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CHAPITRE X I X.

DES CAUSES ET DES PROGRES DE L'AGIOTAGE.

LA

Semper inops quicumque cupit ..

CLAUDIEN.

A plupart des joueurs ne risquoient rien, ou presque rien pour gagner tout; et cela explique le mouvement ou la révolution qui précipita la ruine du commerce.

Bientôt, cette soif des richesses gagna toutes les classes, et corrompit tous les cœurs. Peu de personnes résistèrent à l'appât d'un grand lucre. Le jeu, introduit sur les marchandises et sur les propriétés, tourna les meilleures têtes. On eût dit d'une ville prise d'assaut et mise an pillage, où chacun se sauve avec une part dû butin, en écrasant à droite et à gauche.

La société fut partagée en deux grandes classes, celles des dupes et des fripons. Tous les gens honnêtes prirent le rôle de dupe; mais la dose de revers fut en raison exacte de la probité, et le bonheur se déclara pour

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les contraires. On vit s'enrichir, en un tour de main, toute cette horde de gens, qui,

nés avec de grandes dispositions, les avoient cultivées dans des opérations subalternes; dont les talens, comprimés par une police sévère, ou ignorés, faute d'une telle occasion, n'avoient pu, jusqu'à ce jour, recevoir un entier développement, et prendre tout leur essor.

Cette contagion funeste tira, des idées politiques, un nouvel aliment. On avoit été conduit, par les excès de la révolution, à une profonde insensibilité sur soi-même et sur les autres; l'égoïsme enfanta les vices et la plus affreuse dégradation. Chacun s'isola: tous les esprits devinrent pervers, tous les cœurs furent d'airain. Dans le vide de sentimens moraux, il ne resta plus qu'à rechercher les derniers et les plus grossiers des plaisirs les sensations physiques, les jouissances de sensualité et d'orgueil; mais on ne les obtient qu'avec beaucoup d'argent. Chacun songea à se procurer beaucoup d'argent; et on fut d'autant moins scrupuleux. sur le choix des moyens, qu'ils étoient trèsfaciles.

Quelques uns même, et ce fut le plus

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grand nombre, calculèrent les produits de l'immoralité. Ils pensèrent qu'une clef d'or ouvroit toutes les portes; qu'on ne demandoit jamais compte à un homme qui a 100 mille livres de rentes; et en effet, je n'ai pas encore vu que l'un de ces hommes fût-il d'ailleurs décrété d'accusation, ait fini par rendre compte. Joignez-y la facilité de transporter ses richesses et de les cacher; ce qui est faire un véritable vol à sa patrie et à la société. Telles sont, en dernière analyse, les sublimes considérations qui ont achevé de corrompre des ames déjà cor

rompues.

Peut-être, ces horribles calculs ont-ils été, en partie, le résultat de la politique étrangère des cours, qui savent très - bien que, dépraver, c'est régner.

INFLUENCE DE L'AGIOTAGE SUR L'INDUSTRIE ET L'AGRICULTURE.

La seule, la véritable richesse est celle qui vient de la terre. QUESNAY.

L'INFLUENCE de l'agiotage a été sensible sur l'industrie et l'agriculture, parce qu'il les a frustré de capitaux, parce que les produits rapidés de cet horrible jeu ont été préférés aux produits lents, mais plus certains des améliorations. En effet, le prix qu'on auroit employé à relever le coin d'une propriété, pouvoit procurer une propriété entière. Le caprice qui avilissoit ainsi tous les objets, fit naître le caprice qui détruit et consume, loin de réparer. On prodigua pour des parures, des bals, et sur-tout pour des festins, les sommes qui auroient porté le mouvement et la vie dans tous les canaux de l'industrie productive.

Les spéculations utiles et honnêtes ne tentèrent pas ceux qui en avoient les moyens, et les moyens manquèrent à ceux qui auroient eu la volonté de les tenter. Elever des manufactures, tracer des chemins, des

sécher des marais, cultiver des landes multiplier les bois et les eaux, faire jaillir des fontaines, et sortir, comme d'un coup de baguette, des forêts du sein des sables arides; parer de verdure le front nu des collines désertes, creuser des canaux d'irrigation, multiplier les prairies et les rivières artificielles, ouvrir ainsi de nouveaux débouchés aux productions du sol et de l'industrie; encourager tous les essais de culture, répandre autour de soi et sur ses pas, comme une source vive et abondante, la fécondité, l'abondance et le bonheur; doubler, que dis-je, centupler les richesses factices par les richesses de la nature, et augmenter, par des acquisitions réelles, les acquisitions de convention; être comme une seconde providence, et former un anneau de la chaîne de bienfaisance universelle; recueillir, à-la-fois, tous les biens physiques et tous les biens moraux, les trésors de la société, de la nature et de l'ame..... Voilà, voilà le plus bel et le plus productif emploi des richesses. Mais, qui sait sentir cela? Ce n'est pas assurément celui qui achète, à huit heures du matin, un effet pour le revendre à midi.

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