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le souverain bien ou la souveraine vérité. Ici nous n'en sommes jamais séparés totalement. L'athée même participe aux vérités que la société conserve; protégé quelque temps par l'ordre même qu'il viole, il viɩ de la foi sociale et des biens qui en sont le fruit, comme un étranger s'assied en passant à la table de la famille. Mais, au moment du départ, il n'emporte que ce qui est à lui; et qu'a-t-il en propre que les ténèbres, avec je ne sais quelle faim dévorante d'un bonheur que rien de créé ne peut lui offrir? Vide de tout bien, et · ne pouvant aimer que le bien, il se hait, dès lors, d'une haine infinie; car l'amour du souverain bien implique la haine du souverain mal; et conçoit-on un mal plus grand que d'être à jamais privé de sa fin? Je dis à jamais; car comment l'homme rentreroit-il en société avec Dieu ? De lui-même il ne le peut pas, puisqu'il ne peut forcer Dieu de l'éclairer, de l'aimer, de s'unir à lui; et Dieu non plus ne le peut pas, parce qu'il ne peut aimer le mal, ni vouloir le désordre, ou sa propre destruction. Donc, aussi long-temps que Dieu sera Dieu, aussi long-temps qu'il s'aimera comme le principe de toute perfection et de tout ordre, il ne peut aimer un être mauvais, ni s'unir à lui; donc leur séparation, une fois consommée, est éternelle.

Tandis que nous vivons dans la société pré

sente, nous tenons encore à Dieu par elle; nous pouvons nous replacer dans nos vrais rapports avec lui; nous pouvons le connoître, l'aimer, obéir à l'ordre qu'il a établi; car en toute société humaine, même la plus imparfaite, il y a connoissance, amour ou crainte de la Divinité, et un ordre mɑral auquel l'homme est libre de se soumettre. Mais après cette vie, une autre vie commence dans une autre société ; société du bien, ou de vérité et d'a mour, si nous sommes demeurés volontairement unis à Dieu; société du mal, ou de ténèbres et de haine, si nous nous sommes séparés volontairement de Dieu; et tout changement dès lors est impossible, parce que l'homme ne peut plus ni aimer Dieu, ni s'aimer lui-même, ni par conséquent se repentir: il ne peut s'aimer, parce qu'il ne voit en lui aucun bien; il ne peut aimer Dieu, parce que Dieu le repoussant de toute sa justice, ne peut vouloir lui imprimer aucun mouvement vers lui. Bien plus, quand le souverain Etre, s'oubliant luimême, lui ouvriroit les portes de l'abîme où il s'est précipité, sa conscience l'arrêteroit sur le seuil il refuseroit une autre demeure; car', en celle qu'il a méritée, il est dans l'ordre, et l'ordre même dont nous souffrons est plus conforme à notre nature, il est pour nous une moindre souffrance que ne le seroit sa violation. Tel est, même ici

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bas, l'empire de la justice sur l'homme, que, pressé du remords, on l'a vu solliciter la punition comme une grâce : le supplice soulage quelquefois. Ainsi Dieu ne concourt au châtiment de l'homme coupable, qu'en le laissant là où il s'est placé et où il demeure volontairement.

Et qu'on ne se flatte pas que la longue durée du châtiment efface la faute. La punition ne rend pas plus l'innocence, que la mort, punition aussi des désordres corporels, ne rend la santé : et certes, si nous n'accusons pas Dieu, si nous ne nous étonnons pas en voyant cette punition terrible, immuable, de la violation, même involontaire, des lois physiques, je ne sais pourquoi nous nous étonnerions de ce qu'un semblable châtiment soit la suite de la violation volontaire des lois de l'intelligence.

Aussi presque toujours ne feint-on d'en douter que pour s'étourdir soi-même. L'idée d'une peine infinie consterne l'imagination. Cette idée néanmoins est si naturelle à l'homme, elle le remplit d'une si vive terreur, qu'il embrasse avec joie, pour s'y dérober, l'espoir d'un anéantissement éternel. Otez la crainte de l'enfer, cet effroyable amour du néant seroit inexplicable; car l'homme hait invinciblement sa destruction. Il ne pourroit songer sans horreur qu'il cessera d'être, s'il ne redoutoit d'être

à jamais misérable. La mort même n'est si affreuse que parce qu'elle est une image du néant. Nul doute que, si l'on proposoit aux hommes, au prix de longues souffrances dans l'autre vie, une félicité sans terme et sans mesure, ils ne l'acceptassent avec empressement à cette condition, de préférence au néant. Donc, quiconque désire le néant, craint l'enfer.

Je crois avoir prouvé qu'il existe une religion véritable, ou des rapports nécessaires entre Dieu et l'homme; que ces rapports étant invariables comme la nature de l'homme et celle de Dieu, il n'existe qu'une seule vraie religion; et enfin qu'il n'y a de salut, ou de bonheur et de vie, que dans son sein, puisque aucun être ne peut vivre qu'en se conformant aux lois qui dérivent de sa

nature.

Ces conséquences se déduisent si évidemment de l'existence simultanée de Dieu et de l'homme que je ne pense pas qu'on les conteste. Mais quand on les nieroit, il m'importeroit peu, et voici ma réponse à ceux que le raisonnement n'aura pas convaincus : Mon dessein n'est pas de disputer; je ne viens point m'engager avec vous dans des controverses interminables. Ce n'est ni votre raison, ni la mienne qui doit décider ces grandes questions, mais la raison générale. Reconnoissez son

autorité, ou abjurez votre propre raison, car elle n'a pas d'autre fondement. Ne dites point, Je ne comprends pas : il suffit que tous les peuples aient compris, il suffit qu'ils aient cru. Ne dites point, Cela répugne à mon jugement: qu'est-ce que votre jugement, et de quel droit osez-vous l'alléguer? De qui avez-vous reçu l'intelligence, sinon de la société? Elle vous a donné la parole, elle vous a donné la pensée, et avec cette pensée d'emprunt, yous prétendriez réformer les siennes! Ne voyezyous pas que, sur aucun point, vous n'êtes assuré de la vérité que par son témoignage? Croyez-la done, ou ne croyez rien. Croyez tous les peuples, lors-qu'ils attestent qu'entre l'homme et son auteur, il existe des rapports naturels immuables, ou renoncez à toute certitude. Si, une seule fois, vous vous élevez contre l'autorité du genre humain, à l'instant, comme je l'ai fait voir, vous perdez le droit de rien affirmer; et l'acte par lequel un esprit créé se constitue roi de ses pensées, n'est qu'une effrayante abdication de la vie.

Or, quel est le peuple qui n'ait pas cru à l'existence d'une vraie religion, qui n'ait pas repoussé comme-fausses toutes les religions contraires à la şienne, et regardé comme un crime la violation des devoirs qu'elle impose? Qu'on nous montre ce peuple étonnant, sans Dieu, sans foi, sans culte.

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