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posées. Essayons de nous satisfaire sur les unes et sur es autres, et ne craignons point de nous arrêter trop longtemps à étudier un des monumens les plus curieux de la littérature romaine.

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DEUXIÈME PARTIE.

Critique littéraire du livre.

I. Langue de Perse. La première chose qui frappe en ouvrant le livre des satires, c'est cette langue qu'on ne retrouve la même dans aucun des ouvrages des Latins. D'où vient-elle à l'auteur?

L'ignorance et la médiocrité, qui, chez toutes les nations et dans tous les temps, font un abus si étrange des langues poétiques, ne soupçonnent guère après combien d'efforts elles se forment, et avec quelle discrétion il conviendrait de s'en servir. Le génie en trouve les premiers élémens dans le langage usuel d'un pays; l'imitation des idiomes étrangers les multiplie et les varie; l'imagination les combine de mille manières, les embellit et les élève; enfin, le goût les épure, les consacre et les conserve. Tout cela par degrés et à travers mille écueils.

I

Patrii sermonis egestas.

(Lucr., lib. 11, v. 261.)

Quum lingua Catonis et Enni

Sermonem patrium ditaverit.

(HORAT., Ars poet., v. 56.)

Chez nous, par exemple, voyez, avant Malherbe, que de tâtonnemens et d'essais pour former la diction poétique! voyez, après lui, que d'efforts et de soins pour la fortifier, pour l'étendre, pour la corriger, pour la maintenir 1! De même, chez les Latins, il a fallu bien des talens et du labeur pour élever insensiblement le langage à cette élégance noble et variée qui nous charme dans leurs meilleurs écrivains en vers. Ennius et Lucile, Plaute et Pacuvius ont fait leur tâche, amassant des matériaux immenses, mais souvent bruts et informes 2. C'est alors que le travail des grammairiens les met en ordre, et que le bon goût d'un Térence les polit et les repolit sans cesse 3. Vient ensuite Lucrèce, qui étend la diction poétique à des sujets nouveaux, et la contraint de le suivre dans l'exposition hardie de son système de la nature 4.

1. On fait aujourd'hui beaucoup de tentatives pour ouvrir à la poésie des routes nouvelles, et c'est la prétention de la plupart de nos auteurs de trouver une diction poétique nouvelle. Quelques-uns réussissent; ce sont ceux chez lesquels l'érudition, l'imagination et le bon goût se réunissent au plus haut degré.

2. On sait le mot de Virgile sur Ennius, et l'on se rappelle les vers d'Horace sur le style bourbeux de Lucile, Sat. 1, 4, 6-12. Puri sermonis amator.

3.

Dulcibus.... scriptis.

a dit de lui le grand César.

4. Le pas que Lucrèce fit faire à la poésie latine est immense. Elle n'avait peint avant lui que les mœurs, la société, la guerre et les héros; il l'appliqua aux sciences, à la philosophie. Son génie poétique n'a de supérieur que celui d'Homère lui-même. Le style de Virgile n'est si beau que parce qu'il se compose à la fois de la richesse et de l'abandon de celui de Lucrèce, de l'élé

Enfin, les beaux génies du siècle d'Auguste recueillent l'héritage de leurs illustres prédécesseurs, et portent la langue des vers à ce degré de perfection où il est si difficile qu'elle puisse se maintenir?

! Perse a écrit au moment où la décadence était imminente; et c'est à l'empêcher, à la retarder du moins, qu'il emploie ses efforts. Et d'abord, il recherche curieusement le langage de la toge1, comme il l'appelle, c'està-dire une latinité légitime et pure. De peur de s'en écarter, Virgile et Horace sont ses guides fidèles; c'est d'eux qu'il emprunte les locutions d'usage 2; c'est eux qu'il imite encore lorsqu'il en crée de nouvelles. S'il fait entrer dans la langue poétique les expressions de la langue vulgaire, ou des expressions nouvelles (et il le fait souvent), c'est avec toutes les précautions indiquées par l'auteur de la lettre aux Pisons, c'est par des alliances de

gance et de la pureté de celui de Térence. Il est incroyable combien il doit à Lucrèce de locutions poétiques, de mots, d'images.

I. Verba togæ sequeris.

(Sat. v, v. 14.)

2. Casaubon a pris la peine de faire le relevé de toutes les locutions que Perse doit à Horace; l'on pourrait de même en relever un bon nombre qu'il doit à Lucile, à Lucrèce, à Virgile. Il ne faut pas pour cela crier au plagiat: Perse, comme tous les bons écrivains, recueille le capital de la langue poétique amassé avant lui; il y ajoute, et défend avec soin qu'on le dissipe ou qu'on l'altère. Voyez, dans sa satire ire, l'apologie qu'il fait du style de l'Eneide, et la critique de ceux qui choisissent mal leurs modèles.

mots et de savans artifices de langage, dont ses maîtres ont donné le précepte et l'exemple à la fois. Seulement, dans le poète du stoïcisme, ces acquisitions nouvelles ont encore plus d'originalité et de verdeur que de finesse et de grâce 2; leur audace eût effrayé parfois la discrétion d'Horace3. Et cependant Perse se félicite de sa retenue 4: c'est qu'il en a en effet beaucoup, si on le compare aux écrivains sans goût de son époque, qui corrompaient la langue comme à l'envi l'un de l'autre 5.

Une autre source à laquelle Perse a puisé les élémens de sa diction, c'est la langue grecque. Suivant encore en cela le précepte d'Horace 6, et en abusant peut-être,

I. Dixeris egregiè, notum si callida verbum

Reddiderit junctura novum.

Difficile est proprie communia dicere.

Ce que Voltaire traduit par le style rend singulières les pensées les plus communes. La préface de Boileau est consacrée à démontrer ce principe; et César le regardait avec Cicéron comme le fondement de l'éloquence (Voyez de Clar. orat.)

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Et plus bas, même Satire, v. 19:

Non equidem hoc studeo, bullatis ut mihi nugis
Pagina turgescat dare pondus idonea fumo.

5. Voyez la critique qu'il en fait dans sa satire ire.

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Notre langue ne doit pas moins que la langue latine à la langue

il transporte dans sa latinité les mots, les tours, les idiotismes des Grecs. Il n'y a pas d'écrivains latins dont la phrase soit plus fréquemment hellénisée; et, pour le dire en passant, c'est une des causes de son obscurité. Plusieurs de ses locutions ne s'éclaircissent que par les locutions grecques d'où elles sont dérivées.

C'est de ce travail ingénieux sur l'idiome de son pays et sur l'idiome étranger, c'est de cette habile combinaison des termes vulgaires et des termes relevés, des phrases proverbiales et des locutions érudites, que Perse a fait sortir sa langue; langue extraordinaire, langue à la fois antique et neuve, familière et sublime, qui conserve beaucoup de l'élégance et du nombre des écrivains du siècle d'Auguste, mais qui annonce déjà, par son étrangeté, une autre génération littéraire.

II. Versification. La versification, ce complément nécessaire de la diction poétique, la versification dans Perse est très-soignée. Il a porté dans l'art de mesurer les vers, cette scrupuleuse rigueur que les stoïciens voulaient dans tout; et, s'il fallait assigner les rangs aux plus habiles dans ce genre chez les Latins, après Térence, Virgile et Horace on nommerait Stace et l'auteur des Satires. Ici encore, Perse a pris soin de conserver

grecque; les auteurs du seizième siècle, et ceux du commencement du dix-septième, sont pleins d'hellénismes et de locutions attiques. Voyez Traités d'Henri Etienne sur la Conformité du langage français avec le grec, et sur la Précellence du langage français. Depuis cent ans ce n'est guère que dans la langue des sciences qu'on emprunte du grec; leur nomenclature en est presque entièrement tirée, pas toujours d'une manière heureuse, d'après les véritables règles de l'analogie, de la logique et du goût.

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