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ne laisse à nulle cause naturelle le tems de faire ses impressions, et où les forêts abattues, les marais desséchés, terre plus uniformement, quoique plus mal cultivée, ne laissent plus même au physique, la même différence de terre à terre, et de pays à pays.

Peut-être avec de semblables réflexions se presseroit-on mieux de tourner en ridicule Hérodote, Crésias, Pline, pour avoir représenté les habitans de divers pays, avec des traits originaux et des différences marquées que nous ne leur voyons plus. Il faudroit retrouver les mêmes hommes, pour reconnoître en eux les mêmes figures; il faudroit que rien ne les eût changés, pour qu'ils fussent restés les mêmes. Si nous pouvions considérer à-la-fois tous les hommes qui ont été, peut-on douter que nous les trouvassions plus variés de siecle à siecle, qu'on ne les trouve aujourd'hui de nation à nation?

En même tems que les observations deviennent plus difficiles, elles se font plus négligemment et plus mal; c'est une autre raison du peu de succès de nos recherches dans l'histoire naturelle du genre humain. L'instruction qu'on

retire des voyages se rapporte à l'objet qui les fait entreprendre. Quand cet objet est un systême de philosophie, le voyageur ne voit jamais que ce qu'il veut voir quand cet objet est l'inté rêt, il absorbe toute l'attention de ceux qui s'y livrent. Le commerce et les arts, qui mêlent et confondent les peuples, les empêchent aussi de s'étudier. Quand ils savent le profit qu'ils peuvent faire P'un avec l'autre, qu'ont-ils de plus à savoir ?

Pour parvenir à la connoissance des peuples, il faut commencer par tout observer dans le premier où l'on se trouve, assigner ensuite les différences à mesure que l'on parcourt les autres pays, comparer, par exemple, la France à chacun d'eux, comme on décrit l'olivier sur un saule, ou le palmier sur le sapin, et attendre à juger du premier peuple observé, qu'on ait observé tous les autres.

Les voyages ne conviennent qu'à trèspeu de gens: ils ne conviennent qu'aux hommes assez fermes sur eux-mêmes, pour écouter les leçons de l'erreur sans se laisser séduire, et pour voir l'exemple du vice sans se laisser entraîner. Les voyages poussent le naturel vers sa pen

te,

et achevent de rendre l'homme bon ou mauvais. Quiconque revient de courir le monde, est, à son retour, ce qu'il sera toute sa vie.

DANS

HOMME.

ANS l'état où sont désormais les choses, un Homme abandonné dès sa naissance à lui-même parmi les autres seroit le plus défiguré de tous. Les préjugés, l'autorité, la nécessité, l'exemple, toutes les institutions sociales dans lesquelles nous nous trouvons submergés étoufferoient en lui la nature, et ne mettroient rien à la place. Elle y seroit comme un arbrisseau que le hasard fait naître au milieu d'un chemin, et que les passions font bientôt périr en le heurtant de toutes parts, et le pliant dans tous les sens.

On façonne les plantes par là culture, et les Hommes par l'éducation. Si l'homme soit grand et fort, sa taille et sa force lui seroient inutiles, jusqu'à ce qu'il eût appris à s'en servir: elles lui seroient préjudiciables, en empêchant les autres de songer à l'assister, et aban

donné

donné à lui-même, il mourroit de misere avant d'avoir connu ses besoins. On se plaint de l'état de l'enfance; on ne voit pas que la race humaine eût péri, si l'Homme n'eût commencé par être enfant.

Supposons qu'un enfant eût à sa nais

du

sance la stature et la force d'un homme fait, qu'il sortît, pour ainsi dire, sein de e sa mere, comme Pallas du cerveau de Jupiter; cet homme enfant seroit un parfait imbécille, un automate, une statue immobile et presque insensible. Il ne verroit rien, il n'entendroit rien, il ne connoîtroit personne, il ne sauroit pas tourner les yeux vers ce qu'il auroit besoin de voir. Non-seulement il n'appercevroit aucun objet hors de lui, il n'en rapporteroit même aucun dans l'organe du sens qui le lui feroit appercevoir; les couleurs ne seroient point dans ses yeux, les sons ne seroient point dans ses oreilles, les corps qu'il toucheroit ne seroient point sur le sien, il ne sauroit pas même qu'il en a un le contact de ses mains seroit dans son cerveau; toutes ses sensations se réuniroient dans un seul point, il n'existeroit que dans le commun sensorium, il n'auroit qu'une seule idée, savoir celle du moi, à laquelle il rappor 11. Partie. с

teroit toutes ses sensations, et cet t idée, ou plutôt ce sentiment seroit la seule chose qu'il auroit de plus qu'un enfant ordinaire.

Le sort de l'homme est de souffrir dans tous les tems; le soin même de sa conservation est attaché à la peine. Heureux de ne connoître dans son enfance que des maux physiques! maux bien moins cruels, bien moins douloureux que les autres, et qui bien plus rarement qu'eux nous font renoncer à la vie. On ne se tue point pour les douleurs de la goutte, il n'y a gueres que celles de l'ame qui produisent le désespoir. Nous plaignons le sort de l'enfance, et c'est le nôtre qu'il faudroit plaindre. Nos plus grands maux nous viennent de nous.

Tant que les Hommes se contenterent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornerent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arrêts; à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs et leurs flêches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs, ou quelques grossiers instrumens de mu sique; en un mot, tant qu'ils ne s'appli

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