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LES RÉPUTATIONS; LES CARICATURES.

LE

Les peintres parlent avec le pinceau.

ANNIB. CARRACHE.

E diable boiteux resta quelque temps sans revoir le bachelier: il l'acosta devant la boutique d'un marchand d'estampes. Le bachelier regardoit des caricatures : c'est une langue grossière le plus souvent, mais qui n'en devient que plus énergique.

La révolution commença par les caricatures. L'orgueil et l'ineptie de la cour; l'ignorance ministérielle; la stupidité bourgeoise; l'insolence de la noblesse; le pédantisme de la robe; l'abrutissement du cultivateur; l'hypocrisie du clergé; la sottise en simarre, en pourpre, en bure, en robe, en froc, en pourpoint, fournirent des élémens nombreux et des tableaux piquans.

Les caricatures indiquent l'esprit du siècle et de la nation. J'ai parcouru celles du temps de la Ligue et de la Fronde : nul génie.

L'idée en est aussi pauvre que le dessin. Elles roulent presque toutes sur des jeux de mots. Ceux de Pasquin et de Marphorio sont plus piquans.

Un lourd vernis d'érudition, une teinte superstițieuse, annoncent la physionomie du siècle et la tournure des esprits.

Les caricatures anglaises, à l'exception des compositions d'Hogarth, sont des bambochades crapuleuses. Je vois dans ces caricatures l'absence des arts, le besoin de distraction honteuse, l'habitude des tavernes, et la hideuseté des mœurs nationales. Les vices des Anglais sont grossiers, ceux des Français sont polis.

Les autres peuples n'ont pas assez de liberté pour avoir des caricatures. Ce genre de composition pronostique un mouvement dans les esprits et bientôt dans l'état. M'expliquerai-je entièrement? Pérorer sur la place publique ou exposer une caricature me paroît une même chose. Encore y a-t-il un avantage du côté de la caricature. Son effet est à la fois prolongé et multiplié. Il frappe, et dans plusieurs endroits et plus long-temps.

Les caricatures que le crayon français et les circonstances ont fait éclore portent bien l'empreinte

l'empreinte du caractère national; la touche est spirituelle et forte. C'est une saillie heu-reuse et presque toujours un trait aussi vrai que court.

Dans ces derniers temps on a donné ce nom à des imitations élégantes, à des tableaux fidèles de nos travers: non, je n'assignerai point le titre de caricatures aux charmantes productions de Vernet. Il a guetté le ridicule au passage, et l'a pris sur le fait.

Que de grâces, et quelle précision de trait! Hélas! Vernet est peintre d'histoire, et il s'occupe d'une espèce de miniature!

Je me suis rappelé alors ce passage de Rousseau: « La dissolution des mœurs, suite nécessaire du luxe, entraîne à son tour la corruption du goût. Que si par hasard entre les hommes extraordinaires par leur talent, il s'en trouvé quelqu'un qui ait de la fermeté dans l'ame, et qui refuse de se prêter au génie de son siècle, et de s'avilir par des productions puériles, malheur à lui! il mourra dans l'indigence et dans l'oubli. Que n'est-ce ici un pronostic que je rapporte. O C... P... le moment est venu où ce pinceau, destiné à orner la majesté de nos temples, par des images sublimes et saintes, tombera de vos Tome II.

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mains ou sera prostitué à orner de peintures lascives les panneaux d'un vis-à-vis. Et toi, rival des Praxitèles et des Phidias, toi dont les anciens auroient employé le ciseau à faire des dieux capables d'excuser à nos yeux leur idolâtrie inimitable, P... ta main se résoudra à ravaler le ventre d'un magot, ou il faudra qu'elle demeure oisive. "

Ce genre a sa poëtique : il doit être assujetti aux règles de la décence et du goût. Quelquefois, il faut l'avouer, il s'en est affranchi par une heureuse licence, par un caprice ingénieux: il est dans les arts ce que la satire est dans les lettres. Il faut proscrire la caricature lorsqu'elle offense à la fois le goût et les lois, lorsqu'elle devient l'arme de la vengeance. ou de l'odieuse personnalité, lorsqu'elle prend le masque des furies, lorsqu'elle offre l'insulte à la place de l'instruction; le cinisme à la place du plaisir; le délire à la place de la

raison.

Prenez, pour éclairer les hommes, la lanterne de Diogène ; j'applaudis à votre philosophie; mais si vous armez vos mains du flambeau d'Erostrate, je l'éteins aussitôt, en détestant vos fureurs.

CHAPITRE XCII.

LES GRANDS HOMME S.

Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique
Où chacun fait des rôles différens.
Là, sur la scène, en habit dramatique,
Brillent prélats, ministres, conquérans.
Pour nous, vil peuple, assis au dernier rang,
Troupe futile et des grands rebutée,
Par nous d'en bas la pièce est écoutée :
Mais nous payons, utiles spectateurs,
Et quand la farce est mal représentée,
Pour notre argent, nous sifflons les acteurs.

J.-B. ROUSSEAU.

A CÔTÉ des caricatures, étoient suspendus et étalés les portraits de quelques grands hommes.

On l'a dit: Dans les salons, tel passe pour un aigle au bout de la table, que l'on traite d'oison à l'autre extrémité. On siffle dans une coterie ce qu'on applaudit dans l'autre : on brise le lendemain la statue érigée la veille. Ces remarques peuvent

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