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INFLUENCE

DE

DE L'AGIÓTAGE
SUR LA MORALE PUBLIQUE.

Rien n'est plus funeste aux moeurs et à la république que les changemens continuels d'état et de fortune entre les citoyens; changemens qui sont la preuve et la source de mille désordres, qui bouleversent et confondent tout, et par lesquels ceux qui sont élevés pour une chose se trouvant destinés pour une autre ni ceux qui montent ni ceux qui descendent ne peuvent prendre les maximes, ni les lumières convenables à leur nouvel état, et beaucoup moins en remplir les devoirs. (ROUSSEAU, Econ. polit.)

L'INFLU 'INFLUENCE de l'agiotage a été sensible sur la motale publique, et c'est-là le plus terrible coup et la calamité la plus déplorable.. En effet, la morale est le palladium des républiques. Faut-il ici traîner au tribunal de l'opinion ces hommes qui ont érigé leur fortune criminelle sur les ruines de vingt familles? qui ont remboursé avec une fiction de valeur, avec un papier qui n'étoit que du papier, la dette de l'honneur et souvent de la bienfaisance. Le masque est tombé au premier choc de l'in

que

térêt le vernis d'une politesse affectueuse cachoit des coeurs faux et des ames atroces, le flambeau des circonstances a laissé voir dans toute leur laideur. Il ne s'agissoit point de générosité; mais de justice rigoureuse. Qui est-ce qui s'est honoré d'être juste? Qui est-ce qui a reculé à l'idée d'un véritable vol, lorsqu'il étoit en quelque sorte licite, et consacré, pour ainsi dire, par la foi et par l'exemple ? Les pères et les enfans, les époux, les amis, les obligés, tous ont rompu les nœuds les plus sacrés, sans remords, froidement, et cela pour quelques pièces d'or. Ah! si l'intérêt est le père de tous les crimes, qu'attendre de cette foule dégradée, qui ne connut jamais d'autres loix que celles du plus vil intérêt! Mettez d'un côté une somme d'argent, et de l'autre faites peser dans la balance l'honneur, la conscience, l'équité, la reconnoissance, cette religion des cœurs sensibles, la foi, la probité....... Ces noms sacrés seront de peu de poids! Ils n'en ont que dans les écrits des moralistes; mais grâce à la perversité géné→ rale, un moraliste est devenu, lui-même un être fort insipide, ou du moins complétement ridicule.

CHAPITRE XXII.

DEUX TRAITS SUR MILLE.

A des richesses mal acquises préférez une pauvreté sans reproche. Les richesses ne peuvent être utiles que pendant la vie, au lieu que la probité, après avoir consolé la vie, nous couvre de gloire, même après la mort.Les unes ne sont que trop souvent le partage des méchans, l'autre est l'apanage des seuls gens de bien. ISOCRATE.

L'EXTÉRIEUR d'Euphémon annonçoit la vertu depuis cinquante ans il jouissoit de la réputation d'honnête homme. Il devoit à son plus intime ami cent mille francs, fruits des travaux, épargnes de la plus estimable économie, destinés à former la dot d'une fille intéressante. Euphémon tenant la loi à main, et n'osant regarder son ami en face, s'est acquitté avec des valeurs mortes. Il a perdu sa réputation; mais il croit avoir gagné.

Damis et compagnie viennent de faire banqueroute de quatre millions. Cette banqueroute est frauduleuse; ils ont pris des termes pour payer. La, loi n'accorde qu'un intérêt de cinq pour cent par année, ces

messieurs placent ce même argent à cinq pour cent par mois. Cela ne s'appelle qu'une spéculation. Rien n'est plus commun que ces sortes de spéculations,

« J'ai vu la foi des contrats bannie, les plus saintes conventions anéanties, toutes les loix des familles renversées. J'ai vu des débiteurs avares, fiers d'une insolente pauvreté, instrumens indignes de la fureur des loix et de la rigueur des temps, feindre un paiement au lieu de le faire, et porter un couteau dans le sein de leurs bienfaiteurs.

» J'en ai vu d'autres, plus indignes encore, acheter presque pour rien, ou plutôt ramasser de terre des feuilles de chêne, pour les mettre à la place de la subsistance de la veuve et des orphelins.

"J'ai vu naître soudain dans tous les cœurs une soif insatiable des richesses; en un moment, une détestable conjuration de s'enrichir, non par un travail et une généreuse industrie, mais par la ruine de l'état et des citoyens.

"J'ai vu un honnête citoyen, dans ce temps malheureux, ne se coucher qu'en disant : j'ai ruiné une famille aujourd'hui, j'en ruinerai une autre demain.

"Tous ceux qui étoient riches, il y a six mois, sont à présent dans la pauvreté, et ceux qui n'avoient pas de pain, regorgent de richesses. Jamais ces deux extrémités ne se sont touchées de si près......

» Quelles fortunes inespérées, incroyables même à ceux qui les ont faites! Dieu ne tire pas plus rapidement les hommes du néant. Que de valets servis par leurs camarades, et peut-être demain par leurs maîtres (1)! »

« Je vais, disoit un autre, avec un homme noir qui porte une écritoire à la main et un fer pointu à l'oreille, assassiner tous ceux à qui j'ai des obligations.

"Un antre disoit : je vois que j'accommode mes affaires; il est vrai que, lorsque j'allai, il y a trois jours,faire un certain paiement, je laissai toute une famille en larmes, que je dissipai la dot de deux honnêtes filles, que j'ôtai l'éducation à un petit garçon. Le père en mourra de douleur, la mère périt de tristesse; mais je n'ai fait que ce qui est permis par la loi (2). "

(1) Montesq. Lett. Pers. Lett, 138.
(1) Idem. Lett. 146.

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