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CHAPITRE LII.

IDALIE, TIVOLI, etc.

Le plaisir sied très-bien au sage.
Il ressemble aux vins délicats;
On peut s'en permettre l'usage:
Buvez, ne vous enivrez pas.

VOLTAIRE.

La volupté semble le génie du lieu. Elle les a touchés, en passant, de sa baguette. Ils respirent la langueur, les désirs. Toutes les passions se sont donné rendez-vous sous ces berceaux. Un art enchanteur les a dessinés, prolongés, suspendus, élevés; leurs détours sinueux, leurs contours ondoyans irritent la curiosité, invitent à la rêverie. Les tableaux du chantre des jardins se réalisent: de Lille lui-même y trouveroit de nouvelles couleurs, des scènes plus piquantes. « Tout ce que connoissance et l'amour de la belle nature peuvent exécuter pour charmer à-la-fois l'œil, l'imagination, et le cœur, avec du gazon, de la terre, de l'eau, des fleurs, avec toutes les ombres de la verdure, et les différens rayons de la lumière a été exécuté » (1).

(1) Dupaty.

la

Lisez la description que la voluptueuse antiquité a tracée des jardins d'Adonis, des fêtes de Babylone, des bocages mystérieux qui entouroient à Gnide le temple de cette déesse, et vous aurez une idée de ces fêtes.

D'espace en espace brillent, sous la feuillée, des cordons, des guirlandes, des pyramides, des colonnes, des vases, des aigrettes, des étoiles, des globes, des festons, des gerbes de lumière.

L'art a coloré les tubes qui récèlent ces feux. Ce bosquet paroît éclairé des teintes mélancoliques, pâles, safranées d'une aurore nébuleuse. Là, des rayons de pourpre et d'or retracent l'image d'un soleil du midi; plus loin, de vertes éméraudes pendent à chaque rameau. Cette clarté, vive et rose, semble s'échapper du flambeau de l'Amour, qui veille au fond des bosquets. Des glaces magiques, disposées avec intelligence, doublent, étendent, et prolongent les tableaux et l'enchantement. Tout-à-coup, au sortir d'une allée sombre, des portiques en feu développent leur noble architecture, la flamme a dessiné ces colonnes, ces chapiteaux, ce péristile, cette rotonde.

Entrons. Ici se prolongent les arcades d'un

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cloître gothique; là, s'étend une galerie superbe les plus riches ameublemens ont décoré l'intérieur de ces salons. Bientôt on y brûlera, à la manière des anciens, des essences précieuses; bientôt on y multipliera à-la-fois tous les prodiges de l'optique, de l'acoustique, de la mécanique. Le plancher s'élèvera ou s'abaissera sous vos pas; vous traverserez tout-à-coup un désert ou un élysée, des automates sortiront des lambris par des ressorts invisibles, et vous offriront des fruits ou vous enlaceront de noeuds de fleurs. Des voix aériennes, des chants magiques, des instrumens délicieux, la harpe, l'harmonica, feront planer dans le lointain une mélodie vague, et des échos artificiels prolongeront, ou affoibliront les ondulations molles, les vibrations voluptueuses de ces sons enchanteurs. Bientôt les plafonds représenteront, comme dans le palais de Néron, un ciel mobile éclairé par un autre soleil, où des astres de diamans figureront tous les mouvemens du monde planétaire. Le luxe n'a plus que ces derniers degrés à atteindre; il y touche; et bientôt tout ce que l'imagination des poëtes a créé sera réalisé par nos artistes Et pour quels dieux

ces temples s'élèvent-ils ? Pour une troupe de joueurs, dupes ou escrocs; d'oisifs imbécilles ou vaporeux; de courtisanes corrompues. Je ne vois là qu'un théâtre on des treteaux de débauche. Grondeur, revenons dans les jardins.

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Des arbres exotiques, les plantes les plus rares tous les contrastes, de forme de couleur, de position flattent et surprennent l'œil; des fleurs parfument les airs; des chaumières propices tels que les chalets des montagnes, sont distribuées dans l'espace; des nymphes, comme dans la forêt enchantée, semblent sortir de chaque arbre; ces groupes de charmantes promeneuses et d'élégans spectateurs, qui circulent, se croisent, se pressent, se regardent, se reconnoissent, ressemblent aux fantômes, aux ombres heureuses de l'élysée. Ce demi-jour que versent à travers la feuillée ces étoiles du bocage, les verres de couleur, ajoute à l'illusión et favorise ou multiplie les grâces. Les sons des cors, des hautbois et des bassons retentissent dans le silence de la nuit. Il est

troublé par les pas ou par les rires des danseuses, dont la lune éclaire les jeux. Toutà-coup une vaste détonation se fait entendre.

Mille fusées brillantes ont sillonné les airs, et traversent l'espace sous la forme d'étoiles et de dragons, les bombes enflammées versent sur vos têtes une pluie d'or ou de diamans. La flamme tombe en cascades, brille en soleils, s'épanche en nappes, roule en torrens, figure des chiffres, des vases, des hommes, des animaux, des temples, des palais. Ces feux sortent du sein des eaux, et se colorent de mille nuances en jaillissant dans les airs.

Toutes ces richesses de la féerie, tous ces plaisirs, toutes ces fêtes, ces prodiges du luxe et de l'art que le magnifique sophi de Perse ne pourroit créer au prix de ses trésors, on se les procure pour un écu.

Mais lorsque le silence a succédé à ce tumulte, lorsque la plupart de ces individus, en apparence si fortunés, sont rentrés sous leur toit solitaire,.ils ne retrouvent la que misère ou le trouble. C'est un grand mal que cette soif de jouissances (1), introduites

(1) La dissertation suivante de D. Bertrand, est sans doute un peu lourde, mais pleine de sens.

« Un plaisir fût-il en lui-même innocent et permis, peut devenir pernicieux et illicite par la manière d'en user, s'il est trop souvent réitéré; parce qu'il fait perdre un temps précieux; parce qu'il fait contracter une

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