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CHAPITRE LXXXIX.

LE

VAUDEVILE.

Agréable indiscret qui, conduit par le chant,
Vole de bouche en bouche et s'accroît en marchant.
BOILEAU.

N'ENTREREZ-VOUS pas au Vaudeville? Sans doute. L'influence de la révolution a été sensible sur ce théâtre aimable. Les auteurs des Actes des Apôtres essayèrent en vain de lui inoculer leurs principes: son berceau fut entouré d'orages. On avoit calculé avec profondeur l'influence de la chanson sur l'esprit français. Les directeurs ont senti qu'il ne convenoit ni 'à leur intérêt, ni à leur gloire, d'être les échos d'un parti d'opposition, de changer la retraite des Jeux et des Ris, en arène de discussions politiques, de sâtires et de personnalités.

Ils ont renfermé la critique dans les bornes du goût et de la décence. L'atticisme a dominé dans leurs compositions, et leur Thalie, foulant aux pieds le masque des furies et

le poignard de la satire qu'on avoit osé lui présenter, s'est embellie des traits de la Gaieté et de la ceinture des Grâces.- Sous une monarchie, le vaudeville fut appelé l'esprit français, lorsqu'il n'y avoit pas d'esprit public, lorsque le gouvernement détournoit des idées politiques, par les inepties privilégiées, et rivoit nos fers au son des couplets, lorsque notre malheureuse patrie étoit couverte de bastilles et de théâtres, prisons de la pensée.

Le goût accueilloit quelques-unes de ces productions; mais la morale murmuroit; mais la calomnie, mais l'envie, le vaudeville en main, poursuivit les chef-d'œuvres, et empoisonna les jours de Racine; mais ce fut par des vaudevilles qu'on voulut faire rétrograder l'esprit humain, vengé, agrandi par Voltaire. Apprendrez-vous sans indignation que l'on osa traduire au tribunal d'Arlequin, la Henriade, Edipe, Mahomet, Brutus. On voulut étouffer la voix de la raison sous le bruit des grelots de la folie : l'amour-propre, d'ailleurs, de la médiocrité y trouvoit si bien son compte : l'on est tellement embarrassé, accablé de sa petitesse auprès d'un grand homme que ne pouvant s'élever jusqu'à lui,

on cherche à le ravaler jusqu'à soi. On tâcha de couvrir sa perversité d'un masque moins hideux : c'est alors que la malignité fit naître le vaudeville, et les vices du cœur trouvèrent à se cacher sous les traits de l'esprit.

Sous la république, le vaudeville a mérité ses succès. Il s'est proposé un but moral, il a présenté un intérêt piquant et soutenu. Le bon esprit a succédé au bel esprit sans l'exclure.

A l'intention morale on a su joindre la situation dramatique.

C'est une idée extrêmement ingénieuse que celle de mettre sur la scène les grands hommes du dernier siècle : Collé, Panard, Piron, Favart, Lesage, Dufresny; le genre du portrait convenoit au vaudeville.

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Nous pouvons assurer que ces portraits présentent une grande vérité une touche spirituelle, un faire facile, et que les auteurs excellent, et dans les portraits à la mode, et dans l'art de draper.

Il est des théâtres pour les yeux et les oreilles, il en est d'autres pour le cœur. Le Vaudeville est le théâtre de l'esprit.

СНАРITRE ХС.

LES TRETEAU X.

Humano capiti cervicem pictor equinam
Jungere si velit, et varias inducere plumas
Undique collatis membris, ut turpiter atrum
Desinat in piscem mulier formosa superne
Spectatum admissi risum teneatis.....
HOR.

VENEZ
ENÉ Z gémir sur la dégradation pro-
fonde des mœurs et du bon goût.

Il y a peut-être entre ces deux objets plus de liaison qu'on ne pense. Et ils entrèrent chez....

L'entreprise des treteaux sera toujours une excellente spéculation, tant que les riches seront sots, et tant que le peuple sera grossier.

Reste à savoir jusqu'à quel point il importe au gouvernement que cela soit ainsi.

La monarchie encourage ce trafic de la corruption : c'est là où l'on achève de crever les yeux à ses esclaves; c'est là que

l'on convertit l'abrutissement en plaisir; c'est l'étable de Circé; mais Circé cesse d'être là une enchanteresse.

On remarqua, dans le temps, que l'ambassadeur anglais honora, comme on dit, ce spectacle de sa présence. Je le crois. Il devoit être moins embarrassé à la représentation de Madame Angot, qu'à celle de Brutus.

S'il est vrai, comme l'a observé Rousseau, qu'un spectacle soit un impôt déguisé, qui pèse sur les différentes classes, en raison inverse des fortunes, quel impôt que celui que le pauvre va payer pour acquérir des vices!

Une odeur empestée, exhalée par les lampes, et des groupes suans et entassés, semblent vous avertir de fuir ces lieux.

On s'est élevé avec éloquence contre ces entrepôts d'immoralité, contre ces pièces (et ce reproche convient à presque toutes), où l'on ne voit que des fils débauchés, des valets fripo ns, des mères et des filles galantes, des vieillards ridicules; pièces dont les héros mériteroient d'être attachés au pilori, pièce où l'intrigue roule presque toujours sur une escroquerie. Tandis que

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