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IX.

ARGUMENT

DE LA SATIRE DE SULPICIA.

CETTE satire a été écrite à l'occasion de l'édit de Domitien, qui chassait de Rome les philosophes et qui proscrivait la philosophie elle-même. La noblesse des sentimens et des idées, la dignité de l'expression, les formes grandioses de la composition, tout ici répond à la gravité du sujet. L'auteur s'élève au ton de la plus haute poésie, et c'est avec la Muse de l'épopée qu'elle s'entretient des malheurs des lettres et des destinées de Rome.

SATIRA SULPICIE.

Musa, quibus numeris heroas et arma frequentas,

Fabellam permitte mihi detexere paucis.

Nam tibi secessi, tecum penetrale retractans
Consilium: quare nec carmine curro phaleuco,
Nec trimetro iambo, nec qui pede fractus eodem
Fortiter irasci didicit, duce Clazomenio.
Cætera quin etiam, quot denique millia lusi,
Primaque Romanas docui contendere Graiis,
Et salibus variare novis, constanter omitto :
Teque, quibus princeps et facundissima calles,
Aggredior; precibus descende clientis, et audi.
Dic mihi, Calliope, quidnam pater ille deorum
Cogitat? An terras et patria sæcula mutat;
Quasque dedit quondam, morientibus eripit artes;
Nosque jubet tacitos, et jam rationis egenos,
Non aliter, primo quam quum surreximus ævo,
Glandibus et puræ rursus procumbere lymphæ?
An reliquas terras conservat amicus, et urbes;
Sed genus ausonium, Remulique exturbat alumnos?
QUID reputemus enim? Duo sunt quibus extulit ingens

SATIRE DE SULPICIA.

MUSE, permets que je t'entretienne un moment sur

le mode qui te sert à chanter les héros et les batailles1. Oui, Muse de l'épopée, c'est à toi que je m'adresse ; c'est à toi que je confie mes sérieuses pensées. 2 Je quitte donc et le phaleuce à la marche légère 3, et les trimètres de l'iambique régulier 4, et les mesures brisées de cet autre iambique, dont le poète de Clazomène a fait l'arme de la colère 5. Je fais plus : tous ces essais poétiques où j'osai défier les Grecques et donner à nos Romaines l'exemple d'une satire nouvelle 6, j'y renonce avec courage pour être à toi, pour prendre tes accens souverains, ô la plus éloquente des neufs sœurs 7! Daigne m'entendre, et descends à ma prières

Que prépare-t-il, dis-moi, le père des Immortels 8? veut-il changer la face de la terre et la marche des siècles 9 ? veut-il retirer aux humains les arts dont il avait doté leur jeunesse 10, leur ôter avec le langage la raison qui les guide11, et les ramener au temps où ils se traînaient à plat ventre, cherchant le gland des bois et les sources d'eau claire 12? ou bien, continuant ses bienfaits et la civilisation au reste de la terre, frappe-t-il seulement la race italique et les descendans de Romulus 13?

Car enfin, à quoi Rome doit-elle sa grandeur? à la

Roma caput virtus belli, et sapientia pacis.
Sed virtus agitata domi, et socialibus armis,

In freta Sicaniæ, et Carthaginis exiit arces,

Cæteraque imperia, et totum simul abstulit orbem.
Deinde, velut stadio victor qui solus Achæo
Languet, et immota secum virtute fatiscit :
Sic itidem romana manus, contendere postquam
Destitit, et pacem longis frenavit habenis,
Ipsa domi leges, et graia inventa retractans,
Omnia bellorum terra quæsita marique
Præmia, consilio et molli ratione regebat.

Stabat in his, neque enim poterat constare sine ipsis,
Aut frustra uxori, mendaxque Diespiter olim,

Imperium sine fine dedi, dixisse probatur.

NUNC igitur qui res romanas imperat inter,

Non trabe, sed tergo prolapsus, et ingluvie albus,
Et studia, et sapiens hominum nomenque genusque
Omnia abire foras, atque Urbe excedere jussit.

Quid facimus? Graios, hominumque reliquimus urbes,
Ut romana foret magis his instructa magistris :
Nunc, Capitolino veluti turbante Camillo,

Ensibus et trutina Galli fugere relicta ;

Sic nostri palare senes dicuntur, et ipsi,
Ut ferale suos onus exstirpare libellos.

Ergo Numantinus, Libycusque erravit in isto

force des armes et aux arts de la paix 14. Ses armes, exercées pendant long-temps par les combats intérieurs et la guerre Sociale, elle les porta sur les mers de la Sicile et contre les remparts de Carthage, soumit les autres empires, et enfin toute la terre 15. Semblable alors à l'athlète vainqueur qui, resté seul sur l'arène, ne travaille plus qu'à se contenir lui-même 16; le peuple romaiu, n'ayant plus de rivaux à combattre, et ayant enchaîné au loin les nations sous les rênes de son gouvernement 17, se replie sur lui-même pour se policer, pour se donner les arts de la Grèce : alors tout ce qu'il avait conquis sur la terre et sur les eaux est régi par la sagesse et les douces lois de la raison 18. C'étaient là ses appuis; sans ces appuis, il n'aurait pu se maintenir 19, et Jupiter aurait menti dans ses promesses, quand il disait à son épouse: Leur empire ne finira plus 20.

Et voilà que celui qui gouverne aujourd'hui dans Rome, un tyran qu'ont vieilli les excès, et qui s'affaisse sous son propre poids 2, bannit tous les arts et ne veut plus, dans la capitale, rien du nom, ni de la race des sages 22. Quelle inconséquence! nous avions cessé d'aller chercher les lumières chez les Grecs 23 et dans les villes étrangères 24; nous voulions attirer par là leurs savans dans nos murs : et maintenant, les voilà, ces doctes personnages, proscrits et errans, obligés, pour sauver leur tête, d'anéantir eux-mêmes leurs ouvrages 25; ils fuient, comme autrefois les Barbares, à l'approche de Camille, s'échappaient du Capitole, abandonnant leurs armes et l'or dans la balance 26. Vous avez donc failli, en vous formant aux leçons du philo

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