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ses amis; cependant il avait mis dans l'exécution de ce livre autant de circonspection et d'adresse qu'il avait montré de générosité et d'audace dans la manière de le concevoir. L'ouvrage, au premier abord, ne présente que des réflexions générales qui ne paraissent point se rapporter à des noms propres ; il ressemble autant à une suite de thèses de philosophie qu'à une suite de tableaux satiriques, et certains critiques ne veulent pas

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voir autre chose. Mais lorsqu'on rapproche de cet ouvrage les mémoires de Tacite et de Suétone, lorsqu'on l'environne de toutes les lumières qui peuvent en éclairer le sens intime, alors, à côté des préceptes de morale et sous les formes symboliques du style, on découvre les vérités hardies que l'auteur avait à dire aux puissances, et, pour me servir d'une de ses expressions, la plaie que le vice cache sous l'or. Rien n'est oublié dans Perse, des sottises, des bassesses et des crimes de la famille impériale, ni la littérature de la table des princes et leurs jeux poétiques pendant la digestion 3, ni la paresse, la suffisance et les orgies dont

1. Cornutus fut envoyé en exil; Lucain, impliqué dans la conspiration de Pison, mourut dans les tortures; Sénèque et Thraséas furent obligés de s'ouvrir les veines; etc.

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gémissent les gouverneurs de leurs enfans', ni les prières sacrilèges d'Agrippine ou de son fils contre le beau-père et contre le pupille dont on serre de si près l'héritage, ni le charitable souhait d'enterrer sa femme2, ni les flatteries de Néron au peuple, ni ses courses nocturnes et ses infâmes débauches, ni la cruelle ciguë3, ni cette comédie d'un faux triomphe donnée par Caligula à l'empire 4. Tous ces faits, dont l'histoire a pu donner depuis les détails, ne sont présentés, il est vrai, dans le livre des Satires, que sous les formes de l'allusion, de l'ironie, sous ces formes ingénieuses du style, à l'aide desquelles on dit tout, en paraissant ne rien dire. Ce langage est obscur pour nous; mais les con

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temporains de Perse entendaient à demi-mot, sans notes ni commentaire.

Le tableau des mœurs du peuple n'est pas moins curieux dans Perse que celui des mœurs de la cour. On trouve, dans son livre, sur la manie du bel esprit et les prétentions littéraires chez les Romains 1, sur leurs dévotions intéressées et leurs pratiques superstitieuses 2, sur leur dédain stupide pour les sciences et leurs préventions contre la sagesse d'outre-mer 3, sur leur lésinerie et leurs profusions, sur leur âpre amour du gain 4, sur leurs rigueurs envers leurs esclaves et leurs marchés de chair humaine 5, des renseignemens que les historiens ne donnent point, tout occupés qu'ils sont des éternels détails de la politique et de la guerre. Perse lui-même n'en dit que quelques mots, mais qui semblent d'un homme supérieur aux préjugés de son pays et aux vices de son temps: la philosophie du Portique plaçait son sage au dessus des ténèbres et des faiblesses de l'esprit humain, dans une sphère idéale de vertus et de lumières.

1. Prologue et Sat. ire.

2. Sat. II.

3. Sat. 1, 127-134; 111, 77-89; v, 189-191, et passim.

4. Sat. 11, 52-70; 111, 73-76, 100-106; IV 25-32; v1; 19-24. 5. Sat. v, 132-139; v1, 75-80.

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Cette philosophie, avant que Perse s'en fît le chantre, avait déjà trouvé, parmi les écrivains romains, plusieurs interprètes; mais la plupart avaient rejeté une grande partie du dogme pour ne conserver que la morale, et encore l'avaient-ils modifiée par les restrictions de l'éclectisme. Perse, qui a écrit fort jeune, et qui ne se sépara jamais de son maître Cornutus, professa le stoïcisme à peu près dans toute sa pureté et son austérité primitives 2. Il en adopte les dogmes comme la morale, et, s'il n'en expose point tous les principes, il est certain qu'ils servent de fondement à ses préceptes et de règle à ses jugemens. Il est donc indispensable, pour disposer à la lecture de son livre, de rappeler quels étaient ces principes.

I. Méthode des stoïciens. Et d'abord, la Méthode des

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1. Voyez CICÉR., de Nat. Deor., lib. 1 et 11; de Finib. Bon. et Mal.; Academ. Quæst.; Tusculan. ; de Officiis. HORACE, Sat. I, 3, 113–142; II, 3; 11, 7, etc. SÉNÈQUE, Epist. ad Lu

cilium, et passim.

2. Nil tibi concessit ratio : digitum exere, peccas; Et quid tam parvum est? sed nullo thure litabis,

Hæreat in stultis brevis ut semuncia recti.

Hæc miscere nefas.

(Sat. v, v. 119-122.)

stoïciens est d'établir toute doctrine par la logique et de fonder la logique sur ce qu'ils appellent l'appercep tion cataleptique et l'assentiment spontané; ou, pour parler comme les modernes, sur la perception et le sens intime, deux choses que plusieurs de leurs auteurs, comme Perse, comprennent sous un seul mot, conscience. C'est la conscience qu'ils regardent comme la dernière raison de nos connaissances et le fondement de toute certitude. C'est à elle qu'ils en appellent toujours, comme à l'incorruptible témoin de la vérité, comme au juge souverain de toutes nos actions, de toutes nos pensées 1.

Les vérités constatées par la conscience, les stoïciens les réduisaient en dogmes ou axiómes 2. Tandis que d'autres écoles, et surtout celle d'Arcésilas, se proposaient des questions, celle de Zénon établissait des dogmes, des axiomes: rien ne caractérise mieux la tendance de cette secte vers l'absolu et l'unité. C'est sur ces axiomes ou vérités premières que le stoïcisme élevait ensuite tout l'édifice de ses raisonnemens.

A la théorie du Syllogisme, qu'ils avaient empruntée d'Aristote, les stoïciens grecs avaient ajouté plus d'une

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Tecum habita, et noris, quam sit tibi curta supellex.

(Sat. IV, v. 52; et alibi passim ac sæpius.)

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