Obrázky na stránke
PDF
ePub

lui versa la joie. La société grecque et romaine n'attend plus rien de sa religion, ni de sa philosophie. Longtemps elle avait essayé de combattre l'indifférence ou la corruption et avait fait de généreux efforts pour se retirer de la nuit où elle descendait chaque jour davantage.. Les Sénèque, les Épictète, les Dion et leurs pareils réveillaient les cœurs, et s'ils ne pouvaient remplacer la religion, ils tentaient du moins de donner un prestige religieux à la sagesse humaine. Mais peu à peu la philosophie se décourage et perd, avec sa vaillance, son autorité. Quelques grandes âmes égarées dans ce monde frivole et dépravé cultivent encore la vertu pour ellesmêmes, mais n'ont plus l'espoir de la répandre. Elles en font l'objet d'un culte solitaire. Il vient un moment où Marc-Aurèle, qui peut juger le monde de haut, désespère et demande à mourir pour n'avoir point à rester plus longtemps « dans ces ténèbres et ces ordures. » La société antique n'a plus confiance dans ses doctrines qui lui paraissent épuisées. La foule ne tient pas à les connaître et souvent les beaux esprits ne les connaissent que pour les profaner. Tandis que la multitude grossière tourne le dos aux anciens sages et, entraînée par un secret instinct, court en aveugle au-devant de toutes les nouveautés venues de la Perse, de la Chaldée, de l'Égypte, les hommes cultivés, sans souci de l'avenir, s'amusent à railler le passé. En vain l'honnête Plutarque, retiré en province, attardé dans le siècle, garde une sorte de piété patriotique aux héros et aux sages de l'antiquité et se propose de ranimer l'admiration. Dans les compagnies élégantes, au contraire, dans les écoles de philosophie et d'éloquence, on se fait un jeu savant de déclamer contre les grands hommes, et les jeunes orateurs s'exercent à déchirer Socrate ou Zénon. Pendant quelque temps on aura encore de l'esprit et de la science

au service de ce scepticisme futile, mais bientôt on ne se donnera plus la peine d'étudier ce qu'on ne respecte plus. La littérature elle-même périra et sera réduite aux banalités de l'ignorance et aux légèretés du dédain. Ce qui reste de talent est consacré à la satire. Le dernier grand poëte de Rome, Juvénal, le dernier grand écrivain de la Grèce, Lucien, sont également des satiriques. Le monde ancien n'a plus de génie que pour se condamner ou pour se moquer de lui-même. Cette satire universelle contre les dieux, les héros, les sages, constate la décadence et la précipite. Car pour les sociétés comme pour les individus, le dernier degré de la chute est le mépris de soi-même. Bientôt une nouvelle lumière attirera ces esprits désabusés et le christianisme n'aura plus de peine à recueillir ce monde qui défaille et s'abandonne.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][ocr errors][merged small][merged small]
« PredošláPokračovať »