les soldats,
Se peut-il que Lincée ait eu l'adresse extrême
D'escamoter le fer levé sur ce qu'il aime?

Que Tell avec les siens soit libre et triomphant ; Mais à quoi bon la flèche, et la pomme, et l'enfant ? Pour secourir Bayard faut-il tant de cohortes? Accourant, s'agitant, forçant toutes les portes, Sur les rives du Gange un général français Devrait-il d'un bûcher tolérer les apprêts, Pour venir un peu tard, lentement magnanime, Du milieu de la flamme enlever la victime? Auteurs qui recherchez, pour séduire nos yeux, · D'un stérile appareil l'éclat fastidieux, Melpomene a besoin d'effets plus énergiques; Étalez à grands frais vos parades tragiques Sur ce brillant théâtre aujourd'hui profané Où Franconi succède à Quinaut détrôné.

Un défaut puéril, en dépit du poëte,

Vient gâter quelquefois la pièce la mieux faite, Quand un peintre moderne, un antique sculpteur,

Mal à propos inspire ou l'actrice ou l'acteur.

O vous qui nous offrez une toile vivante

Des héros

que la scène à nos regards présente,
Pourquoi disputez-vous aux acteurs des tréteaux
Le soin de copier d'immobiles tableaux ?
On ne vit pas Clairon, par une oisive étude,
De la Diane antique affecter l'attitude,
Et Lekain retraçait aux spectateurs émus

Vendôme, Achille, OEdipe, et non l'Antinoüs.

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