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CHAPITRE LVIII.

SUITE DE L'HISTOIRE DU BACHELIER.

INTERRUPTION.

Ex fumo dare lucem.

HOR.

QUELQUES chefs de l'association diffèrent d'opinion. Les uns voudroient que dans les réformations successives, dont les gouvernemens seront frappés, on s'élevât sans systême de préparation, et sans observer les nuances, les altérations, l'ordre même, introduit par celui de ces sociétés, à la simplicité de l'ordre de la nature. Magnifique chimère! illusion sentimentale! Les autres, considérant les progrès de la corruption, toujours intimement liés à ceux de la civilisation, se contentent de jeter dans le présent les germes de l'avenir, d'atténuer le mal avant de songer au mieux, de s'élever par des réformes graduelles à la perfection du systême politique. Ils placent le succès dans deux opérations, dont la première est en pleine activité; 1o. l'établissement des

gouver

nemens démocratiques ou du moins représentatifs; 2°. l'instruction.

La première arrache l'homme à la tyrannie des rois et des prêtres, fonde la liberté; la seconde la conserve.

Jeune homme, vous connoissez nos principes. - Je les défendrai jusqu'à mon dernier soupir. Vous ignorerez long-temps les moyens de cette confédération sacrée : sachez seulement qu'ils sont immenses. Un nouveau pouvoir s'élève et brisera tous les autres. Ce pouvoir est celui de la raison.

Cette nuit verra finir votre esclavage!.... A votre tour vous détruirez celui de vos concitoyens. Gardez le plus profond silence sur tout ce qui vous sera révélé, et obéissez dorénavant à ce signe que vous montrera, dans les occasions importantes, la personne chargée de suivre vos pas, de nous en rendre compte et de vous transmettre les instructions; et il me montra un signe. Ne prenez aucun ombrage de l'obéissance que nous exigeons de vous; vous n'obéirez, par le fait, qu'à la voix de votre propre conscience, si vous savez l'écouter. Dès ce moment vous êtes sous

f'empire de la liberté. En disant ces mots, cet homme vénérable me pressa avec bien

veillance sur son sein: ses yeux brillèrent de la plus douce sérénité; son front me parut celui du génie; sa démarche celle d'une divinité supérieure. Je demeurai comme couvert de ses rayons; ma tête se remplit de longues rêveries, une flamme inconnue brûla mon cœur, toutes les puissances, toutes les facultés de mon être s'exaltèrent : je crus voir luire un nouveau jour, et vivre d'une autre vie.

Le sommeil s'appesantissoit sur les yeux du narrateur.... La nuit étoit aux deux tiers de son cours, le diable boiteux s'en apperçut: il transporta le bachelier dans son hôtel, après lui avoir promis de se trouver à son lever.

CHAPITRE LIX.

LES BUREAUX D'AGENCE.

COMME

QUOI ON FAIT FORTUNE EN VINGT

QUATRE HEURES.

Environné de grands ballots de vent,
Sa noble main les donne à tout venant.

VOLT.

IL fut exact au rendez-vous. Le bachelier s'habilloit au moment où le diable boiteux lui apparut: en attendant le déjeuné ils ouvrirent les croisées et se mirent à une fenêtre qui donnoit sur la place publique. Plusieurs enseignes frappèrent leurs yeux. - Ici on lisoit : écrivain-littérateur, copie les mémoires, etc.; là, dépôt odontalgique,... plus loin, académie de coiffure, perruques dans le dernier genre; et à chaque coin des restaurateurs-glaciers. Une enseigne, en lettres d'or sur un fond rouge, et surmontée d'un Mercure volant, attira l'attention du bachelier. Un homme dont la voix ressembloit à une trompette, disoit à tout venant: Oui, mes

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sieurs, on fait ici fortune en vingt-quatre heures.

Le charlatanisme, dit le diable boiteux, a passé des treteaux dans les sallons : il plaça lui-même cette phrase ou plutôt cette amorce sur la porte de ces bureaux, qui ont pour enseigne: Agence d'affaires.

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Comme une araignée tend ses filets dans un coin obscur, pour surprendre les mouches qui voltigent étourdiment, ainsi un ex-procureur, un huissier, un sergent, un avocat sans cause, un intendant réformé, quelquefois une espèce pire encore, s'établit, non pas dans les ténèbres, mais au centre des affaires : affiche sur tous les murs un honnête prospectus, paye les journaux pour l'annoncer, loue un appartement magnifique, s'entoure de commis, et propose des biens à vendre ou à acheter. En général, tenir un biribi ou ces bureaux, sont choses à-peu-près synonymes.

L'espérance et' la joie indiscrète, aux yeux troubles, à la démarche légère, conduit une foule d'idiots, de simples, d'avares, de fripons intéressés dans ces académies. Le prési dent a toujours l'air occupé sans rien faire : il est entouré de cartons vides, mais étiquetés avec soin quelques contrats, noircis à force

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