Mais voulant de ses soins exiger le salaire, J'approuve son courroux; car, puisqu'il faut le dire, Pol! me occidistis, amici, Non servastis, ait, cui sic extorta voluptas, Et demtus per vim mentis gratissimus error. Ces exemples ne sont pas rares: Aristote, Galien, Élien, en rapportent plusieurs, qui ne diffèrent entre eux que par l'objet de la folie. * Desmarets, qui n'est pas toujours heureux en critiques, blâme ici la cacophonie, occasionée selon lui par le redoublement des ss. J. B. Rousseau, juge plus compétent, y trouve au contraire un mérite tout particulier. «Il faut remarquer, écrit-il à Brossette, «<le choix des syllabes au second hémistiche, qui font une image << du sifflement importun de la raison. Nous avons peu de vers dans « notre langue, qui expriment, comme celui-ci, la chose par le « son. » ( Lettres de ROUSSEAU, tom. II, pag. 183.) 3 Prédicateur célèbre de cette époque. Il étoit alors curé de Saint-Nicolas-des-Champs; il fut ensuite nommé à l'évêché de Saint-Pol-de-Léon, et bientôt après à celui d'Agen. On estimoit sur-tout ses Prônes, qui ont été souvent réimprimés. Veulent sur tous nos sens la rendre souveraine, Et s'en formant en terre une divinité, Pensent aller par elle à la félicité: C'est elle, disent-ils, qui nous montre à bien vivre. Ces discours, il est vrai, sont fort beaux dans un livre; Je les estime fort: mais je trouve en effet Que le plus fou souvent est le plus satisfait. SATIRE V*. AU MARQUIS DE DANGEAU. La noblesse, Dangeau, n'est pas une chimère, Un homme issu d'un sang fécond en demi-dieux * cour, Composée en 1665. Cette satire est une époque dans la vie de l'auteur: c'est par elle qu'il fut annoncé à la cour et à Louis XIV. Le marquis de Dangeau auquel elle est adressée, la lisoit manuscrite à quelques seigneurs, dans un salon où jouoit le roi, qui voulut savoir ce que c'étoit, et quitta le jeu pour se la faire lire. Il est assez remarquable que la fortune d'un poëte à la ait daté d'une satire sur, pour ne pas dire contre la noblesse, présentée par un courtisan en faveur. Au surplus, l'intention de l'auteur étoit d'abord d'adresser cette pièce au duc de La Rochefoucauld; mais trouvant que ce nom, qui devoit reparoître souvent, ne seroit pas d'un heureux effet en vers, il se détermina pour le marquis de Dangeau, le seul homme de la cour, avec M. de La Rochefoucauld, qu'il connût alors. Juvénal a traité le même sujet dans sa satire vIII. I Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, descendoit par sa mère du sage Duplessis-Mornay, et naquit en 1638. Il fut comblé de faveurs par Louis XIV, qui goûtoit singulièrement les charmes de son esprit, et avoit plus d'une fois éprouvé ses talents militaires et diplomatiques. Le marquis de Dangeau remplaça Scudéri à l'académie françoise, en 1668; et le marquis de L'Hôpital, en 1704, à l'académie des sciences. Il a laissé, manuscrits, de volumineux Mémoires, dont madame la comtesse de Genlis a publié, il y a quelques années, un Extrait en quatre volumes in-8°. Mais je ne puis souffrir qu'un fat, dont la mollesse Et me vante un honneur qui ne vient pas de lui'. 1 En effet, il n'y a que le fat qui s'en vante: l'honnête homme, le vrai noble, doit s'en souvenir sans cesse, et se parer même quelquefois de cet honneur héréditaire : c'est s'imposer en quelque sorte l'obligation de le soutenir. 2 Philippe Auguste, ayant été renversé de son cheval, à la bataille de Bovines, Déodat, ou Dieu-donné d'Estaing, contribua puissamment à tirer le roi du danger qu'il couroit, et sauva même son escu. Le brave chevalier demanda et obtint, pour prix de ce service, l'honneur d'ajouter une troisième fleur de lis aux deux que portoit déja l'écusson de la maison d'Estaing. Ce fut le roi Charles VI qui réduisit à trois les fleurs de lis, jusqu'alors sans nombre, dont se composoient les armes de France. Et que Dieu l'a pétri d'autre limon que moi. Dites-moi, grand héros, esprit rare et sublime2, S'est couvert mille fois d'une noble poussière4: I Ces quatre vers, dit Brossette, furent ajoutés par Boileau, dans la dernière édition qu'il prépara de ses œuvres, pour adoucir la transition un peu brusque du morceau, dites-moi, grand héros, etc., qui sembloit en effet s'adresser à Dangeau lui-même; ce qui étoit bien loin de la pensée de l'auteur. 2 Cette éloquente apostrophe est fidèlement traduite de Juvénal, qui s'élève ici à une rare beauté de diction: Dic mihi, Teucrorum proles, etc. Sat. VIII, v. 55 et suiv. 3 Voltaire, dans la satire intitulée le Pauvre Diable: Nous fesons cas d'un cheval vigoureux, Mais pour le singe, animal inutile, On l'abandonne aux laquais fainéants. 4 C'est rendre bien heureusement le primus in æquore pulvis, du poëte latin: mais la noble poussière n'appartient qu'au poëte françois. Racine a dit depuis: Quand pourrai-je, au travers d'une noble poussière, etc. |