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et trupent ainsi tour-à-tour l'autorité, le public et leurs propres complices. Déjà l'on conçoit que ce mot est une injure ; mais il n'acquiert toute l'énergie infernale de l'agiotage transcendant que dans son accouplement monstrueux avec son digne acolyte le monopole. C'est Pagiotage greffé sur le monopole et conduit par les véritables adeptes, qui a produit les excès dont nous gémissons. Cet art ne connoît plus de bornes : il ne repecte rien; il dédaigne même de se cacher; il porte la corruption, non-seulement dans le secret des cabinets, mais jusque sur les confins de l'empire de la raison; il corrode, il vicie tout ce qu'il touche..... Mais faut-il en être étonné? Quel est le siége de toutes les compagnies qui l'alimentent? Où se fait l'estimation de leurs ressources, de leurs moyens? Où juge-t-on de leur commerce? Où tienton magasin de leur action? A Paris; c'est-à-dire, dans ce lieu de dissipation et de vertige, où l'on ignore la nature de toutes les choses, où il est impossible de s'en occuper avec suite, où tout manque pour acquérir ce genre de lumières, où tant de passions qui fermentent s'opposent à leurs progrès, où le seul tumulte des faits et des hommes, il par faut tout croire, tout voir, tout palper sur parole. Oui, j'en jure la vérité, l'agiotage qui s'exerce à Paris sur des effets dont le profit éventuel égare l'imagination, ne peut qu'engendrer la plus abominable des industries. Eh! quelle compensation offre-t-elle quand son résultt aunique, son dernier produit est un jeu effréné, où des millions n'ont d'autre mouvement que de passer d'un porte-feuille à l'autre, sans rien

créer, si ce n'est un groupe de chimères que la folie du jour promène avec pompe, et que celle de demain fera évanouir.

Si toute honnête industrie, toute modération dans les désirs, tout esprit d'ordre, toute répartition judicieuse d'un travail productif, toute économie sont impossibles dans l'état d'exaltation et d'ivresse où nous jette l'agiotage; s'il a tous les inconvéniens du jeu et du plus effréné des jeux, l'avidité, l'impatience, la mauvaise foi, le dégoût de tout ce qui n'est pas lui, le mépris des loix, on peut juger qu'elle doit être son influence sur les mœurs et l'ordre public. Veut-on tout savoir, en un mot? Il familiarise avec l'impunité, mère de tous les désordres et de tous les crimes, ou plutôt il la nécessite. Qui ne sait d'abord que, grâces aux excès même auxquels il se porte, l'agiotage doit se former un rempart de protecteurs? Non : aucun Français n'a vu dans toute son étendue ce que c'étoit que l'agiotage (s'il en étoit autrement, ils seroient tous coupables du crime de lèse-patrie); et maintenant que j'enregistre ses forfaits, il glacera d'horreur les bons citoyens. Le détruire, c'est sauver l'état, c'est restaurer ses ressources c'est pourvoir à sa sûreté, c'est rétablir le bon ordre, c'est rendre au gouvernement sa dignité, à l'autorité son empire, aux loix leur force; c'est préparer la voie à l'esprit public, assurer la paix extérieure, la rendre dans l'intérieur des familles, restituer les talens à leur véritable usage, la considération aux choses décentes et utiles; et dans ce moment où nous sentons qu'il faut demander à notre sol, trop négligé, ce qu'un fils dissipateur

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demande à l'affection de son père, le paiement de ses dettes, n'est-il donc pas temps de mettre en honneur l'industrie rurale? Ne faut-il pas repousser sur nos champs le numéraire que Paris absorbe et n'absorbe que pour tout corrompre?...

C'est le désordre qui engendre les malheurs dont je suis épouvanté.... Le désordre corrompt l'homme, dessèche la terre et tarit la nature. Le désordre, fût-il assis sur des monceaux d'or, ou les dispensâtil, je ne vois à la suite que des calamités inévitables. Oui, je le dirai à l'égoïste le plus concentré dans lui-même ; en vain compte-t-il sur son habileté, sur son adresse pour échapper aux funestes conséquences du désordre, l'homme dont la fortune semble le mieux sourire aux suggestions de ses mœurs corrompues, de ses calculs avides, vit trop long-temps pour n'être pas à son tour une des victimes du désordre (*).. ....(Note du Docteur.)

(*) Mirabeau.

DIVISION

DES BANDES.

Ils boivent l'iniquité comme l'eau...
LE PSALMISTE.

DÉSIREZ-VOUS en savoir davantage? Consultez cet homme qui lit à quelques amis les fragmens d'un mémoire sur l'agiotage. En disant ces mots, le diable enveloppa le bachelier d'un nuage, et le plaça derrière le fauteuil de l'orateur, qui continua ainsi :

Les agioteurs se divisent en plusieurs bandes. Les uns, comme des joueurs foibles et inexpérimentés,ont été entraînés par un mouvement de cupidité, par la contagion de l'exemple; enchaînés ensuite par la nécessité ou plutôt par une habitude vicieuse, ils ont continué de tenter les hasards..... L'aveugle fortune souriant à la témérité, leur a prodigué ses faveurs, en raison de ce qu'ils les méritoient moins.Ils ont été plus heureuxque sages. On ne leur doit que le mépris: moins coupables, ils expient par l'ennui leur fortune.

Que je les plains: ils ne connoissent plus les plaisirs de la nature, ces jouissances que, mère bienfaisante, elle a rendu communes et faciles.

Ils rougiroient d'être heureux à la mani wo du peuple.

Pour eux, l'amitié est un sentiment trivial, la foi dans les engagemens est un vain songe; la vertu, un être idéal; la bienfaisance, une chimère.

Ils n'aiment rien, fors eux-mêmes. Les arts sont une énigme pour leur esprit; et la vertu, pour leur cœur.

Une liaison vague d'intérêt, ils l'appellent rapport, union..... Ils prennent le bruit, le tumulte, le fracas de la dissipation pour le bonheur, et la débauche cada véreuse au front hideux, à l'œil éteint, à la bouche infecte, pour la volupté. ...

D'autres raisonnant le crime, calculant le brigandage, ont formé ces associations meurtrières, qui disposoient des gages de la fortune publique, qui, par les soudaines émissions sur la place, abaissoient ou relevoient au gré de leur caprice, de leur horrible spéculation, les effets nationaux ou particuliers. C'est alors que toutes les fortunes ont été ébranlées comme par un volcan; la politique, la législation, le commerce, l'industrie, l'économie sociale, la morale, ont été troublés, et pour ainsi dire, pervertis.

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